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[Background] Kitsu Ningen

Publié : 16 juil. 2005, 11:32
par Pénombre
Kitsu Ningen

Description Physique :
Ningen est un homme d'une trentaine d'années d'une beauté troublante quelque peu altérée par ses yeux dorés et ses traits qui ont une sorte de finesse exotique. Il porte ses cheveux noirs sans affectation dans un style mi-long mais veille à toujours se vêtir de manière à la fois formelle et sobre.

AIR 3 Intuition 4
TERRE 3 Volonté 4
EAU 3
FEU 3
VIDE 3

Avantages : Beauté du Diable, Eloquent, Grande Lignée, Lignée Kitsu : Sang Pur

Désavantages : Idéaliste, Mauvaise Fortune (yeux dorés), Amour Sincère (Shinjo Eri), Mauvaise Réputation (néglige trop les traditions).

Compétences :
Calligraphie 3, Etiquette 3, Héraldique 2, Histoire 3, Méditation 3, Connaissance des Ancêtres 4, Connaissance des Fantômes 2, Connaissance des Shugenja 2, Connaissance de la Littérature 1 Shintao 2, Théologie 2, Kenjutsu 2, Connaissance du Bushido 2, Sincérité 3, Barde 3, Equitation 1, Athlétisme 1, Médecine 3, Cérémonie du Thé 3, Poésie 2, Art de la Guerre 1, Manipulation 2, Ikebana 1

Sorts :
- Eau : Reflet de Pan'ku, Revers de Fortune, Voie vers la Paix Intérieure, Liens Spirituels
- Air : Tranquillité de l'Air, Sagesse des Kami
- Ancêtres : Sentir les Ancêtres, Communier avec les Ancêtres, Invoquer les Ancêtres
- Sorts de Base shugenja : Sensation, Communion, Invocation

(Sentir les Ancêtre, Sagesse des Kami et Liens Spirituels sont les seuls sorts maîtrisés. Je me suis octroyé les trois sorts de base shugenja vu le rang de maîtrise du personnage…)

Réputation : 177 Gloire : 2.3 Statut : 2.0 Honneur : 3.5

Historique :

Je suis né sous le prénom de Taro, au pied des murs de Shiro Sano Ken Hayai, le Château de la Voie du Sabre. Dés que j'ouvris les yeux, la sage-femme vit qu'ils avaient le même regard doré que ceux de mon père et ceux de sa mère avant lui. Dans la lignée de mon père, on dit que depuis l'aube de l'Empire il ne naît qu'un seul enfant par génération qui porte cette marque et sa présence est depuis toujours le signe d'une destinée bien précise.

Parce que ce signe était bien connu, on se mit à me surveiller avec attention, attendant que se manifestent à travers moi les présences de ceux qui ne sont plus.
On m'a raconté que je ne pleurai jamais dans le noir et que même avant de parler, je faisais déjà des sourires ou des gestes à l'attention de présences que j'étais le seul à percevoir. Cela aussi était attendu et ne fit que confirmer ce que tout le monde savait déjà.

Par la suite, Père a dù faire bien des efforts pour que je finisse par comprendre que parler de mes "amis" à n'importe qui n'était pas des plus judicieux et ce n'est qu'après avoir assimilé cette vérité que je fus autorisé à nouer des contacts avec d'autres enfants de mon âge.
Lorsque j'eus sept ans, je quittai la petite maison familiale pour aller jusqu'aux Tombes de notre famille, là où l'on enseigne aux sodan-senzo ce qu'ils doivent savoir pour arpenter les royaumes des morts. Et bien que les restes des Cinq Pères de notre famille demeurent dans les caveaux de ce lieu sacré entres tous, pour moi Shiro Sano Ken Hayai gardera toujours une place de choix dans mon cœur. Les Tombes ont abrité mes années d'études et c'est grâce à l'enseignement des sensei qui y vivent que je suis devenu un véritable Sodan-senzo. Pour autant, c'est au Château de la Voie du Sabre que l'héritage qui nous lie à nos frères du Lion s'est révélé à moi. C'est dans cette demeure autrefois paisible et désormais habitée par nos guerriers des familles Akodo et Matsu que j'ai compris qu'être le descendant des défunts Kitsu et être un samurai du Lion ne représentaient après tout que deux facettes inextricablement liées d'une même destinée.

Je me souviens encore de l'incompréhension qui était la mienne lorsque l'on me sépara de mes parents pour m'emmener aux Tombes. Des voix invisibles qui murmuraient des admonestations ou des paroles de réconfort dont je ne pus apprécier la réelle valeur que bien plus tard.
Mais surtout, je me souviens de l'impression étrange qui s'empara de moi à l'approche des Tombes. Je sentais l'attention soutenue de dizaines, de centaines d'esprits qui me suivaient du regard en silence.

Il me fallut près d'un mois pour retrouver un sommeil normal et près de huit ans pour saisir toute la complexité de ce qui m'attendait.
Lorsque mon sensei m'emmena avec lui de l'autre côté du mur qui nous sépare des morts, plusieurs de ces voix qui me hantaient prirent une autre substance. Je connus leurs noms et j'écoutai leurs histoires. Par la suite, j'étudiai les récits parlant de ces défunts. Certains avaient été véritablement honorés de leur vivant, d'autres seulement après leur mort et quelques-uns uniquement par le souvenir d'une poignée de gens qui se transmettaient leur légende de génération en génération. Tous avaient été des hommes ou des femmes bien vivants. Avec des rêves, des regrets, des souvenirs. Certains étaient comme des phares capables de guider les vivants sur une voie d'honneur et de vertu. D'autres avaient des mérites plus simples et à plusieurs reprises durant ces longues années, mon sensei me permit sous sa surveillance d'approcher des esprits qui quant à eux n'avaient aucun mérite mais dont les actes et le souvenir avaient provoqué la déchéance terrible.
Il y avait aussi les légions anonymes de ceux qui attendent de passer devant le Juge des Morts. Et ceux également qui demeuraient à mi-chemin entre le royaume de leur vie enfuie et celui de la mort qu'ils refusaient d'admettre.
Il y avait la terreur, les ténèbres, le silence, les cris, les larmes… le poids terrible, absolument terrible, des siècles passés et des innombrables existences qui les avaient peuplés. Depuis le Meido de grisaille éternelle, mon maître nous emmena prudemment jusqu'aux autres domaines où se rendent les morts. Le Gaki-do et ses résidents à l'affût de nouvelles proies. Les plaines à jamais ensanglantées du Toshigoku avec ses légions de haine. Les champs de lumière du Yomi. Jamais nous ne nous rendîmes dans les autres royaumes. Mon maître disait qu'ils nous étaient trop hostiles ou que nous n'avions personne à y chercher mais je compris rapidement qu'il arrivait parfois que les meilleurs d'entre nous s'y rendent lorsqu'ils n'avaient pas le choix.
Ma déception fut grande lorsque je compris qu'il me faudrait plus que des années d'étude et de travail avant de pouvoir à mon tour arpenter les domaines ou nous nous rendions une fois notre existence de chair terminée et dans l'attente soit d'un retour à la vie, soit d'un avenir plus permanent sous une autre forme.
Mais comme mon cher maître le disait souvent "Une existence à la fois. Un monde à la fois et c'est souvent bien plus de problèmes qu'il n'en faut pour une vie." Et une fois, je vis l'un des ancêtres qui le connaissait bien sourire avec tristesse à l'énoncé de cette sagesse forgée par une vie au fardeau sans égal. Un fardeau aussi terrible que celui des samurai du Crabe qui vouent leurs existences et leurs âmes à la défense du Mur.

Parce que ma destinée était clairement établie et que mes parents aussi bien que mon maître avaient veillé à m'enseigner ce qui était vraiment important, je pris la mesure de ce fardeau et l'acceptai. C'est ainsi que je rejoignis moi aussi les rangs des Sodan-senzo. Et si pour l'instant je ne suis pas encore assez expérimenté pour arpenter les pays où errent les morts, je sais qu'un jour viendra ou moi aussi je prendrai pour un temps la route de l'au-delà. Non pas en tant qu'élève de mon maître ou en tant qu'assistant d'un sodan-senzo dont la mission demande plus d'un homme mais pour moi aussi devenir le guide non seulement des morts mais aussi de ceux qui prendront ma suite. Qui sait, peut-être y retrouverai-je mon maître, ou ceux qui m'ont mis au monde ? Cela fait quelques années déjà qu'ils ont quitté cette vie et je prie chaque jour que ces gens que j'ai toujours estimés soient tous arrivés à bon port. Si je le pouvais, je ferai en sorte que tout le monde arrive à bon port… mais il est des choses qui jamais ne dépendront de moi. Et il est des destinées innombrables et anonymes en comparaison desquelles la mienne n'est en fin de compte pas très différente.
Pour autant, ma vie jusqu'à aujourd'hui n'a pas été exempte de bouleversements en tous genres et j'ai eu de nombreuses occasions de m'entretenir avec les morts. La marque que je porte semble avoir une importance à leurs yeux et il leur arrive aussi de me visiter à l'improviste. C'est ainsi que j'ai appris que les morts sont à la fois très différents et très semblables à nous, qui ne le sommes pas encore. Ou qui avons oublié que nous l'étions avant cette vie.
Eux aussi éprouvent des doutes, même s'ils connaissent désormais des vérités qui nous sont interdites.
Eux aussi peuvent mentir, même si le jugement qui les frappe leur interdit de se mentir à eux-mêmes car ils ne peuvent échapper à ce que ce jugement entraîne.
Eux aussi, enfin, peuvent se tromper.
Et dans ce constat réside le prix terrifiant de notre sang.

Nous ne sommes pas que les gardiens du passé que nos ancêtres représentent. Nous sommes aussi les gardiens de leur avenir. Et de l'avenir de tous ceux qui sont encore bien vivants et veulent nous écouter.
Et nous aussi, nous aussi nous pouvons douter, mentir ou nous tromper.

Une fois mon apprentissage terminé, je pris le nom de Ningen (humanité/humain) car cela me semblait approprié tant vis-à-vis des vivants que des morts qui m'entouraient. En effet, si prendre soin des morts est mon sacerdoce, je suis également au service des vivants. Comment m'occuper des défunts si je ne suis pas en mesure de m'occuper de ceux qui n'en sont pas encore ?
Il ne suffit pas de servir les morts pour servir les vivants. L'inverse est tout aussi vrai.
Il faut servir les vivants pour servir les morts.


J'eus la chance d'être un temps envoyé sur les terres du petit clan du Faucon. Et de bien des manières, ce séjour dans ce territoire isolé me fut des plus bénéfiques. Car bien qu'ils ne puissent parler aux morts, il arrive à certains samurai du Faucon de pouvoir sentir leur présence.
L'un de ces samurai, une femme du nom de Akiko, me servit à son tour de mentor lorsqu'elle m'emmena avec elle à la poursuite d'âmes errantes, de fantômes égarés qu'elle pouvait trouver mais que seul j'étais capable d'aider. Et si quelques uns se laissaient difficilement convaincre, d'autres persistaient à persécuter les vivants ou à peser sur les rêves et les actes de leurs descendants. Alors, les talents de ma compagne et ceux que l'on m'avait enseignés n'étaient pas de trop pour éradiquer ces spectres menaçants. Et les condamner à une douloureuse damnation qui leur serait plus longue et pénible que s'ils avaient accepté de bon gré leur destinée.
En vérité, nous sommes vraiment peu de choses dans le labyrinthe du destin. Un labyrinthe qui peut aisément nous perdre mais dans lequel nous devons évoluer si nous voulons un jour trouver la destination qui nous attend.
Akiko-san trouvait un certain réconfort dans le Tao de Shinsei et bien que les enseignements du Petit Maître n'aient été que brièvement abordés durant ma formation, je finis par m'y intéresser à mon tour.

La plupart de mes frères n'ont jamais voulu admettre mes arguments et persistent à considérer le Tao comme une simple source de maximes et de sagesse supplémentaire qui ne saurait supplanter les rites ancestraux et secrets que les sodan-senzo se transmettent depuis plus de dix siècles. Des rites qui nous viennent en partie des Pères Fondateurs et donc de sources encore plus anciennes que l'humanité… nous sommes bien plus "traditionalistes" que nos frères du Lion le pensent, mais pas exactement comme ils le pensent.
Et pourtant, je vois dans ce que disait Shinsei tellement de choses si intéressantes… tout d'abord, il y a le fait indéniable (à mes yeux), que le Tao est destiné aux hommes, quel que soit leur nom, leurs origines ou leur caste. Je suis à la fois un homme parmi d'autres, un samurai du Clan du Lion et un sodan-senzo. Trois facettes qu'il me faut constamment forger en un alliage sans cesse plus pur.
Ensuite, il y a une notion qui me semble cruciale et qui transparaît sans cesse à travers le Tao. Même si jamais elle n'est abordée explicitement : aucun homme n'a les épaules si larges qu'il peut porter le monde entier sur elles.
Chacun de nous doit apprendre, chacun de nous doit mourir et chacun de nous, même s'il peut accomplir de grandes choses, doit comprendre que d'autres par la suite pourront accomplir des choses plus grandes encore. A moins d'être un des Sept Tonnerres des légendes, ou l'un des fondateurs d'une des prestigieuses maisons des Clans Majeurs… chacun de nous doit s'efforcer de faire ce qu'il doit faire du mieux qu'il peut le faire.
Echouer ne donne pas seulement la possibilité de recommencer plus intelligemment. Echouer rappelle aussi que l'on est pas seul au monde. Que nous ne pouvons pas tout entreprendre ni tout réussir. Que s'il y a plusieurs hommes, c'est parce qu'il y a plus de choses à faire que n'en pourrait réaliser un seul.
Quand on est un sodan-senzo, il me semble qu'en plus de cette volonté que nous partageons avec nos frères du Lion, en plus de ces rites antiques et en partie non humains qui bornent et protègent notre pouvoir sacré, un peu de sagesse qui permet d'accepter que l'on puisse aller de l'avant sans forcément se voir offrir des garanties d'arriver quelque part ne ferait pas de mal…
Mais mes frères préfèrent se tenir à distance prudente de ces possibilités. Ils embrassent le Tao du bout des lèvres et suivent à la fois nos traditions mais aussi le vœu du premier Akodo. Bien évidemment, derrière ces apparences, le Tao de Shinsei ne démérite pas à leurs yeux ni probablement aux yeux de bon nombre de nos frères de clan.
Mais il faut croire que même pour nous, le Clan du Lion, certaines vérités ne sont pas bonnes à dire…

J'avais dix huit ans lorsque je quittai Toritaka Akiko-san et m'en retournait enfin sur les terres de ma famille. Après un nouveau séjour de plusieurs mois aux Tombes, je pus enfin me rendre au Château de la Voie du Sabre, là où j'avais vu le jour.
C'est un concours fortuit de circonstances qui fit qu'on me proposa d'accompagner une délégation des shugenja de mon ordre jusqu'aux terres de la famille Iuchi où nous étions attendus pour réaliser des comparaisons entre nos rites et ceux des shugenja de la Licorne.
Je vis des choses très étranges sur les terres de la Licorne. Presque aussi fascinantes ou repoussantes que celles que j'avais pu apercevoir dans les autres Royaumes grâce à mon cher maître.
Mais plus que les coutumes barbares de nos voisins de l'ouest, plus que les pratiques complexes et composites de leurs prêtres, ce fut une femme qui n'était même pas shugenja qui marqua à jamais mes souvenirs.
Aujourd'hui encore, Ide Eri reste dans ma mémoire comme je l'ai vue pour la première fois il y a douze ans. Ses longs cheveux noirs dont la cascade était rompue par deux tresses fines. Ses yeux à peine moins bridés que les nôtres qui lui donnaient une sorte de charme exotique…
Eri avait cette aptitude presque surnaturelle des gens de sa famille à comprendre de manière intuitive ce que les autres considèrent comme important et ce qu'ils préfèrent éviter de considérer. Elle ne manquait ni de finesse, ni de perspicacité et par rapport à elle, c'est moi qui me sentais l'étranger. Et pas seulement parce que je me trouvais loin des terres du Lion.
Bien qu'il ne se soit rien passé entre nous qui soit allé au-delà de regards furtifs et de nombreux échanges convenables marqués par une tension palpable, nous eûmes tous deux rapidement la conviction que nous étions faits l'un pour l'autre.
Malheureusement, Eri-chan était déjà promise à un autre samurai de la Licorne, un membre de la famille Shinjo. Et cet homme à peine plus âgé que nous, Korenaka, la suivait partout à la trace et la couvait d'un regard qui aurait été plus approprié s'il avait concerné sa propriété et non sa promise.
Korenaka-san n'était pas un homme désagréable mais son entêtement n'aurait pas démérité de la famille Matsu. Avec une dose moins élevée de bushido et de discipline.
Pour des raisons évidentes, je préférai éviter d'entretenir une correspondance avec Ide Eri mais j'appris par la suite qu'elle avait bien épousé le guerrier de la famille Shinjo.
Korenaka et Eri ont eu plusieurs enfants je pense. Encore qu'un ami de la famille Akodo m'ait indiqué il y a quelques mois seulement que la dame Shinjo Eri exerçait toujours comme diplomate pour le clan de la Licorne. Il ne fut pas en mesure de me dire auprès de quel clan Eri-chan exerçait. Pas le notre, donc probablement le Dragon. Ou le Phénix.
Je doute de jamais la revoir. Et il ne serait pas très honorable de chercher à le faire de toute manière. J'espère simplement que Korenaka-san s'est montré plus courtois et moins possessif envers son épouse qu'il ne l'était envers sa fiancée.

Depuis notre séparation, je n'ai jamais eu l'opportunité de retourner sur les terres de la Licorne. J'ai passé l'essentiel de mon temps en tant que sodan-senzo du Château de la Voie du Sabre que j'ai rarement quitté durant les trois premières années.
Par la suite, j'ai accompagné plusieurs fois nos armées en campagne et une fois, des magistrats impériaux ont requis mes services. Plus précisément, des esprits défunts m'ont incité à quitter mon poste pour me rendre dans un petit village proche où j'ai rencontré ces hommes qui cherchaient justement les conseils d'un sodan-senzo.
Il nous a fallu un moment pour que les preuves qu'ils avaient rassemblé et les messages abscons des morts nous mènent jusqu'au petit groupe de pilleurs de tombes. Nous redoutions de tomber sur des pratiquants de la maho et évidemment, nos craintes s'avérèrent fondées. Fort heureusement, nous eûmes aisément le dessus et parmi les magistrats, il n'y eut que deux décès à déplorer.
Après cela, mes supérieurs jugèrent que je n'étais pas assez respectueux de mes responsabilités et je crus un temps que j'allais recevoir l'ordre de m'ouvrir le ventre ou pire encore de quitter les miens.
Mais les tombes pillées étaient celles de nos samurai…
On fit cependant preuve d'un humour un peu particulier et en diverses autres occasions, mes supérieurs me confièrent des besognes normalement attribuées à des subalternes. Veiller sur un tombeau la veille de sa fermeture, surveiller les eta alors qu'ils s'affairaient à préparer les cendres d'un mort de rang notable. Assurer la comptabilité des bougies et des bâtonnets d'encens… Des devoirs certes moins prestigieux que ceux d'un sodan-senzo expérimenté mais qui ne déméritaient pas à mes yeux. Je les accomplissais avec la célérité et le dévouement dont nous devons faire preuve à tout instant au regard de notre éternel devoir. Personne n'osa cependant m'interdire d'officier en tant que sodan-senzo et ces corvées s'ajoutèrent souvent à mon quotidien déjà assez encombré.

L'année dernière, le Champion Akodo Arasou décida de lancer depuis le Château de la Voie du Sabre une attaque qui devait emporter à nos adversaires de la Grue la ville de Toshi Ranbo. Tout le monde s'attendait à une bataille glorieuse qui compterait un grand nombre de morts et je fus donc inclus dans les shugenja chargés de s'occuper d'eux. J'ai vu les armées se rassembler et les ancêtres étaient légion à contempler les guerriers du Lion.
Les morts furent en effet légion, mais contrairement à l'adage, cette bataille menée par un général Akodo fut une défaite. Qui se solda par sa mort.
Le fait qu'il ait suivi l'enseignement de l'école de bushi de la famille Matsu alourdit encore le poids de cet échec car la mort de notre champion déshonorait non seulement le clan dans son ensemble mais plus particulièrement sa famille et son école.
Mes frères de clan sont gens assez têtus en vérité. Et si je parvins à faire comprendre à deux des officiers survivants que leur mort serait moins utile à notre honneur que leur survie, il y eut un nombre assez étonnant de samurai de tous âges parmi nos armées qui réclamèrent et obtinrent de Matsu Tsuko-sama le droit de s'ouvrir le ventre.
Ce qui signifie que nous nions le courage de nos hommes, de notre champion même et lavons cette "erreur" en l'enterrant dans les brumes de l'oubli. Comment pourrons-nous vraiment tirer les leçons de cet échec si seuls quelques élus doivent en transmettre le souvenir soigneusement réécrit alors que les autres doivent se taire ?
Akodo a pourtant dit :

Un samurai combat pour vivre.
Ce n’est que vivant qu’un samurai peut accomplir son devoir et protéger son seigneur.
Le concept le plus important à retenir est que, bien que vous combattiez pour vivre, vous devez être prêt à mourir.

Lorsque un homme meurt pour effacer la honte qu'il pense faire peser sur sa famille parce qu'il a vu son seigneur mourir, alors comment pourrait-il servir le seigneur qui a pris la suite du sien et lui a donné la permission de mourir ? En tombant dans l'oubli ? N'est-il pas bien plus utile d'enseigner aux autres et de mourir au combat plutôt que d'assumer sa honte dans la mort sans rien enseigner à personne ? Et si certains rejoignent les rangs des Quêteurs de Mort, pourquoi faisons-nous comme s'ils n'existaient pas alors qu'ils pourraient au moins nous montrer quel exemple ne pas suivre ?
C'est en embrassant toutes les possibilités et en demeurant soi-même que l'on avance. Pas en les niant. Akodo le savait. C'est l'épreuve de notre vertu qui nous renforce et nous forge en armes capables de servir l'empereur. Pas le fait de laisser les autres briser leurs propres vies pour soulager leur honte en détournant les yeux.
L'épée se forge au feu. Pas dans les froideurs grisâtres de la cendre funéraire mais dans le brasier même de la vie.
Le comprendrons-nous un jour ?

Nous, sodan-senzo, avons reçu l'ordre de laisser aux plus anciens de notre confrérie le privilège de guider Arasou-sama vers son jugement. Il faut reconnaître que nous avions déjà fort à faire avec les samurai des deux camps tombés durant la bataille ou, pour certains de nos frères, après notre défaite.
Personne ne l'a jamais compris alors que c'est une évidence.
Nous sommes si peu, et les morts sont innombrables.
Innombrables.
J'aimerai tellement que personne ne meure jamais seul mais avec un ami pour l'aider dans la première partie du voyage qui doit suivre…

Il y a quelques années, j'ai été abordé une fois durant mes prières par l'esprit d'Akodo Meikuko. Un nom que nul n'ose prononcer à haute voix en dehors de nos salles secrètes ou des dojo Ikoma et Akodo qui enseignent les subtilités de l'Art de la Guerre. Ces mêmes endroits où certaines vérités historiques sont présentées de manière "acceptable". Nous sommes le Lion et pourtant nous avons peur de la vérité. Nous avons peur de notre vérité.

J'éprouve une certaine ambiguïté à l'égard de Meikuko qui entraîna près de 20.000 guerriers dans une mort déshonorante et inutile avant de s'ouvrir le ventre et de connaître la disgrâce posthume. Une disgrâce que ceux qui prirent sa suite refusèrent de lever même quand il fut reconnu que Meikuko avait subi l'influence pernicieuse de l'épée Vengeance… de tous ceux qui se virent offrir ces lames maudites, seul le champion du Scorpion échappa à son influence… ou tout au moins, c'est ce que les siens racontèrent. En soi, ce simple fait devrait en dire long sur la nature de ces armes.
Mais non… nous avons préféré une histoire plus acceptable, qui dispense des leçons sans doute utiles mais sans rapport réel avec ce qui a été laissé dans l'ombre.
Nos frères Ikoma appuient ceux des familles Akodo et Matsu lorsqu'ils souhaitent réécrire l'histoire et écarter certaines choses de notre mémoire. Ils enseignent des demi-vérités à nos enfants et attendent d'eux qu'ils surpassent par leur honneur des ancêtres qui ne correspondent pas à la réalité. Si chaque idiot qui se prend pour l'égal d'Akodo-sama ou de Matsu-sama devait se voir offrir un kimono neuf, nous n'aurions même plus assez d'argent pour acheter de quoi nourrir nos armées.
Tout cela complique bien les choses pour nous, lorsque nous tentons d'aider les défunts alors que ceux-ci savent que leurs descendants et leurs parents les ont volontairement oubliés. Celui qui manque à nos conceptions rigides est perdu et son souvenir même éradiqué.
Et on se plaint ensuite que certains reviennent nous hanter…
Comment pouvons nous vraiment les aider à se racheter et à suivre enfin le cours de leur destinée ? Alors que les nôtres qui attachent tant d'importance au lien des frères d'armes, des doshin, rompent ce lien lorsque le courage d'assumer certaines hontes leur fait défaut ?

Au bout de mille ans, les descendants des derniers Kitsu ne sont toujours pas parvenus à faire comprendre certaines choses à leur peuple d'adoption. Et nombre d'entres nous ont été jusqu'à adopter le point de vue de nos frères de clan.
Il y a des défunts dont il vaut mieux se tenir à l'écart, bien évidemment. Mais pourquoi aider et guider seulement les esprits que nous, vivants, jugeons dignes de notre attention ? Nous faisons semblant de considérer les autres vivants comme des gens honorables alors que dés qu'ils tournent le dos nous les calomnions… et nous crachons sur la mémoire des morts alors qu'ils ont enfin l'occasion de racheter leurs fautes.
Combien de défunts sont condamnés à l'oubli et à l'errance des fantômes depuis leur mort parce que nous n'avons pas été en mesure de vraiment les aider quand ils vivaient encore ? Ou parce que nous avons préféré les abandonner à leur sort plutôt que d'admettre que nous aussi nous aurions failli dans des circonstances similaires ? Le Grand Akodo lui-même avait ses limites et commettait des erreurs mais lui, il n'a jamais nié la vérité. Il a tenté de se transcender, d'aller au-delà de ses propres travers sans pour autant adopter la voie de Shinsei. On le disait fier et ombrageux mais n'est ce pas le même seigneur qui fit la paix avec les derniers représentants de la race dont le sang coule dans mes veines ? Alors qu'il aurait été tellement plus simple de les massacrer et d'écrire une nouvelle page d'histoire mensongère…
N'est ce pas lui qui offrit ses filles en mariage aux cinq derniers Kitsu ? N'est ce pas lui qui au lieu de cacher sa honte l'assuma publiquement et continua à vivre, allant de l'avant sans jamais céder ? Vers des promesses d'un avenir meilleur qu'il allait forger pour nous et ne verrait jamais.
Sommes nous certains que nous honorons vraiment cet homme lorsque nous envoyons si aisément nos frères de clan à la mort pour assumer des erreurs qui ne sont pas forcément les leurs ? Pour expier des fautes qui étaient peut-être inévitables ?

Régulièrement, dès que mes devoirs me le permettent, je retourne à Toshi Ranbo. Comme les autres, je me joins au cortège que le clan de la Grue accepte dans les murs afin que nous nous prosternions devant le tombeau d'Akodo Arasou. Comme l'a dit un de nos généraux autrefois, notre inimitié avec la Grue est source d'honneur car il n'y a pas d'ennemi plus honorable à se dresser dans l'Empire face au Lion. Je respecte tous les hommes, vivants ou morts, jusqu'à ce qu'ils fassent la preuve de leur médiocrité. Y compris les samurai de la Grue.

Je me rends donc sur le tombeau d'Akodo Arasou et je joins mes prières à celles de mes frères de clan. Je les vois pleurer ouvertement car nombre d'entres eux l'ont bien connu. C'était un grand homme mais peut-être que Shinsei avait raison quand il disait que de tels hommes devaient nous inspirer et nous rappeler que nous aussi pouvions être grands. Nous inspirer à les dépasser, pas à nous mortifier ou à nous noyer dans la soif de vengeance…

Mais avant de repartir, je prends toujours quelques instants pour faire de discrètes offrandes. A la mémoire des samurai du Lion et de la Grue, ainsi que des heimin, qui sont morts dans la bataille. De tous ceux dont les noms ont été oubliés ou sur lesquels certains font même porter la responsabilité de la mort d'Arasou-sama.

Et parfois, durant la nuit, certains ancêtres visitent mes songes pour me dire que j'ai raison de le faire. Le sang du Peuple bat dans mes veines, les esprits des défunts me regardent depuis l'au-delà. Le wakizashi à ma ceinture attend son heure et ma main demeure toujours prête à fermer les yeux d'un samurai et prendre la sienne pour le mettre sur la bonne voie.
Je n'abandonne jamais. Je ne renonce pas. Je ne cherche pas à faire ce qui est impossible mais à faire ce que plus de mille ans de bushido et des traditions encore plus anciennes attendent de moi.
Concilier le passé et le futur.
La vie et la mort.
Les accomplissement et les échecs d'autrefois avec la possibilité de se transcender qui sommeille dans les replis de l'avenir.
J'embrasse l'infini et me souviens que je ne suis qu'un grain de sable qui doit jouer son rôle.
Et je continue à aller de l'avant.
Malgré mes limites. Malgré mes fautes. Malgré la douleur, le regret, la fatigue, le désir, la colère, les ennemis que l'on respecte et les amis que l'on regrette.
J'embrasse ma propre fin comme inévitable.
Je suis prêt à mourir.
Je suis prêt à vivre.
Je suis le Lion.