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par Les Masques de N?h » 10 juin 2004, 09:04
[Shosuro Ukiko & Shosuro Kagero]
Kagero se tourna vers le serviteur envoyé par la famille Doji :
- Nous n'aurons pas besoin de lads pour l'instant, les chevaux font partie du spectacle.
D'un geste bref il donne le signal à sa troupe et les six chevaux noirs jais s'élancent entrant dans la cour : 5 cavaliers noirs, un autre habillé de blanc, tous capes au vent à la lueur des torches. Une ronde infernale s’entame sous le regard médusé des invités. Puis, deux cavaliers se détachent du groupe et dans un élan mettent pied à terre.
Les capes tombent et d’un geste sec les kimonos arrachés volent, inversant la donne : elle, vêtue de noir, la nuit, lui : vêtu de blanc, la lumière.
Haoran, le conteur au masque grimaçant s'avançe et entame la légende.
Les invités sont captivés, les deux cavaliers combattant à présent. Même les yeux plissés, ils ne peuvent être différencié : masques et visages identiques, même taille et démarche, même frappe.
Les autres cavaliers s'alignent alors formant leur garde, quatre visages aux masques grimaçant sur leurs chevaux noirs, des tambours sont accrochés à leur selle. Otant leurs gants, ils les frappent en cadence au rythme du combat. Leur écho résonne et s’éleve.
Haoran déclame de sa voix grave :
« Lui l'amour, elle la haine. Les lames s'entrechoquent et ricochent, des étincelles inondant la nuit. Il donne la vie, elle la détruit. Il la combat de toute ses forces, de toute son âme. Elle ne gagnera pas. Il la repousse et la presse. Le rythme s'accélère, ses frappes l'épuisent et elle plie. Sous ses coups, sous sa lame, inutile d'user de ses charmes, il ne cèdera pas. Il frappe et frappe encore… »
Alors que les cœurs des 4 cavaliers se joignent au récit de Haoran, la voie cristalline d’Ukiko s’élève comme pour les combattre tous à la fois. Une complainte ou mélopée, celle de ses gestes et de son combat. Tous deux se déplacent avec grâce, Ils combattent, frappent et enchaînent les coups dans la cadence des tambours . Leur ballet enchante l’assemblée. Des murmures s'élèvent dans les jardins et sur l’estrade principale. Doji Shizue, un regard à Asano, a un sourire complice, celui d'instant si particulier pour l’œil exercé.
Alors que blanc et noir se pourchassent dans un ballet épique, Haoran repend, commentant les gestes des acteurs.
« Il avance comme en transe et soudain sa lame entre dans son coeur. Un cri s'élève et la foule est prise d'émoi. Elle s'écroule, il s'avance. Genoux au sol il accompagne son dernier souffle, sa mort. Il lui pardonne et pleure sur ce corps, celui de celle qui fut sa sœur. »
Le conteur égrène un dernier chapelet :
« Bien et mal toujours liés,
L'un conquérant l'autre perdant.
A tour de rôle le monde se crée ou se défait,
Au gré du caprice allant.
Celui des Kami.
Du néant à l'infini. »
Certains invités restèrent figés devant tant de beauté : feu d'artifice et combat, tous deux magnifiquement orchestrés. L'un ne remplaçant point l'autre mais au contraire le mettant en valeur.
Ukiko reste allongée une minute laissant planer le tragique théâtral, Kagero penché sur elle. Dans ses yeux, elle lit l’amour et le respect. Ses lèvres bougent, il lui sourit et murmure :
- Tu as été magnifique, ils vont t’acclamer
Elle répond à son murmure
- Toi aussi tu as été parfait
Il la relève enfin. Des invités applaudissent, conquit. Shosuro Ukiko et Shosuro Kagero s'avancent alors suivis des cinq Nôh, le conteur rejoignant les chœurs, et se placent devant leur hôtesse au pied de l’estrade.
- Doji Shizue sama, Shosuro Kagero, votre serviteur pour vous distraire et ma sœur Shosuro Ukiko chan
Ukiko fait une profonde révérence devant l’estrade baissant les yeux en signe d’humilité alors que Kagero reprend
- Et nos Masques de Nôh
Les cinq hommes s’agenouillent dans un ensemble parfait et devant Shizue mettent front à terre…
Tout le monde se cache derrière un masque, nous avons simplement la franchise d'arborer le notre...
Shosuro Ukiko, Shosuro Kagero, Artistes itinérants.