La Voix De Rokugan

Ils récupérèrent leurs chevaux, leurs invités contraints et néanmoins protégés, et franchirent les portes de la ville pour un périple de 15 jours.

15 jours !

15 jours avec Chohime, sa yojimbo lugubre (mais très sympa avec une bière), ses oeillades convenues (mais ravageuses), ses valises rangées dans ses bagages et pas sous ses yeux, 15 jours de vampisme intersidéral et de tapage sur le système à coup de tortue de fer, voila ce qui attendait nos deux héros.

Ou alors si vous préférez je fais une ellipse ?

Sur le reste de la journée ils n'avaient vraiment pas fait beaucoup de kilomètres... Mais avaient tout de même poussé un peu pour arriver dans une auberge et clore comme il se devait ces infernales dernières 24h : ailleurs qu'à Sunda et quand même au chaud. Le trajet avait été silencieux. L'air de rien, tout le monde se remettait des chocs de la nuit précédente et même pour Chohime ça mettait un peu de temps...

Retsu était claqué et il semblait faire des efforts incroyables pour ne pas piquer du nez dans son assiette.

Kei ne l'avait pas questionné sur les raisons de son emprisonnement et il n'avait pas envie d'en parler devant leurs camarades du clan Bayushi...
Il lui raconterait tout cela une fois qu'ils seraient tous les deux...

Il étouffa un bâillement.

Chohime fit la moue quasiment tout le repas, les plats n'étant certainement pas assez raffinés. Elle fit pourtant contre mauvaise fortune bon cœur et tint le crachoir a tout le monde récitant dans les moindres détails son sauvetage de la nuit par Retsu et son escouade de braves bushi. Elle déclama quelque piques bien senties sous l’œil appréciateur de Atsuyo, mais les deux Crabes ne réagirent même pas.

- Bien... Je crois qu'il est temps d'aller se coucher. Me ferez-vous le plaisir pour marquer le début de ce voyage en si belle compagnie de me jouer quelques airs de shamisen Retsu-san, je suis persuadée que le tenancier peut nous en prêter un.

"Je veux bien, Bayushi-gozen..."

"Mais je doute fortement que le tenancier ai ce type d'instrument chez lui..."

Il haussa les épaules et se leva pour questionner l'aubergiste.

- Kei-san vous devriez aller vous coucher vous savez, vous avez l'air épuisé.

- Non ça ira, dit-elle la tête enfarinée.

Ils avaient réservés deux chambres : une pour Chohime, une pour Retsu. C'était les deux officiels de cette mission après tout.

- Allez-y. De toutes façons je ne me coucherais pas de suite. J'ai eu la chance de me reposer un peu ce matin, contrairement à vous. Allez-y Atsuyo-san peut vous accompagner si vous vous sentez trop faible pour y aller seule.

- Ça ira je vous ai dit.

- Chohime-sama, souffla Atsuyo à son oreille. elle s'était encore levée sans faire aucun bruit.

- Je pense qu'on devrait tous se coucher de toutes façons, le voyage ne fait que commencer... Chohime-sama, finit-elle avec un sourire peu amène.

L'aubergiste avait un shamisen, et même un koto long de deux mètres, un souvenir de son épouse. Il le prêta bien volontiers à la dignitaire Scorpion, qui s'appropria une petite alcôve et proposa :

- Vous m'avez l'air un peu éteint, Retsu-san, ne voulez-vous pas vous placer près de moi, vous entendrez mieux ?

Ainsi placés, elle commença à jouer. Curieusement, peut-être parce qu'elle-même était exténuée, ce fut un récital tranquille, dénué de piques, et qui s'acheva sans attitude trop intrusive.
Après quoi, ils allèrent tous se coucher.

Malgré la fatigue, Retsu avait apprécié ce petit récital.
Dame Bayushi était peut-être un peu trop entreprenante à son goût... Et au goût de Kei... Mais elle jouait divinement bien...

Ce fut avec plaisir qu'il rejoignit sa chambre, tant la fatigue était grande.

"Kei-chan... Voilà pourquoi est-ce que je me suis retrouvé en prison..." fit-il à voix basse une fois qu'ils se retrouvèrent que tous les deux. Il commença à lui expliquer ce qui s'était passé...

Kei avait carrément somnolé pendant la démonstration de shamisen, franchement il était heureux que Chohime n'ait pas été plus emmerdante.


*
- Tu devrais dormir dans la chambre de la Scorpion... Nan parce que tu dois assurer sa sécurité je te signale! Et les derniers dignitaires que 'tas gardé comment dire... Y'en a plus un seul !

- Tu sais quoi ? Juste ta gueule...
*


Elle s'affala sur le lit toute habillée. Elle écouta Retsu du mieux qu'elle put mais du en manquer quelques morceaux. Elle n'avait pas manqué de le traiter de crétin, la voix basse et lente, mais quand même.

"On m'a juste dit de t'empêcher de trucider des Lion et des Kaiu pendant le voyage. Et Utsuan m'a soulé de paroles sur le mariage et la famille. Il m'a trainé devant Taka et il a parlé dOtodairi et de toi. Et que tu es soit-disant un vicelard. Voilà ce que je savais. Et bah la vérité est pas mieux que la fiction."

"Ouais... J'ai été con..."

"Et donc... sinon tu as balancé dans une salle remplie de gardes que j'étais enceinte de toi ? " Elle était trop fatiguée pour être énervée, elle murmurait presque.

"Non pas une salle remplie... Mais il y avait quelques personnes..."

Il soupira. Il avait vraiment été con...

"Je suis désolé, Kei-chan."

Elle se redressa sur un coude sinon elle allait sombrer dans le sommeil aussi vite qu'on souffle une bougie. elle changea d'avis encore une fois et se leva pour se déshabiller. Au moins en bougeant elle se réveillait un peu.

" Non bah j'aurais sûrement fini par le gueuler au visage de quelqu'un pour essayer de faire capoter ce mariage alors..."

La fatigue aidait bien au détachement. elle devrait en prendre de la graine pour les jours suivants.

"C'est bizarre quand même, le comportement d'Utsuan. Je vois pas pourquoi il parraine un de ces élèves comme ça... du clan du Lion en plus... Du coup ce doit être de lui que mon père m'a parlé comme contact... "

Elle réalisa que son père était mort peut-être à ce moment-ci, ou peut-être une fois encore. Quoiqu'il en soit elle s'arrêta de parler et finit de se déshabiller en silence.

Elle se coucha la gorge serrée et articula difficilement "C'est peut-être pour la forge... On est sûrs que c'est pas pour mes beaux yeux déjà, c'est quand même peu probable..."

"Viens-là..." fit Retsu en ouvrant ses bras.

Kei avait perdu son père... Son frère était blessé... Sa belle-sœur avait disparu...

Il la serra contre lui.

"Si il ne veut pas faire ça pour tes beaux yeux, c'est juste qu'il est complètement crétin, Kei-chan..." lui dit-il à voix basse.

Elle resta dans ses bras, puis après un silence finit par demander :

"Alors par contre là le plan c'était un duel à mort contre monsieur perfection et donc... Si tu perds, tu meurs, je dois me marier avec lui et il élève ton enfant c'est ça? Juste que je sois au courant de la stratégie..." dit-elle à peine agacée. Elle serait bien plus irritée plus tard, quand son corps lui donnerait un peu de mou.