Publié : 21 avr. 2006, 11:36
[lecture]
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De nos jours, Aojiroi Oku Toshi (la Cité du Chêne Pale) est une bourgade de 100.000 habitants, qui réussit cet exploit d’être à la fois paisible et prospère. Bien sûr, les gens de la mégalopole sur la côte nous trouvent un peu provinciaux, parce que nous vivons à l’écart de leur agitation démente, nous qui sommes si tranquilles au pied des montagnes. Je suis fier de vivre dans cette belle région où l’on respire un air pur, alors que ces citadins passent chaque jour des heures dans leurs transports congestionnés, et travaillent comme des fourmis pour leurs patrons de multinationales, dans des bureaux anonymes.
Vous êtes déjà allé à Otosan Uchi, au début de l’automne, quand tout le monde rentre de vacances et qu’il pleut sans arrêt ? Vous avez déjà pris le train régional super-expres qui relie la capitale à Mizu Mura ?… Super-express, mon œil ! D’abord, il ne dépasse jamais le 100 kilomètre/heure, ce train, et en plus, les cheminots font tout le temps grève.
Tout ça à cause de ces maudits syndicats qui passent leur temps à empêcher les honnêtes gens de travailler.
Tandis que si vous venez à toute période de l’année chez nous, à la Cité du Chêne Pale, vous trouverez l’air pur, le calme d’une région magnifique, et dans mon parc d’attraction, vous pourrez vous détendre le week-end en famille, grâce à un forfait spécialement conçu pour…
scratch scratch Je suis fier de vivre dans cette belle scratch - rewind – rewind –rewind – De nos jours, Aojiroi…
…rewind – rewind – rewind – rewind…
Les actualités nationales -et en couleur- du glorieux Empire d’Emeraude !
Du soleil levant au soleil couchant, un seul Empire et un seul peuple unis pour la gloire du Ciel !
Notre glorieux Empereur Toturi 26 a ordonné le retrait des cohortes de la légion impériale de la Cité du Chêne Pale, suite à la reddition du daimyo des lieux, Isawa Achiko. Le séditieux vassal impérial a enfin reconnu sa félonie, et s’apprête à subir les conséquences de ses actes. Ce soir, le drapeau impérial flotte à nouveau sur la Cité des Phénix. scratch
C’est à 17h00 précisément qu’a eu lieu la reddition des rebelles, après un assaut massif de nos glorieuses divisions aéroportées sur les points stratégiques de la ville. scratch Le calme est revenu dans la ville dès l’entrée de nos divisions blindées, saluées par une foule en liesse, qui déjà conspue son ancien tyran. Le peuple, saigné à vif par l’infâme Achiko, n’aspire maintenant qu’à …scratch
…rewind – rewind – rewind – rewind…
- Et moi, Shiba Tokisho, bourgmestre de la cité libre du Chêne Pale, j’affirme que nous serons au premier rang de l’industrialisation dans laquelle s’engage notre pays, depuis que notre divin Empereur a prononcé notre entrée dans le monde moderne, synonyme de progrès, de vie meilleure, de projets grandioses et d’accomplissements encore inimaginables il y a 50 ans. Déjà, la compagnie des chemins de fer à vapeur de l’Ouest inaugurera dans un mois la première grande ligne transcontinentale qui passera par notre Cité, et dans moins d’une semaine, notre grand explorateur Shiba Hito partira pour son grand voyage dans sa montgolfière aux couleurs du Chêne Pale, et à ce moment là, alors enfin, nous aurons prouvé…
…rewind – rewind – rewind – rewind…rewind – rewind – rewind – rewind…
- Planquez-vous ! Voilà Hitomi ! Elle est poursuivie par Yakamo-san ! Elle va encore raser la moitié de la ville !
- Non, heureusement, car notre futur Empereur, Hida Kisada, sera bientôt…
- Kisada, le Grand Ours, Empereur ? ? Mort au traître ! Vive la Cité du Chêne Pale !
- Planquez-vous ! Voilà Hitomi, et elle a l’air en furie !
…rewind – rewind …
- Docteur Kameko, docteur Munetaka, je vous demande de bien vouloir soigner cet homme, et de ne pas en parler à mes autres invités pour le moment…
…rewind – rewind…
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'EMERAUDE
La 5e Réincarnation : 9e Episode
Mois du Rat (début de l'hiver)
PROLOGUE
Les rayons caressant de Dame Soleil baignaient la chambre d'Isawa Ayame et Shiba Ikky. Ce soleil d'hiver dorait toute la cité côtière de Morikage Toshi [la Cité de la Forêt des Ombres], tandis que l'océan, insatiable, continuait à ronfler et à mugir, et que ses vagues, inlassablement, venaient se briser contre les falaises et les ronger un peu plus.
Le sentiment de l'affreuse nuit qu'elle venait de vivre étreignit les deux Phénix dès leur réveil. Mais cette fois, elles sentirent qu'elles s'étaient éveillées dans le monde qu'elles connaissaient habituellement. C'en était fini des hallucinations et des cauchemars affolants. Il était temps de chasser ces vilaines impressions, malgré leur permanence dans la mémoire.
Pendant la collation du matin, Shiba Tadamischi, magistrat de la Cité, s'enquit de savoir si la nuit s'était bien passée. Mirumoto Ryu, qui avait été invitée au palais essaya poliment d'assurer que la nuit avait été bonne, mais ses intonations disaient tout le contraire. Avant le repas, Ayame s'était assurée auprès d'Ikky qu'elle n'était pas seule à avoir vécu ce sommeil terrorisant.
- Je ne crois pas avoir mieux dormi que vous, Ayame-san, dit la yojimbo, fatiguée comme si elle terminait une éprouvante journée.
Le repas terminé, Tadamischi-sama dit qu'une lettre venait d'arriver pour les deux Phénix et Ryu-san, lettre écrite de la main de Shiba Mario-Kart scratch Shiba Carioca scratch de - de - de - erase & rewind de la main de Shiba Morioka, daimyo de la Cité de l'Or Bleu, une petite bourgade au nord sur la côte, non loin de Morikage Toshi.
En substance, Morioka-sama requérait la venue d'Isawa Ayame et Mirumoto Ryu pour une affaire importante, dont s'occupait actuellement l'honorable Kakita Hiruya.
Ayame-san hésita un instant, car elle s'était vu confier par Akitoki-sama la mission d'escorter Ide Soshu et Shinjo Kohei jusqu'à la bibliothèque de Morikage Toshi, à la sortie de la ville. Ikky-san se proposa alors de conduire les deux Licornes, pendant qu'Ayame pourrait répondre à l'appel de Hiruya, accompagnée de Ryu.
Réglée ainsi, les choses parurent convenables, et les deux samurai-ko firent préparer leurs affaires pour partir dès que possible.
Ayame-san portée en palanquin, Ryu-san à ses côtés à dos de poney, le voyage se passa sans encombre, le long des côtes battues par les vents, à travers une campagne presque déserte, sauvage. En fin de journée, les deux femmes arrivèrent à la Cité de l'Or Bleu et allèrent aussitôt se présenter à Shiba Morioka pour s'informer de l'appel de Kakita Hiruya.
Le magistrat et le Grue mirent au courant les deux femmes de ce qui se passait dans la région, et de la manière dont Hiruya et les deux rônins, avaient poursuivi leurs recherches, depuis qu'ils s'étaient séparé à la sortie de Morikage.

Or donc, Kakita Hiruya, Riobe et Sotan étaient partis le long de la côte, en direction du nord.
Dans un petit village côtier, Riobe rencontra un vieux maître de go, à l'auberge et disputa contre lui quelques parties. Riobe, après des échanges de coups très serrés et mûrement réfléchis, finit par prendre un léger avantage. Il sentait pourtant que le senseï était trop sûr de lui. Cette facilité apparente ne cachait-elle pas un piège ? Un sixième sens murmurait à Riobe de ne pas se jeter à l'aveugle dans une attaque. Pourtant, le rônin ne voyait pas ce qui pourrait le piéger. Il joua donc le coup qui lui assurait soudain un gros avantage.
Le vieux senseï sourit : il attendait bien du jeune guerrier qu'il jouât ce coup. Trop évident, trop tentant.
Soudain, en quelques coups, le sensei renversa la situation, et accula les pions de Riobe à la défaite.
- Il y a longtemps, dit le vieux maître, notre armée fut dans cette situation. Elle voyait une brèche dans l'armée adverse, par laquelle s'engouffrer et obtenir une facile et écrasante victoire. Le général donna l'ordre de l'assaut, et après avoir percé la défense adverse, nous tombâmes dans un piège et nous connûmes la défaite. Aujourd'hui, tu viens de commettre la même erreur. Tu étais trop pressé de gagner.
Le vieux joueur de go souriait sans malice.
Riobe s'inclina et quitta l'auberge. Il avait compris la leçon.
Plus tard, les trois samuraï arrivèrent à la Cité de l'Or Bleu, ainsi dénommée en hommage à l'océan nourricier où les pécheurs allaient trouver le poisson qui nourrissait tout le monde alentours. Ils furent reçus par le magistrat Shiba Morioka, qui écouta ce que Kakita Hiruya avait à lui dire, concernant Hiro, criminel ayant sévi à la Grenouille Riche et à Heibetsu. Le magistrat accepta d'aider les bushis à trouver ce criminel qui comptait fuir par la côte. Les deux rônins s'adressèrent au dénommé Hiroshi, rônin lui aussi, qui servait d'interlocuteur à Morioka-sama dans la ville. Hiroshi indiqua la localisation de la masure de Gempachi, ce passeur dont Hiruya avait entendu parler dans les montagnes du Dragon. Si quelqu'un pouvait faire partir quelqu'un par l'océan discrètement, c'était lui.
Une côte sauvage, d'herbes hautes, battue par les vents. Un endroit à l'écart de la Cité, peu surveillé par les yorikis, idéal pour faire passer des marchandises, et des hommes.
Gempachi se montra aimable, mais n'eut que peu de choses à raconter. Il refusa poliment de laisser les samuraï pénétrer chez lui. Il disait qu'il ne valait mieux pas, et d'ailleurs, les bushis remarquèrent qu'une cloture peinte en rouge vif cernait toute la maison.
Que redoutait donc ce Gempachi ?
Mais l'investigation de nos héros fut interrompue. Le soir tombait, et en rentrant le soir à la Cité de l'Or Bleu, tandis que Sotan passait une nuit de sommeil reposant, Hiruya-san et Riobe voyait leur sommeil et leurs rêves possédés soudain par l'entité la plus noire, la plus dangereuse et la plus vieille de Rokugan... Et au sein de leurs cauchemars bien réels, ils combattaient des monstres informes, échappés des royaumes de la terreur puis retrouvaient Ayame-san et les autres, jusqu'au bout de la nuit...
Le démon de la côte
Le lendemain de l'arrivée d'Ayame-san et Ryu-san à la Cité de l'Or Bleu, Hiruya-san, avec les deux rônins Riobe et Sotan, retournèrent avec elles à la masure de Gempachi. Cette fois, la shugenja Isawa allait voir par elle-même ce qui se passait avec cette maison.
Gempachi ne désirait pas faire entrer les visiteurs. Il se montrait très prudent devant tant de nobles guerriers.
Lors de leur précédente visite, et après enquête à la Cité, nos héros avaient entendu que Gempachi avait tué plusieurs personnes, mais il avait toujours nié avoir accompli cet acte volontairement. Il s'était réveillé, et avait vu les trois cadavres, et du sang partout dans sa masure. Il se pensait le jouet d'un démon. Mirumoto Ryu inspectait déjà de très près la barrière rouge, mais sans y trouver inscrits de signes cabalistiques ou autres glyphes.
Le malheureux Gempachi devait bien avouer devant Ayame-san qu'il redoutait une force telle qu'un oni, qui avait pu le pousser au meurtre, mais il ne pouvait pas l'affirmer.
Sotan le rônin s'impatientait, car, dans son clan, il avait appris à ne rien laisser au hasard quant à tout ce qui pouvait toucher à l'Outremonde. C'était de la dernière imprudence de la part de Gempachi de ne pas avoir auparavant fait appel à des shugenja, pour purifier sa demeure de toute présence infâme. Il avait fallu cette histoire de passeurs clandestins pour qu'il doive avouer qu'un monstre secret le hantait à son insu !
Gempachi avait beau demandé aux samuraï de ne pas passer la barrière de sa maison, nos héros n'allaient pas s'arrêter là cette fois. A ce moment, Ryu-san fit une allusion assez peu allusive, à l'ombre et aux deux criminels Hiro et Nahoko, qui plongea tout le monde dans l'embarras -sauf Sotan, qui ne savait pas de quoi il s'agissait. Gempachi en devint tremblant et terriblement gêné.
- L'ombre ? Sans doute un nom que les Dragons utilisent pour désigner les mauvais esprits, je me trompe Ryu-san ? dit Sotan.
Tout le monde s'empressa de confirmer : oui, oui, chaque clan a ses particularismes régionaux. Sotan fut rassuré. Chacun ravala sa gêne, mais Gempachi ne se sentait pas mieux. Il ne put empêcher nos héros de pénétrer dans son petit domaine, derrière la barrière rouge...
Hiruya-san fut le premier à passer, suivi de Sotan, tetsubo à la main, puis d'Ayame-san.
Soudain affolé, Gempachi courut se réfugier à l'intérieur de sa demeure, et se mit à trembler très fort, comme en proie à la fièvre. Sotan avait déjà vu des cas semblables sur ces terres, et il se méfiait de plus en plus, prêt qu'il était à assommer Gempachi d'un bon coup de tetsubo...
Soudain, une éblouissante lumière se fit, tandis que Gempachi se tordait de douleur et gémissait.
Quand la lumière redevint normale, nos héros virent devant eux, près du rônin, un monstre hideux, grand comme un homme, une tête d'animal comme un cochon ou un bouc, de grandes cornes, un corps aux muscles puissants, et deux lames en feu dans ses mains. Un être monstrueux qui insinua une peur ignoble chez Ayame-san, Ryu-san et même Sotan, ce dernier étant pourtant "habitué" si l'on peut dire, aux horreurs de l'Outremonde...
Sans hésitation, Hiruya-san, Riobe et Sotan se lancèrent à l'assaut contre cette horreur. Ils auraient dû en venir à bout rapidement, mais une puissance surnaturelle animait ce monstre. Il semblait que katanas et tetsubo heurtaient le cuir de la bête en rebondissant dessus, sans provoquer de lésion.
Soudain, Hiruya-san se jeta hors du combat. Deux personnes venaient de rentrer dans la cabane, dont la vue stupéfia la shugenja Ayame : Hiro et Nahoko en personne !
Déjà, Hiruya était sur eux et abattait Hiro.
Contre le monstre, après plusieurs échanges furieux de coups de tetsubos et de katanas, Ryu et Sotan furent blessés par les attaques fulgurantes du monstre, qui frappait de ses deux lames incandescentes, puis Riobe parvint à entamer la bête, dont la blessure se referma presque intégralement. La bête réagit violemment en se lançant avec une fureur aveugle sur notre rônin, qui subit un coup de la lame enflammée. Ryu-san l'entailla encore, mais le monstre tenait bon.
Puis, aussi prestement qu'il était parti, Hiruya se retourna et repartit à l'assaut contre le démon. Il n'était que temps, car bientôt Ryu-san et les deux rônins auraient été hors combat, face à un monstre qui ne faiblissait pas. !
Hiruya abattit le tranchant de sa lame sur le monstre, qui fléchit, mis un genoux à terre ; Riobe porta le coup final.
La bête agonisa rapidement, en quelques gargouillis répugnants puis cessa de remuer.

Ayame avait dégainé son wakisashi, juste avant que, furieuse, Nahoko la traîtresse ne se jette sur elle, katana à la main. Brillamment, avec une vigueur inattendue de la part de la paisible shugenja, Ayame dévia le coup. Pendant que les samourai achevaient le monstre, Nahoko commença à invoquer les kami nécessaires au déclenchement du sort terrifiant appelé "Coeur de l'Enfer", celui-là même qui avait embrasé les deux temples des oiseaux à Heibetsu. Des flammes commençaient à se former autour des poings de la shugenja, possédée par une colère ardente. Hiruya et Ryu se jetèrent sur elle, et l'instant avant que la fureur des kami du feu ne se déclenche, le sabre de Hiruya frappa Nahoko ; hors de combat, celle-ci vit Ryu-san lever son sabre et l'abattre. Ayame-san n'eut pas le temps de crier pour l'en empêcher.
La shugenja poussa un soupir de découragement et de regret. C'était trop bête de l'avoir achevée... Néanmoins, elle se contint et ne fit aucune remarque.
Elle examina Nahoko, car elle peinait à croire que son ennemie était morte pour de bon. Il lui semblait pourtant que c'était bien elle.
Le pauvre Gempachi s'était évanoui, vaincu par la douleur. Mais il était maintenant libre du démon qui le possédait. Sans doute ce dernier allait-il séjourner pour quelques siècles dans un autre monde, avant de revenir dans Ningen-do [le monde des vivants].
Revenu à lui, Gempachi se prosterna le front contre terre, incapable d'exprimer sa gratitude. Il n'avait aucun moyen de rendre le bienfait que venaient de lui faire les samuraï. Il vit Sotan et Riobe blessés, et leur proposa l'hospitalité pour le temps qu'ils voudraient. Affaibli, Gempachi ne tarda pas à sombrer à nouveau dans l'inconscience. Sotan le porterait jusqu'à la Cité, pour que le magistrat Shiba Morioka puisse l'interroger.

Avant de partir, Hiruya, Ryu et Riobe inspectèrent un passage dissimulé sous le sol, dont Riobe soupçonnait l'existence depuis sa venue. La trappe menait à un tunnel creusé dans la falaise, qui descendait lui-même vers en pente raide. En bas, dans une petite crique de galets, se balançait, au rythme de l'eau, le bateau de Gempachi, dans le vent sifflant. Malgré une fouille approfondie menée par Ryu, les samuraï n'y trouvèrent rien d'intéressant. Il était temps d'aller rendre compte des évènements à Shiba Morioka.
Après être repassés à la Cité de l'Or Bleu, nos samuraï laissèrent les trois rônins ensemble, qui retournèrent dans la maison sur la côte. Grâce à l'accueil de Gempachi, Sotan et Riobe pourraient manger chaque jour du produit de la pêche. Sotan voulait retourner dans son clan, maintenant que Nahoko, celle qui avait causé sa perte, était morte. Peut-être aurait-il le droit d'y pratiquer le seppuku. Peut-être se verrait-il envoyé en première ligne sur la muraille Kaiu.
Riobe aussi avait un long voyage à accomplir : jusqu'aux montagnes du Dragon, pour rendre compte de la mort de Hiro auprès de Taro-san, puis à la Grenouille Riche, pour y recevoir le paiement de ses efforts.
Mais l'hiver n'était pas la saison pour entreprendre un tel voyage. Au printemps, Sotan et Riobe repartiraient sur les routes, inquiets pour leur honneur, chacun d'une façon bien différente.
Pendant que les rônins s'installaient dans la maison, Hiruya, Ayame et Ryu repartaient à la Cité de la Forêt des Ombres, où le magistrat Shiba Tadamischi écouta le récit de leurs histoires. Puis ils retrouvèrent Ide Soshu, Shinjo Kohei et Shiba Ikky.
Isawa Ayame, appelée de nouveau par le besoin d'opium, passa la nuit au Pays des Merveilles, dans l'atmosphère malsaine, pesante, de ce lieu sans honneur. Le lendemain matin, la brave Ikky-san attendait devant la porte la sortie de la shugenja ; les deux femmes rejoignirent les autres samuraï, prêts déjà à la première heure, et tous se mirent en route pour la Cité du Chêne Pale.
Le voyage fut paisible, car ce fut l'époque de la fête du courroux de la lune, période de trois jours pendant lesquelles il est interdit de prononcer la moindre parole, sous peine de facher Onnotangu.
Quand nos héros arrivèrent dans le domaine de Masanaga-sama, le jour annuel de remboursement des dettes venait de passer. Le mois du Rat était maintenant entamé, et l'an 1126 du règne de la dynastie Hantei vivait ses dernières semaines.
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De nos jours, Aojiroi Oku Toshi (la Cité du Chêne Pale) est une bourgade de 100.000 habitants, qui réussit cet exploit d’être à la fois paisible et prospère. Bien sûr, les gens de la mégalopole sur la côte nous trouvent un peu provinciaux, parce que nous vivons à l’écart de leur agitation démente, nous qui sommes si tranquilles au pied des montagnes. Je suis fier de vivre dans cette belle région où l’on respire un air pur, alors que ces citadins passent chaque jour des heures dans leurs transports congestionnés, et travaillent comme des fourmis pour leurs patrons de multinationales, dans des bureaux anonymes.
Vous êtes déjà allé à Otosan Uchi, au début de l’automne, quand tout le monde rentre de vacances et qu’il pleut sans arrêt ? Vous avez déjà pris le train régional super-expres qui relie la capitale à Mizu Mura ?… Super-express, mon œil ! D’abord, il ne dépasse jamais le 100 kilomètre/heure, ce train, et en plus, les cheminots font tout le temps grève.
Tout ça à cause de ces maudits syndicats qui passent leur temps à empêcher les honnêtes gens de travailler.
Tandis que si vous venez à toute période de l’année chez nous, à la Cité du Chêne Pale, vous trouverez l’air pur, le calme d’une région magnifique, et dans mon parc d’attraction, vous pourrez vous détendre le week-end en famille, grâce à un forfait spécialement conçu pour…
scratch scratch Je suis fier de vivre dans cette belle scratch - rewind – rewind –rewind – De nos jours, Aojiroi…
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Les actualités nationales -et en couleur- du glorieux Empire d’Emeraude !
Du soleil levant au soleil couchant, un seul Empire et un seul peuple unis pour la gloire du Ciel !
Notre glorieux Empereur Toturi 26 a ordonné le retrait des cohortes de la légion impériale de la Cité du Chêne Pale, suite à la reddition du daimyo des lieux, Isawa Achiko. Le séditieux vassal impérial a enfin reconnu sa félonie, et s’apprête à subir les conséquences de ses actes. Ce soir, le drapeau impérial flotte à nouveau sur la Cité des Phénix. scratch
C’est à 17h00 précisément qu’a eu lieu la reddition des rebelles, après un assaut massif de nos glorieuses divisions aéroportées sur les points stratégiques de la ville. scratch Le calme est revenu dans la ville dès l’entrée de nos divisions blindées, saluées par une foule en liesse, qui déjà conspue son ancien tyran. Le peuple, saigné à vif par l’infâme Achiko, n’aspire maintenant qu’à …scratch
…rewind – rewind – rewind – rewind…
- Et moi, Shiba Tokisho, bourgmestre de la cité libre du Chêne Pale, j’affirme que nous serons au premier rang de l’industrialisation dans laquelle s’engage notre pays, depuis que notre divin Empereur a prononcé notre entrée dans le monde moderne, synonyme de progrès, de vie meilleure, de projets grandioses et d’accomplissements encore inimaginables il y a 50 ans. Déjà, la compagnie des chemins de fer à vapeur de l’Ouest inaugurera dans un mois la première grande ligne transcontinentale qui passera par notre Cité, et dans moins d’une semaine, notre grand explorateur Shiba Hito partira pour son grand voyage dans sa montgolfière aux couleurs du Chêne Pale, et à ce moment là, alors enfin, nous aurons prouvé…
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- Planquez-vous ! Voilà Hitomi ! Elle est poursuivie par Yakamo-san ! Elle va encore raser la moitié de la ville !
- Non, heureusement, car notre futur Empereur, Hida Kisada, sera bientôt…
- Kisada, le Grand Ours, Empereur ? ? Mort au traître ! Vive la Cité du Chêne Pale !
- Planquez-vous ! Voilà Hitomi, et elle a l’air en furie !
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- Docteur Kameko, docteur Munetaka, je vous demande de bien vouloir soigner cet homme, et de ne pas en parler à mes autres invités pour le moment…
…rewind – rewind…
CHRONIQUES DE L'EMPIRE D'EMERAUDE
La 5e Réincarnation : 9e Episode
Mois du Rat (début de l'hiver)
PROLOGUE
Les rayons caressant de Dame Soleil baignaient la chambre d'Isawa Ayame et Shiba Ikky. Ce soleil d'hiver dorait toute la cité côtière de Morikage Toshi [la Cité de la Forêt des Ombres], tandis que l'océan, insatiable, continuait à ronfler et à mugir, et que ses vagues, inlassablement, venaient se briser contre les falaises et les ronger un peu plus.
Le sentiment de l'affreuse nuit qu'elle venait de vivre étreignit les deux Phénix dès leur réveil. Mais cette fois, elles sentirent qu'elles s'étaient éveillées dans le monde qu'elles connaissaient habituellement. C'en était fini des hallucinations et des cauchemars affolants. Il était temps de chasser ces vilaines impressions, malgré leur permanence dans la mémoire.
Pendant la collation du matin, Shiba Tadamischi, magistrat de la Cité, s'enquit de savoir si la nuit s'était bien passée. Mirumoto Ryu, qui avait été invitée au palais essaya poliment d'assurer que la nuit avait été bonne, mais ses intonations disaient tout le contraire. Avant le repas, Ayame s'était assurée auprès d'Ikky qu'elle n'était pas seule à avoir vécu ce sommeil terrorisant.
- Je ne crois pas avoir mieux dormi que vous, Ayame-san, dit la yojimbo, fatiguée comme si elle terminait une éprouvante journée.
Le repas terminé, Tadamischi-sama dit qu'une lettre venait d'arriver pour les deux Phénix et Ryu-san, lettre écrite de la main de Shiba Mario-Kart scratch Shiba Carioca scratch de - de - de - erase & rewind de la main de Shiba Morioka, daimyo de la Cité de l'Or Bleu, une petite bourgade au nord sur la côte, non loin de Morikage Toshi.
En substance, Morioka-sama requérait la venue d'Isawa Ayame et Mirumoto Ryu pour une affaire importante, dont s'occupait actuellement l'honorable Kakita Hiruya.
Ayame-san hésita un instant, car elle s'était vu confier par Akitoki-sama la mission d'escorter Ide Soshu et Shinjo Kohei jusqu'à la bibliothèque de Morikage Toshi, à la sortie de la ville. Ikky-san se proposa alors de conduire les deux Licornes, pendant qu'Ayame pourrait répondre à l'appel de Hiruya, accompagnée de Ryu.
Réglée ainsi, les choses parurent convenables, et les deux samurai-ko firent préparer leurs affaires pour partir dès que possible.
Ayame-san portée en palanquin, Ryu-san à ses côtés à dos de poney, le voyage se passa sans encombre, le long des côtes battues par les vents, à travers une campagne presque déserte, sauvage. En fin de journée, les deux femmes arrivèrent à la Cité de l'Or Bleu et allèrent aussitôt se présenter à Shiba Morioka pour s'informer de l'appel de Kakita Hiruya.
Le magistrat et le Grue mirent au courant les deux femmes de ce qui se passait dans la région, et de la manière dont Hiruya et les deux rônins, avaient poursuivi leurs recherches, depuis qu'ils s'étaient séparé à la sortie de Morikage.

Or donc, Kakita Hiruya, Riobe et Sotan étaient partis le long de la côte, en direction du nord.
Dans un petit village côtier, Riobe rencontra un vieux maître de go, à l'auberge et disputa contre lui quelques parties. Riobe, après des échanges de coups très serrés et mûrement réfléchis, finit par prendre un léger avantage. Il sentait pourtant que le senseï était trop sûr de lui. Cette facilité apparente ne cachait-elle pas un piège ? Un sixième sens murmurait à Riobe de ne pas se jeter à l'aveugle dans une attaque. Pourtant, le rônin ne voyait pas ce qui pourrait le piéger. Il joua donc le coup qui lui assurait soudain un gros avantage.
Le vieux senseï sourit : il attendait bien du jeune guerrier qu'il jouât ce coup. Trop évident, trop tentant.
Soudain, en quelques coups, le sensei renversa la situation, et accula les pions de Riobe à la défaite.
- Il y a longtemps, dit le vieux maître, notre armée fut dans cette situation. Elle voyait une brèche dans l'armée adverse, par laquelle s'engouffrer et obtenir une facile et écrasante victoire. Le général donna l'ordre de l'assaut, et après avoir percé la défense adverse, nous tombâmes dans un piège et nous connûmes la défaite. Aujourd'hui, tu viens de commettre la même erreur. Tu étais trop pressé de gagner.
Le vieux joueur de go souriait sans malice.
Riobe s'inclina et quitta l'auberge. Il avait compris la leçon.
Plus tard, les trois samuraï arrivèrent à la Cité de l'Or Bleu, ainsi dénommée en hommage à l'océan nourricier où les pécheurs allaient trouver le poisson qui nourrissait tout le monde alentours. Ils furent reçus par le magistrat Shiba Morioka, qui écouta ce que Kakita Hiruya avait à lui dire, concernant Hiro, criminel ayant sévi à la Grenouille Riche et à Heibetsu. Le magistrat accepta d'aider les bushis à trouver ce criminel qui comptait fuir par la côte. Les deux rônins s'adressèrent au dénommé Hiroshi, rônin lui aussi, qui servait d'interlocuteur à Morioka-sama dans la ville. Hiroshi indiqua la localisation de la masure de Gempachi, ce passeur dont Hiruya avait entendu parler dans les montagnes du Dragon. Si quelqu'un pouvait faire partir quelqu'un par l'océan discrètement, c'était lui.
Nos héros trouvèrent sans mal l'endroit où vivait ce Gempachi. C'était dans une masure, au bord d'une falaise. Celle-ci surplombait magistralement l'océan houleux, soulevé par des forces surpuissantes en vagues qui roulaient sans contrainte vers la côte et s'y écrasaient de toutes leurs forces.8e Récit a écrit :Un des complices [des kidnappeurs] avaient indiqué que Hiro rejoindrait la côte, puis tenterait de partir en mer grâce à un passeur clandestin nommé Gempachi.
Une côte sauvage, d'herbes hautes, battue par les vents. Un endroit à l'écart de la Cité, peu surveillé par les yorikis, idéal pour faire passer des marchandises, et des hommes.
Gempachi se montra aimable, mais n'eut que peu de choses à raconter. Il refusa poliment de laisser les samuraï pénétrer chez lui. Il disait qu'il ne valait mieux pas, et d'ailleurs, les bushis remarquèrent qu'une cloture peinte en rouge vif cernait toute la maison.
Que redoutait donc ce Gempachi ?
Mais l'investigation de nos héros fut interrompue. Le soir tombait, et en rentrant le soir à la Cité de l'Or Bleu, tandis que Sotan passait une nuit de sommeil reposant, Hiruya-san et Riobe voyait leur sommeil et leurs rêves possédés soudain par l'entité la plus noire, la plus dangereuse et la plus vieille de Rokugan... Et au sein de leurs cauchemars bien réels, ils combattaient des monstres informes, échappés des royaumes de la terreur puis retrouvaient Ayame-san et les autres, jusqu'au bout de la nuit...
Le démon de la côte
Le lendemain de l'arrivée d'Ayame-san et Ryu-san à la Cité de l'Or Bleu, Hiruya-san, avec les deux rônins Riobe et Sotan, retournèrent avec elles à la masure de Gempachi. Cette fois, la shugenja Isawa allait voir par elle-même ce qui se passait avec cette maison.
Gempachi ne désirait pas faire entrer les visiteurs. Il se montrait très prudent devant tant de nobles guerriers.
Lors de leur précédente visite, et après enquête à la Cité, nos héros avaient entendu que Gempachi avait tué plusieurs personnes, mais il avait toujours nié avoir accompli cet acte volontairement. Il s'était réveillé, et avait vu les trois cadavres, et du sang partout dans sa masure. Il se pensait le jouet d'un démon. Mirumoto Ryu inspectait déjà de très près la barrière rouge, mais sans y trouver inscrits de signes cabalistiques ou autres glyphes.
Le malheureux Gempachi devait bien avouer devant Ayame-san qu'il redoutait une force telle qu'un oni, qui avait pu le pousser au meurtre, mais il ne pouvait pas l'affirmer.
Sotan le rônin s'impatientait, car, dans son clan, il avait appris à ne rien laisser au hasard quant à tout ce qui pouvait toucher à l'Outremonde. C'était de la dernière imprudence de la part de Gempachi de ne pas avoir auparavant fait appel à des shugenja, pour purifier sa demeure de toute présence infâme. Il avait fallu cette histoire de passeurs clandestins pour qu'il doive avouer qu'un monstre secret le hantait à son insu !
Gempachi avait beau demandé aux samuraï de ne pas passer la barrière de sa maison, nos héros n'allaient pas s'arrêter là cette fois. A ce moment, Ryu-san fit une allusion assez peu allusive, à l'ombre et aux deux criminels Hiro et Nahoko, qui plongea tout le monde dans l'embarras -sauf Sotan, qui ne savait pas de quoi il s'agissait. Gempachi en devint tremblant et terriblement gêné.
- L'ombre ? Sans doute un nom que les Dragons utilisent pour désigner les mauvais esprits, je me trompe Ryu-san ? dit Sotan.
Tout le monde s'empressa de confirmer : oui, oui, chaque clan a ses particularismes régionaux. Sotan fut rassuré. Chacun ravala sa gêne, mais Gempachi ne se sentait pas mieux. Il ne put empêcher nos héros de pénétrer dans son petit domaine, derrière la barrière rouge...
Hiruya-san fut le premier à passer, suivi de Sotan, tetsubo à la main, puis d'Ayame-san.
Soudain affolé, Gempachi courut se réfugier à l'intérieur de sa demeure, et se mit à trembler très fort, comme en proie à la fièvre. Sotan avait déjà vu des cas semblables sur ces terres, et il se méfiait de plus en plus, prêt qu'il était à assommer Gempachi d'un bon coup de tetsubo...
Soudain, une éblouissante lumière se fit, tandis que Gempachi se tordait de douleur et gémissait.
Quand la lumière redevint normale, nos héros virent devant eux, près du rônin, un monstre hideux, grand comme un homme, une tête d'animal comme un cochon ou un bouc, de grandes cornes, un corps aux muscles puissants, et deux lames en feu dans ses mains. Un être monstrueux qui insinua une peur ignoble chez Ayame-san, Ryu-san et même Sotan, ce dernier étant pourtant "habitué" si l'on peut dire, aux horreurs de l'Outremonde...
Sans hésitation, Hiruya-san, Riobe et Sotan se lancèrent à l'assaut contre cette horreur. Ils auraient dû en venir à bout rapidement, mais une puissance surnaturelle animait ce monstre. Il semblait que katanas et tetsubo heurtaient le cuir de la bête en rebondissant dessus, sans provoquer de lésion.
Soudain, Hiruya-san se jeta hors du combat. Deux personnes venaient de rentrer dans la cabane, dont la vue stupéfia la shugenja Ayame : Hiro et Nahoko en personne !
Déjà, Hiruya était sur eux et abattait Hiro.
Contre le monstre, après plusieurs échanges furieux de coups de tetsubos et de katanas, Ryu et Sotan furent blessés par les attaques fulgurantes du monstre, qui frappait de ses deux lames incandescentes, puis Riobe parvint à entamer la bête, dont la blessure se referma presque intégralement. La bête réagit violemment en se lançant avec une fureur aveugle sur notre rônin, qui subit un coup de la lame enflammée. Ryu-san l'entailla encore, mais le monstre tenait bon.
Puis, aussi prestement qu'il était parti, Hiruya se retourna et repartit à l'assaut contre le démon. Il n'était que temps, car bientôt Ryu-san et les deux rônins auraient été hors combat, face à un monstre qui ne faiblissait pas. !
Hiruya abattit le tranchant de sa lame sur le monstre, qui fléchit, mis un genoux à terre ; Riobe porta le coup final.
La bête agonisa rapidement, en quelques gargouillis répugnants puis cessa de remuer.

Ayame avait dégainé son wakisashi, juste avant que, furieuse, Nahoko la traîtresse ne se jette sur elle, katana à la main. Brillamment, avec une vigueur inattendue de la part de la paisible shugenja, Ayame dévia le coup. Pendant que les samourai achevaient le monstre, Nahoko commença à invoquer les kami nécessaires au déclenchement du sort terrifiant appelé "Coeur de l'Enfer", celui-là même qui avait embrasé les deux temples des oiseaux à Heibetsu. Des flammes commençaient à se former autour des poings de la shugenja, possédée par une colère ardente. Hiruya et Ryu se jetèrent sur elle, et l'instant avant que la fureur des kami du feu ne se déclenche, le sabre de Hiruya frappa Nahoko ; hors de combat, celle-ci vit Ryu-san lever son sabre et l'abattre. Ayame-san n'eut pas le temps de crier pour l'en empêcher.
La shugenja poussa un soupir de découragement et de regret. C'était trop bête de l'avoir achevée... Néanmoins, elle se contint et ne fit aucune remarque.
Elle examina Nahoko, car elle peinait à croire que son ennemie était morte pour de bon. Il lui semblait pourtant que c'était bien elle.
Le pauvre Gempachi s'était évanoui, vaincu par la douleur. Mais il était maintenant libre du démon qui le possédait. Sans doute ce dernier allait-il séjourner pour quelques siècles dans un autre monde, avant de revenir dans Ningen-do [le monde des vivants].
Revenu à lui, Gempachi se prosterna le front contre terre, incapable d'exprimer sa gratitude. Il n'avait aucun moyen de rendre le bienfait que venaient de lui faire les samuraï. Il vit Sotan et Riobe blessés, et leur proposa l'hospitalité pour le temps qu'ils voudraient. Affaibli, Gempachi ne tarda pas à sombrer à nouveau dans l'inconscience. Sotan le porterait jusqu'à la Cité, pour que le magistrat Shiba Morioka puisse l'interroger.

Avant de partir, Hiruya, Ryu et Riobe inspectèrent un passage dissimulé sous le sol, dont Riobe soupçonnait l'existence depuis sa venue. La trappe menait à un tunnel creusé dans la falaise, qui descendait lui-même vers en pente raide. En bas, dans une petite crique de galets, se balançait, au rythme de l'eau, le bateau de Gempachi, dans le vent sifflant. Malgré une fouille approfondie menée par Ryu, les samuraï n'y trouvèrent rien d'intéressant. Il était temps d'aller rendre compte des évènements à Shiba Morioka.
Après être repassés à la Cité de l'Or Bleu, nos samuraï laissèrent les trois rônins ensemble, qui retournèrent dans la maison sur la côte. Grâce à l'accueil de Gempachi, Sotan et Riobe pourraient manger chaque jour du produit de la pêche. Sotan voulait retourner dans son clan, maintenant que Nahoko, celle qui avait causé sa perte, était morte. Peut-être aurait-il le droit d'y pratiquer le seppuku. Peut-être se verrait-il envoyé en première ligne sur la muraille Kaiu.
Riobe aussi avait un long voyage à accomplir : jusqu'aux montagnes du Dragon, pour rendre compte de la mort de Hiro auprès de Taro-san, puis à la Grenouille Riche, pour y recevoir le paiement de ses efforts.
Mais l'hiver n'était pas la saison pour entreprendre un tel voyage. Au printemps, Sotan et Riobe repartiraient sur les routes, inquiets pour leur honneur, chacun d'une façon bien différente.
Pendant que les rônins s'installaient dans la maison, Hiruya, Ayame et Ryu repartaient à la Cité de la Forêt des Ombres, où le magistrat Shiba Tadamischi écouta le récit de leurs histoires. Puis ils retrouvèrent Ide Soshu, Shinjo Kohei et Shiba Ikky.
Isawa Ayame, appelée de nouveau par le besoin d'opium, passa la nuit au Pays des Merveilles, dans l'atmosphère malsaine, pesante, de ce lieu sans honneur. Le lendemain matin, la brave Ikky-san attendait devant la porte la sortie de la shugenja ; les deux femmes rejoignirent les autres samuraï, prêts déjà à la première heure, et tous se mirent en route pour la Cité du Chêne Pale.
Le voyage fut paisible, car ce fut l'époque de la fête du courroux de la lune, période de trois jours pendant lesquelles il est interdit de prononcer la moindre parole, sous peine de facher Onnotangu.
Quand nos héros arrivèrent dans le domaine de Masanaga-sama, le jour annuel de remboursement des dettes venait de passer. Le mois du Rat était maintenant entamé, et l'an 1126 du règne de la dynastie Hantei vivait ses dernières semaines.