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Publié : 02 janv. 2008, 19:40
par Shoju
Setsuna a écrit :"Chercher à comprendre l'incompréhensible c'est excuser l'inexcusable" (je cite de mémoire, qui comme chacun sait n'est pas fiable). Contrairement aux apparences, ce n'est pas une ode à la connerie et à l'ignorance. C'est qu'à force d'insister sur les déterminants sociaux économiques, il estime (à tort ou à raison) qu'on en arrive à refuser de condamner les auteurs d'agression.
Eh bin avec ça ... on est bien barré ... (j'aime bien le - il estime à tort ou à raison - ; est-ce bien "à tort ou à raison" ? parce qu'à te lire, tu as déjà choisi). Et puis la sur-interprétation de propos délirants dignes d'un slogan publicitaire fait assez mal dans l'argumentaire.


Juste pour info : Depuis 15/20 ans, la politique en terme de santé mentale est devenu de plus en plus inexistante. On ferme de plus en plus d'hôpitaux de soins fermés et médicalisés en exhortant les patients à suivre la convalescence chez eux. On arrive ainsi à des délires de voir des pathologies lourdes être dehors avec un suivi très pauvre, là où un traitement de fond était nécessaire.
Et après on se plaint de crimes commis par des "malades" que l'on soigne en les envoyant .... en prison ! Du coup, comme le pointait du doigt un rapport pas très joli pour le France et ses prisons, près de 30 % des prévenus relèvent de la psychiatrie. Mais comme il n'y a plus de place en psychiatrie, ce sont les matons qui gèrent ...

Et concernant la maladie mentale, heureusement que certains continuent leurs travaux pour comprendre ce qui paraît incompréhensible !

PS : sinon Inigin, t'es lourd ! Setsuna semble quelqu'un de censé qui s'essaie à argumenter dans un forum où il est nouveau. T'étais pas obligé de faire ton troll de service ... comme d'habitude :lol:

Publié : 02 janv. 2008, 19:41
par Setsuna
Ding On a écrit : Il n'y a aucune vision à long terme, aucune réflexion, uniquement de la réaction, du tape à l'oeil formaté pour rassurer le peuple sur des "détails" tandis que la politique de fond broie lentement tt ce qui faisait la France (modèle d'intégration, système social, une certaine pudeur politique, etc.).
Donc le gouvernement n'a "aucune vision à long terme" mais mène une "politique de fond" destinée à broyer le France ???
Shoju a écrit :
Setsuna a écrit :"Chercher à comprendre l'incompréhensible c'est excuser l'inexcusable"
Eh bin avec ça ... on est bien barré ... (j'aime bien le - il estime à tort ou à raison - ; est-ce bien "à tort ou à raison" ? parce qu'à te lire, tu as déjà choisi). Et puis la sur-interprétation de propos délirants dignes d'un slogan publicitaire fait assez mal dans l'argumentaire.
Je trouvais que ce "slogan" illustrait bien la position de NS sur le débat "déterminants sociaux" vs "responsabilité individuelle". Il ne s'agissait pas d'un argument de ma part. Après, libre à toi de trouver que c'est délirant, ou que je sur-interprète.
En revanche, je précise bien qu'il ne s'agit pas du même problème que les malades mentaux.

Publié : 02 janv. 2008, 19:50
par Shoju
Setsuna a écrit : Donc le gouvernement n'a "aucune vision à long terme" mais mène une "politique de fond" destinée à broyer le France ???
En ce qui concerne "Le France" c'est déjà fait ... Mais si tu parlais de la France, trouves-tu que cela aille dans le sens inverse ?

Elle est où la politique à long terme ?
Avec des mesurettes d'épicier sur quelques défiscalisations d'heures sup' qui sont un vrai fiasco.
Avec une franchise médicale sur les médicaments où un malade du SIDA se retrouve amputé de 50 euros par an ; lui qui déjà survit juste avec le minimum maladie/handicap (qui ne lui permet pas d'avoir la CMU)
Avec le fait que les plus riches soient repartis des impôts avec un chèque de plus de 300.000 euros en moyenne qu'ils se sont empressés d'investir en Suisse (jamais il n'y a eu autant de français riches en Suisse depuis Sarko ; moi je croyais qu'il faisait ça pour les faire revenir).
Avec le fait qu'il vaut mieux être rentier que salarié parce que la valeur travail, je ne l'ai pas vu prendre du galon moi !?

La comparaison avec la Rome décadente, qui circule en ce moment, me plaît bien moi.

EDIT: et si c'est libre à moi, alors oui tu sur-interprètes en donnant de la matière à un slogan fait pour la masse.

Publié : 02 janv. 2008, 19:54
par Ding On
Hum je me suis un peu mal exprimé en effet.
Je distinguais fond et forme.
- L'usage des apparences : être dans l'immédiateté pour laisser croire à la population qu'on s'occupe des pb qui la concerne quotidiennement (évidemment que tt le monde a peur des chiens dangereux, des manèges fous, des malades mentaux pédophiles qui brûlent des voitures). Bref : occuper la scène médiatique en proposant du simple (du simpliste ?), de l'immédiat, du rassurant. Un fait divers = une loi, un ministre en déplacement, des victimes reçues à l'Elysée. Ca mange pas de pain, c'est efficace apparemment.
- La réelle politique menée, plus discrètement parfois, et qui elle semble avoir une vision à long terme (en gros : changer de modèle social, pour une version plus "moderne" quoi qu'il se cache derrière ce mot fourre-tout) mais qui n'est explicitée qu'en des termes fumeux et parfois mensongers lorsque des effets émergent (genre les grèves de la SNCF). Mais il est rare de voir le Président ou les ministres venir parler ouvertement de la suppression de l'impôt boursier, de la fin de l'exonération de redevance TV pour les plus modestes, de la politique contre-productive de chasse aux immigrés, etc.

Publié : 02 janv. 2008, 21:36
par Kyorou
Je dois avouer que je suis totalement en désaccord avec votre président. En effet, je crois que nos actions nous sont totalement dictées par un immense nombre de facteurs et qu'aucune liberté humaine n'est possible. Lorsque je fais un choix, le résultat final dépend totalement de mes expériences passées, de mon appréciation des différentes conséquences possibles, des valeurs que j'ai acquises, de mes (éventuels) troubles mentaux, etc, ad nauseam. Ce que nous sommes et ce que nous faisons de nous vies a été entièrement déterminé dès le Big Bang (voire avant mais je ne fais pas dans la métaphysique).

Les convictions christiano-volontaristes de Nico 1er sont donc à l'opposé des miennes.

En fait, la question de la responsabilité ne se pose même pas quand il est question des criminels, à mon avis. Savoir dans quelle mesure un déviant est ou non responsable de ses actes n'est pas la question (même si elle peut donner lieu à un débat intéressant). La question est selon moi de décider de ce qu'il convient de faire afin que les individus déviants ne représentent pas ou plus un danger pour autrui et/ou la société.

EDIT : il me semble donc que les criminels n'ont pas besoin d'explications/d'excuses. Il posent un problème. Cherchons la meilleure manière de résoudre ce problème. Point.

Affirmer à tous prix que les criminels sont responsables de leurs actes me semble être davantage lié à la question de la punition (et revoilà le christianisme), voire de la vengeance.

Publié : 02 janv. 2008, 21:44
par Setsuna
Kyorou a écrit :Je dois avouer que je suis totalement en désaccord avec votre président. En effet, je crois que nos actions nous sont totalement dictées par un immense nombre de facteurs et qu'aucune liberté humaine n'est possible. Lorsque je fais un choix, le résultat final dépend totalement de mes expériences passées, de mon appréciation des différentes conséquences possibles, des valeurs que j'ai acquises, de mes (éventuels) troubles mentaux, etc, ad nauseam. Ce que nous sommes et ce que nous faisons de nous vies a été entièrement déterminé dès le Big Bang (voire avant mais je ne fais pas dans la métaphysique).
Félicitations, tu es un philosophe déterministe laplacien !!! (non ce n'est pas une insulte, j'ai toujours trouvé cette théorie assez fascinante).

Publié : 03 janv. 2008, 08:49
par Kyorou
Setsuna a écrit :tu es un philosophe déterministe laplacien
Tiens, je ne connaissais pas Laplace. Merci pour la référence.

Au passage, je précise (avant que quelqu'un n'interprète mon post précédent comme une tentative de légitimer l'élimination physique des déviants) qu'une société ne peut pas gérer les individus qui agissent à l'encontre de ses normes et de ses lois en utilisant des moyens qui vont à l'encontre de ses propres valeurs (du style "collez-les tous au poteau" ou "envoyez-leur la Légion" -j'adore cette dernière...). Cela ne conduirait évidemment qu'à miner ses fondements et sa légitimité, produisant davantage de déviance.

C'est un peu le sens originel de la phrase "la fin justifie les moyens" de Machiavel. Le verbe "justifier" ne doit pas être compris dans le sens "légitimer/rendre juste" mais dans le sens "aligner". On pourrait reformuler en "les moyens employés doivent être en adéquation avec les buts poursuivis".

EDIT : j'imagine que c'est là une des critiques faites aux politiques de Nico (par Ding On, je crois) : les moyens qu'il préconise pour venir à bout d'un problème seraient contre-productifs à long terme (Ding On, corrige-moi si je me plante), ce qui est assez logique pour un politicien, en fait : le gars doit arriver à des résultats en 5 ans et mener une politique qui donne de bons résultats après 10 ans n'est pas payant pour lui (surtout lorsque, comme en France, il y a une alternance gauche-droite quasi-systématique... il ne va pas mener une politique qui favorisera l'équipe qui va venir après lui).

Publié : 03 janv. 2008, 10:36
par Kõjiro
Apparté avec question à deux zénis, pourquoi on associe plutôt le déterminisme à Laplace alors que Spinoza (par exemple et si mes souvenirs sont bons) avait beaucoup écrit sur cette notion déterministe avant (dans une controverse - indirecte - avec Descartes qui sera "synthétisé" par Kant - toujours de mémoire) ?

Ensuite quelques remarques :
C'est bien comme ça que je l'avais compris : on fait un procès pour la forme et ensuite, hôpital psychiatrique. Ce n'est pas une très bonne idée, mais j'ai du mal à voir ce qu'il y a d'extrêmement choquant.
Pour moi c'est "choquant" (à défaut d'un autre terme moins subjectif) parce que c'est un double dévoiement. Dévoiement du rôle de la justice dont la fonction n'est pas d'aider les victimes (et là je renvois à nombre de gens qui se sont exprimé sur le sujet et qui en parlent mieux que moi - je regarderais si j'ai des liens). Et dévoiement du rôle du politique qui n'est pas là pour instrumentaliser des faits divers aussi horribles soient ils pour assurer sa com' en proposant du cosmétique et en faisant passer une idiotie "dangereuse" (parce qu'introduisant une confusion sur le rôle de la justice) pour une mesure de bon sens et efficace...

Par ailleurs, c'est fréquent chez le chef de l'état de vouloir une justice qui soit aux ordres de la "volonté populaire" (incarnée en lui bien sûr). Il lui demande sans cesse de s'adapter à l'état d'esprit (supposé voire fantasmé) de la population face aux évenements. Elle doit être plus sévère ici parce que... Etc... Et ça c'est la troisième raison plus générale qui rend ce discours sur les malades mentaux choquante.

Attention : ce que je dis n'est pas que la justice est parfaite et n'a pas besoin d'ajustements voir de transformations. Ni qu'elle ne peut être critiquée. Mais il y a des lignes à ne pas franchir, des règles à respecter, et des chemins dont on sait qu'ils sont très glissants (notamment celui de vouloir une justice "pour les victimes"). Et le président les grilles toutes et de manière renouvellées ces lignes. La question des handicapés mentaux s'inscrivant dans ce schéma plus général.

Sur la phrase de Sarkozy, les propos exacts étaient :
Quand on veut expliquer l'inexplicable, c'est qu'on s'apprête à excuser l'inexcusable
Oui j'ai bondi. Mais pas par réflexe pavlovien de gauchiste mais, une fois de plus, parce que cette phrase est vraiment très bête...

Elle est bête parce qu'il s'agit d'un sophisme de beau calibre. Il n'y a aucun lien absolu entre chercher à comprendre et chercher à excuser. On parle ici de dire que chercher à comprendre des gens qui deviennent des "assassins" (pour reprendre encore les termes de Sarkozy) c'est aller sur la pente qui mène à les excuser.

Alors dans ce cas tous les gens qui ont travaillé sur les nazis et ont chercher à en comprendre le fonctionnement ont cherché à les excuser ?
Tous les gens qui ont travaillé sur l'esclavage ont cherché à l'excuser ?
Tous les gens qui ont essayer de comprendre les massacres staliniens ont cherché à l'excuser ?

On poursuit ou on conclu tout de suite que cette idée est tout simplement stupide ?

Ensuite elle est bête parce que justement elle conduit (grâce à un sophisme) à condamner toute tentative d'explication des phénomènes. Or si on n'explique pas on ne combat pas. Bref c'est mettre la tête dans le sac. Ca rejoint d'ailleurs la superbe sortie de miss Lagarde qui trouve qu'en France "on pense trop". Si elle lisait les études faites sur des comparaisons internationales des élites économiques elle se rendrait peut être compte que justement nos élites... ne pensent pas assez... Mais c'est un autre sujet.

Elle est bête car elle sous entend que l'idéologie dominante est encore dans la recherche d'excuse. Or si on, prend les formations politiques depuis l'extrême droite jusqu'au PS (depuis Jospin) il est évident que la dominante "déterminants sociaux" (pour revenir au curseur) s'est très largement déplacé vers l'idée que ceux ci sont peu importants au regard de la responsabilité personnelle (cf les discours de Jospin, Vaillant, Chevennement, Dray, Boutih etc...). Donc en admettant que seule l'xg marque encore la préférence majoritaire pour le déterminisme on a finalement 90% du spectre politique qui pense l'inverse. Peu importe ce qui fut. Aujourd'hui l'idéologie dominante n'est plus celle que "dénonce" notre zorro national (qui s'attaque à des trucs déjà réglés...). Bref c'est surtout un truc qui sous couvert de faire "rebelle contre l'inteligentsia etc..." sert de belles banalités acceptées par quasi la totalité des formations politiques et de la population... Mais tout le monde se dit encore "ouais il a raison, y'en a marre de ces gauchistes trouveurs d'excuses". Sauf qu'il n'y en a quasi plus et que la plupart ne cherchent même pas des excuses mais des solutions...

Bref, cette phrase est idiote, usant d'un raisonnement plus que bancal, et finalement d'une banalité affligeante. Donc oui ça me fait bondir.

Publié : 03 janv. 2008, 10:50
par Kõjiro
Setsuna a écrit :Quant à sa remarque sur Ben XVI, je n'ai pas vu l'émission. Si l'idée est de dire qu'aujourd'hui la question de l'intégrisme catholique ne pose pas problème au même sens que l'intégrisme musulman, ça me semble de bon sens. Après, il est évident qu'on ne peut pas comparer un chef religieux "officiel" modéré et un terroriste intégriste
Oui mais justement, il utilisait très clairement cette comparaison pour justifier son point de vue. Or si son point de vue je peux parfaitement le comprendre et même l'accepter (du moment qu'on entre dans les détails parce que dit comme ça c'est simpliste) son raisonnement ne tient pas la route. Je ne lui reproche pas son point de vue, je lui reproche d'être incapable de trouver mieux qu'un truc vraiment très bête pour le défendre. Surtout quand en face ça volait quand même plus haut... Et sa sortie sur Bourdieu est du même acabit. Essayer de faire passer "les héritiers" pour un livre anti-sémite, fallait oser. Son analyse des problèmes dans les banlieue en 2005 était pas loin d'être du niveau de celle de Carrère d'Encausse. Bref si c'est ça la pensée Finkielkraut, ça fait pas trop envie. Maintenant j'ai noté la référence dont tu parle, même si pour moi, ce genre d'essai vaut un peu le discours de Sarkozy sur l'inexcusable au niveau fraicheur de la réflexion (parce que le "relativisme", ça fait longtemps que c'est dépassé) je regarderais à l'occasion. Et honnêtement je me dis qu'il a peut être écrit des choses intéressantes comme j'en avait trouvé chez Gaston Kelman sur le relativisme ethno-culturel qui est une forme de racisme condescendant. Mais j'ai peur que chez Finkie ce soit comme chez Kelman : à vouloir trop se dissocier de ce qu'on suppose être une idéologie dominante on met un coup de balancier trop large ce qui fait qu'on se retrouve dans le négatif de la situation d'origine qui n'est pas forcément plus intelligent.

Publié : 03 janv. 2008, 11:22
par Kakita Inigin
Ah, mais si tu regardes la 2, je suis obligé de m'incliner devant tant d'érudition... (si tu as aussi la TNT tu deviens mon idole). Ce que je ne sais pas en revanche, c'est si tu n'as vraiment pas compris la proposition de NS (par ailleurs discutable) ou si tu déformes volontairement ses propos?
J'ai lu les avertissements donc je vais être pédagogique.

1) regarder la 2 n'est pas une référence de culture (sinon j'aurais dit Arte :lol: ), il est regrettable que tu le comprennes comme ça.
2) Etant scientifique je cite mes sources (donc France 2). :langue: Désolé on m'a appris à être rigoureux depuis tout petit, moi j'applique.
3) Je ne déforme pas ses propos (je suis bien d'accord que mon argumentation serait bancale dans ce cas et dire de la merde ne fait pas partie de mes objectifs). Si toi tu n'as pas entendu la même chose, et si tu n'as pas suivi la polémique monstre sur le sujet, ce n'est pas mon problème ... mais c'est plus difficile d'avoir une conversation sérieuse.
4) quand je vois Kojiro se défendre d'avoir des réflexes pavloviens et d'être un gauchiste alors que c'est un des intervenants les plus réfléchis de ce topic, je me dis que c'est pas le petit nouveau qui se fait bizuter ...

Publié : 03 janv. 2008, 11:23
par Kakita Inigin
:lol: On appelle ça la droite décomplexée je suppose.

Publié : 03 janv. 2008, 11:25
par Kõjiro
Pour revenir sur cette histoire gauche-droite, une citation d'Alain Badiou extraite d'une itw récente dans le parisien :
"Il y a en France une tradition particulière qui est l'exact symétrique de la France universelle des Lumières et des droits de l'homme. Face à la Révolution de 1789, aux mouvements ouvriers du XIXe siècle, au Front populaire, à la Résistance et à Mai 68, il existe un autre courant, droitier et conservateur, qui combine un certain nombre de traits. Ses aspects sont connus: présenter comme révolutionnaire une politique réactionnaire; valoriser les modèles étrangers en laissant croire que la France est en retard; désigner une minorité comme suspecte et proposer son contrôle et sa répression de manière énergique; enfin, montrer dans le passé un événement mauvais avec lequel il faut en finir. Mai 68 dans le cas de Sarkozy, le Front populaire pour Pétain. Cette tradition remonte en réalité à 1815, au moment où ceux qui avaient fui le pays à la Révolution sont revenus avec l'idée de la Contre-Révolution. Il existe depuis dans notre pays un conservatisme particulier qui apparaît régulièrement dans les moments de changements qui inquiètent. (...) J'appelle "pétainisme" ce courant dont le lien avec le sarkozysme est à mes yeux évident. (C'est un peu provocateur) et c'est voulu ainsi. Sarkozy est aussi l'homme d'une minorité revancharde qui instrumentalise la peur pour son intérêt. On a des indices de cette revanche: une droite enfin décomplexée clamant que c'est très bien d'être riche et considérant que ce qu'il y a à dire aux pauvres, c'est qu'ils travaillent plus pour l'être moins".
Dans le Nouvel Obs. il disait déjà quelque chose d'assez proche :
Rencontre avec Alain Badiou

«Sarkozy, nous voilà...»

Le penseur phare de la gauche radicale publie «De quoi Sarkozy est-il le nom ?» Une réflexion polémique devenue un succès de librairie

Le Nouvel Observateur. - Un tremblement de terre, une désorientation complète de tous les repères politiques, c'est ainsi que vous présentez l'élection de Nicolas Sarkozy. Qu'est-ce qui lui confère une telle spécificité ?
Alain Badiou. - Cet événement marque la fin d'une séquence. Celle de l'union tacite entre gaullistes et communistes qui formait le ciment de la politique nationale depuis la Libération : intervention économique de l'Etat, mesures sociales, distance critique envers les Américains. D'où la période de confusion à laquelle on assiste, tous ces ralliements de gauche à une figure pourtant singulièrement réactionnaire. C'est le signe que le transcendantal politique de la France est brisé.

N. O. - Vous allez jusqu'à opérer une analogie entre sarkozysme et pétainisme. Qu'est-ce qui permet, selon vous, ce rapprochement historique pour le moins audacieux ?
A. Badiou. - Il n'y a pas de ressemblance au sens strict, mais un esprit commun. J'appelle «pétainisme» une forme particulière de la réaction française, qui existe au fond depuis 1815. Premier trait : présenter une politique capitularde comme une régénération nationale. La «rupture», c'est quoi ? Le démantèlement des acquis sociaux, le fait que les riches paient moins d'impôts, qu'on privatise de façon rampante l'université, qu'on donne les coudées franches aux affairistes. Cette façon de déguiser une soumission au capitalisme mondialisé en révolution nationale relève en soi du «pétainisme», au sens formel. Deuxième trait : une répression administrative très dure, visant des groupes tenus pour étrangers à la société «normale». Il ne faut tout de même pas oublier que la dernière élection s'est gagnée sur la capacité à capter les électeurs du FN. Créer des suspects, les Africains, ou les musulmans, ou les jeunes des banlieues, figures nébuleuses à réprimer et à surveiller, est une activité essentielle du nouveau pouvoir, loin d'être seulement son ornement extérieur.

N. O. - Vous évoquez aussi un retour à l'esprit du XIX«siècle, décrivant des capitalistes décomplexés, animés par l'idée que les pauvres sont des paresseux, les Africains, des arriérés....
A. Badiou. - Il s'agit d'un phénomène mondial, pas simplement français. La cause majeure, c'est bien sûr l'effondrement provisoire de l'hypothèse communiste. Tant que celle-ci vivait, les dominants étaient obligés de négocier âprement leur pouvoir, parce qu'une autre voie existait, et qu'une conviction populaire et intellectuelle la soutenait massivement. Maintenant, i la bourgeoisie est dans le lâche soulagement : l'«idée» est discréditée, les Etats communistes sont eux-mêmes devenus capitalistes. Le capitalisme peut à nouveau se présenter comme la solution indépassable, et l'argent être réintroduit comme valeur. Sarkozy est l'homme de tout ça. L'«homme de la situation». Au fond, c'est le premier vrai poststalinien français. (Rires.)

N. O. - On ne vous sent pas très optimiste concernant les chances d'une reconstruction de la gauche face à cette lame de fond sarkozyste... Que faire, pour reprendre le mot d'un de vos devanciers ?
A. Badiou. - On peut prévoir que la gauche sociale-démocrate française va être amenée à s'accommoder aux données du libéralisme mondialisé, à se «strauss-kahniser». Cela s'est passé dans les autres pays européens, il n'y a pas de raison pour que la France y échappe. L'extrême-gauche est elle aussi face à un vaste chantier. La phase confuse et groupusculaire va durer très longtemps. C'est bien normal, puisque nous sommes au début du XIXe siècle ! Les forces émancipatrices sont au début d'une longue marche.

N. O. - Autre marqueur idéologique du sarkozysme : le ralliement à un système américain pourtant lui-même largement décomposé... Comment l'interprétez-vous ?
A. Badiou. - Je pense qu'il était extrêmement important pour Sarkozy de montrer rapidement que le gaullisme était mort. D'où son positionnement rapide en chouchou de Bush. Mes amis américains sont horrifiés, à vrai dire. La France reste un mythe là-bas. Ce que vous ne comprenez pas, leur dis-je, c'est à quel point la France est profondément réactionnaire en ses tréfonds. Le Front populaire a tout de même débouché sur Pétain. Mai-68, sur une Chambre des Députés bleu horizon. Si vous la prenez dans sa masse, elle est assez horrible, la France. Attention, c'est un patriote français qui dit ça. Quelqu'un de très attache a ce pays.

N. O. - C'est-à-dire ?
A. Badiou. - Deux choses m'y rattachent profondément. La grande tradition du rationalisme français bien sûr, de Descartes à Lacan, en passant par les Lumières. Et puis, une poignée de gens, dont la Résistance offre l'image absolue. Au bout du compte, la France a toujours été sauvée par les acrobaties d'un tout petit nombre.
C'est sur celui-ci qu'on doit continuer à miser.

«De quoi Sarkozy est-il le nom ?», par Alain Badiou, Editions Lignes, 156 p., 14 euros. (Retrouvez l'entretien en vidéo sur BibliObs.com.)
Alain Badiou
Né en 1937, Alain Badiou est l'un des plus grands noms de la philosophie mondiale. Enseignant à l'ENS de la rue d'Ulm, il est l'auteur de classiques comme «Théorie du sujet» ou «l'Etre et l'Evénement».
Aude Lancelin
Le Nouvel Observateur

Publié : 03 janv. 2008, 11:27
par Kakita Inigin
Le Front populaire a tout de même débouché sur Pétain.
oui enfin il oublie la seconde guerre mondiale là. alors oui les députés du FP ont fait n'imp en lui votant le spleins pouvoirs mais c'était un peu le souk à l'époque.

Publié : 03 janv. 2008, 11:30
par Ding On
une citation d'Alain Badiou
Marianne présente également une certaine droite de cette façon, mais ne franchit pas le pas de géant consistant à généraliser à la Droite en général (ce qui est tentant actuellement vu la politique "pas une tête ne doit dépasser" de l'UMP ; mais n'oublions pas les Dupont-Aignan).
Je pense qu'il peut exister aussi une Droite progressiste, que je peux respecter et même dans laquelle je peux me retrouver sur certains points. Je pense que c'est le cas de pas mal de droitistes du forum (genre Ben je pense).

Publié : 03 janv. 2008, 11:32
par Kakita Inigin
N. O. - Vous évoquez aussi un retour à l'esprit du XIX«siècle, décrivant des capitalistes décomplexés, animés par l'idée que les pauvres sont des paresseux, les Africains, des arriérés....
A. Badiou. - Il s'agit d'un phénomène mondial, pas simplement français. La cause majeure, c'est bien sûr l'effondrement provisoire de l'hypothèse communiste. Tant que celle-ci vivait, les dominants étaient obligés de négocier âprement leur pouvoir, parce qu'une autre voie existait, et qu'une conviction populaire et intellectuelle la soutenait massivement. Maintenant, i la bourgeoisie est dans le lâche soulagement : l'«idée» est discréditée, les Etats communistes sont eux-mêmes devenus capitalistes. Le capitalisme peut à nouveau se présenter comme la solution indépassable, et l'argent être réintroduit comme valeur. Sarkozy est l'homme de tout ça. L'«homme de la situation». Au fond, c'est le premier vrai poststalinien français. (Rires.)

N. O. - On ne vous sent pas très optimiste concernant les chances d'une reconstruction de la gauche face à cette lame de fond sarkozyste... Que faire, pour reprendre le mot d'un de vos devanciers ?
A. Badiou. - On peut prévoir que la gauche sociale-démocrate française va être amenée à s'accommoder aux données du libéralisme mondialisé, à se «strauss-kahniser». Cela s'est passé dans les autres pays européens, il n'y a pas de raison pour que la France y échappe. L'extrême-gauche est elle aussi face à un vaste chantier. La phase confuse et groupusculaire va durer très longtemps. C'est bien normal, puisque nous sommes au début du XIXe siècle ! Les forces émancipatrices sont au début d'une longue marche.
Par contre ça ce n'est pas mal pensé. Je ne suis pas totalement d'accord avec ce qu'il dit sur l'extrême gauche mais bon. (avant l'XG il y a la gauche marxiste et elle eput/doit peser pour réduire le mvt groupusculaire)