Ce soir Asahina Masanari ne se joindrait pas au diner, il avait beaucoup à faire. On le conduisit à ses appartements en toute discrétion avec sa jeune servante. Des serviteurs furent dépêchés pour porter ses affaires. Au nombre de 8 huit, ils se regardèrent tout étonnés quand dans le char, ils ne trouvèrent que trois coffres de taille moyenne. Ils fouillèrent, regardèrent mais ne trouvèrent rien d’autre. Voilà bien un homme étrange, tout un hiver ici et là où certains arrivaient difficilement à contenir leurs affaires dans une vingtaine de coffres, voilà que cet homme n’en avait pas plus de trois pour lui et sa servante.
Ils les portèrent dans les appartements et s’inclinèrent front au sol puis sortirent peu rassurés.
Ka avait installé son maître occupé à examiner les plans du kyuden à une large table basse, elle s’était assuré qu’il ne s’abime pas les yeux en l’éclairant suffisamment. Elle ouvrit les coffres qu’elle avait fait poser dans un ordre précis et amena un petit coffret en bois de paulownia qu’elle ouvrit à sa droite avec son nécessaire d’écriture. Dans un frôlement de soie, elle disparût et revînt avec une petite flasque d’eau. Elle remplit juste la quantité nécessaire pour humecter sa pierre à encre et plaça le tout à distance parfaite pour sa main puis retourna au coffre, revînt et à sa gauche plaça un autre coffret qu’elle n’ouvrit pas. Elle manda un thé blanc, « les aiguilles d’argent », ça l’aidait à se concentrer puis commença à ranger ses effets dans un silence respectueux mais efficace, évitant même le frôlement de ses robes en ajustant le tissu sous son obi.
Le thé arriva et elle servit personnellement son maître, posa la tasse loin de ses papiers mais à porté de sa main puis continua ses préparatifs, rangeant ses kimonos, ses obi, elle ne toucha à rien dans la chambre de toute manière, le mobilier n’allait pas garder cette place
La lettre de Doji no Satsume était posée sur les plans, Masanari les yeux posés sur celle-ci fit glisser le premier feuillet et détailla la liste des invités. Son sourcil s’arqua au second nom. C’était là une étonnante chose. Il se remémora la position des étoiles, les rapporta aux portes de Kyuden et ne sût que trop penser du résultat.
- Ka, une petite énigme pour toi murmura-t-il
« Se présente à la porte de l’Oiseau Vermillon, la grande escorte mais à l’Auguste Porte de la Cour, personne »
Il lui laissa l'instant de réflexion puis demanda :
- Et bien ?
La jeune femme le regarda
- Soit c’est le désordre Maître, soit les valeurs se perdent.
Il se mit à rire.
- Sa Majesté aimerait tes interprétations, Ka
- Sa Majesté m’a déjà fait l’honneur d’une partie de trictrac, on ne peut raisonnablement pas en demander plus dans la toute petite vie d’une servante.
- Mon petit moustique, première règle : Ne jamais croire que les choses sont immuables ou réduites à leur plus simple expression, ce serait une grossière erreur.
Il sourit et se replongea dans son étude des plans, il était loin d'avoir fini.