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[Nouvelle] Vie de Matsu Munefusa

Publié : 04 mars 2006, 18:53
par Kakita Inigin
D'une vie l'autre

Matsu Munefusa regardait le château où il était né. Shiro Matsu étirait ses grandes tours dans le ciel d'automne, ses centaines de gardes immobiles dans les couloirs courant sur les murs. De la colline où le convoi s'était arrêté, il ressemblait à un félin couché sur le dos, le donjon massif pour la gueule, cinq tours immenses pour les pattes et la queue. Munefusa sentit une bouffée de nostalgie l'envahir. Je ne le reverrai jamais. Une présence derrière lui le fit se retourner sur le frêle dignitaire qu'il avait choisi d'accompagner, l'homme qui tenait son avenir entre ses mains.
- Vous sentez-vous empli de nostalgie, Munefusa-san ?
- Non, Akegoki-sama. Il me devine. Ne le laissons pas le savoir. Mais cette vue ne m'est pas familière.
Le vieillard ne commenta pas les larmes qui pointaient autour du fin nez du jeune homme. Mais il conclut :
- Tout nous est humide*. Nous allons bientôt repartir. Accompagnez-moi dans mon palanquin.
- Hai.

Une fois confortablement installés parmi les coussins blancs, Doji Akegoki entama :
- Alors, que comptez-vous faire de cette liberté, sitôt à Kyuden Doji ?
- Comme vous le savez, mon but est d'entrer à l'Académie Kakita. Je pense donc demander une entrevue avec le daimyo, à Tsuma. Seul lui je pense peut me permettre d'y entrer.
- Je vous corrige. Le daimyo réside à Shiro sano Kakita. Tsuma est située non loin, c'est exact, mais le château et la ville, qui d'ailleurs n'a été construite qu'après, sont bien distincts, et d'ailleurs cette belle cité est administrée par un gouverneur. Un cousin à moi, du reste, bien qu'il soit membre du Clan Seppun.
- C'est là une parenté de grand renom. Il faudra donc que j'aille au château.
- Hum ... non. D'abord parce que c'est le sensei de l'Académie qui choisit les élèves ; ensuite parce que vous feriez mieux de commencer par vous faire un nom. Gagnez un ou deux tournois à Tsuma - il y en a un par mois, et les terribles duellistes Kakita y sont rares - cela vous permettra de prétendre à cette Ecole avec plus de force. Et vous formera la main, je ne pense pas que vous excelliez encore à l'art du dégaîné-frappé.
Matsu Munefusa réprima un mouvement de colère.
- Mon rang ne suffit-il pas à ...
- Votre rang tient surtout chez les Matsu. N'oubliez pas que vous avez quitté cette famille pour notre Clan. Et chez nous, seule la valeur compte.
Il regarda un instant son jeune interlocuteur - Munefusa avait seize ans, vingt de moins que lui, puis reprit :
- Ne soyez pas amer. C'est du seul chemin vers la perfection que nous parlons : la capacité à dominer ses émotions pour atteindre l'essence même de l'art du sabre. Se dominer pour dominer le monde. Là-bas, votre position venait de ce que votre mère était la soeur du daimyo ; ici elle viendra de vos qualités propres, même si votre lignage nous permet de grandes espérances. Le mieux qui pourrait vous arriver, à part devenir sensei, serait d'épouser la fille d'un des daimyo Kakita et de finir daimyo local ... de province, par exemple. Chez nous les marrieuses tiennent les capacités militaires en haute estime.
Perdu dans ses pensées, Munefusa ne s'aperçut pas que l'ambassadeur avait fini. Ils demeurèrent quelques heures en silence, balancés par le pas des porteurs, sur les routes des terres du Clan du Lion.

*

Tout nous est humide
Le ciel où nous glissons
Les joues de l'aîmée.

Publié : 04 mars 2006, 21:24
par Kakita Inigin
Leçon de vitesse

Cela était trop facile. Les Grues étaient-ils donc si faible ? Munefuse avait quitté le nom de sa mère pour se vêtir du statut de sans-clan, le jour où il était entré à l'Académie de kenjutsu des Kakita. Il avait, ce faisant, mis en sommeil un serment qu'il avait fait à son père sur son lit de mort : porter le nom de ses ancêtres Asahina. Cela attendrait que le jeune homme s'estime digne de le porter, que cela se fasse par la fortune sociale ou par celle des armes.
Depuis, malgré les hauts noms qui l'entouraient, malgré ces lignées d'escrimeurs renommés, aucun n'arrivait à la cheville de l'étudiant "Munefusa, fils de Asahina Bazaemon". Il est vrai qu'en entrant à l'Académie à dix-huit ans, il dépassait les novices de douze années passées dans les dojos Matsu, et de trois ou quatre têtes. Sa musculature et sa rapidité étaient sans égales, et lui avaient valu le surnom de "Cheval". Même quelques sensei craignaient la violence de ses coups, et il avait reçu un ou deux sermons à ce sujet de la part du vénéré Kakita Ieshingi, qui dirigeait l'Académie.
Evidemment, cette réputation de brute qui lui collait à la peau n'allait pas sans quelques désagréments. Il avait reçu plus de demandes de duels en un an au shiro qu'en deux passés dans une ville commerçante comme Tsuma, grouillante de Grues, de Scorpions, de Phénix, de Dragons même, une fois, un géant qu'il avait étendu net par miracle avec le bois d'un rateau. Un repaire à fripouilles aussi, où il ne faisait pas bon dormir sans escorte. Il lui arrivait de se réveiller en sueur certaines nuits, en se demandant si on ne l'avait pas accepté dans l'Académie à la demande des yakuza Daidoji, désireux de le voir dormir tous les soirs dans le même lit ...
Mais ces années lui avaient aussi été profitables. Quatre tournois remportés, vingt duels publics ... et cinq mille koku de prix, un katana de Topaze ... et les regards des courtisanes et des geisha de Tsuma qui valaient bien plus encore.

Munefusa venait de remettre en place sa hakama bleue, l'uniforme de l'Académie, son dernier adversaire pârti en se tenant le bras - le droit, brisé à l'articulation du coude, bien faible prix à payer pour avoir défié Munefusa alors qu'il priait Doji ; c'est alors qu'il entendit cette voix.
- Excusez-moi, Munefusa-san ...
Munefusa se redressa instantanément, les mains immobiles, tandis que sa mémoire travaillait. Cette voix ... il l'avait déjà entendue une fois, dans un verger où il s'était introduit pour goûter quelques minutes de solitude, un hiver où l'aube était particulièrement belle.
- ... mais je souhaiterais voir si votre sabre coupe bien.
Il s'était retourné sur une jeune fille, plus tout à fait une enfant, pas encore vraiment sortie de l'enfance, aux cheveux longs et aux yeux bleus, tous chargés d'une sagesse comme avivée par l'éclat neigeux de sa coiffure, qui tenait un katana dans son saya dans la main gauche.
- Un vrai duel ? Ca faisait longtemps, répondit-il avec force - trop de force, et il craignit un instant qu'elle ne s'envole, soufflée par sa voix.
- Un vrai duel. Sa voix était calme et douce, pas plus haute que le chant de la rivière autour des pieds des mules, mais il y discernait une pointe de rire. Des étoiles dansaient au fond du bleu, comme des lanternes sous l'eau d'un lac. Un vrai duel, oui. Entre vous et moi, maintenant.
- Et qui êtes-vous, jeune fille à la chevelure de vieux sage ridé dont j'ignore le nom ? Et ce disant, à peine ses paroles franchissaient ses lèvres, il pensa qu'il venait de se moquer d'elle et que cela lui vaudrait encore un duel.
Mais elle ne releva pas l'ironie ... ou du moins seul le nombre d'étoiles augmenta.
- Je suis Kakita Asuka, mon père est Kakita Nemishi et ma mère est née Akodo Ajitobi. Le père de mon père est Kakita Rianji et la mère de mon père est Doji Akino ; le père de ma mère est Akodo Akira le Vieux et la mère de ma mère est Matsu Raki.
Comme elle finissait de déverser sur lui sa généalogie, Munefusa ne put s'empêcher de laisser échapper une exclamation. Matsu Raki ! Matsu Raki, la vieille Lionne, qui n'était autre que sa grand-tante maternelle ! Cette idée lui ouvrit une nouvelle vision de cette jeune fille. Ils étaient donc cousins.
- Je suis Munefusa, fils de Asahina Bazaemon. Mais j'ignore le nom des ancêtres de mon père : il est mort quand j'étais trop jeune encore pour m'intéresser à sa généalogie. Et j'accepte cette demande de duel.
C'était là une simplification suffisamment complète pour une présentation succinte. Il est inutile pour l'instant de lui révêler notre parenté.
- Très bien. Voulez-vous me suivre ? Je connais une cour tranquille près des jardins.
- Avec plaisir, je vous suis. Je ne rêve que de vous sui ... Que m'arrive-t-il ? Voila des pensées bien insolentes !

*

La cour était entourée de vérandas sur deux cotés, et limitée par des haies basses ouvrant sur un lac. Derrière elle, Munefusa voyait une barque glisser, le barreur immobile, perche horizontale. Un héron dressé penchait son long bec sur les eaux, perché sur une patte à la proue, guettant les poissons.
Elle s'était arrêté, tournée de profil, regardant une libellule rouge quitter une branche comme un pétale qui remonterait vers le ciel.
- Êtes-vous prêt, Munefusa-san ?
- Je le suis, Asuka-sama.
- Alors, voyons laquelle de nos techniques sera la meilleure. Et elle s'élança.
Munefusa s'attendait à un mouvement du bras classique, de droite à gauche pour prendre le sabre : il fut surpris par la remontée de la main et l'avancée du pied, trop loin pour un mouvement classique. Il le fut encore plus quand il sentit une résistance à son mouvement de dégainage. Asuka s'était rapprochée au point de frôler son kimono ; sortant quelques doigts de lame de son wakizashi, elle bloquait la sortie de son katana avec la poignée. Munefusa la regarda. Leurs visages étaient à quelques centimètres l'un de l'autre, les yeux de la jeune fille arrivant au niveau de son épaule. Les étoiles y avaient disparu, remplacées par une dûreté glaciale ... démentie par la douceur de son sourire.
- Il me semble que vous êtes arrêté, Munefusa-san, dit-elle, sur le ton d'une observation sur l'appêtit des carpes.
- Je le suis, mais pas par votre bras.
- Par quoi alors ? Et il la sentit reculer, de pas plus d'un doigt, mais reculer, et imaginait-il ce tremblement de sa voix ?
- Par votre regard.
Un instant de silence suivit. Puis elle recula, rentrant son wakizashi, sortant son katana et le braquant sur son cou surpris.
- Munefusa-san, je remporte ce duel.
- Je l'avais perdu avant même qu'il commence, remarqua-t-il, soudain éclairé sur la soudaine incertitude qui s'était emparée de lui, et qui se tranformait en une lucidité illuminée, comme si un voile quittait ses yeux et qu'il voyait un monde nouveau autour d'eux.
Elle recula encore.
- Je ... je crois que je dois partir.
Mais ses yeux disaient le contraire, et le pli de sa bouche, et le rouge de ses joues. Munefusa détourna le regard, le temps pour elle d'essuyer une prémice de larme. Elle profita de l'arrivée d'un serviteur pour s'éclipser.

*

Dans le poing la mort
Duellistes prestigieux
Dans les yeux les larmes.

Publié : 09 avr. 2006, 08:53
par Kakita Inigin
Une vie bascule

Evidemment, on jasa. Qu'un fils de Lionne deshérité, un transfuge, quasiment un bâtard d'Asahina, quelle que fut la réputation de son père par ailleurs, pût approcher la fille du daimyo c'était inconcevable. On jasa ausi sur la fait qu'il ait perdu le duel ... et qu'elle l'ait épargné, ce qui alimenta plus encore les commérages.
Ce qui valut à Munuefusa quelques duels supplémentaires. La population de Tsuma devint lourde de dellistes de renom : attirés par le "Lion", comme on n'appelait plus que Munefusa, ils se voyaient refuser l'accès au dojo par un sensei soucieux de préserver ses élèves. Leur accumulation dans les maisons de thé de la ville interdisait leur approche à Munefusa, qui se vit bientôt interdit de sortie en ville.
Deux évènements s'ajoutèrent à ce climat délétère.

Munefusa était sorti du château pour aller chercher du bois - exercice de quatrième année classique, consistant à relever tout ce qui sortait de l'ordinaire dans un lieu donné, préalablement préparé par le élèves de cinquième année, et à en donner un exposé public. C'était, dans la mythologie de l'école, l'occasion de pendre des dessous féminin aux branches des arbres ou de rosser un souffre-douleur ... ou de proposer des expériences mystiques originales.
Losque Munefusa atteignit une clairière circulaire, parfaitement ronde, il crut à un champ de duel. Mais il fut détrompé par l'apparition du lion.
Un vieux félin, immense crinière retombant sur les pattes, faon dans la gueule. Mais pas mort : blessé à la patte par une flèche. Le lion posa sa trouvaille devant un Munefusa médusé, s'approcha, lui lécha la main, puis repartit.
Munefusa, bien étonné, repartit au château en portant le faon, où des maîtres de chasse le soignèrent.
On imagine sans peine l'expression de ses condisciples lorsqu'il relata son aventure ... et leur reget qu'il se soit arrêté à cette clairière, qui d'ailleurs ne figurait pas sur les cartes de la forêt, sans s'avancer jusqu'aux traquenards prévus à son encontre. Ce qu'on imagine moins, c'est que le shugenja attaché au daimyo lui rendit visiste le soir même pour lui expliquer qu'il venait d'être témoin de la manifestation d'une Fortune et que cela était un heureux présage.

Moins heureux fut celui que lui laissa un jeune Kakita fraîchement sorti de l'Académie. Couché sur le sol, ouvert par un coup en "grande robe de prêtre" de Munefusa, il eut avant de mourir le temps de maudire le jeune samourai : "Tu n'es qu'un chien de Lion sans coeur ! La première fois que tu verras un Lion, tu fuiras à toute jambe au lieu de l'affronter et tu te couvriras de honte !"
Les shugenja eurent beau lui expliquer que les maledictions n'étaient que superstition, si elles n'étaient pas lancées par un shugenja, acte de magie extrêmement rare chez les samourai correctement éduqués (ce qui d'ailleurs prouvait que son adversaire avait été mal éduqué et était indigne de vivre), cela laissa une trace profonde sur le jeune homme. Il se tourmenta longtemps, et finalement prit une résolution que ni ses sensei, ni Kakita Asuka, dont il était très proche et qui servait au château depuis son gempuku - château de son père du reste - ne purent fléchir.

Les relations entre Lion et Grue étaient exécrables : au printemps de cette année, les armées des familles Matsu et Ikoma entrèrent sur les terres de la Famille Kakita.
Munefusa prit une année de congé dans son enseignement, et s'engagea dans l'armée de la Grue.

*

Rose abandonnée
Reverrai-je le printemps
L'hiver dans mon coeur

Publié : 09 avr. 2006, 09:55
par Kakita Inigin
La valeur d'une vie

Les tentes étaient blanches, rayonnantes sous l'éclat de Seigneur Lune. Cinq étendards et trente sentinelles les entouraient : Daidoji de la province du Nord, Daidoji des quatre provinces du Sud, Doji de Toshi Ranbo en Exil, Doji de l'Ouest, Kakita de Tsuma.
Près du feu, Munefusa comptait les tentes de son contingent : cent cinquante tentes, dix ashigaru par tente, plus les heimin de l'Intendance mis à disposition par les Daidoji, à raison de trois par samourai. Mille quatre cent personnes en tout pour les Kakita, dans une armée qui comptait cent mille hommes, samourai, ashigaru et heimin mêlés. Et seulement cent samourai Kakita. Une misère.
- Munefusa-san, je sais ce que vous faîtes.
- Noshige-sama, que fais-je donc ? L'homme à qui Munefusa parlait avait une tête de moins que lui et commandait la délégation Kakita pour le sompte de son père. Le frère de Kakita Asuka s'agenouilla sur un coussin, sur le petit tapis de service, près du feu où Munefusa montait la garde auprès des ashigaru quilui avaint été confiés.
- Vous comptez nos effectifs en vous disant que nous sommes peu nombreux.
- N'est-ce pas vrai ? Et dans la voix de Munefusa il y avait de la tristesse et de la fatigue.
- Si, bien sûr ; mais cela ne nous empêchera pas de vaincre - ni le nombre ne nous empêcherait pas de mourrir si telle était la volonté d'Amaterasu.
- Comment savez-vous que nous vaincrons ?
- Nous avons douze mille samourai, et soixante mille ashigaru équipés d'arcs et entraînés à s'en servir. L'armée que nous rencontrerons demain compte neuf mille samourai et soixante dix mille ashigaru, mais pas d'archers. Notre suprématie nous viendra comme d'habitude des troupes formées par les Daidoji.
- Je sais cela, vous me l'avez dit hier. Mais leurs mille cavaliers feront une différence.
- Leurs mille chevaux se jetteront sur nos flèches, poitrail découvert, et seront exterminés en moins d'une minute.
Le commandant avait parlé d'une voix douce mais Munefusa distingua discerna une nuance carnassière dans ces paroles.
- Mais cela ne doit pas vous empêcher de dormir. Les Matsu ne sont pas des enfants de coeur - comme vous le savez bien d'ailleurs. Soyez reposé pour la bataille.
Et son sourire éclairé par Onnotangu était ironique et amical en même temps.

*

La pluie tombait, blanche dans l'aube frémissante. Devant Munefusa, la plaine était noire des rangs serrés de l'armée du Lion. Le spectre gris qui obscurcissait sa vision s'étendait jusqu'aux collines voisines.
L'armée de la Grue s'était groupée sur une ligne de dômes entrecoupés de vallons boisés, qui avaient été protégés par des tranchées hérissées de pieux. Dans chacun de ces quatre points forts, mille archers avaient pris place. Ils auraient pour tache de stopper la première charge contre les collines, dégagées d'obstacle mais où s'alignait toute l'armée Grue, prête au combat. Munefusa était affecté à la tente de l'état-major Kakita, sur l'aile droite.
- Munefusa-gunso, une compagnie de Matsu s'est placée en face de nous. L'ashigaru était de cinq ans plus âgé que Munefusa : les Kakita n'avaient envoyé que la crême de leurs troupes pour cette bataille de fin de conflit.
- Très bien, ce seront nos adversaires. Je vais transmettre au shireikan. Retournez à votre poste, Tenu.
L'ashigaru parti, Munefusa informa Kakita Noshige de la situation. Et de son souhait d'être en première ligne.
- Je comprends votre souhait, Munefusa-san, mais vous serez plus utile ici.
- Mais ...
- J'ai dit ! Par ailleurs, ajouta-t-il en souriant, on m'a recommandé d'utiliser cette bataille pour juger votre valeur. Et pour cela, il faut bien que je vous garde près de moi, n'est-ce pas ?
Juger ma valeur, hein ? Et si possible, juger de mon absence de valeur en m'empêchant de la démontrer. Ah, ces Kakita sont de grands stratèges. A moins qu'il ne s'agisse de Daidoji qui ont élaboré cette brillante stratégie.
Mais il sortit et reprit sa place près de la tente, bien que ruminant sur les complots tramés contre lui.

*

Munefusa enfonça sa naginata dans le ventre du bushi Matsu qui le chargeait, la ressortit couverte de sang, la renfonça sous une visière, puis une autre ... et la sentit se briser dans les cavités occulaires. Extrayant le moignon déchiqueté et l'utilisant mi comme un bo, mi comme un yari, il fracassa le crâne de deux pauvres hères qui n'avaient dû prendre leur lance ce matin que sous la menace de perdre leurs champs en cas de refus. Comme le bâton lui était arraché des mains par un nikutai Ikoma, il recula devant son coup de katana, qui érafla son armure, ravança, et énucléa son ennemi avec le pouce et l'index de la main gauche. Puis il prit un no-dashi sur un cadavre et arracha deux têtes dans un furieux moulinet.
La bataille était en train d'être perdue. L'aile gauche Grue avait été prise à revers par un fort parti de bushi Ikoma qui avaient avancé masqués par une forêt : l'avancée victorieuse du centre avait dû être stoppée net pour faire face à cet imprévu, et rédirigée, laissant l'aile droite seule sur une colline, coupée du reste de l'armée par un groupe d'archers massacrés presque dès le début. Les Matsu avaient des arcs, et s'ils s'en servaient mal, leur nombre était effrayant. On se battait encore autour de la tente de commandement ; Kakita Noshige avait été évacué vers les bois, mais les archers Ikoma, encore, cachés dedans avaient tué son cheval. Munefusa et dix ... neuf (Kakita Akano venait d'être aveuglé par une flèche maniée par une force de la nature ashigaru) bushi défendaient leur commandant, tombé sous son cheval et qui s'était brisé la jambe.
Munefusa voulait prouver sa loyauté au Clan de son père : dans une heure, la question serait inutile, définitivement. Un groupe de cavaliers se dirigeait vers eux. Munefusa vit un étendard flotter à la tête du groupe : des Matsu du Shiro. Peut-être les avait-il connu dans sa jeunesse. Une ombre lui masqua le groupe, et il ouvrit en deux, coupe horizontale, l'armure ocre (de qualité médiocre, s'aperçut-il en voyant les plaques se déliter) qui lui faisait face. Deux bushi le chargèrent, et son no-dashi fit voler la tête de l'un tandis qu'il enfonçait son wakizashi dans la gorge de l'autre, tournant la lame pour disloquer la colonne vertébrale.
Encore deux coups (et deux morts, deux femmes aux visages d'enfants) et les cavaliers furent sur eux. Levant son arme pour parer le premier coup, Munefusa eut juste le temps de voir le yari adverse l'ajuster que déjà la lance le frôlait. Tournant sur lui même pour mettre un coup à la jambe du cavalier, il eut la surprise de le voir tomber de cheval : une flèche dépassait de sa gorge. Ce fut la dernière chose qu'il aperçut avant qu'un choc dans le dos le fasse bouler au sol ... et perdre connaissance.

*

Sourire d'enfer
Sur la peau blanche fragile
Lame qui s'enfonce

Publié : 27 avr. 2006, 11:30
par Kakita Inigin
Après la bataille, la beauté de la neige

Le ciel était blanc et douloureux. Son cou était endolori ; son corps s'était perdu dans un brouillard blanc. Munefusa bougea le bras ... et ne sentit que la réponse de la douleur. Il bougea la tête ... et ne vit que du blanc. Les voix qui passaient autour de lui semblaient des clapotis d'eau glacée dans les torrents de montagne.
- Il est réveillé, sama.
- Laissez-nous.
Et le blanc s'entrouvrit sur du bleu, du jaune, quelques hérons blancs dans le ciel, un nuage, une main fraiche sur son front ...
- Munefusa-san, nous avons cru vous perdre. Vos blessures étaient terribles.
- Je ... une main aussi fraiche lui couvrit les lèvres.
- Ne parlez pas. Mon père voudra vous voir mais après, lorsque vous irez mieux. Je ne dois pas vous fatiguer, mais je voulais vous voir. Vous m'avez manqué pendant cette guerre ... je dois partir, dit la voix, mes servantes reviennent.
Munefusa perdit le contact avec les deux mains en même temps : le matelas remonta, soulevant sa jambe tandis qu'elle se relevait. Malgré la douleur, il se souleva du sommier, s'asseyant dans le lit surélevé.

- Asuka-san.
La douleur dans le dos le pétrifia dans son mouvement.
C'était la première fois qu'il utilisait ce suffixe. Le respect et la force d'une habitude vite prise l'avaient cantonné au "-sama", malgré une proximité qui mettait toute la cour sur des charbons ardents.
Elle avait entrouvert le shoji ; elle se retourna, puis, y repensant, le referma à tâtons. Son visage était inexpressif.
- Asuka-chan, corrigea-t-il en s'enhardissant, la douleur dans son dos se transformant en chaleur, comme ces petits soleils que crée l'alcool, je suis parti combattre les Lions pour m'éloigner de vous. Je suis revenu vivant. Ce n'était pas mon objectif, mais je dois croire qu'Amaterasu l'a voulu ainsi. Je ne fuirai plus maintenant.
- Munefusa-san, je crois que vous devriez voir mon père avant d'en dire plus. Et... quand vous le verrez, évitez de lui dire que vous êtes parti à la guerre pour y succomber, ce n'est ...
Elle le regarda, puis sourit. Et il oublia les résidus de douleur.
- Ce n'est pas très kakita de combattre pour mourrir. Je dois partir, maintenant. Je reviendrai.

Munefusa marchait dans les allées des jardins du daimyo Kakita. Il se sentait léger, très léger. Il sortait d'une entrevue avec le daimyo. Elle avait été longue. Ils avaient commencé par aborder son enfance, sa place à l'Académie Kakita, ses combats, ses liens dans la Famille Matsu.
Ses projets.
En repensant à cette partie de la discussion, Munefusa sentit un élan de joie l'envahir, se dilatant dans sa poitrine comme un fétu de blé qui éclatait, libéré de ses cordes.

- Mes projets, seigneur ? Servir au mieux la Famille Kakita, comme je l'ai toujours fait.
- Et de quelle façon comptez-vous la servir ?
- Comme l'excellence vient par la pratique, je pensais retourner à la guerre ; je ne pense pas que les Matsu laisseront la trêve durer très longtemps.
- C'est sans doute une bonne façon, mais j'en ai une meilleure. Mon fils est mort, et je suis un vieil homme. Non, ne vous récriez pas : la vérité toute nue, toujours, est notre voie. Il me faut penser à assurer ma lignée.
- Certtainement, seigneur, mais je ne vois pas très bien ...
- Allons, vous êtes jeune encore, votre vue est excellente. Vous voyez donc très bien où je veux en venir. Je veux que vous épousiez ma fille.
- ...
- Vos qualités ne sont plus à démontrer : galant, adroit au sabre, intrépide à la guerre, l'esprit agile ...

*

Asuka marchait dans le jardin, étonnée de se trouver si heureuse. Il m'aime. Il m'aime ! Il m'aime, dit-elle à haute voix, et elle trouva sa voix comme changée de ces mots brusquement prononcés pour la première fois.
Contournant un bosquet de fuschias, elle en arracha un de la main et en respira les fragances capiteuses. Qu'il était doux cet après-midi de paix ! Lâchant la fleur, qui chut sur les dalles irrégulières, elle releva la tête.

*

Ils se tenaient l'un en face de l'autre, à cinq pas de distance. Ils se turent un instant, goûtant le silence comme d'autres le premier sake de l'an, puis elle dit :
- Tu as vu mon père ?
- Il veut que j'entre dans son Clan.
- C'est une bonne nouvelle ! Je suis heureuse !
Mais ce n'étaient pas ces mots qu'elle attendait, et son sourire était froid et vide.
- Il veut que j'entre dans son Clan en épousant sa fille.
Alors elle avança de cinq pas et la suite de la journée fut perdue pour toute conversation sérieuse.

*

Sourire d'enfant
Comme lune dans le ciel
Soir neuvième mois

Publié : 07 juin 2006, 17:08
par Kakita Inigin
Après l'hiver, le printemps

Munefusa pensait à ses enfants.

Le soleil venait de forcer ses premiers rayons à travers les bois qui jouxtaient la colline, égratinant le mempo d'ombres de feuilles rougeoyantes. Le daimyo attendait ce moment depuis une heure, accoudé à un arbre.

Kakita Ishinoko venait d'atteindre ses trois ans. Un grosse carpe violacée avait été pendue au dessus de Shiro Sano Kakita pour son anniversaire. quand Munefusa rentrerait, peut-être qu'on aurait oublié de la décrocher ?

Autour de lui cinquante bushi de l'école Daidoji soulevèrent leur yari en le voyant s'écarter de l'arbre. Il avait un peu plu dans la nuit : des gouttes perlaient encore sur leurs haori.

Kakita Jinako était une gracieuse enfant qui gambadait dans les jardins privés du château, et qui adorait déjà les parfums. Avant son départ elle avait offert sa poupée porte-bonheur à son père.

Le contingent s'enfonça sous les frondaisons, marchant silencieusement à travers l'armée rouge et noire des grands saules. On entendait, à l'autre bout de la forêt vaste comme les mythiques forêts de l'aube de l'Empire, les rugissements des officiers appelant leurs hommes sur les lignes.
Encore une heure.

*

L'armée du Lion avait stoppé. Du haut de la colline, Matsu-daimyo contemplait son aile gauche, écrasée par une masse de fer presque compacte, qui se repliait vers la forêt. Un peu plus loin, à portée des flèches de la Grue, quelques douze cent ashigaru gisaient morts.
Mille morts, et ils fuient ? Ils ne valent rien. Maudits Akodo qui m'ont laissé avec des troupes si faibles !
Son centre s'était arrêté, le temps de recevoir des ordres. Aujourd'hui les guerrières Matsu étaient trop peu nombreuses : les taisa en première ligne ne voulaient pas risquer les jeunes samourai dans une armée Daidoji qui n'avait pas été affaiblie par les heimin, et qui attendait, repliée derrière une ligne de bosquets peut-être hérissée de pointes, que le Lion charge ...
Du moins n'ont-ils pas eu le temps de creuser des tranchées. Les méthodes Daidoji avaient toujours été sa hantise, et le contournement avait souvent compliqué inutilement ses plans de bataille, transformant les lieux d'affrontement en subtils déplacements de lignes derrière d'autres lignes ... des jeux de ruse sans fin pour lancer un mouvement imprévu au bon endroit.

*

- Munefusa-daimyo ?
- Oui, parle.
Le messager était éreinté.
- Sama, l'aile gauche de l'armée de la forêt a été attaqué par un groupe d'ashigaru en déroute. La question est réglée mais vous serez sans garde sur votre gauche : nous sommes trop faibles.
- La prochaine fois, appelez des renforts. En avant.
- Hai.
Voila bien un problème ... quand ils sont attaqués dans les bois, les Daidoji se cachent derrière les arbres et montent une embuscade au lieu d'aller chercher des secours. Bon, je devrai avancer plus vite.
Deux heures qu'il traversait la forêt. Autour de lui les groupes épars envoyés la veille s'étaient coalisés après avoir nettoyé les éclaireurs Lions : la forêt était à eux, jusqu'à la colline. Deux mille hommes avançaient presque en silence, tournant l'armée du Lion. Lorsqu'ils s'enfuiraient, ce serait pour gagner des positions sûres ... mais hérissées de lances bleues et blanches.
Munefusa sourit.

*

La shireikan Kakita Munedori retira son mempo, plissant les yeux pour observer la plaine. Le soleil était presque absent, privant les deux camps de cet avantage notable. L'infanterie de l'aile qu'elle commandait s'était établi juste en haut d'une minuscule butte de terrain, vaguement dissimulée par quelques modestes taillis. Munefusa-daimyo avait disposé sa troupe ainsi, de sorte à donner une impulsion supplémentaire à sa cavalerie. C'était aussi un piège pour une éventuelle charge des Lions, la pente soudaine devant briser la charge des samourai lourdement cuirassés.
Au loin sur la plaine, un ruban étincellant venait de devenir visible. L'aile droite Lion ... Que faisaient-ils ?

Quelques minutes plus tard, la réponse était évidente. Des chevaux ... Les Lions chargeaient ! Ecrasés à gauche, stoppés au centre et désormais immobiles, ils tentaient d'emporter la décision en frappant de l'autre côté.
Si ton bras gauche est faible, frappe du droit. Les vieilles règles de bataille revenaient à Munedori. Les Lions étaient si prévisibles.

*

Matsu-daimyo avait calculé juste. Munefusa plaçait toujours sa cavalerie sur sa gauche. Elle avait donc envoyé la sienne frapper à l'endroit même où se trouvait l'auxiliaire de la victoire Grue, pour que sa propre cavalerie rétame celle de ses ennemis.
Là où ton ennemi est fort, rends le faible.
La ligne d'infanterie Grue venait de reculer en prévision du choc. La cavalerie n'était plus qu'à cent longueurs. Matsu-daimyo avait toujours trouvé que c'était un peu loin pour charger, mais le taisa n'en avait apparemment cure. Il venait de lancer sa masse de fer et de muscles à pleine vitesse. Mille cavaliers en armure lourde, les poitrails bardés de fer ... Mille lances achetées aux Licornes. un bon investissement. Et plus loin Matsu-daimyo voyait les lances du second groupe se préparer.

Les rangs de la Grue scintillèrent.

*

- Lachez !
Deux mille traits partirent d'un coup, fauchant d'un bang sonore puis d'un mur de fer la ligne écumante et ocre qui n'était plus qu'à trente mètres. Les chevaux s'écroulèrent, entremêlant leurs pattes avec celles des suivants. Les archers avaient tiré des perce-armure : le carnage avait été effroyable, la cavalerie s'arrêta dans un gigantesque grincement de métal. Cent hommes de large, dix de profondeur ... deux ou trois rangs détruits. Les blessés se comptaient par dizaines.
- Bandez !
Les blessés commençaient à s'extraire du chaos hennissant.
- Lachez !
Ce fut un autre carnage : les cavaliers en train de reculer étaient fauchés, abattus dans le dos sans protection, les hommes à terre pourfendus de même ...
- Bandez !
Il n'y aurait pas de belle charge glorieuse, songea Munedori.
- Lachez !
La troisième salve fut la bonne : la cavalerie Lion se délita, galopant ou clopinant à perdre haleine. Huit cent morts en moins de dix minutes, songea Munedori. quik s'occupa aussitôt d'envoyer des troupes récupérer ce qu'on pourrait sauver de flèches. Plus loin, l'infanterie Lion s'écartait pour laisser rentrer les survivants.

*

Quelqu'un paiera pour ça. Il faut qu'ils meurent.
La première salve de cavalerie était tombée, écrasée en un instant par une pluie de flèches. Autour de sa position, Matsu-daimyo sentait l'humeur de ses gardes s'assombrir. Son corps d'élite avait été foudroyé et maintenant détalait comme un lapin ...
- Je veux le commandant de cette unité ici immédiatement !
- Hai sama !
Il faudra faire des changements dans cette armée ... trop de jeunes fous. Mais bientôt un sourire carnassier la reprit. Ils seront bientôt à court de flèches ... Je vais lancer les ashigaru lourds pour récolter les tirs. Tapissés de planchettes de bois comme ils sont, j'aimerais bien voir les flèches les transpercer.
- Sama, au vu de la situation, Akodo VIII recommandait d'abréger la bata ...
Le jeune fou qui avait osé faire cette remarque de pur lâche, ces Akodo ne valent décidemment rien n'aut pas le tmps d'achever : le sabre de la vieille daimyo était déjà dressé vers le ciel ensanglanté. Une tête roulait, sa course ralentie par le chignon.
- Ecoutez tous ! Nous allons écraser ces chiens sans honneur ! Lancez les ashigaru lourds contre leurs archers ! La cavalerie derrière, cent éclaireurs montés sur le flanc gauche !
- Hai sama !
Les assistants autour d'elle s'étaient précipité au sol. Un messager partit aussitôt. Qu'ils voient commet on traite les lâches. Abréger la bataille ? Comme si les Grues étaient à notre disposition !

*

Les archers pensaient en avoir fini. Mais lorsque Munedori vit la ligne grise se reformer, elle sentit ses mains trembler.
- Combien reste-t-il de flèches ?
- Deux par homme, sama.
- Distribuez les réserves. Préparez les naginata et les yari. Il reviennent.
Les Lions étaient à deux cent mètres. A cette distance, il devenait évident que les fantassins étaient équipées de planches de bois, les transformant en véritables tours d'assaut. Au moins cinq mille et le reste de la cavalerie derrière. Ils ont trouvé une parade aux flèches. Nous allons tous mourrir.
La mêlée qui allait s'ensuivre serait une infâme boucherie. Munedori connaissait bien ces étapes classiques des batailles, dont la sauvagerie expliquait qu'elle ait choisi les archers lorsqu'elle avait eu sa promotion. L'acherie était considérée par le vieil état-major Kakita comme une arme inférieure : les jeunes daimyo Kakita en faisaient pourtant grand cas, comme les Daidoji. Mais au contact ...

*

Autour de la tente de commandement, l'ambiance était meilleure. Quelques assistntes étaient encore choquées, mais l'issue de la bataille devenant moins inéluctable (en bas, les archers Kakita étaient désormais engagés dans un corps à corps furieux), la détermination habituelle (les Grues parlaient de triomphalisme) reprenait le dessus.
- Sama ! Sur notre gauche !
Matsu-daimyo tourna la tête machinalement. Encore un problè ...

Munefusa sortit de la forêt.
Autour de lui, cinq cent Grues se mettaient en place sur la colline, face à la tente du commandement. Il y avait bien une aile supplémentaire cachée dans les bois. Mille Lionnes, sans doute l'élite de la Garde Matsu, que seules la Fierté égalait en sauvagerie pure, et qu'on gardait pour donner le coup de grace. Commandées par une cousine de Munefusa. Les Daidoji leur étaient tombés dessus par surprise ou plutôt par mégarde ... mais avaient su tirer leurs flèches au bon moment. Avant que la mêlée ne s'engage la partie était gagnée.
Enfin ... gagnée ... mille Lionnes, dont deux cent tuées à l'arc, pour mille cinq cent Daidoji tués, ce n'est pas vraiment une victoire ... du moins avaient-ils survécu.

Et en face : la tente de commandement. Vingt membres de la Garde Matsu, deux aides de camp, un daimyo ... Au corps à corps, un régal d'officier sadique. Pour Munefusa, une capitulation facile. Sans que Munefusa aie le temps de parler, les arcs se tendirent, les bras se levèrent, les flèches vrombirent.
Tout tomba. Gardes, tente, tante ... Munefusa se précipita ... pour voir sa parente s'écrouler dans l'herbe rougie.
Se retournant, il avait un regard de tueur.
- Kakita-taisa, je veux votre tête dans moins d'une heure. Ce tir était un acte de lâche. Je vous laisse choisir votre assistant parmi vos hommes.
Kakita-gunso, faîtes encercle le sommet de la colline. Il nous faut maintenant tenir ce point. Et veillez à nettoyer les lieux.
- Hai !
Le grand étendard de bataille fut installé promptement, et en quelques secondes il fut aperçu. Un choeur enfla dans l'armée Grue. Lorsque les officiers Lions se retournèrent pour comprendre l'origine de cette clameur, le délitement de l'armée Lion commença, et se termina en débandade.

*

Ruine des cités
Civilisations en feu
Ah ! Revoir l'été !

Publié : 13 juin 2006, 18:25
par Kakita Inigin
Après le printemps, l'été

- Voyez-vous, Munefusa-san, nous sommes dans une situation inédite.
Le salon était décoré de panneaux dorés. Quelques grues volaient de branches de pruniers en branches de cerisiers, sous un ciel aux beaux nuages blancs peints sur le bois blanc. Autour de Munefusa et de son épouse, le Champion de la Grue Doji Amitse, le vieux Champion d'Emeraude Kakita Animato, le représentant du Clan du Lion Ikoma Naderu, et un Shikken, Miya Nagatsewa, prenaient le thé dans une pièce d'apparat de Kyuden Doji. C'était le kuge qui parlait.
- La daimyo de la Famille Matsu est morte. Ses deux filles avaient déjà été tuées au combat. Son unique nièce, pareillement par vos hommes il y a quelques hommes. De sorte que le dernier héritier de ce lignage, c'est vous.
- Je comprends le problème, Miya-sama, mais je suis au service de la Famille Kakita. J'en assume actuellement la direction.
- Sans doute, sans doute, ainsi qu'il est précisé dansle testatment de votre beau-père. Mais votre épouse peut remplir ce rôle, et vous pouvez être daimyo Matsu en attendant que vos filles soient en âge de remplir cette tâche.
- Êtes-vous en train de me dire, Miya-sama, que l'époux du daimyo Kakita pourrait être daimyo Matsu ? Et un homme, qui plus est ?
Asuka avait longuement étudié la question avant cette rencontre, les Doji l'ayant mis au courant de la mission de cet ambassadeur bien avant qu'il n'arrive à Kyuden Doji.
- Avec votre permission, Miya-sama. L'ambassdeur du Clan du Lion était d'un politesse remarquable, mais il ne lui laissa pas le temps d'accepter – ou de refuser. La Famille Matsu se pliera aux ordres de l'Empereur, étant bien entendu qu'il sagit là d'une situation exceptionelle et que son mode de gouvernement sera protégé par la suite. Ce qui est déjà assuré par la parole impériale. Par conséquent, Kakita Munefusa-daimyo, je serais très honoré de vous présenter les compliments du Champion du Clan du Lion.
Munefusa et Asuka ne se regardèrent même pas. Leur réponse était prête depuis deux jours.
- En ce cas, puisque l'Empereur veut la paix entre nos deux Clans, je suis honoré d'accepter le titre et la charge de daimyo de la Famille Matsu. Lorsque je me retirerai, ma fille, qui devient Matsu Ishinoko, sera daimyo. Mon épouse, qui reste Kakita Asuka, devient daimyo de la Famille Kakita, avec la permission de Doji-sama.
- Je consens à cela, dit Doji Amitse. Ils auraient tout de même pu me prévenir avant de se décider. Bah, ils ont l'excuse de la jeunesse, et c'est la seule solution honorable à leurs yeux. Mais rien n'est définitif ...
- Puisque c'est la volonté de mon époux, je suis honoré d'accepter le titre et la charge de daimyo de la Famille Kakita. Lorsque je me retirerai, ma fille, Kakita Jinako sera daimyo.
- La chose est donc entendue, conclut Doji Amitse. En tant que Champion du Clan de la Grue, j'atteste de cet accord.
- En tant que Champion d'Emeraude, j'atteste de cet accord, ajouta Kakita Animato.
- En tant que représentant de Akodo Niba, Champion du Clan du Lion, j'atteste de cet accord, ajouta encore Ikoma Naderu.
- En tant que Shikken impérial, j'atteste de cet accord, conclut Miya Nagatsewa. Que la faveur des Cieux soient sur vous tous.

*

Champ de chrysanthèmes
Ondulant sous le soleil
Restes de l'automne

Publié : 03 mars 2007, 21:19
par Kakita Inigin
Après l'automne, l'hiver

Le jeune héraut de la Famile Akodo venait d'entrer dans la salle du trône. Sous l'ombre de la statue de Matsu, les yojimbo du daimyo s'étaient reculés en voyant les mon symétriques et le visage encdré de cheveux roux de Akodo Ieshite, qui effectuait fréquemment la liaison entre le Château de la Loyauté et celui du Dernier Soupir.
- Salut à toi, Ieshige-kun, et transmets mes salutations à ton épouse ! Que me veux Akodo ?
- Seigneur, ce sont de bien lourdes nouvelles dont je suis porteur. Voici ma missive.
Et il donna au dignitaire qui l'attendait au bas de la première estrade un rouleau de papier de riz entouré de bandelettes de soie frappées des sceaux de la Famille Akodo et du Grand Sceau du Lion Rugissant.
- Voyons ça ...
Le dignitaire traversa la second estrade, transmettant ensuite au Chancelier. Lequl, montant une marche, le remit au daimyo. Lequel l'ouvrit et commença à lire. Trois lignes lui suffirent. Le rouleau tombade ses mains sur le sol. Sa voix était plus dur qu'un vent glacé quand il parla.
- Appelez mes généraux et mes vassaux.
On était en fin de Hida, les vassaux du daimyo Matsu étaient déjà là, pressés d'entrer à Shiro Matsu avant les premières neiges, qui tombaient parfois récocement si près des montagnes.

*

La salle était pleine de Lions babillant et se racontant leurs batailles. Cinq généraux, chacun commandant 50 000 hommes, des hatamoto pouvant former une division de même ampleur avec leurs samourai personnels ... la Famille Matsu, après dix ans de pix ininterrompue, était la plus grande armée de Rokugan. Mis à part les lointains Hida peut-être, qui totalisaient la presque totalité du Clan du Crabe.
- Silence ! Ecoutez Matsu Munefusa-daimyo !
Le silence fut instantané. Munefusa entra, dans une inhabituelle hakama blanche, qui fit naître un murmure vite réprimé. Sa haori brune de daimyo encradrait non un élégant kimono, mais la lourde armure ancestrale, plaques noires sur soie dorée. Son visage était d'une dûreté inaccoutumée.
- Mes seigneurs, je viens de recevoir une nouvelle gravissime. Mon épouse, Kakita-daimyo, est morte. Je n'ai pas fini, ajouta-t-il d'une voix de stentor devant les murmures. Chacun ici connaît mon épouse, se souvient de la joie qu'elle mettait partout, de son dévouement à gommer les vieilles haines. Hélas, elle a été tuée il y a quelques semaines. Le Clan de la Grue a renvoyé notre ambassadeur à Shiro sano Kakita, le très cher Kitsu Araki, en deux morceaux, en accusant la Famille Akodo du meutre d'une daimyo.
Cette fois, il laissa les cris surgir. Mais il ne leur laissa pas le temps de s'interroger sur son attitude à lui.Gouverner les hommes suppose de ne leur laisser aucun doute sur à qui doit aller leur loyauté.
- Il est bien évident que nos honorables cousins Akodo sont innocents. Par conséquent, devant le mensonge manifeste des Grues, et l'insulte barbare qu'ils nous font, notre Clan est en guerre dès maintenant. Allez lever vos troupes ! Fourbissez vos armes ! Nous marcherons sur la Croisée des Chemins dans deux décades !
En annonçant l'attaque de la plus puissante forteresse Daidoji, Munefusa savait qu'il galvaniserait ses hommes.
- Excusez-moi, Munefusa-daimyo ... le vieil homme étit un ancien général, qui avait fait les naciennes guerres en tant que commandant en second de l'armée Matsu. Bien qu'il soit en inkkyo, es avis étaient très écoutés.
- Je vous en prie, Ankinu-san.
- Pardonnez ma hardiesse, mais quelle part prendrez-vous à cette guerre ? Et ne faudrait-il pas plutôt commencer par Shiro sano Kakita ? Et sur cette prole son souffle s'atténua, car le sujet était brûlant.
- Ankinu-san, vous posez une excellente question. Je ne vous en veux pas le moins du monde d'interroger ainsi votre suzerain. Mais tous les autres auront compris. Je prendrai la tête de notre armée, bien sûr. Je suis le seul homme dans tout l'Empire à avoir fait l'écol Kakita, l'école Daidoji et l'école Akodo, notre Champion estime donc que je suis le mieux à même de vaincre les Daidoji. Par ailleurs, une fois Kosaten Shiro prise avec l'aide de nos cousins Akodo, nous obliquerons vers Shiro sano Kakita tandis que les Akodo iront détruire Shiro Daidoji. Pendant qu'ils feront le siège puis descendront la rivière du moine aveugle, nous ataquerons Shizuka Toshi, afin de les retrouver sous les murs de Kyuden Doji. Ainsi ma fille règnera sur deux châteaux et les Grues seront punis de leur outrecuidance
Sur cette forte déclaration, il s'assit pour entendre les commentaires des Rikogunshokan, taisant la douleur qui s'emparait de tout son être. Généraux qui, malgré l'annonced'une campagne en plein hiver, préfèrèrent laisser éclater leur joie.
- Hourra ! Vive le Lion ! Vive notre daimyo !

*

Le soleil se couchait sur la plaine enneigée et boueuse du sang répandu. Entre un bosquet et le fleuve, prè du reste d'une casemate Daidoji carbonisée, quelques combats finissaient d'exterminer un corps d'armée vêtu de bleu. La sombre masse de Kosaten Shiro dominait l'autre rive. Les Grues n'avaient placé que soixante mille hommes pour la défendre face aux quatre cent mille hommes de la machinede guerre Lion. Et cs fous étaient sortis, traversant le fleuve, pour rencontrer les Lions en plaine. Ils s'étaient fait écraser contre le fleuve, naturellement, malgré leurs tentatives de s'enfoncer dans le sol..
- Vous aviez raison, Munefusa-san.
Munefusa se retourna sur son cheval. Son armure arborait des dizaines de rayure, de pointes de flèches, de taches d'un sang qui n'tait pas le sien mais dont il ressentait l'écoulement comme une petite mort. Il avait traversé la bataille, les tranchées, les rangées de fantassins, en pleurant pour chaque bras qu'il coupait, pour chaque tête tranchée, pour chauqe père qui nereverrait jamais ses enfants et les délicats objets que sa femme rapportait des boutiques des artisans ... dans le Clan de la Grue, les alliances entre Familles étaient très courantes, chaque prent souhaitant une courtisane Doji ou une artiste Kakita pour bru et un bushi Daidoji pour gendre.
Le cavalier qui lui parlait portait une armure dorée, et il était encadré par quatre bushi lourdement armé, dont l'un portait le mon Ikoma. Cela veut dire que le brave Matsu Ikante est mort ... Munefusa appréciait le yojimbo de sa Famille qui gardait le Champion.
- Bonsoir, Akodo-daimyo. Je voi que vous avez perdu la moitié de vos gardes ...
- Oui, mais Akodo Geteku n'est que blessé. Ikante venait d'avoir une fille ... Ou est la vôtre au fait ? J'ai appris que Matsu Ishinoko avait pssé son gempukku peu avant la guerre.
- Elle sert dans la quatrième armée. Pourquoi avais-je raison ?
- Il y a deux jours, vous avez insisté pour que nous laissions des provisions et du fourrage pour les unités de cavalerie Ikoma. Leur arrivée en cours de bataille a été décisive. C'est la meilleure illustration que je connaisse du principe de Commandement «Un homme affamé combat mal.».
- Un homme affamé ne combat pas du tout, et les Daidoji le savent trop bien. Retourner leurs principes dans un but honorable ne semble pas être une mauvaie idée, neh ?
- Non, en effet. Mais venez, nous avons encore quelques actions à faire ce soir.
- Hai. Quand passerons-nous le fleuve, monseigneur ? Le Château est sans défenseurs, maintenant.
- ... Jamais. L'Empereur nous interdit de le passer. Il a envoyé un Shikken, un embassadeur extraordinaire de la Famille Miya, pour arrêter nos armées. J'ai déjà diffusé la consigne. Venez.
Puis, se retournant :
- Votre autre fille conservera son château, j'en ai peur.
- Mon coeur de père se réjouit pour elle, monseigneur, mais ...
- Mais votre coeur de samurai est chagriné, nous le savons tous. Et vos vassaux vous font confiance, tranquilisez-vous.

*

Coeur de samurai
Coeur chaviré de devoirs
Coeur d'homme pourtant

Publié : 03 mars 2007, 21:20
par Kakita Inigin
Les dernières neiges de l'hiver

- M'expliquerez-vous, mon père, quel bénéfice vous retirez de tout cela ?
Le Champion d'Emeraude, Doji Namiku, était un courtisan élégant, agenouillé en saiza dos au pin qui dominait toute la composition du jardin. Le Champion de la Grue, Doji Amitse, buvait sa tasse à sa gauche, avalant le liquide marron à petites gorgées empreintes de sérénité. Le daimyo Daidoji, à droite, avait ôté tous les shoji du pavillon situé près d'un cours d'eau encombré de rochers, qui répandait un doux clapotis ... et arrêtait les sons.
- Pose cette question à ton frère, il te répondra mieux que moi.

Le dernier hôte du pavillon, situé dans le plus grand jardin du château du Champion d'Emeraude, était l'époux de la toute récente daimyo Tsume.

- Bien volontiers. Mes hommes viennent de détruire deux villages Lions, de prendre un château d'importance secondaire près de Toshi Ranbo, ce qui nous ouvre toutefois le passage vers cette forteresse, et de capturer l'équivalent d'un million de koku de riz. Nous sommes en hiver : au printemps les Lions auront faim !
- Et alors ?

Le Champion d'Emeraude n'aimait pas la tournure des évènements. En tant que fils cadet du Champion, il devait défendre les intérêts du Clan de la Grue ; en tant que Champion personnel de l'Empereur, il devait favoriser les règles d'équilibre que faisait appliquer la diplomatie Otomo ... et lui. Et la paix impériale dont jouissaient les deux plus anciens ennemis de l'Empire, la Grue et le Lion, depuis dix années, le satisfaisaient entièrement. Paix qui satisfaisaient aussi les artisans et les commerçants de la Grue, qui bénéficiaent de routes sûres vers les terres du Dragon, l'ouest des terres Kitsu, et même les terres Nord du Crabe, sans même avoir besoin de payer des taxes exorbitantes sur les routes impériales : les routes secondaires Lions étaient ouvertes ! Phénomène inédit qui ennuyait naturellement les Seppun, chargés de collecter les taxes sur les routes impériales.

- Alors, mon frère, je vais résumer un peu la situation. La paix assurée par un daimyo Matsu époux de la daimyo Kakita a permis aux Lions de renforcer leur armée et leurs lignes logistiques : la récente campagne l'a montré. Songe qu'en dix jours, soit deux tiers moins que prévu, ils ont pu rassembler toutes leurs forces devant notre principal poste de garde, pour écraser l'armée que nous y avons posté. Heureusement, le retour leur sera plus difficile, nos ... éclaireurs ... Daidoji leur donnant du fil à retordre, et le riz commençant à leur manquer. D'autre part, les pertes qu'ils ont subi ont affaibli leur frontière Nord pour nos alliés Phénix et repoussé la frontière Ouest un peu plus loin de Shiro sano Kakita, ce qui est toujours bon à prendre. Donc, pendant que leur armée est immobile et forcée de faire demi-tour sur l'ordre de l'Empereur, toutes leurs faiblesses ont été exacerbées. Au printemps, si la situation s'y prête, nous relancerons l'offensive ! Et sinon, nous aurons gagné des avantages territoriaux non négligeables.

Le daimyo Daidoji, Kitu, riait sous cape. Doji Namiku se demandait bien pourquoi. Depuis six ans qu'il était le second de l'Empereur, il n'avait vu le lugubre Daidoji rire que deux fois : lors de sa victoire au Championat d'Emeraude, et lorsque Doji Ajino avait épousé Doji Tsume Achiko, la fille unique du premier Tsume. Namiku choisit la brusquerie.

- Oui, eh bien, cela ne convient pas à l'Empereur. Alors vous allez reculer vos troupes au trot, et me dégager les terres du Lion.
- Voyons, cher fils, ne sois pas si colérique : nous ne faisons que construire la grandeur du Clan.
- Mon père, je trouve que vous tirez parti sans trop d'états d'âme de la mort confuse de notre cousine Asuka. Mais si elle n'étai pas morte, vos combines n'auraient servi à rien. Ert nous n'aurions pas perdu soixante mille hommes.
- C'est donc une très bonne chose que les Fortunes aient choisi cette période, où nous étions les mieux préparés, pour laisser mourrir Asuka, commenta Daidoji Kitu.
- Oui, car sans cela, nous aurions été balayés par les Lions !
- Cela ne rend pas notre action moins efficace, seulement le moment de cette horrible mort plus opportun, répliqua-t-il d'un ton doucereux qui fit naître un horrible soupçon dans la tête de Namiku.
- Vous connaissez à présent la volonté de l'Empereur. Accomplissez la avec diligence.
Et il sortit, ne leur lassant même pas le temps de réagir. Mais, en traversant l'enfilade de corridors ouverts qui menait au pavillon principal, il eut le temps d'entendre son frère dire :
- Kitu-san, votre plan pourrait nous valoir une mort ignominieuse à tous !

*

Dans le Hall des Ancêtres, Munefusa pleurait. La campagne était arrêtée par la neige trop haute et le manque de riz. Certains villages mourraient de faim avant que le Dizième Kami ne vienne. Des milliers de Grues et e Lions étaent morts pour rien, l'honneur du Kitsu et de son épouse assassinés n'était même pas vengés. Munefusa avait exigé des cérémonies conjointes pour le repos des âmes des morts des deux camps : maintenant que le combat était fini, nul ne l'empêcherait de pleurer les morts des deux camps comme étant ses frères.
- Père ?
- Viens, Ishinoko. Je suis devant Matsu.
- Père, les Ikoma me disent qu'ils ne comprennent pas comment Mère est morte. Les Daidoji qui la gardaient étaient parmi les meilleurs.
- Je crois que ce sont les Scorpions, ma petite fille. Il n'y a qu'eux qui soient assez fourbes pour tuer une daimyo aussi aimée de ses sujets. Viens prier avec moi.
Dans l'ombre, le dernier yojimbo Kakita autorisé à vivre au Château du Dernier Soupir (les deux autres ayant été tués à Kosaten Shiro ... sous la bannière Grue, et par lui-même), Inatsu, que les Lions surnommaient “Le seul Grue loyal”, réprima un soupir. Quand il regardait son daimyo, il le voyait avec Asuka dans ces jardins, à Shiro Matsu, riant des plaisanteries des Fiertés du Lion, qu'elle avait vite appris à ne plus haïr, et il pestait contre le Destin.

*

Goutte de rosée
Parfum des larmes gelées
Sur la joue ouverte

Publié : 03 mars 2007, 21:20
par Kakita Inigin
Passer l'hiver sur les routes

En recevant la lettre, elle avait suscitée une immense surprise. Que lui voulait l'homme le plus puissant de l'Empire après le Fils des Cieux ? Mais, après l'avoir lu, il avait optempéré : on ne refuse pas une invitation du Champion d'Emeraude, quand celui-ci a conclu un traité de paix entre la Grue et le Lion près deux ans de guerre impitoyable, et à plus forte raison quand il pousse l'honneur jusqu'à refuser des exigeances inacceptables du Champion de la Grue ... qui est son frère aîné. C'est pourquoi Munefusa se retrouvait à Otosan Uchi par un venteux matin de Shinjo, devant l'hôtel du Champion d'Emeraude.

- Ouvrez ! Ouvrez au puissant daimyo, notre seigneur Matsu Munefusa, vainqueur de Kosaten Shiro !

Munefusa aurait préféré que son valet s'abstienne de ce genre de mentions. Les légionnaires devant la porte étaient maniestement des Doji, et ce n'étaient pas le genre de rappels qu'ils appréciaient. Mais les portes s'ouvrirent, dévoilant un petit intendant portant les marques de la Magistrature d'Emeraude – pendentif visible et haori verte sur son kimono bleu ciel.

- Entrez, noble seigneur, vous êtes le très bienvenu.

Munefusa s'en doutait, de ça : sa fille Jinako était daimyo Kakita, mais on avait encore besoin de son accord pour la marier à un fils du daimyo Asahina, le seul duelliste de la famille. Et un bon, d'ailleurs.
Il fut introduit dans un salon de réception clos, où l'attendait le Champion. Les trait tirés, les yux rougis, il ne lui rappelait que vaguement le brillant diplomate ue Munefusa avait connu à la cour du Lion. Un bon combattant, aussi, qui ne devait, à l'ampleur de son ventre, plus faire beaucoup d'exercice ... Munefusa l'aurait battu de la main gauche, à présent, malgré les dix ans qu'il avait de plus que le Champion.
- Asseyez-vous, Munefusa-san, et prenez du thé. L'histoire que je vais vous raconter est assez peu ragoutante, et lorsque j'en ai eu connaissance, je vous ai convoqué sans attendre ...

(la suite bientôt).