La nuit a été très courte. Trop.
Je me suis réveillée avant midi et pourtant je m’étais assoupie après l'aube. J’ai prévenu Panko en rentrant alors j’espère qu’elle a fait ce qu’il fallait.
Je fais glisser le shoji de ma chambre et l’air frisquet s’engouffre dans la pièce depuis le jardin.
Qu’ai-je fait ?
Je soupire, laissant échapper de mon corps et mon esprit toute tension inutile.
C’est une situation qu’il va falloir arranger à n’en point douter. Je crains sinon de ne causer du tort à mon frère… J'ai pris ma décision de toute façon.
Je prends une grande inspiration et souffle à nouveau. Lentement. Du sommet de mon crâne, effleurant mes tempes, dans le creux de ma nuque, sur mes épaules, le long de mes bras… Je laisse la pression couler doucement, les yeux fermés. Lorsque le petit rituel s’achève les mots de sensei Katashi me reviennent Le sage est calme et serein. L’homme de peu est toujours accablé de soucis. Les rayons de Dame Amaterasu frappent mes paupières closes et je sais que je dois me dépêcher. Je suis sûre que Seppen dort peu, je dois être prête.
[…]
J’ai passé un kimono assez léger, peu ostentatoire, presque formel. Elle sera ma belle-sœur, mais pour le moment je suis sous son autorité. J’aimerais tellement que nos relations soient au beau fixe. Je sais qu’il y a des antécédents pourrait-on dire, mais après tout pourquoi m’en voudrait-elle de marier l’homme qu’elle a rejeté. Peut-être est-elle simplement un peu distante, voire timide, plutôt que froide ? Je vois bien les regards qu’elle jette à Ueno et je dois dire que cela m’agace. Je connais pourtant tout le mal qu’à mon frère à se faire bien voir. Lui si gentil…
Je laisse mes yeux flâner sur la table. Panko s’est surpassée. Sachant que nous recevions une shugenja, future épouse de Ueno et chargé d’une enquête officielle, elle a mis les petits plats dans les grands. Le thé choisi embaume déjà alors même qu’il n’est pas infusé, c’est un thé fumé à l’odeur salée. Il faut bien dire ce qui est, me dis-je en regardant la multitude de petites boites sur la table, c’est un petit-déjeuner kaiseki. Je souris. Panko est parfaite. Je la connais depuis l’enfance, je sais qu’elle ne nous abandonnerait jamais. Encore moins dans les moments difficiles.
A côté de cet étalage presque indécent de nourriture, si près de moi que je pourrais y poser mon bras, il y a un gros coffre d’acajou. C’est un bel objet, énorme, tout décoré de peintures florales sombres. Je sais pertinemment ce qu’il y a dedans. Je pourrais être angoissée, mais je ne le suis pas. Aime la vérité et pardonne l’erreur a dit Shinsei.