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Publié : 26 mai 2009, 07:46
par Soshi Yabu
Gap, j'aimerai te lancer une question un poil provoc, mais à l'intéressement pas du tout feint.

Qu'est-ce qu'un homme de gauche tel que moi, peux apprécier en Suisse, en dehors du Chocolat et des montagnes? Au delà de cette petite provoc, si je te demande ça, c'est que bien qu'ayant des origines suisse (un arrière-grand-père), je n'ai que des clichés ponctuels de la Suisse, qui me font considérer ce pays comme un pays d'horribles droitiers voir d'horribles partisans de l'extrême droite qui se cachent. Genre neutralité à tout prix, refus des étrangers, etc....
Pourrais-tu m'aider à avoir un regard différent sur ce pays?

Merci d'avance.

Publié : 26 mai 2009, 07:50
par Gap
Kakita Inigin a écrit :Gap-kun, lorsqu'en septembre 2006 une loi est passée en Suisse limitant les pays dont les ressortissants ont le droit de faire une demande de visa (aux seuls pays européens, mais détail), une association a lancé deux référendums (dans deux cantons donc) pour la faire annuler. Elle a perdu ces référendums.
Bon, tu dis n'importe quoi, donc je me permets de corriger.

1) Un ressortissant de n'importe quel pays peut faire une demande de visa, et pour un visa de touriste, ça sera habituellement accepté (comme ailleurs).

Pour une demande de permis de travail (qui n'est pas un visa), la Suisse applique une politique à trois niveaux : les ressortissants de l'UE obtiennent automatiquement leur permis (accord bilatéraux / libre circulation), ceux du deuxième cercle (USA, Japon, Canada, je crois) ont plus de mal, et ceux du troisième en chient grave à moins d'avoir des qualifications particulières (lire : informaticiens indiens). Mais là encore, ce n'est pas impossible.

Ce qui était vraiment scandaleux dans la loi 2006, c'est la révision du droit d'asile (disons qu'il faut remplacer le mot "droit" par "éventualité accidentelle").

2) Un referendum concernant une loi fédérale se lance au niveau fédéral et nécessite 50'000 signatures de citoyens suisses, quel que soit leur lieu d'habitation. Les cantons n'ont rien à voir là-dedans.

En l'occurence, le referendum a effectivement eu lieu, et 70% de la population a voté en faveur de la loi. Comme quoi la Suisse est un pays xénophobe, mais on le savait déjà (l'UE, pour certains d'entre eux, c'est déjà le tiers-monde).

Par contre, je pense que la loi qui vient d'être votée est plus susceptible d'obtenir un score équilibré, voire d'être refusée, parce qu'elle porte atteinte non seulement aux droits des "sales étrangers du dehors point de chez nous", mais également à ceux des suisses qui souhaitent épouser lesdits étrangers.

Publié : 26 mai 2009, 08:06
par Kõjiro
Boarf, de toutes manières tous les pays européens ou presque sont lancés dans un concours de quequettes pour savoir qui sera le plus restrictif, bourrin, "instrumentaliseur" en matière d'immigration. Chaque jour apporte sa pierre à la construction d'un mur fantasmagorique à destinations de nos concitoyens bruns ou rendus paranoïaques par la susmentionnée instrumentalisation.

Publié : 26 mai 2009, 08:21
par Kakita Inigin
Merci pour ces précisions (je savais bien que j'avais des lacunes en droit constit hélvétique ;) ).
Mais il y a bien eu deux référendums, non ?

Publié : 26 mai 2009, 08:24
par Ding On
Gap a écrit :Dans la série "la Suisse est un beau pays", on notera que l'assemblée fédérale vient de voter une loi qui interdit aux personnes sans permis de séjour/travail de se marier (ie : les parlementaires ont considéré qu'un mariage dans ce genre de cas est forcément un mariage blanc). Autant de connerie, ça me dépasse. J'espère qu'un referendum sera lancé... :help:

http://www.tsr.ch/tsr/index.html?siteSe ... _rss_texte
Cette loi est contraire à certaines lois européennes (qui garantissent le droit de fonder une famille notamment), dommage que la Suisse n'en soit pas.

Publié : 26 mai 2009, 08:43
par Kakita Inigin
Tu veux rire ? c'est voulu, que la suisse n'en soit pas ... :evil:

Publié : 26 mai 2009, 08:46
par Pénombre
Disons qu'on en reste à un double fantasme :
- celui du choc des civilisations
- celui du choc des économies

Donc, en résumant à l'extrême, nos politiques migratoires visent à prévenir une possible invasion massive de vilains basanés qui veulent nous prendre nos biens matériels et nous forcer à adopter leurs valeurs.

quand on connait toutes les accointances présentes et passées entre nos gouvernants et ceux de nombreux pays qui ne sont que des dictatures "camouflées", des théocraties "amicales" ou des monarchies "paternalistes" style "je vous marche pas trop sur la figure, là, mon peuple à moi ?", ça laisse assez rêveur la manière dont on a instrumentalisé ces fantasmes de part et d'autre. Notamment en soutenant activement les gouvernants de certains pays qui disposent d'énormes richesses naturelles ou manuelles mais qui en ont privé la majeure partie de leurs populations...

A ces deux fantasmes s'en est greffé un troisième : celui d'intégrer dans un même espace économique un certain nombre de pays dont les "civilisations sont plus proches de la notre que des Autres", notamment des pays situés dans l'est du continent européen et dont les gens sont blancs de peau. Dans l'idée maintenant ouvertement décomplexée d'en faire un vivier de main d'oeuvre bon marché ou un terrain de jeu propice aux délocalisations.

En clair, on essaye d'instituer une zone de précarité économique au sein de ce mythique "bloc des pays riches et civilisés de l'occident", pour ne pas avoir à recourir à une main d'oeuvre qui pourrait provoquer ce fameux "choc des civilisations", ennemi intérieur, cinquième colonne de dangereux terroristes potentiels, à la sauce 11 septembre (qui malheureusement arrange bien les affaires de certains comme on l'a vu en matière de lutte anti-terroriste et de libertés civiques).

Dans le même temps, on échappe pas à ce besoin d'importations de main d'oeuvre externe au "bloc" puisque par exemple l'union européenne qui attaque fort nos acquis à nous est en même temps moteur d'une certaine progression économique de ces pays "comme il faut" source de main d'oeuvre précaire.

Pour le dire plus clairement : le fameux plombier polonais est bon marché, mais il ne le restera pas et tôt ou tard, on ira chercher du plombier plus loin... ce qui se fait déjà dans certains domaines. C'est une fuite en avant qui a pour moteur la précarité d'autres peuples et d'autres nations. Les formes ont sensiblement évolué, mais on en reste dans le bon vieil impérialisme économique, sauf qu'au lieu qu'il soit mené par de gros gouvernements bureaucratiques copains du grand capital, il est mené par des gouvernements qui lui servent de second couteau et de factotum...

Ce qui est clair, c'est qu'on va dans un mur : quand des gouvernements encouragent plus ou moins activement par exemple le recours à des informaticiens venus d'Inde, ils annoncent clairement que nous dépensons notre argent dans des politiques éducatives aussi couteuses qu'inutiles puisque les entreprises préfèrent cette main d'oeuvre meilleur marché. Ce qui revient donc à dire qu'il ne nous sert à rien de former des "élites" ou des gens qualifiés en grande quantité puisque soit elles sont condamnées à être remplacées par une main d'oeuvre extérieure meilleur marché, soit elles vont se ruer vers l'eldorado américain, qui n'a jamais été en mesure d'accueillir tout le monde et encore moins à l'heure actuelle... donc, on saborde notre politique éducative en conséquence.

Et un jour, dans pas si longtemps que ça, on arrivera au bout de la logique de cette politique : on sera bien obligé d'ouvrir les vannes parce qu'à force de précariser l'éducation et l'emploi de nos propres populations, on aura plus assez de gens qui arriveront à faire leur place dans le système pour répondre à ses besoins.

A terme, donc, la politique d'immigration choisie et la notion de "bloc" censés selon certains préserver nos "valeurs de civilisation" et notre richesse vont simplement permettre de les mettre à mort dans l'intéret d'un capital mondial qui n'éprouve d'intéret pour les notions de civilisation et de nation que dans la mesure ou elles permettent de placer en concurrence des populations qui pour la plupart ont bien plus de points en commun que de divergences réelles. Autant pour tous ceux qui adhèrent à cette absurdité...

Dans l'intervalle, par contre, un certain nombre de gens surfent là-dessus et en profitent pour faire la culbute financière, se goinfrant d'autant plus vite que les plus malins ont bien compris que ça ne durera pas toujours.

Publié : 26 mai 2009, 09:00
par Gap
Soshi Yabu a écrit :Qu'est-ce qu'un homme de gauche tel que moi peut apprécier en Suisse, en dehors du Chocolat et des montagnes? Au delà de cette petite provoc, si je te demande ça, c'est que bien qu'ayant des origines suisse (un arrière-grand-père), je n'ai que des clichés ponctuels de la Suisse, qui me font considérer ce pays comme un pays d'horribles droitiers voir d'horribles partisans de l'extrême droite qui se cachent. Genre neutralité à tout prix, refus des étrangers, etc... Pourrais-tu m'aider à avoir un regard différent sur ce pays? Merci d'avance.
Nan, c'est pas de la provoc', je comprends tout à fait. Perso, j'ai un argument tout simple : les droits politiques (système électoral, référendum, initiative), qui sont incomparables à tout autre pays du monde. Une association (par exemple l'ATE pour l'environnement) peut réellement avoir une influence sur la conduite du pays (du niveau local au niveau fédéral), et pas seulement avoir un Grenelle qui ne sert à rien.

Par ailleurs, oui, la Suisse est majoritairement de droite, parce que c'est un pays riche. (Bon, pour le côté "pays de droite", on peut rappeler que le sénat français est aussi structurellement de droite, hein.) La droite populiste y est extrêmement forte (30%), et je comprends que ça débecte des gens de gauche. Mais d'un autre côté, la gauche arrive parfois à trouver des majorités au parlement, elle peut faire jouer la menace du referendum, et la discipline partisane y est moins forte qu'en France. Parfois, une majorité au sein d'un parti prend la position inverse de celle de ses dirigeants. Par ailleurs, les appartenances sociales et régionales prennent le dessus sur les appartenances politiques pour des sujets qui ne sont pas bêtement économiques.

Par ailleurs, les grands partis sont représentés en permanence à l'exécutif, ce qui donne encore un contrôle démocratique plus fort : la droite ne gouverne pas seule, la gauche est toujours au courant de ce qui se passe. En tout cas, l'exécutif (structurellement à droite) ne fait pas passer ce qu'il veut au parlement, le débat démocratique est réel. Actuellement, les socialistes ont 2 sièges sur 7. Si les Verts confirment leur croissance en 2011 et se rapprochent des libéraux-radicaux, on verra sans doute un siège de droite leur être attribué.

Le débat sur la neutralité est long, complexe, et résulte d'une histoire particulière (vous vous rappelez la discussion sur le consensus ? c'est pire), donc je vais m'abstenir. Mais force est d'avouer qu'elle est invoquée à tort et à travers par des types (l'UDC) qui ne comprennent pas ce qu'elle signifie vraiment, et qu'elle sert effectivement de cache-sexe à des positions politiques douteuses.

En tout cas, moi qui suis français et de gauche libérale, je ne me vois pas quitter ce pays pour son voisin occidental, tout simplement parce qu'en France on n'a aucun poids sur la politique locale et nationale (y'a qu'à voir l'effet des grèves, seul instrument à la disposition des syndicats) : tu te tapes ton parti majoritaire qui fait ce qu'il veut pour 5, 10 ou 15 ans. En Suisse, s'y opposer est difficile, mais possible.

Publié : 26 mai 2009, 09:05
par Gap
Kakita Inigin a écrit :Mais il y a bien eu deux référendums, non ?
Oui : un pour la loi sur l'asile, et un pour la loi sur l'immigration (ce sont deux lois différentes, mais la droite populiste a fait en sorte de tout mélanger et de parler quasi-exclusivement d'insécurité, ce qui n'était absolument pas le sujet de ces lois). :cut:
Ding On a écrit :Cette loi est contraire à certaines lois européennes (qui garantissent le droit de fonder une famille notamment), dommage que la Suisse n'en soit pas.
Et elle n'en sera probablement jamais, parce que l'adhésion signifierait une perte partielle des droits d'initiative et de referendum (pour cause de droit supérieur). Si l'UE adoptait des droits similaires plutôt que le ridicule "droit de pétition" proposé par la commission Giscard, ça deviendrait crédible.

Publié : 26 mai 2009, 09:19
par Kakita Inigin
le ridicule "droit de pétition" proposé par la commission Giscard,
C'est clair ... mettre de la démocratie dans les institutions européennes, c'est la croix et la bannière ...

je te rejoins sur ce que tu dis concernant la démocratie à la française, y'a qu'à voir ce que sarko a fait du non au référendum sur le TCE.
:x Eire.

Publié : 26 mai 2009, 09:27
par Kakita Inigin
gauche libérale,
C'est à dire ?

Publié : 26 mai 2009, 09:39
par Ding On
Perso, j'ai un argument tout simple : les droits politiques (système électoral, référendum, initiative), qui sont incomparables à tout autre pays du monde.
N'est pas aussi du au faible nbre d'habitants ? Un tel système serait il viable dans un pays peuple comme la France ou l'Allemagne ? (à moins d'une décentralisation extrême)

Publié : 26 mai 2009, 09:53
par Gap
C'est à dire économiquement de gauche, et socialement libéral (ie : pour les libertés individuelles). En gros, je souhaite que l'Etat intervienne dans l'économie pour réduire les inégalités, mais pas qu'il décide de la manière dont chacun vit sa vie.

Se placer selon un seul axe, c'est réducteur. C'est déjà mieux (mais pas parfait) d'utiliser un "tableau" dont les axes sont l'économie et la société. On peut être économiquement de gauche et socialement conservateur, tout comme on peut être de droite économique et socialement libéral. L'UMP serait majoritairement de droite économique et socialement conservatrice (mais sur ce point, certains se démarquent).

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Je vais donner un exemple suisse (encore) : lors des élections, on reçoit des listes de chaque parti, et une liste vierge. Deux éléments servent pour le décompte des voix : le parti auquel l'électeur donne ses voix, et les noms qui figurent sur sa liste. Il est possible de barrer des noms ou d'en ajouter, voire de voter socialiste mais de mettre des noms d'autres partis.

En gros, le "titre" de la liste attribue un nombre de sièges, et les noms qui y figurent servent à déterminer l'ordre au sein du parti. Ainsi, une féministe verte peut dire "ok, je mets un bulletin Verts, mais je barre les hommes de la liste, et j'ajoute des femmes des autres partis à la place. J'ajoute aussi ce mec de droite qui appartient à l'association environnementale X et ces deux communistes qui militent régulièrement pour la protection des femmes battues".

Pour revenir à "gauche libérale", je pourrais barrer de ma liste des socialistes ou des Verts qui sont socialement conservateurs (par exemple opposés au mariage gay ou contre l'immigration), et ajouter des mecs de droite socialement libéraux (comme Dick Marty s'il vivait dans mon canton, il fait toujours d'excellentes interventions sur la protection des libertés individuelles).

Publié : 26 mai 2009, 09:57
par Gap
Ding On a écrit :
Perso, j'ai un argument tout simple : les droits politiques (système électoral, référendum, initiative), qui sont incomparables à tout autre pays du monde.
N'est pas aussi du au faible nbre d'habitants ? Un tel système serait il viable dans un pays peuple comme la France ou l'Allemagne ? (à moins d'une décentralisation extrême)
C'est une bonne question, mais on ne pourra sans doute jamais vérifier. Avec le papier et la vérification des signatures, comme en Suisse actuellement, c'est peut-être effectivement impossible au-delà d'une certaine masse de population. Mais si on arrive à avoir des bases de données liberticides au niveau national voire européen et mondial, ça me paraît une bonne occasion d'exploiter des moyens informatiques à des fins positives, pour une fois.

Publié : 26 mai 2009, 09:58
par Kõjiro
Ce sont d'ailleurs les deux axes classiques utilisés par tous les machins en ligne qui te donne ton "positionnement" politique à partir d'une série de questions fermées.