Hida Ichi a dit
Voilà, tu m'en excuses mais tu es l'exemple parfait de ce clivage gauche/droite complètement ancré et figé dans la société française.
Ce clivage manque de mesure, de dialogue, de politesse, on est d'un bord, on pense qu'on a raison et que l'autre a forcément tort... On monte sur ses grands chevaux dès qu'on entend la trompette pour souvent galoper dans le mauvais sens.
je suis navré mais on peut être d'un bord et penser simplement que l'autre ne défend pas les mêmes intérets. La question n'est pas de savoir si tu as raison ou tort mais quels intérets tu défend et c'est là qu'on retrouve justement l'idéologie, une idéologie qui a été perdue de vue et qui amène beaucoup de gens à mélanger certaines choses, dans la classe politique mais bien au delà :
- la gauche prétend défendre les intérets du peuple en général et des plus défavorisés en particulier. Pour elle, c'est son héritage idéologique remontant à Jaurès et Marx entres autres, les classes possédantes doivent faire davantage de sacrifices car elles ne représentent pas la majorité de la société mais profitent des richesses que produit cette majorité, richesses que les possédants structurent, organisent et redistribuent en fonction d'impératifs plus personnels (ou de classe) que sociaux, d'ensemble. Selon l'idéologie de gauche, les classes possédantes sont un mal nécessaire sans lequel il n'y a pas de réelle production de richesses, à moins de vouloir rééditer les "exploits" soviétiques qui ont dans les faits provoqué là bas l'émergence d'autres types de possédants de toute manière... c'est un mal nécessaire à contrôler. Dans l'absolu, il ne devrait pas y avoir de possédants mais une richesse collective redistribuée en fonction des besoins vitaux individuels et des besoins de civilisation collectifs. Dans les faits, il s'agit de subordonner le droit à la propriété privée aux nécessités collectives.
- la droite prétend défendre les intérets du peuple en général et en particulier certains droits comme la propriété. A partir du moment ou tu obtiens des richesses, il est logique que tu puisses en profiter comme tu le souhaites et en dehors de certains minima incontournable pour assurer le fonctionnement de la machine de production de ces richesses, il n'y a pas de raison objective à ce que tu doives faire des sacrifices financiers/fiscaux envers tes employés, tes subordonnés ou la société en général. Cela est tempéré par diverses influences idéologiques annexes, héritées d'influences chrétiennes, ou l'on encourage (ou en tous cas considère d'un bon oeil) les initiatives individuelles de charité, de générosité mais au final, l'objectif est bien de garantir la liberté de jouissance du possédant. Dans l'absolu, la liberté d'agir pour pouvoir posséder la richesse est le meilleur garant que l'on possède pour réussir dans la vie et tout ce qui entrave cette liberté entrave donc la société elle-même qui n'a pas besoin de planification de la distribution des richesses, planification qui ne peut qu'entrainer l'essor des parasites au détriment de ceux qui ont réellement produit la richesse. Dans les faits, il ne s'agit que de défendre les intérets des gens qui possèdent déjà.
- le centre, notion typique des pays occidentaux adeptes de la "démocratie chrétienne" souhaite un système ou l'on préserve les libertés des possédants mais ou l'on peut aussi donner quelques garanties au reste de la collectivité. Dans l'absolu, tant que tout le monde semble content, c'est qu'on est sur la bonne voie. Dans les faits, le centre est plombé par les classes moyennes qui veulent s'accrocher à ce qu'elles ont et aimeraient bien obtenir plus dans la foulée. Idéologiquement, la gauche est un mal nécessaire pour pouvoir faire bloc et défendre ses quelques atouts en jouant les victimes aux côtés du prolétariat, la droite un autre mal nécessaire pour préserver des perspectives d'enrichissement personnel réelles. Le fait que nombre de gens indécis ou ignares se déclarent centristes reflète justement leur ignorance car le centre contrairement aux apparences n'est pas dépourvu d'idéologie lui aussi. Il s'agit d'une idéologie plus consensuelle, visant à fédérer le maximum de gens dans une sorte de "pacte social" qui en réalité vise là encore surtout à défendre les intérets de ceux qui ne sont pas les plus perdants du système... d'ou le fait d'ailleurs que le centre-droit soit nettement plus influent que le centre-gauche.
Hida Ichi a dit
Cela peut-être comme en Allemagne avec les exemples de "Grande Coalition", le moyen de mettre de côté les idéologies et de se mettre au travail, et de régler les vraies problèmes par des mesures tempérées, un peu de libéralisme, un peu de social. Une petite augmentation des impôts, une petite baisse des charges, une petite aide de l'aide ici, une petite privatisation par là.
En France, tu gouvernes avec la moitié de la France contre l'autre moitié... Tu es toujours dans une logique d'affrontements, de manifestations, de petites phrases polémiques...
c'était le thème même de la campagne des législatives la dernière fois, sauce chiraquienne : il y a un président de droite, il faut éviter des députés et sénateurs à majorité de gauche car sinon le pays sera ingouvernable et on retombera dans la cohabitation.
on a vu ce que ça a donné quand "la moitié de la france" (qui ne l'est pas dans les faits d'ailleurs) possède tous les rènes et gouverne envers et contre tout, y compris une partie de ceux qui ont voté pour elle...
je rejoins Inigin sur le principe : mieux vaut une société ou il y a débat et même affrontement politique, car même si cela encourage bcp d'imbéciles et de fanatiques, cela permet aussi de remettre en cause les choix économiques, éthiques et même structurels.
la seule autre alternative, c'est le grand consensus qu'aucun pays au monde l'ayant expérimenté n'a jamais réussi, nulle part. Un consensus qui dure quelques années dans une apparente inertie qui relève surtout du couvercle mis sur la marmite. Mais cela finit par provoquer à chaque fois une mauvaise surprise électorale avec l'essor de partis extrémistes qui ont la part belle car justement ils demeurent les seuls capables de parler d'idéologie autrement que pour sortir les banalités du reste de la classe politique. Il leur est alors aisé de fédérer les mécontents de manière plus ou moins hypocrite et à défaut d'arriver au pouvoir de provoquer un éclatement du consensus sans forcément régler quoi que ce soit.
la seule autre évolution possible du consensus que tu évoques, Ichi, c'est de rassembler tellement d'intérets qu'au final ce sont les financiers qui en prennent le contrôle car ils noyautent l'ensemble des structures décisionelles. La phase suivante, c'est lorsque l'un des gros partis parmi les plus influents propose une fusion à son principal rival/concurrent qui mène à un grand parti unique de rassemblement, parti qui s'avère largement sponsorisé par les grands groupes financiers et au final complètement déconnecté du peuple qui de toute manière a peu d'opportunités d'entendre d'autres discours. Honnètement, s'il n'y avait pas eu un minimum d'idéologie et d'antagonismes personnels pour empécher ça, c'est exactement ce que Berlusconi aurait souhaité obtenir en italie en rassemblant depuis les ligues du nord "modérément fascistes" jusqu'aux démocrate chrétiens et personnellement, je ne vois rien de souhaitable ni dans la démarche, ni dans ce cas particulier.
l'idéologie n'est pas dépourvue de risques mais elle demeure bien le seul rempart possible face à un consensus qui se veut majoritaire et qui finit toujours (ou alors j'ai mal cherché) par virer à l'émergence d'une classe dirigeante minoritaire d'autant plus indéboulonnable qu'elle s'appuie vis à vis des citoyens sur les origines d'un consensus "populaire" qui est mort depuis longtemps. Et quand des gens, en France ou ailleurs, sont au pouvoir sans être menacés il est presque impossible jusqu'à présent que leur politique ne s'oriente pas au final vers la préservation avant tout de leurs propres intérets.
autant leur donner une couronne et un trône ou poser leur cul, on aura gagné autant de temps et on en est à un tel point de délabrement dans la conscience collective française que c'est même pas dit que ça dérange tant de monde que ça de ne plus être des citoyens à part entière. Après tout, les gens ont déjà adopté l'idée qu'au niveau européen les sous-commissions de gens qui ne sont même pas élus soient plus influentes que leurs députés et à peu de choses près, sans idéologie justement, nombre d'entres nous étaient prèts à avaler l'idée que sans constitution européenne solidifiant cette réalité, ça serait la fin du monde...
résultat, le monde tourne toujours merci et les gens en place ne dorment pas moins bien qu'avant