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[Nouvelle] Même un Hanteï sert.

Publié : 01 janv. 2008, 17:36
par Soshi Yabu
Première partie : Des jeux d’enfants.



Chapitre 1 : L’amoureuse


_ « Ichi ! Ni ! San ! Shi ! Go ! Roku ! Shichi! Hachi! Kyuu! Juu!” Reprenez, fils du ciel, s’il vous plaît. A la tête, au torse, aux poignets. Dix fois ! »

Dans le grand dojo, un seul enfant frappait les airs, un boken à la main. Il était seul, pour recevoir la leçon du vieux senseï. De nombreux soldats en armes entouraient les tatamis. Tous portaient un mon aux feuilles de lauriers. Bien que le Senseï fit preuve d’un grand respect pour son élève, il demeurait intraitable, et corrigeait chaque geste qu’il jugeait incorrect.
Derrière les shojis, un bruissement léger mais continu se faisait entendre. Mais ni le Senseï ni l’élève n’y prêtaient attention.
Lorsque la leçon prit fin, l’élève s’inclina devant son maître qui s’inclina encore plus bas.

« _ Toshimo-senseï, j’ai encore grandement appris aujourd’hui. Soyez-en remercié.
_ Hanteï Jodan-sama, il est de mon devoir qu’il en soit ainsi. »

Trois hommes en arme vinrent se placer derrière l’héritier impérial, et un autre vint se placer à l’avant de ce petit cortège. Lorsque les shojis furent ouvert, l’homme de tête eut pour mission de chasser les courtisans restés là plusieurs heures durant, pour laisser passer l’héritier impérial. Tandis qu’il avançait, les coassements des courtisans se faisaient plus nombreux. Mais s’il les avait gratifié d’un signe de tête, il n’avait guère envie de leur parler aujourd’hui.

Ce dont avait envie Jodan aujourd’hui, c’était des profiter du temps libre qu’on lui avait laissé. Il avait eu la possibilité d’inviter des enfants de son âge pour jouer avec lui. Les enfants du palais avaient toujours très envie de jouer avec lui.
Rejoignant ses appartements, il passa s’asperger un peu d’eau, à la demande de sa gouvernante. Le Senseï l’avait fait travailler dur, et il transpirait beaucoup. Une fois mouillé, il vint s’asseoir devant le jardin intérieur, qui avait toujours don de l’apaiser. Il se reposa là quelques minutes, jusqu’à ce qu’une voix à l’extérieur de ses appartements clame :

« Son altesse l’Impératrice Miwahime, mère de l’héritier de la noble et divine lignée des Hanteïs. »

Jodan avait l’habitude que l’arrivée de sa mère soit ainsi signifiée. Il se leva, et attendit devant la porte que sa mère n’entre. Pleine de jeunesse, le ventre rond qui signifiait l’arrivée d’un troisième enfant, elle était de ces mères que tous les enfants trouvaient belles. Le petit Jodan s’inclina devant sa mère, qui sourit en le voyant.

« Mon enfant, je suis heureuse de voir que ce bon Toshimo-senseï ne t’a point trop abîmé. Tu sais qu’aujourd’hui, c’est le jour où tu reçois les nobles enfants des clans de l’Empire ? Comme chaque semaine ?
_ Oui, mère, je m’en souvenais. J’ai trouvé beaucoup d’idées de jeu pour bien les recevoir. »

Miwahime porta un regard attendri sur le petit enfant de huit ans. Si jeune, et pourtant déjà si conscient des attentes de sa destinée. Tandis qu’elle entrait, un flot de servantes entra avec elle. Elles portaient des plateaux, remplis de friandises, de services à thé, de jeux de go, bref, tout le nécessaire pour que l’héritier reçoive ses invités de bonne façon.

Hanteï Jodan se fit habiller. Il portait un kimono de soie or, aux broderies d’argent. Il voulait se faire beau. Parce qu’il savait, qu’ainsi, il plairait aux autres. Et surtout, à son amoureuse. Car il avait une amoureuse. Il ne le disait pas, et surtout pas à sa mère, qui l’avait déjà grondé pour cela par le passé, mais elle était bien réelle. Elle viendrait aujourd’hui, et il avait envie de la voir. Lorsque sa mère ne le regarda point, il cueillit une fleur au jardin, qu’il mit dans la longue manche de son kimono. Elle serait pour elle.

Les serviteurs poussaient quelques murs, rajoutaient des plantes, de sorte que les enfants aient un vaste espace pour jouer, et que leurs mères puissent venir les surveiller sans êtres à l’étroit. Chaque clan arrivait peu à peu. Tous emmenaient un enfant, garçon, ou fille. Mais l’Impératrice avait elle-même invité d’autres petites filles. Toutes du clan de la Grue.
Les mères et leurs enfants virent s’agenouiller devant l’Impératrice et l’héritier. Jodan, lui, faisait en sorte de ne pas la regarder. Son amoureuse. Il devait cacher. Mais il pensait déjà comment il irait jouer avec la petite Saku au milieu des plantes pour lui faire un bisou.

Saku était toute tremblante, impressionnée qu’elle était par la présence de l’impératrice, par la beauté de sa robe, de sa coiffure. A la dérobade, elle jetait des petits regards à Jodan. Son amoureux. Sa mère et elle se présentèrent en second à l’Impératrice. Le clan du Lion passait après le Clan de la Grue, dans ces moments là.





Chapitre 2 : Les mères


L’Impératrice aimait à organiser une petite cour autour d’elle et son fils. Elle savait très bien que les mères de petites filles, venaient ici avec un espoir secret, que l’Impératrice aimait à cultiver. Toutes, elles espéraient voir leur fille devenir un jour la favorite de l’héritier impérial, et qui sait, la future impératrice. Elle en avait parfaitement conscience, et elle aimait jouer avec ça. Car si elle invitait les sept clans majeurs de l’Empire autour de son fils et elle, ils n’étaient pas à égalité. Elle avait invité plusieurs petites filles de la Grue, ce que personne n’oserait lui reprocher en face. Car les mères pouvaient espérer tant qu’elles le voulaient, la tradition était claire, et les Empereurs la respectait : un Empereur épouse une femme issue du clan de la Grue, comme le kami Hanteï l’avait fait.
Les autres prétendantes pouvaient faire de bonnes maîtresses, mais pas de bonnes épouses.

Miwahime aimait à installer dans ce moment une ambiance sereine et reposante. Les discours n’étaient que peu de mise. Les mères regardaient évoluer les enfants, dans leurs jeux et leurs discussions. Chacune comptait les points gagnés par leur progéniture auprès de l’héritier, que ce soit les petits garçons que les petites filles. Les mères qui espéraient le plus étaient celles des petites filles.
Miwahime était celle dont le regard était le plus perçant, et le plus rapide. Elle observait tout, ne détournant les yeux que pour contempler la création artistique proposée par l’une des invités, afin de passer un moment agréable. Même sa tasse de thé, elle ne la regardait pas.

Jodan savait comment était sa mère. Il savait qu’elle préférait le voir jouer avec les enfants de la Grue, plutôt qu’avec les autres, même s’il ne savait pas pourquoi. Alors quand une dame de la Grue capta l’attention de sa mère, tandis qu’elle présentait un tableau, Jodan se cacha dans le jardin intérieur, où il savait que Saku allait venir. Vite, il la trouva, et lui fit un bisou sur la joue, avant de ressortir et de proposer à ses amis de jouer à se cacher dans les plantes. Le regard de sa mère était revenu sur lui, mais il était content, car il avait réussit à faire un bisous à Saku, tout en trompant la vigilance de l’Impératrice.
Cachée dans les plantes, une petite fille essayait de se calmer pour ne pas montrer son émoi. Elle allait recommencer à jouer, mais elle espérait bien que l’héritier reviendrait un jour lui faire un bisous.

Quelques heures plus tard, Miwahime et son fils donnèrent congé aux courtisanes et à leurs enfants. Chacun reprenait le chemin de ses quartiers, les courtisanes discutant encore un peu dans le couloir du contenu de la « réception ».
Miwahime aimait à faire le point avec son fils, sur les enfants à ne plus inviter à l’avenir. L’Impératrice aimait à distribuer les camouflets aux courtisanes.

« _ Alors mon fils, vous êtes vous bien amusé aujourd’hui ?
_ Oui, mère, je me suis beaucoup amusé. Jodan essayait de ne pas penser au bisou qu’il avait fait, mais il n’était pas encore très doué pour cela.
_ Hé bien mon fils, quelque chose s’est-il mal passé ?
_ Non mère, répondit-il en tentant de se reprendre.
_ Mon enfant, je me flatte d’être capable de dire si un vieux courtisan ment ou pas. Ce n’est donc pas toi, si jeune, qui va pouvoir me mentir. Que s’est-il passé ? »

Devant le ton sans appel de sa mère, Jodan essaya de trouver une excuse, quelque chose à dire pour ne pas révéler son secret. Il trouva, et commença à faire comme s’il n’allait pas très bien.

« Mère, c’est… l’enfant Licorne, Toru…
_ Oui ? Qu’a-t-il fait, parle !
_Mère… Il a essayé de me faire un baiser sur la bouche…
_ Oh… Le rustre ! Si petit, et déjà si mal élevé ! C’est pour cela que tu ne te sens pas bien ?
_ Oui mère, je n’ai pas aimé ça.
_ Fort bien, je saurai rappeler à ses parents les fautes de leur enfant. Il ne t’embêtera plus mon fils, je te le promets.
_ Merci mère. »

S’ensuivit une discussion sur les mérites des petites filles du clan de la Grue. Comme à chaque fois. Jodan était ravi, il avait une fois de plus réussit à tromper sa mère.
Dans une autre aile du château, une petite fille du clan du Lion racontait son après-midi à une mère, qui se mit à espérer secrètement que tout cela perdure.




Chapitre 3 : Pour devenir un homme


Pour tout enfant, vient le moment où il doit quitter la douceur de sa maison, pour partir devenir un homme.
Même l’héritier impérial n’y échappait pas, et il le savait. A huit ans, il était temps pour Jodan de partir dans la ville de Tsuma, pour entrer dans la prestigieuse Académie Kakita. Il ne reviendrait au palais que pour des temps restreints, et peu réguliers.
Alors avant de partir, il lui restait quelque chose à faire, une personne à contacter. Il fit mander auprès de lui un enfant du palais. Le fils du Daimyo du clan du Scorpion, Utemaro.
Ensemble, ils jouaient depuis un an à Hanteï et Bayushi. L’Impératrice s’amusait beaucoup de ce jeu, qui permettait à Jodan de bien appréhender son futur statut d’Empereur, alors elle les laissait jouer. En fait, Utemaro était la main cachée de Jodan, véritablement. Lorsque Jodan avait des messages secrets à transmettre, il les confiait à Utemaro. Jodan était Hanteï, et Utemaro son fidèle Bayushi.
Sur le départ, Jodan avait une mission pour Utemaro. Il allait devoir trouver Saku, et lui dire que Jodan veut la voir. L’héritier lui dit où il sera à un moment précis, pour qu’elle puisse venir lui dire au revoir. Tout souriant, Utemaro était ravi de servir à nouveau son Hanteï.

Filant vers les jardins, Utemaro s’amusait à se cacher, à se faire discret. Du moins jusqu’à se prendre une tape sur les fesses par la femme qui l’accompagnait toujours où qu’il aille. Et qui n’aimait pas que Utemaro fasse l’espion. Ainsi donc, après quelques détours, et être allé voir plusieurs enfants, Utemaro arriva auprès de Saku. Filant dans les jardins, Utemaro essayait de lui parler sans personne autour.

« Saku, j’ai un message pour toi de l’Empereur.
_ De l’Empereur, répondit-elle, tu es sûr ?
_ Oui, Hanteï Jodan-sama m’a demandé de venir te trouver, car il désire te parler.
_Tout de suite ? Maintenant ?
_ Non, il a un plan, pour ne pas qu’on devine qu’il veut te voir.
_ Pfff … C’est vraiment compliqué.
_ C’est L’Empereur ! Utemaro semblait réellement fier de clamer cet état de fait.
_ Utemaro, dis moi…
_ Bien. Il ira dire au revoir au dojo du palais cette après-midi. Tiens toi à proximité, comme si tu venais y faire autre chose. Ainsi, il pourra te dire ce qu’il veut. »


En ce jour, Saku ne se sentait pas comme d’habitude. Elle était un peu triste. Elle aimait bien Jodan, qui lui faisait souvent des bisous sur la joue. Mais elle savait qu’il allait partir pour un endroit éloigné, sur les terres de la Grue.
Tout de suite après, Saku courut raconter à sa mère la demande qui lui avait été faite. La courtisane Ikoma voyait bien le petit manège de l’héritier, et elle s’en réjouissait. Elle décida de monter un plan, afin de donner une bonne excuse à sa fille d’être dans les lieux. Elle fit envoyer son frère aîné, présent à la Cour, afin qu’il aille s’entraîner dans le dit dojo. Dès la fin de son repas. Puis, quelques heures après, elle se rendit, avec sa fille, dans le dojo afin de suivre avec attention l’entraînement du grand frère.

Jodan avait volontairement retardé le moment de faire ses adieux à tous ceux qui l’entouraient lorsqu’il s’entraînait au dojo. Ainsi donc, avec sa gouvernante, il prit le chemin de la salle d’entraînement, au milieu de l’après-midi. Jodan demeurait un peu embêté. Il ne savait pas comment il pourrait dire au revoir à Saku, avec sa gouvernante sur le dos en permanence. Si elle restait, il ne pourrait pas dire ce qu’il voulait, et cela l’ennuyait.
Lorsqu’il parvint à la grande salle, quelques samouraïs s’y entraînaient. Tous, ils mirent genoux à terre à l’arrivée de l’héritier. Il alla à la rencontre de tous ceux qu’il avait déjà vu se battre, et il leur dit au revoir. Certains eurent droit à un honneur auquel ils ne s’attendaient pas. Lorsqu’il eut terminé le tour de la salle, il demanda à chacun de reprendre son entraînement, et il vint saluer la courtisane Ikoma et sa fille, présente dans les lieux.
Etonnamment, il vit la lionne commencer à détourner l’attention de la gouvernante. Et Saku sourire largement. Elle et sa mère formaient une paire incroyable. Ils purent s’écarter un peu de la gouvernante, de sorte à ne pas être entendus tandis qu’ils parlaient doucement.

«Saku, je voulais te voir avant de partir.
_ Je suis contente, alors, Hantei-sama.
_ Je vais partir pour devenir un homme. Je ne reviendrai pas souvent.
_ Je le sais Hanteï-sama.
_ Quand je saurai bien écrire, je t’enverrai des lettres de là-bas. Pour que tu ai de mes nouvelles.
_ Merci Hanteï-sama. Je vais être bien triste en votre absence.
_ Je reviendrai, et je t’épouserai, Saku. Je te le promets ! »

Saku eut presque envie de pleurer, mais elle ne devait pas le montrer. Alors rapidement, elle s’inclina devant l’héritier, et rejoignit sa mère, à qui elle demanda de retourner à leurs appartements. Arrivée là-bas, la petite fille pleurait.
Lorsque sa mère apprit les mots de l’héritier, elle se dit qu’il fallait que le clan se mêle désormais de tout cela. L’héritier épouserait Saku. Il l’avait promis, et le Clan du Lion entendrait bien l’aider à respecter sa promesse.