Page 5 sur 87

Publié : 04 janv. 2008, 10:39
par Goju Kaze
Alors quelques articles sur le sujet :
L'action des ministres bientôt soumise à une évaluation a écrit :Par Fabien NOVIAL AFP

PARIS (AFP) - Dans une démarche très inhabituelle, chaque ministre sera évalué dans son action selon une grille de critères chiffrés, ce qui pourrait les obliger à redoubler d'efforts pour ne pas faire les frais d'un éventuel remaniement.

Construction de logements sociaux, nombre de brevets déposés ou encore accueil des élèves handicapés: les 15 ministres ainsi que le Haut commissaire aux Solidarités actives Martin Hirsch devront régulièrement "rendre des comptes" à François Fillon, qui les recevra individuellement prochainement.

"La politique est un domaine comme les autres, qui doit rendre des comptes à nos concitoyens", a ainsi affirmé jeudi le porte-parole du gouvernement Laurent Wauquiez, en présentant cette nouveauté à la presse. Selon lui, cette démarche a trois objectifs: pouvoir "ajuster le tir", "rendre des comptes sur ce qui change concrètement" et "évaluer chaque ministre".

Les "tableaux de bord" pour chaque ministère ont été établis avec l'aide d'un cabinet privé en stratégie, Mars & Co. Mais ce dernier a terminé son travail, et ne participe pas à l'évaluation, a-t-on précisé à Matignon.

La démarche a été entamée il y a quatre mois, selon M. Wauquiez, mais sa philosophie n'est pas neuve puisque depuis le projet de loi de finances 2006, chacune des "missions" du gouvernement est assortie d'objectifs et indicateurs, souvent chiffrés, détaillés dans les annexes au projet de loi de finances.

Contacté jeudi, Bercy confirme avoir reçu une trentaine d'indicateurs, comme l'indice des prix dans la grande distribution.

Le ministère de l'Education cite parmi les critères retenus à son égard le "nombre d'heures supplémentaires réalisées par les enseignants", "l'accueil des élèves handicapés" ou encore la "progression de l'assouplissement de la carte scolaire".

"C'est une grande nouveauté. Ces indicateurs sont dans la droite ligne de la feuille de route" envoyée au ministre de l'Education Xavier Darcos début juillet, note le ministère. "Ca ne nous fait pas peur, au contraire. Ca permet d'évaluer l'action, de mettre en oeuvre ce qu'on nous demande de mettre en oeuvre", a-t-on commenté dans l'entourage du ministre.

La ministre de la Culture Christine Albanel sera jugée sur l'"évolution de la fréquentation totale des lieux culturels" et celle de "la fréquentation des musées quand ils sont gratuits", selon une source proche de Matignon.

Quant à Brice Hortefeux, ministre de l'Immigration, il sera notamment évalué suivant le "nombre d'étrangers admis au titre de l'immigration de travail".

Parmi d'autres critères retenus pour d'autres ministères, une source gouvernementale cite le "taux de consultation ne donnant pas lieu à une prescription de médicaments" pour la Santé, le nombre de brevets déposés pour la Recherche ou le "nombre de dossiers de surendettements" pour le Haut commissaire aux Solidarités actives.

L'action de la Chancellerie est évaluée notamment sur le taux d'application de la loi sur la récidive ou sur le nombre d'aménagements de peine, d'après une source judiciaire.

"Je ne savais pas que j'allais être évaluée, je l'ai appris à la sortie du conseil" des ministres, a commenté Christine Boutin, ministre du Logement et de la Ville. "Que tous les hommes et les femmes qui cherchent à se loger puissent le faire le plus rapidement possible, c'est le critère principal que je me donne pour m'évaluer moi-même", a-t-elle ajouté.

Aurélie Filippetti, députée de Moselle, porte-parole du groupe PS à l'Assemblée nationale, a jugé cette initiative "grotesque" et "dangereuse, parce que la politique n'est pas affaire de chiffre, de quotas et de rendement".
source

Une réaction :
Benoît Hamon juge pitoyable le système d'évaluation des ministres a écrit :PARIS (AFP) - L'eurodéputé socialiste Benoît Hamon a jugé "pitoyable" vendredi le système d'évaluation des ministres annoncé la veille par le gouvernement, estimant que "le meilleur baromètre" de leur action, ce sont les élections.

"Les politiques sont évalués, à la différence des grands managers, aux élections", a déclaré M. Hamon sur LCI. "On verra aux prochaines élections municipales, c'est le meilleur baromètre".

"C'est assez grotesque objectivement", a-t-il poursuivi.

"Et c'est surtout pitoyable quand on sait que M. (Brice) Hortefeux va être jugé sur le nombre de personnes qu'il aura raccompagnées à la frontière, avec l'arbitraire que ça signifie (...). Je trouve ça objectivement pathétique", a-t-il dit.

"Quelque part, ce gouvernement et surtout le président de la République, j'ai le sentiment que ce n'est plus tout à fait la France", a ajouté M. Hamon.
source

Et sur l'endroit ou sont placés les déportés quantifiés :
[quote="Dans les centres de rétention, une ambiance "carcérale""]LE MONDE | 03.01.08 | 17h45 • Mis à jour le 03.01.08 | 17h45

Le mouvement de protestation qui a agité les centres de rétention de la région parisienne semble marquer le pas. Mais la tension y est toujours palpable. Voici dix jours que plusieurs dizaines d'étrangers sans papiers ont commencé une grève de la faim et remis sur le devant de la scène le sort de ces centaines d'hommes et de femmes en instance de reconduite à la frontière.

Le 20 décembre, les étrangers du centre du Mesnil-Amelot, situé au bout des pistes de l'aéroport de Roissy, avaient rédigé un cahier de doléances dénonçant leurs conditions de vie. Arrestations "arbitraires", conditions de rétention "indignes", fouilles "humiliantes", comptages de nuit répétés, manque d'hygiène, les auteurs criaient leur colère d'être "traités comme du bétail" (Le Monde du 29 décembre). Pour appuyer leurs revendications, les résidents commençaient une grève de la faim. Une semaine plus tard, c'était au tour des étrangers maintenus au centre de Vincennes de se lancer dans la contestation en refusant de réintégrer leur chambre en pleine nuit.

Ces coups d'éclat se sont amplifiés depuis 2004, année de la mise en oeuvre de la loi Sarkozy sur l'immigration qui a, notamment, allongé les délais de rétention. La réforme a permis de multiplier par six le délai maximum - de 5 à 32 jours - pendant lequel un étranger sans papiers interpellé et en attente d'une reconduite à la frontière peut être gardé dans ces centres fermés.

Mille huit cents places fin 2007 contre 700 en 2002 : les chiffres de la rétention montrent l'ampleur du phénomène. L'objectif est de pouvoir garder les sans-papiers le temps que les autorités obtiennent le laissez-passer des consulats étrangers et mettent en oeuvre l'expulsion.

Ce durcissement de la politique d'immigration s'est accompagné, pour les préfectures, d'objectifs chiffrés en matière d'interpellation et de reconduite. Le seuil à atteindre est ainsi passé de 10 000 éloignements en 2002 à 25 000 en 2007. Un niveau que le ministère de l'intérieur a du mal à réaliser : Brice Hortefeux avouait, le 25 décembre, que ses services étaient parvenus à organiser 21 000 reconduites à la frontière d'étrangers en situation irrégulière.

PROMISCUITÉ ET DÉSHUMANISATION

Cette pression sur les préfectures a un effet sur les centres de rétention, qui ont vu affluer les sans-papiers depuis trois mois. Les associations de défense des étrangers ont constaté un accroissement des situations humaines difficiles : travailleurs installés clandestinement depuis des années en France, familles avec enfants en bas âge, malades...

La politique de construction du ministère de l'intérieur, qui a privilégié la création de grosses structures - Le Mesnil-Amelot compte 140 places, celui de Vincennes deux fois 140 - a aussi aggravé les conditions de vie dans les centres : la promiscuité et la déshumanisation sont plus propices aux tensions et aux incidents. "Si les conditions matérielles se sont améliorées avec le plan de modernisation mis en place par le gouvernement, l'ambiance s'est dégradée du fait du caractère de plus en plus carcéral de la rétention", assure Laurent Giovannoni, secrétaire général de la Cimade. Le constat est partagé par David Assouline, qui effectuait une visite à Vincennes, mercredi 2 janvier : "On sent une tension qui s'accroît avec la politique de chiffre du ministère", assure le sénateur PS de Paris.

Sylvia Zappi
Article paru dans l'édition du 04.01.08[/quote]

:kaze:

Publié : 04 janv. 2008, 12:13
par Kõjiro
Satanés gauchistes !
"On s'aperçoit que systématiquement on procède par la stigmatisation de différentes catégories sociales qui seraient à considérer comme des nantis qui se gobergent sur le dos de la société et de la collectivité. Aujourd'hui, ce sont les chômeurs et les demandeurs d'emploi qui seraient des profiteurs du système et vivraient sur le dos de la collectivité. Non, les choses ne sont pas aussi simples que cela, dans tout système il y a effectivement des abus et des excès mais cela constitue une infime minorité"
Si tu veux savoir qui a dit ça suis le lien ;)

Autre anecdote amusante.
Rachat RTT : léger couac au Figaro ! 11:48 12/12/07

Le Figaro applaudit toujours aux "innovations" présidentielles et a trouvé évidemment très bonne l'idée du rachat des RTT par les salariés.
Très bonne... dans ses colonnes... et jusqu'à la demande du SNJ d'être payés selon la volonté de Sarkozy...
Pas de bol ! la direction oppose un "simple mais définitif NON !" au motif que cette mesure serait bien trop coûteuse !

Publié : 04 janv. 2008, 13:34
par Kõjiro
On parlait dette, travail, emploi précaire avec l'exemple étasunien etc... à coté.

Une itw de Pierre Larrouturou dans Libé (elle a un mois).

http://www.liberation.fr/transversales/ ... 057.FR.php
Pierre Larrouturou : «L’hyperlibéralisme nous conduit dans le mur»
Recueilli par VITTORIO DE FILIPPIS

QUOTIDIEN : samedi 1 décembre 2007

Parler de l’effondrement du système capitaliste comme vous le faites dans votre livre et dire que la crise de 1929 est devant nous, n’est-ce pas exagéré ?

Comme le dit l’agroéconomiste Lester Brown, nous sommes sur des «trajectoires d’effondrement». Aucune des tendances actuelles n’est durable. C’est vrai de la crise sociale, de la crise financière et, bien sûr, de la crise écologique. Nous sommes au bout d’un système. Il est urgent de construire une alternative globale.

Vous mettez tous les pays occidentaux dans le même sac…

Il y a quelques différences mais la précarité s’est généralisée dans l’ensemble des pays occidentaux. Au Japon, 32 % des emplois sont précaires. En Allemagne, 6,3 millions de salariés n’ont que des emplois à 400 euros (pour 15 heures par semaine). Aux Etats-Unis, le pays du plein-emploi selon Nicolas Sarkozy, il y a tellement de petits boulots que la durée moyenne du travail, sans compter les chômeurs, est tombée à 33,7 heures. La précarité s’installe partout, et même ceux qui ont un emploi stable sont obligés de revoir à la baisse leurs demandes salariales : «Si t’es pas content, va voir ailleurs», remplace souvent toute vraie négociation. Même le FMI, plutôt libéral, explique, dans son dernier rapport, que la part de la richesse qui va aux salaires a fortement baissé dans tous les pays occidentaux : «La baisse atteint 10 % en Europe et au Japon.»

Est-ce aussi valable pour la France ?

Depuis vingt-cinq ans, en France, la négociation sur les salaires est tellement déséquilibrée que la part des salaires et cotisations sociales dans le produit intérieur brut (PIB) a chuté de 11 %. Onze pour cent de chute sur un PIB de 1 800 milliards, ce sont cette année quelque 200 milliards d’euros qui vont rémunérer le capital, alors qu’ils iraient aux salariés si nous avions conservé l’équilibre de 1982. François Fillon dit que, sans réforme, le déficit des retraites sera en 2020 de 1 % du PIB, mais depuis vingt-cinq ans la part des salaires et cotisations a reculé de 11 % du PIB. Bien sûr qu’il faut réformer les retraites, mais l’essentiel est de lutter contre le chômage et la précarité. Si la part des salaires remontait de 6 points, le financement des retraites serait bien plus facile.

Mais la croissance se maintient presque partout…

Au prix d’un endettement sans précédent. Les libéraux passent leur temps à critiquer la dette des Etats. Mais le plus grave c’est sans doute l’envolée de la dette privée, celle des ménages. Dans de nombreux pays, le seul ressort de la croissance est l’endettement des ménages. La crise des crédits subprimes aux Etats-Unis en est une preuve : tout a été imaginé pour pousser les ménages à s’endetter sur des montants incroyablement élevés et sur des périodes extrêmement longues.

Cette crise n’est qu’un début. Aux Etats-Unis, la dette totale des ménages, des entreprises et des collectivités (sans parler du secteur financier) vient de dépasser les 230 % du PIB. En 1929, lors de la dernière grande crise du capitalisme, le même ratio atteignait «seulement» 140 % du PIB. Si on ajoute la dette du secteur financier, la dette atteint 340 % du PIB américain ! Du jamais-vu. Les chiffres sont formels : la croissance européenne, ou américaine, serait négative depuis sept ans si nous n’avions pas fortement augmenté la dette privée.

Le capitalisme ne tiendrait que grâce à l’endettement ?

Oui. Au Japon, aux Etats-Unis, en Nouvelle-Zélande, au Danemark, en Espagne, en Angleterre, dans tous les pays que les libéraux prennent comme modèle, la croissance se maintient grâce à l’endettement privé. En 2006, la dette des Etats-Unis, hors secteur financier, a augmenté huit fois plus vite que le PIB. Si la crise immobilière américaine se répand dans le reste de l’économie, elle ne sera pas sans effets sur l’économie chinoise et donc sur la situation sociale (déjà tendue) de ce pays. Une grande part de sa croissance vient des exportations vers les Etats-Unis et l’Europe. Si les Etats-Unis tombent en récession, qui peut être sûr que ce qui s’est passé en Allemagne dans les années 30 ne se rejouera pas en Chine, avec Taïwan à la place de l’Alsace-Lorraine ? L’hyperlibéralisme peut nous conduire à la catastrophe. Faut-il attendre que la crise explose pour réagir et construire une alternative ?

Faut-il reprendre les modes de régulation des Trente Glorieuses ?

Il faut moderniser les règles proposées par Keynes, Ford et Beveridge. En 1917, Ford, le patron des automobiles du même nom, expliquait qu’il avait doublé la productivité de ses usines, mais qu’il fallait écouler cette production, qu’il fallait donc des consommateurs avec un vrai pouvoir d’achat. Il expliquait aussi qu’en période de crise les patrons veulent tous baisser les salaires. Mais s’ils baissent tous les salaires, qui achètera la production ? Ford plaidait en faveur de règles collectives, de façon à ce que les salaires augmentent en fonction de la productivité. Mais peu de patrons ont suivi ses recommandations. La crise de 1929 s’explique surtout par un découplage entre la productivité et le pouvoir d’achat des travailleurs.

Plus tard, après la Seconde Guerre mondiale, les recommandations de Ford ont été adoptées, notamment en Europe. Les salaires ont progressé au même rythme que la productivité.

La seconde régulation des Trente Glorieuses est celle de Beveridge, avec l’adoption d’un système de sécurité sociale. Keynes nous a appris que lorsque ces deux régulations ne suffisent pas, l’Etat doit intervenir par le biais de sa politique monétaire et/ou de sa politique budgétaire.

Vous affirmez que la mondialisation n’est pas responsable du chômage ni non plus de la crise sociale.

Depuis 2002, depuis que la Chine est membre de l’OMC, nul ne peut nier l’importance des importations chinoises en Europe. Je propose que l’Europe négocie avec la Chine des montants compensatoires, pour obliger la Chine à respecter d’ici cinq ans les règles du jeu social et environnemental, qu’elle avait officiellement acceptées avant d’adhérer à l’OMC. Mais pour le moment, le chômage en Europe ne s’explique pas par la concurrence des pays à bas salaires : globalement, hors Europe, la balance commerciale de la France est équilibrée ! Plutôt que la mondialisation, ce sont les gains de productivité qui ont détruit des emplois.

On vit une vraie révolution. La France est le pays qui a le plus augmenté sa productivité. En trente ans, l’économie française produit 76 % de plus avec 10 % de travail en moins. Le total des heures travaillées est passé de 41 milliards d’heures à 36,9 milliards par an. Mais en même temps, grâce au baby-boom et grâce au travail des femmes, la population active passait de 22,3 à 27,2 millions de personnes. Le travail nécessaire à l’économie a baissé de 10 %, mais le nombre de personnes disponibles a augmenté de 23 %. Un écart de 33 % s’est creusé entre l’offre et la demande de travail.

Cet écart serait la principale explication du chômage ?

Oui. Si depuis 1974 la durée individuelle du travail avait baissé de 33 %, le chômage serait resté à son faible niveau de 1974. Or la durée réelle du travail a très peu baissé. Du coup, un partage du travail assez sauvage s’est mis en place : 19 millions travaillent plein pot (à 39 heures, en moyenne, avec les heures sup), 4 millions de personnes – les chômeurs – font 0 heure par semaine, et 4 millions sont à temps partiel.

Au moment où les 35 heures sont décriées, vous plaidez pour la semaine des quatre jours…

Les 35 heures étaient déjà dans le programme commun en 1980. Est-ce un horizon indépassable ? 400 entreprises, de tous secteurs, sont déjà passées à quatre jours, avec un financement qui permet de stabiliser la masse salariale sans toucher aux salaires en dessous de 1 500 euros.

Si tous les salariés passent, en moyenne, à quatre jours et si l’entreprise crée au moins 10 % d’emplois en CDI, elle bénéficie d’une exonération des cotisations chômage qui permet d’équilibrer la masse salariale. Selon une étude du ministère du Travail, un mouvement général vers les quatre jours permettrait de créer 1,6 million d’emplois en CDI. Si l’on divisait par deux le chômage, la négociation sur les salaires aurait une tout autre allure. Si l’UMP et le Medef sont tellement hostiles à une forte RTT, c’est parce que, bien négociée, elle serait, à moyen terme, le moyen le plus puissant de faire remonter les salaires. La gauche devrait être plus claire sur ce point.

Après le 21 avril 2002, vous êtes entré au Parti socialiste. Cinq ans plus tard, ce que vous racontez sur le fonctionnement de la Rue de Solferino est accablant.

Soyons clairs. Ce n’est pas ma famille politique que je critique, mais seulement les dix ou les quinze qui squattent Solferino. Leur paresse ou leur aveuglement deviennent scandaleux. Je pensais que le choc du 21 avril serait suffisant pour déclencher des débats de fond. François Hollande m’avait demandé de rejoindre la commission économie du PS, où j’espérais que nous allions vraiment travailler. Hélas, cette commission ne s’est pas réunie une seule fois pendant deux ans. Ne soyez pas étonnés si le PS n’a pas grand-chose à dire sur la fiscalité, les retraites ou encore le chômage.

Difficile d’imaginer que des Strauss-Kahn, Fabius, Hollande ou Royal n’ont aucune analyse critique de la situation…

Les statuts du PS prévoient que nous devrions avoir deux conventions par an pour approfondir une question. Depuis cinq ans, depuis le choc du 21 avril, nous aurions dû avoir dix conventions, dix grands moments de réflexion, sur le chômage, l’éducation, les questions Nord-Sud, l’environnement… Nous n’en avons eu aucune !

Pas une seule convention depuis cinq ans, est-ce un élément d’explication de la défaite du PS aux présidentielles ?

C’est la principale explication. Ségolène Royal aurait dû s’appuyer sur un projet du PS. Je suis délégué national chargé de l’Europe depuis deux ans. Mais je n’ai pas eu une seule heure de travail avec Hollande ou Moscovici sur les questions européennes. Et je raconte dans mon livre que quand les dirigeants socialistes allemands viennent à Solferino pour réfléchir à une relance de l’Europe nous n’avons rien à leur dire, car nous n’avons rien préparé…

Ce refus du débat manifesté par Solferino est d’autant plus scandaleux que jamais les élus locaux, les militants, les associations et les universitaires n’ont «fourni» autant de matière pour construire un projet crédible.

En s’ouvrant à tous ces acteurs, le PS aurait pu, assez facilement, dessiner les contours d’une nouvelle société. Hélas, pendant cinq ans, François Hollande a refusé tout débat de fond. Il faudra un jour qu’il s’en explique.

Rien de changé depuis l’élection de Sarkozy ?

J’ai sous les yeux le programme du «grand forum de la rénovation», que la direction du PS organise le 15 décembre. Le menu est alléchant : «Les socialistes et le marché. Quels modèles de croissance justes et durables aujourd’hui ? Une stratégie économique nationale et européenne offensive pour un socialisme moderne.» Hélas, le grand forum commence à 10 heures et il s’achève à… 13 heures ! Trois heures de débat pour actualiser l’ensemble du projet économique du PS. Je suis peut-être un peu lent intellectuellement, mais je ne suis pas totalement certain que trois heures soient suffisantes pour actualiser notre projet économique.

Aucune convention thématique en cinq ans. Des grands forums qui durent à peine trois heures… «C’est du sabotage. Du foutage de gueule», explosait l’autre jour un militant du sud de la France.

Cela devient tellement caricatural que je ne comprends pas ce que l’équipe de Solferino a dans la tête. Je constate seulement que de plus en plus de militants et d’élus qui jusque-là la soutenaient disent que ce refus du débat devient inacceptable. Insupportable.

Hier, j’ai entendu à la radio que deux médecins sont traduits en justice pour non-assistance à personnes en danger. Je pense que s’ils s’obstinent à ne rien faire, certains dirigeants du PS pourront être un jour poursuivis pour non-assistance à peuple en danger. Non-assistance à civilisation en danger.

C’est une appréciation grave…

J’assume mes propos. Je critique le fonctionnement d’une équipe sans juger telle ou telle personne.

Il y a deux semaines, lorsqu’elle défendait les sans-abri, Josiane Balasko poussait un coup de gueule en demandant : «Qu’est-ce qu’ils foutent les mecs du PS ?» Je me pose la même question. Comme tous les rocardiens, je connais les défauts de Mitterrand, mais il avait l’obsession de construire une Europe forte. Aujourd’hui, qu’est-ce qui motive réellement les principaux dirigeants du PS ? Education, chômage, dérèglement climatique, relations Nord-Sud… Qu’est-ce qui les empêche de dormir ? Pourquoi font-ils de la politique ? Je ne sais pas.

Que faites-vous pour faire bouger les lignes au sein de ce PS que vous décrivez amorphe ?

Avec douze parlementaires, des premiers fédéraux, des élus et des militants, nous lançons une pétition pour que le PS se mette enfin au boulot, et qu’il s’ouvre à tous ceux qui veulent construire le progrès social (1). Les statuts du PS sont clairs : si nous recueillons 5 000 signatures de militants PS ou 50 000 de citoyens non-PS, la direction sera obligée de nous écouter. La gauche se remettra au travail.

Les idées de gauche sont plus complexes que celles de droite. «En période de crise, il faut que chacun travaille plus. Et les Noirs, il faut qu’ils rentrent chez eux.» Un message de ce style passe bien en trente secondes à la télé. Ça parle au cerveau reptilien, à ceux qui veulent de la castagne. Les idées de gauche sont moins intuitives. Il faut plus de temps pour les expliquer.

Si la gauche attend 2011 pour se mettre au travail, alors nous sommes sûrs de nous prendre encore une veste. C’est en 2008 qu’il faut se mettre au boulot.

(1) La pétition est sur www.nouvellegauche.fr

Publié : 04 janv. 2008, 13:52
par JBeuh
Juste pour revenir sur quelques éléments :
L'évaluation de l'action des ministres, c'est une très bonne chose, contrairement à ce qu'on peut entendre. Benoît Hamon, que je respecte pourtant, dit une énorme connerie qui va à l'encontre même de ce qu'il plaide lorsqu'il dit que l'évaluation est faite directement par les électeurs lors des élections. Il creuse sa tombe...

Ce qui est marquant, c'est que Sarkozy - au moins son entourage - ont la apparemment culture de l'évaluation. Cela est plutôt bon signe si cela ne cache pas une simple logique du résultat (faire du chiffre). L'évaluation des politiques publiques est une grande avancée, et permet de mieux utiliser l'argent public, voir les dérives, etc. et donne des outils à l'opposition, permet de se remettre en cause, ... si cette évaluation est bien menée.
Dans l'absolu, c'est une excellente chose. Bon, je critique encore le choix des indicateurs qui ne sont pas pertinents, et encore le prisme employé (efficacité dans quasi tous les cas davantage que la cohérence, la pertinence ou l'efficience) et il faudrait une évaluation sur l'impact (plus dure à mener et impliquant la présence de sociologues). En tout cas, c'est enfin un premier pas vers l'application de la LOLF (votée à l'unanimité - cas unique dans l'histoire de la V° république) et dans le suivi des rapports de la Cour des Comptes (salués par tous les partis et les bords, même ceux critiqués).

Enfin, pour la non-évaluation du Président de la République, faut aussi être sérieux : en théorie, il est un arbitre. En pratique, c'est "l'employeur" du gouvernement. En évaluant tous les ministres, il évalue toute son action. L'intérêt est à la fois de pouvoir virer un ministre "mauvais" et aussi de pouvoir réorienter une action. Il ne peut pas se faire licencier... démissionner, soit, mais en l'espèce il ne sert à rien de l'évaluer personnellement avant la fin de la mandature.

Donc voilà, je trouve que c'est une chose appréciable. Quand je vois les critères et tout le tralala, ça me rappelle des obligations que nous avions lorsque nous avions essayé de mettre en place la LOLF dans un petit établissement. Mais il faut être optimiste : on commence peut-être avec une évaluation raz les pâquerettes, mais le premier pas est fait. Il "suffit juste" que la sauce prenne et que cela devienne partie intégrante de la culture administrative.

Ce qui m'ennuie le plus dans l'histoire est que l'opposition ait tiré à coté. Par contre, je pense que des fabiusiens (Fabius était ministre de l'Économie lorsque la loi a été adoptée et menée, plusieurs des personnes de son courant ont activement porté la logique de l'évaluation), menés par Didier Migaud (rapporteur de l'Assemblée nationale de la LOLF en 2001 et porteur de nombreux projets sur l'évaluation ; actuel président de la Commission des finances ; fabiusien historique), vont se régaler...

PS. l'UMP avait mis sur son site une évaluation de l'accomplissement des promesses du candidat Sarkozy. L'évaluation est donc menée...

JBeuh, qui ne voit qu'un début d'application d'une volonté du PS qui n'a jamais été mise en application par l'UMP pendant ces 5 dernières années...

Publié : 04 janv. 2008, 14:00
par Kakita Inigin
Benoît Hamon, que je respecte pourtant, dit une énorme connerie qui va à l'encontre même de ce qu'il plaide lorsqu'il dit que l'évaluation est faite directement par les électeurs lors des élections.
bureaucrate mou PS sans convictions solides, et qui masque c manque sous un consensualisme mollasson.

Typique des rocardiens. (edit : non je n'ai pas un grand respect pour BH. Tous les gens de son courant que je connaissont des :grr: ça n'aide pas.)

Publié : 04 janv. 2008, 14:18
par Kõjiro
JBeuh a écrit :L'évaluation des politiques publiques est une grande avancée, et permet de mieux utiliser l'argent public, voir les dérives, etc. et donne des outils à l'opposition, permet de se remettre en cause, ... si cette évaluation est bien menée.
Tout est là. Et de l'évaluation des politiques publiques j'en ai fait pendant 5 ans, et d'une certaine manière je continue encore depuis 4 ans même si ce n'est plus la totalité de mon activité. C'est dire si je suis d'accord pour l'encourager.

Connaissant les précédents dans le domaine de notre chef d'état, franchement je ne crois pas une seule seconde qu'il s'inscrive dans cette démarche.

Pour moi ce n'est donc même pas un premier pas vers quelques chose de nécessaire.

C'est comme si tu disais que balancer les gosses seuls dans 6 mètres d'eau est un premier pas dans l'idée que l'apprentissage de la natation est une bonne chose...

La démarche est mauvaise.

L'évaluation des politiques publiques existe depuis très longtemps, aujourd'hui des centaines de rapports de grande qualité sont remis chaque année aux différents ministères, il n'y a pas besoin de gadgets de ce genre pour faire de l'évaluation. Les évaluations existaient déjà avant. Et je doute de l'utilité réelle de sortes d'agrégats "synthétiques" évaluant l'action d'un ministre. Ils n'ont pas de diplôme à passer que je sache. Inutile de leur filer des moyennes, une évaluation de chacune de leurs copies au cas par cas, politique par politique, mesure par mesure, me semble bien plus intéressante et utile.

Plutôt que de valoriser l'existant, on fait dans le démonstratif en "inventant" le fil à couper le beurre. Sauf que. Sauf que là le fil à couper le beurre en plus il le font avec une ficelle de 10 cm de diamètre...

Je ne veut pas faire celui qui "râle tout le temps" et ne reconnait rien de positif dans l'action du gouvernement mais franchement, non, je ne vois pas comment on peut trouver même que ça va dans le bon sens...

Publié : 04 janv. 2008, 14:22
par Goju Kaze
@ JBeuh : Oui, l'évaluation est un outil vraiment interressant, mais là encore, on est dans l'effet d'annonce.

Ca me pose un certain nombre de questions (parce que j'ai eu à réfléchir sur l'évaluation grâce à une ancienne collègue) :
  • Peut on évaluer mensuellement le travail d'un ministre? Est ce que son action est suffisament impactante pour que la prériodicité mensuelle soit adaptée?
  • Qui fait l'évaluation?
  • Avec quels critères, comment évaluer l'action du ministre de l'outre-mer par exemple?
  • Comment évaluer quand l'action d'un ministre dépend de son ministre de tutelle, et corrolaire, comment évaluer l'action d'un ministre sur les point ou il n'est que tutélaire?
  • L'évaluation est censé donner valeur à ce qui est accompli, or là elle est présentée comme un contrôle du travail avec sanction plus qu'une évaluation. Pourquoi?
Bref, en vrac quelques questions que je me pose.

:kaze:

Publié : 04 janv. 2008, 15:12
par JBeuh
Pour répondre déjà aux questions de Kaze :
* l'évaluation n'est pas mensuelle mais vise à rendre compte de l'action sur l'année, si j'ai bien compris l'article. Des tableaux de bords existent, et permettent d'avoir des info en temps réel, ce qui n'est pas une évaluation en tant que tel.
* qui mène l'évaluation, ça, c'est un réel problème. Je pense qu'elle devrait être composée de parlementaires, de citoyens et d'experts et mêlants plusieurs clivages politiques. Là, c'est une société privée, on ne connaît pas le processus, ce n'est pas transparent et il y a fort à craindre que l'indépendance ne soit pas de mise (cf. tous les enseignements liés à l'évaluation).
* Les critères posent problèmes. Qui les a définit? Comment, sur quel critères, etc. ? Cela recoupe la question précédente...
* mesurer l'action d'un ministre délégué est possible dans le sens où l'on regarde l'action effectuée par celui-ci et qu'il est mesuré en même temps s'il y a cohérence de l'action de celui-ci au niveau du responsable, le ministre auquel il est rattaché. Enfin, si l'évaluation est bien faite... Enfin, s'il faut évaluer un dispositif entier, il faut faire une évaluation d'impact sur la politique en tant que tel.
* le problème est que bien souvent l'évaluation n'est pas comprise et n'est vu que comme une inspection voire un simple contrôle de gestion... Bref, on est encore loin d'atteindre l'objectif escompté... Pourquoi? Parce que ce n'est pas intégré à la mentalité, que les commanditaires voient dans l'évaluation aussi un moyen de notation et non une source d'information sur l'action menée. Bref, c'est comme la plupart des audits qui sont détournés de leur objectif initial. Tout cela, encore, parce que l'aspect "résultat" et efficacité prime sur tout le reste...

A Kojiro, ce que je dénonce, c'est l'erreur dans la dénonciation de ces évaluations. Dire "non" aux évaluations comme ça a été si fortement fait, c'est continuer d'être les "vieux cons archaïques" dans la stratégie du président. Au contraire, il faut jouer au plus fin et essayer de l'amener sur son terrain. Il y a des experts de l'évaluation au PS et pas des moindres. Une bonne critique en règle sur la participation, la transparence, la pertinence des indicateurs etc., voilà qui serait bon. Ce qui m'ennuit, c'est qu'on tire toujours sur le pianiste sans vouloir se poser la question si c'est pas la partition qui est mauvaise... Et faire des critiques plus fines, plus réfléchies, je pense que ça évitera de faire passer le PS pour un repère de cons.
Et quant à ton exemple sur les gosses, je pense qu'il est inversée par rapport à l'action du gouvernement : tu dis en gros qu'on fait un trop gros pour ce qui est habituel. A mes yeux, au contraire, c'est amener des enfants qui savent flotter au petit bain (allé, vous aurez maximum l'eau jusqu'au genoux) en disant qu'il faut nager... Mais au moins on leur fait prendre l'eau. Il faut maintenant montrer que c'est bien qu'un effet d'annonce et qu'il n'est pas crédible. Mais plutôt que de critique le mouvement, il faut critique la méthode.

Donc que ce soit critiquable, 100% OK. Que l'évaluation des ministres soit une bétise et qu'elle doive relever que des élections, je trouve ça bête et une méthode ancienne.
Plutôt que de renvoyer en bloc, il faut appuyer là où ça fait mal. Sarkozy est un as de la communication (il faut lui reconnaître) et sait faire des effets d'annonces. Plutôt que de faire en gros "lui, il agit et modernise", "l'opposition refuse et préfère le status quo", je pense qu'il serait plus sage de montrer à quel point l'objectif est bon (d'autant qu'il était prôné par l'actuelle opposition), mais la méthode est mauvaise (ce qui va dans le sens de la "responsabilisation" qui embettera bien plus fortement le gouvernement actuel). Je trouve les remarques de Kaze dernièrement plus pertinente que l'ensemble des propos de Hamon et les 90% de Fillipetti...

Enfin, c'est mon avis.

(edit : m-1 avant le changement de rang, faut que ce prochain message le mérite...)

JBeuh, qui déplore le peu de réaction pertinente des élus politiques nationaux...

Publié : 04 janv. 2008, 15:20
par Shoju
Ding On a écrit :Florent Siri est condamné à la prison à vie pour l'Ennemi intime.
Faut dire aussi que ce film est une honte pour tous les soldats français qui ont versé leur sang en Algérie pour la paix, l'égalité et la démocratie.

Publié : 04 janv. 2008, 15:22
par Goju Kaze
Merci JBeuh de tes réponses, mes questions était plus réthoriques qu'autre chose mais bon, tu explicites assez bien les choses telles que je les vois ;)

Sauf sur ce point :
JBeuh a écrit :Sarkozy est un as de la communication (il faut lui reconnaître) et sait faire des effets d'annonces.
En fait, au fil du temps je me rends compte que non, ce n'est pas un bon communiquant. Qu'il soit doué dans l'effet d'annonce oui, mais il bénéficie surtout d'une énorme complaisace qui fait qu'il n'est pas attaqué là ou ça fait mal. C'est plus son influence sur les media qui fait qu'il apparait si doué.

Pour étayer ma vision : Kadafi l'a remis en place et il a été cloué. La journaliste de 60 minutes insiste et il quitte l'entretien. La vision qu'en a la presse étrangère. Ses interventions avec Poutine (le vous/tu M le POrésident/Vladimir) ou avec Merkhel (Hey Angela, come here...).

Bref, voilà quoi.

:kaze:
Si seulement on avait un vrai journaliste en France qui ait une audience...

Publié : 04 janv. 2008, 15:32
par Kyorou
A ce sujet (la com' présidentielle) :
http://www.lesoir.be/actualite/france/e ... 9589.shtml
C'est un livre introuvable que l'on peut dénicher en flânant chez les bouquinistes des quais de Seine. Quoique paru il y aura bientôt quatre-vingt-dix ans, en 1918, il semble encore d'actualité devant le spectacle médiatique français. Antonin Périvier, son auteur, qui finit directeur du Figaro, commit chez Plon ce Napoléon journaliste, inimaginable dithyrambe bonapartiste d'un Empereur promu « journaliste assurément le plus vibrant » et sacré « véritable écrivain-journaliste ». Lequel Empereur, inventant la version moderne du contrôle de l'information, par l'assujettissement des hommes et par la maîtrise de l'agenda, voyait d'abord la presse comme une menace à juguler. Tardif, l'aveu fut fait à Saint-Hélène : « L'abandonner à elle-même, c'est s'endormir à côté d'un danger. »

Propriétaire du Figaro d'aujourd'hui, par la grâce d'une fortune aéronautique d'invention paternelle et de commandes étatiques, Serge Dassault refuse de s'endormir. Actualisant Périvier et sa presse de gouvernement, celle qui – Napoléon toujours – défend « les saines doctrines et les bons principes », ce parlementaire milliardaire, posté à l'aile droite de l'UMP, le parti du président Nicolas Sarkozy, a donc franchi allégrement, le 1er janvier 2008, la saine barrière entre actionnaire et rédaction, autrement dit capital et éditorial, sur laquelle repose cette valeur inestimable, l'indépendance de l'information. En forme de « vœux à la France qui a choisi un président dynamique et courageux », cet éditorial de propriétaire, dont on ne saurait oublier qu'il s'efforce de caser ses avions Rafale via l'entregent présidentiel, est une première.

On peine à trouver une comparaison historique pour cette situation nouvelle qui ne rend pas vraiment fier de son propre pays. Jamais les liens n'ont été si explicites et revendiqués, autant étalés et assumés, entre ce pouvoir sans efficace contre-pouvoir qu'est la présidence de la République française et l'espèce d'oligarchie financière qui, ces dernières années, n'a cessé d'étendre et de consolider sa mainmise sur l'information en France.

D'Arnaud Lagardère à Martin Bouygues, en passant par Bernard Arnault et Vincent Bolloré sans oublier Alain Minc et le précité Serge Dassault, tous ont bien d'autres centres d'intérêt économiques que les médias et tous se disent amis, frères, proches et obligés de notre actuel président – et ils le sont effectivement, Nicolas Sarkozy n'hésitant pas à revendiquer leur amitié via les facilités qu'ils lui fournissent à l'occasion.

Or, cette brève liste de noms suffit à réunir l'essentiel de nos médias nationaux. Si on ajoute les habituelles pressions sur les dirigeants du service public audiovisuel, il n'est pas faux de dire qu'aujourd'hui, l'opposition en général et la gauche en particulier ne disposent d'aucun porte-voix médiatique d'importance.

Le plus étonnant, c'est que cela ne suscite pas de révolte citoyenne. Comme si nous étions encore prisonniers de cette tradition politique illibérale léguée par le bonapartisme qui faisait dire au dramaturge Heinrich von Kleist que « le journalisme français est l'art de faire croire au peuple ce que le gouvernement considère comme bon ».

Ce n'est donc pas en français, mais en anglais, dans le si peu rebelle Financial Times que l'on a pu lire ceci à propos de notre nouveau Napoléon : « Observer Nicolas Sarkozy gouverner la France, c'est un peu comme regarder un homme craquer des allumettes dans un entrepôt plein de feux d'artifice : il y a des étincelles, du bruit et de l'excitation, mais aussi une peur agaçante que tout peut exploser. »

Parues le jour de l'an, soit concomitamment à l'éditorial courtisan de M. Dassault, ces lignes expriment une inquiétude aussi partagée en profondeur que peu exprimée à la surface.


Depuis quelques mois, les Français sont spectateurs d'un roman présidentiel. Oui, un roman, autrement dit une fiction, et ce n'est pas un hasard si sa dimension sentimentale finit par s'afficher autant que son ambition politique. Nicolas Sarkozy est le héros d'une aventure dont il se veut le seul maître, sans limites, sans freins, bref sans vergogne. Il affiche sans complexes son goût de la possession – qu'il s'agisse d'opposants politiques débauchés ou d'une nouvelle conquête amoureuse –, son envie de s'enrichir – presque doubler le salaire présidentiel au moment même où il remet en cause les acquis sociaux d'autres catégories –, son refus des contraintes collectives – narcissique, l'aventure dont il est le héros et le scénariste ne connaît qu'un personnage, lui-même.

Le délai de viduité non respecté après le divorce, l'avion de Bolloré après son yacht, le quart d'heure de retard à l'audience papale pendant laquelle il consultait ostensiblement son téléphone : toutes ces mauvaises manières n'expriment pas seulement la personnalité d'un homme parmi d'autres, elles disent aussi une conception de la politique, réduite à l'aventure personnelle sans limite d'un seul homme, dès lors élevé au-dessus du lot commun.

Et, dans ce tourbillon dont le culot ne cesse d'étonner et de surprendre – donc de faire causer, c'est aussi le but –, ce n'est pas tant l'action qui compte que le verbe. Le président parle bien plus qu'il n'agit. Ses discours sont le semblant du faire. S'il assume ne pas en être l'auteur, laissant son écrivain officiel, Henri Guaino, les commenter publiquement, c'est qu'ils n'ont qu'une importance relative : ils n'ont d'utilité que dans la mesure où ils garantissent le mouvement, créent l'agitation, suscitent l'exégèse.

D'où ce sentiment d'irréalité à l'écoute de discours qui sont autant de performances, c'est-à-dire des numéros d'acteur plutôt que des moments de vérité – là encore, des fictions.

Jugés faiblards à cette aune, les vœux télévisés du 31 décembre ont réussi à tenir en haleine les médias durant les deux jours qui les ont précédés par la seule annonce qu'ils seraient prononcés en direct, sans filet en quelque sorte comme on le dirait d'un acrobate de cirque. Quant à leur contenu, plutôt convenu, on retiendra cet étonnant rapprochement d'une proclamation définitive (« Je vous dois la vérité, je vous la dirai toujours, je ne m'autoriserai aucune hypocrisie ») et d'une promesse stupéfiante (« Nous ne résoudrons rien… si nous n'entreprenons pas de moraliser le capitalisme financier »), évident tête-à-queue au spectacle français de mélanges des genres affairistes recrudescents.

Ce genre de collision accentue le sentiment persistant d'irréalité. Tout comme, au souvenir du rapt par l'alors candidat Sarkozy de figures historiques du socialisme, on se pince à imaginer un Jean Jaurès ou un Léon Blum « bling bling », pour reprendre l'expression popularisée par le goût du clinquant élyséen.

C'est comme si les mots n'avaient plus de sens véritable, comme s'ils n'étaient plus que des leurres, entre appâts politiques et hameçons médiatiques. Ainsi de la seule trouvaille du dernier discours présidentiel de l'année 2007 : « … ce que j'appelle une politique de civilisation ». C'est, là encore, un emprunt, ou plutôt une annexion. Une citation, sans droit d'auteur.

Depuis un quart de siècle, l'une des figures intellectuelles de la gauche française, Edgar Morin, s'efforce en effet de populariser cette formule, dont il a fait le titre d'un livre paru en 1997 chez Arléa, comme la ligne d'un nouvel horizon d'espérance. Mais il l'enracine dans l'histoire du socialisme et de son aspiration, certes déçue mais maintenue, « à plus de communauté, de fraternité et de liberté ». Nous voici bien loin du « travailler plus pour gagner plus » et des politiques réactionnaires qui vont avec. Et encore plus loin, tel que ce pouvoir se met en scène, à la lecture de l'ultime impératif, selon Morin, d'une politique de civilisation : « Moraliser (contre l'irresponsabilité et l'égocentrisme) »…
Je me demande pourquoi ça sort dans un journal belge, d'ailleurs...

Publié : 04 janv. 2008, 16:03
par Moto Shikizu
JBeuh a écrit : Ce qui est marquant, c'est que Sarkozy - au moins son entourage - ont la apparemment culture de l'évaluation.
deux choses en passant :

sur la premiere partie de cette phrase, "marquant" est bine le mot, c'est le but, et presque l'unique but d'ailleurs.

sur la seconde partie "culture de l'evaluation", non pas de l'evaluation, mais du chiffre qui parait vouloir dire quelque chose quand on ne s'y interresse pas de pret. Il l'a deja fait au Ministere des Finances et a celui de l'Interieur. Les economies faites pendant son passage au MINEFI ? Aucune il avait juste ferme les vannes pendant un an, et a son depart toutes les depenses ont du etre faite dans l'urgence, sa technique avait meme mis le bins a pas mal d'endroit, mais les chiffres semblaient bon si on ne s'interressait pas a ceux qui suivait son depart... A l'Interieur, la criminalite est en baisse ! Ben oui, tout ce qui peut l'etre est mis sur la main courante a present pour faire baisser les stats, pour eviter d'etre vu comme un(e) mauvais(e) commissariat/prefecture... Je n'appelle pas tout ceci de l'evaluation, mais de la poudre aux yeux...

pour les ministres, certains seront juges sur les heures supp. Heu, les heures supp de qui ? faut il en avoir bcp ou pas bcp ? ben oui, bcp ca voudrait dire que les gens bossent plus ou qu'ils sont obliges de faire des heures parce que le systeme pourrit de plus en plus ? en avoir moins c'est parce que le boulot est mieux organise, ou parce que non payes les gens sont meme poussesvers la sortie le soir pour bosser chez eux mais pas sur le lieu de travail ou ce serait comptabilise ?... etc...

Publié : 04 janv. 2008, 16:19
par Ding On
Intéressant l'itw avec la semaine de 4 jours. Je me demande qd même si ce serait réellement applicable.

Publié : 04 janv. 2008, 16:42
par Tetsuo
Je pense que c'est tout à fait applicable.
Le plus difficile reste de décentrer le travail de la vie. N'en fait qu'un accessoire.

Je reste persuader que la qualité de vie, le loisir en quelque sorte, doit être au centre de nos vie et que le travail et la productivité une obligation annexe.

Actuellement certaines entreprise et société commencent à quantifier, ou du moins prendre en compte cette valeur un peu abstraite qu'est la "qualité de vie".

Le soucis du capitalisme actuellement est que nous sommes de plus en plus productif mais sans réel besoin. D'autant plus que les besoins ne sont pas comblés là où il y a nécessité et que les surproductions gaspillées.

L'exemple le plus simple est la nourriture avec, à l'échelle mondiale, avec ce double paradoxe que l'on meurt de faim aussi bien de trop que de peu de nourriture.

Mais pour en revenir au travail, et à la semaine de 4 jours c'est un choix de société et moral qui va s'imposer à nous.
Ou nous laissons mourrir les surnuméraires qui n'ont pas de travail et donc de ressources pour survivre, équilibrant ainsi la population.
Ou nous changeons notre rapport au travail.

Publié : 04 janv. 2008, 16:45
par Ding On
Ben mauvaise nvlle, ça en prend pas le chemin dans le bon sens.