La Voix De Rokugan

Retsu se releva lentement une fois le samurai passé. Ce fut également à cet instant qu'il leva les yeux.

Un cheval blanc... Avec des pompons ??

Il lui fallut une fraction de secondes pour comprendre que le cheval ne pouvait être que celui de Yoshiko-hime.
Que faisait-il là ??

Il entendit un cri de douleur alors que le cheval se cabrait, effrayé par les crissements des armures. Un cri de femme...

Il s'élança derrière le cavalier qui était déjà reparti. Il n'était pas tombé lorsque le cheval s'était cabré, le cri de douleur ne pouvait signifier qu'une chose : il était déjà blessé.

Un samurai blessé sur le dos d'un cadeau qui avait été fait à Yoshiko-hime ?? La situation était mauvaise...

Bon sang... Ne me dites pas que...

Retsu courut en direction de l'entrée du sanctuaire, ses deux gardes derrière lui, faisant un fracas de ferraille de tous les diables.

Quand il arriva à l'entrée du sanctuaire, il entendit le cavalier pester contre sa monture.

"Kei-chan ???" appella-t-il.

Kei entendit tous les sons, assourdis et répercutés dans tous les sens par la brume. Elle fit avancer un peu plus Shimokaze vers les lueurs.

- Kei-chan ???

Elle arrêta le cheval ne sachant pas bien d'où ça venait. Elle raccrocha son tetsubo dans son dos et démonta, ses côtes toujours endolories. Ses pieds dans la boue firent un claquement sur la surface avant un bruit de succion dégoûtant.

- Oui ? Retsu-k... Retsu-san ?

Elle tint bien les brides du cheval, elle ne comptait pas le perdre... Saleté de bestiole...

- Je suis... devant ? derrière ? ... là.

Elle entendit un bruit de ferraille étouffé par la brume.

Elle se tourna et c'est alors qu'elle vit Retsu qui courait vers elle.

"Ça va ?? Tu vas bien ? Tu n'es pas blessée ??" lui demanda-t-il, visiblement inquiet.

Elle répondit machinalement.

- Non, non. Ça va. Je ne suis pas plus blessée qu'hier. J'ai eu un peu mal quand ce con de cheval s'est cabré mais ça va.

Elle regarda derrière lui, visiblement à chercher quelque chose. Elle se tourna vers les lumières, puis vers lui encore.

- Tu viens de là-bas ? dit-elle en tendant le bras. C'est là-bas le palais ?

Elle s'avança vers lui et retira le kabuto de sa tête. Il crut qu'elle allait l'embrasser mais elle se contenta de respirer dans son cou, très fort, une grande inspiration. Les deux gardes arrivèrent à ce moment là. Bien... Il ne sent que sa propre odeur... Sans le toucher plus, elle se recula, tenant toujours la bride du cheval. Elle repassa son casque, en quelques secondes elle avait déjà les cheveux trempés de pluie. Elle fit volte face et se dirigea vers les lumières en marmonnant "Où est-ce qu'elle est alors..."

Il l'aurait bien embrassée quand elle s'approcha d'aussi près mais la présence des deux gardes gris derrière le fit hésiter. Quand il voulut l'embrasser, elle s'était déjà éloignée.

"Ou est-ce qu'est la personne qui voulait me voir ??" lui répondit Retsu.

"J'en sais rien. J'ai fait le pied de grue (haha) pendant une heure et personne n'est venu. Du coup on rentrait..."

"Et toi... Pourquoi es-tu venue ?? Il s'est passé quelque chose ??"

Elle guida le cheval, Retsu sur les talons. La brume prit une teinte un peu plus dense, un peu plus jaune, à l'approche des lumières. La pluie lui dégoulinait partout maintenant et s'était infiltrée par le moindre interstice de son armure.

"Oui" répondit-elle à sa question, puis :

"Non... Pas vraiment en fait. On a tout préparé. Puis je me suis dit que j'allais venir te chercher. C'est tout."

Un ton plus mensonger n'aurait sûrement pas été possible, à moins de dire qu'elle était une jument, ou que son père était un artiste Kakita, ou qu'elle avait huit bras...

Retsu eu un sourire en coin.

"Mouais... Tu pensais me surprendre dans les bras de Minako ou de je ne sais qui d'autre, ouais..."

Il redevint sérieux un instant.

"Je n'aurais pas dû te dire que ça ressemblait à une invitation à un rendez-vous galant. Ça t'a plus travaillé que je pensais. Excuse-moi..."

Il avait l'air sincèrement gêné.

"Toujours est-il que j'ai perdu mon temps ici. On fait quoi ? On rentre ??"

"Ouais ne rigole pas comme ça... Elle a agressé Hirozaku" Agressé? C'est peut-être un fort non?

Elle ne s'arrêta pas.

"Pas question maintenant que je suis là. Je veux savoir qui t'attend."

"Elle a agressé Hirozaku ?? Comment ça ??"

Un regard en coin de Kei lui fit comprendre.

"Oh... Sans déconner ??"

Retsu était complètement sur le cul.

"Et... Tu crois que c'est ce qu'elle me réservait ?? Elle ne m'a jamais vu ! La seule fois où je me suis trouvé en sa présence, elle était inconsciente..."

Retsu ne comprenait pas.

"Mais... Personne ne m'attendait... On a attendu comme des couillons pendant une heure !" dit-il en lui emboîtant le pas.

"Visiblement y'a quelqu'un là non? On n'allume pas des lanternes comme ça, sous la flotte, pour éclairer le brouillard. Peut-être qu'elle est timide.... Jusqu'à ce que tu sois assez près pour qu'elle te saute dessus comme..." Comme toi ?

Elle s'arrêta et se retourna. Elle ne pouvait pas être loin de toutes façons ces saletés de lanternes. Et puis ça lui ferait aussi les pieds d'attendre... à la personne qui attendait.

"... te saute dessus comme la misère sur les eta." finit-elle.

"Mais... Des toro allumés dans un temple c'est normal non ??"

C'était une façon d'éclairer les chemins et de rendre hommage aux Fortunes...

"Le sanctuaire de Bishamon en est plein..." fit-il à mi-voix.

"Tu... Tu crois sérieusement qu'il y a une nana qui m'a attendu sous la pluie pendant tout ce temps ???"

Ça lui paraissait complètement hallucinant.

Mais Kei-chan se dirigeait toujours d'un air décidé vers le cimetière.
Il trottina pour la rattraper. Une fois à sa hauteur il lui pris la main et lui fit un sourire.
Il vint l'embrasser.

Tant pis pour les gardes... De toute façon ils savent déjà...

"Kei-chan... Je me fiche de savoir qui peut-être là. C'est toi que j'aime..."

Ça lui faisait toujours si bizarre, cette espèce d'amour idyllique "normal". Les rênes du cheval glissèrent un peu dans son autre main, ça lui fit reprendre ses esprits.

"Merde..." dit-elle, tout près de son visage.

Elle se recula et récupéra la bride un peu plus haut.

"Y'a quelqu'un je te dis..." Elle doutait maintenant. "Au pire, y'a personne et puis voilà. On présente nos respects aux morts et on s'en va..."

"Comme tu veux..."

Ils avaient sans aucun doute plus important à faire mais Kei-chan semblait décidée à déterminer qui pouvait être sa rivale...

" Pas besoin de me dire ça comme ça " murmura-t-elle, pensant enfin aux deux gardes qui les suivaient, silencieux comme des tombes.

Ah bah là, oui, à vous rouler des galoches et vous engueuler comme des adolescents, vous pourriez aussi bien faire l'amour, là, dans la boue, qu'ils seraient même pas surpris. Alors baisser le ton, est-ce vraiment utile ?

Kei rougit.

"Et puis on est à dix mètres, on peut bien aller voir qui c'est. Juste... Pour savoir. Est-ce que c'était bien une lettre de Minako, hein? Ça pourrait avoir de l'importance. Elle s'est faite agresser après tout elle aussi." dit-elle plus haut.

Alors, oui, effectivement, ça pourrait être par-fait. Réfléchi, responsable, tout comme il faut.... Mais lâche lui la main quand même, t'auras l'air plus objective.

Elle retira sa main rapidement et essora son visage (oui il n y'avait pas d'autre mot).

"D'accord. Allons voir." fit Retsu.

"Mais n'oublie pas que c'est peut-être un traquenard. Reste près de moi..."