Publié : 13 nov. 2007, 12:01
Lorsque j'ai vu ce film, j'avais dix ans et contrairement à ce que l'on aurait pu croire, je n'ai pas vraiment été surpris ou désarçonné. Il me semblait au contraire, dans la mesure de ma complexité de raisonnement à l'époque, d'une simplicité évidente : le monolithe influence la destinée humaine et a un moment, un homme se retrouve transformé en autre chose, qui rappelle vaguement un bébé mais est bien plus.
J'aurais été plus agé, j'aurais certainement été plus géné parce que par ailleurs j'aurais vu des symbôles dans d'autres aspects du film qui m'ont échappé à l'époque ou que j'aurais relevé des détails qui auraient perturbé ma lecture. Mais quand je l'ai vu, j'en ai eu une lecture assez linéaire et si la chute a troublé pas mal de monde qui par ailleurs a relevé un certain nombre d'autres choses, moi c'était plutôt l'inverse. J'ai trouvé que l'histoire se tenait et qu'elle était ramenée à l'essentiel de mon point de vue à l'époque.
Personnellement, j'ai toujours été bien plus désarçonné par les cogitations diverses à propos des films que par les films eux-mêmes. Je sais qu'un certain nombre de réalisateurs jouent à la fois sur des symbôles visuels, psychanalytiques et métaphysiques pour faire passer un certain nombre de messages soit en plus de ceux évidents, soit à contrepied, voire afin de générer des ambiguités ou de proposer à chacun de se raccrocher à ce qui lui plaira le plus lorsqu'il songera à ce qui pourrait se passer après la fin du film.
Maintenant, il y a plusieurs manières (pas forcément antagonistes accessoirement) en tant que spectateur de "participer" à un film :
- on peut s'identifier à un ou plusieurs protagonistes
- on peut s'identifier à une ou plusieurs problématiques
- on peut apprécier la réalisation sur le plan technique
- on peut apprécier la réalisation sur le plan esthétique
- on peut s'amuser à décrypter les faux semblants voulus par le réalisateur
- on peut aussi s'amuser à chercher les incohérences de scénario ou les erreurs techniques qui tuent
Et bien d'autres choses encore, à commencer par le jeu des acteurs et leur direction tiens.
Je n'ai jamais eu à l'idée de considérer 2001 comme un chef d'œuvre et sur un plan technique en matière de cinoche, je suis une brêle. Et pour la petite histoire, a dix ans je l'avais trouvé plutôt long en effet mais sans doute moins que je ne le trouverais maintenant, parce que j'ai dans l'intervalle été habitué à un visionnage de type "emballé/pesé/zapping" que je n'avais pas à l'époque.
Mais ce film a pour ma petite personne le mérite de poser quelques jalons dans l'univers de la science-fiction qui l'ont enrichie :
- remettre sur de bons rails le syndrôme de Frankenstein, c'est-à-dire lorsque la créature se retourne contre son créateur par la faute de celui-ci. Et j'ai trouvé particulièrement poignante la "mort" de Hal, lorsque Bowman le décérèbre par morceaux jusqu'à le ramener au stade d'enfant désarmé puis de simple processeur attendant sa première leçon. La notion moderne d'intelligence artificielle et toute la fantasmatique autour des machines pensantes tourne autour de ça. Parce que là, on a une machine qui n'a rien de morphologiquement humain ni même humanoide (contrairement au corps composite du Dr Frankenstein, aux robots d'Asimov ou aux réplicants de Dick) mais qui fonctionne selon des paradigmes très proches de ceux de ses créateurs. Lorsque je vois comment par exemple Herbert Junior traite dans les prélogies de Dune l'intelligence artificielle, je trouve que depuis 2001 et Blade Runner, on a beaucoup reculé dans ce domaine pour en revenir à de la connerie caricaturale…
- remettre sur le tapis la question de l'évolution humaine sans apporter de réponse. Dans la novellisation du film (aux éditions J'ai Lu), on nous dit clairement que les concepteurs du monolithe sont des aliens qui ensemencent l'intelligence à travers l'univers mais rien de cela n'est dit dans le film lui-même. Ca pourrait être eux comme Dieu ou ce que vous voulez, le monolithe n'est qu'un moyen, un symbôle d'une volonté qui dépasse l'homme et qui n'a pas forcément grand-chose à voir avec ses propres paramètres moraux ou ses croyances (= un des premiers enseignements du monolithe, c'est d'inciter un primate à utiliser un os comme arme pour en tuer un autre… on peut voir ça comme un fond pessimiste sur la nature humaine ou au contraire se dire que l'homme a du mérite à parvenir à transcender parfois cela malgré sa "programmation"…). Ca dépote pas mal dans l'amérique de 1968 si obsédée par ses accomplissements technoliques et son In God We Trust. Trente ans plus tard, ça n'est pas moins vrai j'ai l'impression… 2001, ça montre pas mal de choses sur les illusions de grandeur de l'homo sapiens technicus americanis (ou un truc du genre j'ai pas fait latin) en particulier et les humains en général face à un univers qui se fiche pas mal de nous individuellement et même collectivement en réalité. Fallait quand même oser le faire à l'époque.
Maintenant, entres nous soit dit, je ne me suis pas spécialement intéressé à Kubrick en tant que personne. J'ai trouvé que par rapport à leur époque, ses rares films que j'ai vu avaient un côté mordant et provocateur qui ciblait visiblement la morale anglosaxonne et les illusions du mythe du rêve américain jusque dans ses délires de "libération" (Apocalypse Now) ou son hypocrisie morale (Dr Strangelove). J'ai pas spécialement suivi l'homme dans son parcours ni vu la majeure partie de son œuvre donc je serais bien le dernier a pouvoir me prononcer sur lui. Je ne vais donc pas le porter aux nues ou lui trouver des qualités dont j'ignore s'il les possédait.
Ce que je livre là, ça n'est pas un avis de critique, pas non plus celui de quelqu'un qui a voulu faire dans l'intellectualisation à outrance et se mater dix fois le même film afin d'en décrypter (ou d'en fantasmer ?) toutes les nuances. 2001 ne sera pas forcément pour moi un "bon" film ou même un "film culte" mais avec Alien et Starwars, il a largement participé à une partie de ma sensibilité et de mon attrait pour la SF. Ca restera pour moi un film marquant de manière positive, quelque chose qui a apporté au gosse que j'étais des briques de plus dans la construction de son imaginaire et un film sans lequel pas mal d'auteurs ou de réalisateurs postérieurs à sa sortie seraient certainement restés sur le carreau.
J'aurais été plus agé, j'aurais certainement été plus géné parce que par ailleurs j'aurais vu des symbôles dans d'autres aspects du film qui m'ont échappé à l'époque ou que j'aurais relevé des détails qui auraient perturbé ma lecture. Mais quand je l'ai vu, j'en ai eu une lecture assez linéaire et si la chute a troublé pas mal de monde qui par ailleurs a relevé un certain nombre d'autres choses, moi c'était plutôt l'inverse. J'ai trouvé que l'histoire se tenait et qu'elle était ramenée à l'essentiel de mon point de vue à l'époque.
Personnellement, j'ai toujours été bien plus désarçonné par les cogitations diverses à propos des films que par les films eux-mêmes. Je sais qu'un certain nombre de réalisateurs jouent à la fois sur des symbôles visuels, psychanalytiques et métaphysiques pour faire passer un certain nombre de messages soit en plus de ceux évidents, soit à contrepied, voire afin de générer des ambiguités ou de proposer à chacun de se raccrocher à ce qui lui plaira le plus lorsqu'il songera à ce qui pourrait se passer après la fin du film.
Maintenant, il y a plusieurs manières (pas forcément antagonistes accessoirement) en tant que spectateur de "participer" à un film :
- on peut s'identifier à un ou plusieurs protagonistes
- on peut s'identifier à une ou plusieurs problématiques
- on peut apprécier la réalisation sur le plan technique
- on peut apprécier la réalisation sur le plan esthétique
- on peut s'amuser à décrypter les faux semblants voulus par le réalisateur
- on peut aussi s'amuser à chercher les incohérences de scénario ou les erreurs techniques qui tuent
Et bien d'autres choses encore, à commencer par le jeu des acteurs et leur direction tiens.
Je n'ai jamais eu à l'idée de considérer 2001 comme un chef d'œuvre et sur un plan technique en matière de cinoche, je suis une brêle. Et pour la petite histoire, a dix ans je l'avais trouvé plutôt long en effet mais sans doute moins que je ne le trouverais maintenant, parce que j'ai dans l'intervalle été habitué à un visionnage de type "emballé/pesé/zapping" que je n'avais pas à l'époque.
Mais ce film a pour ma petite personne le mérite de poser quelques jalons dans l'univers de la science-fiction qui l'ont enrichie :
- remettre sur de bons rails le syndrôme de Frankenstein, c'est-à-dire lorsque la créature se retourne contre son créateur par la faute de celui-ci. Et j'ai trouvé particulièrement poignante la "mort" de Hal, lorsque Bowman le décérèbre par morceaux jusqu'à le ramener au stade d'enfant désarmé puis de simple processeur attendant sa première leçon. La notion moderne d'intelligence artificielle et toute la fantasmatique autour des machines pensantes tourne autour de ça. Parce que là, on a une machine qui n'a rien de morphologiquement humain ni même humanoide (contrairement au corps composite du Dr Frankenstein, aux robots d'Asimov ou aux réplicants de Dick) mais qui fonctionne selon des paradigmes très proches de ceux de ses créateurs. Lorsque je vois comment par exemple Herbert Junior traite dans les prélogies de Dune l'intelligence artificielle, je trouve que depuis 2001 et Blade Runner, on a beaucoup reculé dans ce domaine pour en revenir à de la connerie caricaturale…
- remettre sur le tapis la question de l'évolution humaine sans apporter de réponse. Dans la novellisation du film (aux éditions J'ai Lu), on nous dit clairement que les concepteurs du monolithe sont des aliens qui ensemencent l'intelligence à travers l'univers mais rien de cela n'est dit dans le film lui-même. Ca pourrait être eux comme Dieu ou ce que vous voulez, le monolithe n'est qu'un moyen, un symbôle d'une volonté qui dépasse l'homme et qui n'a pas forcément grand-chose à voir avec ses propres paramètres moraux ou ses croyances (= un des premiers enseignements du monolithe, c'est d'inciter un primate à utiliser un os comme arme pour en tuer un autre… on peut voir ça comme un fond pessimiste sur la nature humaine ou au contraire se dire que l'homme a du mérite à parvenir à transcender parfois cela malgré sa "programmation"…). Ca dépote pas mal dans l'amérique de 1968 si obsédée par ses accomplissements technoliques et son In God We Trust. Trente ans plus tard, ça n'est pas moins vrai j'ai l'impression… 2001, ça montre pas mal de choses sur les illusions de grandeur de l'homo sapiens technicus americanis (ou un truc du genre j'ai pas fait latin) en particulier et les humains en général face à un univers qui se fiche pas mal de nous individuellement et même collectivement en réalité. Fallait quand même oser le faire à l'époque.
Maintenant, entres nous soit dit, je ne me suis pas spécialement intéressé à Kubrick en tant que personne. J'ai trouvé que par rapport à leur époque, ses rares films que j'ai vu avaient un côté mordant et provocateur qui ciblait visiblement la morale anglosaxonne et les illusions du mythe du rêve américain jusque dans ses délires de "libération" (Apocalypse Now) ou son hypocrisie morale (Dr Strangelove). J'ai pas spécialement suivi l'homme dans son parcours ni vu la majeure partie de son œuvre donc je serais bien le dernier a pouvoir me prononcer sur lui. Je ne vais donc pas le porter aux nues ou lui trouver des qualités dont j'ignore s'il les possédait.
Ce que je livre là, ça n'est pas un avis de critique, pas non plus celui de quelqu'un qui a voulu faire dans l'intellectualisation à outrance et se mater dix fois le même film afin d'en décrypter (ou d'en fantasmer ?) toutes les nuances. 2001 ne sera pas forcément pour moi un "bon" film ou même un "film culte" mais avec Alien et Starwars, il a largement participé à une partie de ma sensibilité et de mon attrait pour la SF. Ca restera pour moi un film marquant de manière positive, quelque chose qui a apporté au gosse que j'étais des briques de plus dans la construction de son imaginaire et un film sans lequel pas mal d'auteurs ou de réalisateurs postérieurs à sa sortie seraient certainement restés sur le carreau.