La Voix De Rokugan

Ashiko tendit la coupe emplie à Kei...

Une fois toutes les libations finies, il se tourna vers Kei :
- Auriez-vous un ruban rouge, ma dame ?

Kei avait un peu de mal à réaliser ce qui se passait. D'ailleurs elle ne souhaitait pas du tout "réaliser ce qui se passait". Tant que ce n'était pas fini, écrit noir sur blanc quelque part, entériné par cinquante personnes ou gravé dans le marbre, il était hors de question de faire comme si tout était réglé. Une fois mais pas deux.


- Oui, pas d'affolement, on n'est pas à l'abri d'un malaise subit, un décrochage de poutre ou une attaque majeure de l'Outremonde, là maintenant.

- Vous êtes trop terre à terre, profitez de l'instant, on attend ça depuis des semaines... Non des années en fait...

- On n'est jamais trop prudent.


Le sel fit éternuer Kei, ses yeux dérivèrent un peu sur le décor de la chappelle. Elle fut rappelée à la réalité quand Retsu commença à parler. Elle l'écouta attentivement. Ses consciences ne purent s'empêcher de commenter...


- Ah tu frapperas toi aussi hein ! C'est "rituel", c'est important les rituels.

- Ouais, elle a raison pour une fois, c''est forcément important sinon je vois pas pourquoi on s'emmerderait autant avec.

- La protection c'est bien ça, dit Bleue, un peu rassurée.

La petite flamme rouge sembla crépiter d'un seul coup d'un seul et un petit rire retentit dans l'esprit de Kei.

- C'est malheureux que tu doives fermer ta bouche toi, "Je lui serai fidèle et ne connaîtrai aucune autre homme" j'aurais payé cher pour entendre ça tiens...

- Ta gueule.

- Ah puis j'ai l'impression que tu vas pas faire trop l'impasse sur la religion là, il a l'air motivé.

- Je les respecte les kami, pas besoin de commenter.

- Ouais enfin vous jouez pas dans la même cour quand même. En plus "les éduquerai" comme s'il était tout seul...

- Qu'est-ce qu'il dit maintenant ? Bon sang... Et bien... Il en abandonne son nom. C'est vraiment important pour lui alors, remarqua flamme bleue la "voix" pleine de sanglots.

- Pour moi aussi hein c'est important.

- Ouais alors par contre, juste pas moyen qu'on change de nom nous... En plus, lui, l'appeler Ishido au lieu de Retsu. Juste jamais. Compte dessus et bois de l'eau, va.


Ashiko donna la coupe à Kei et le sake lui arracha une petite grimace. Elle n'avait pas bu depuis un petit paquet de temps.


- Pas trop, pas trop ! T'es enceinte je te signale!

- Oui, oui c'est bon...

- Et ne dit rien en fait, on dirait qu'on n'attend pas spécialement que tu dises un truc.


Le shugenja posa sa question. Kei n'avait rien du tout. Elle réfléchit vite, avant que sa conscience bleue s’effondre au fond de son crâne, en larmes. Euh... Elle saisit son wakizashi. Je ne vois que ça de toutes façons, pensa-t-elle. Elle décrocha le petit netsuke qui pendouillait au bout du cordon, sur le saya. Un hibou, ce n'était pas un animal très positif... Mais il était associé à la forge, donc elle en avait un. Le morceau de coton était un peu vieux et maintenant il était plus couleur de terre que vraiment rouge, mais il l'avait été au moins. Elle le tendit au shugenja.

Ashiko la regarda comme son père la première fois où elle avait tenté d'utiliser des baguettes, prit le ruban au netsuke et le tendit à Retsu.

Retsu retint un petit sourire avant de tendre la main.

Kuni Ashiko enroula leurs deux mains dans le bandeau cramoisi et prononça avec un bon sourire les paroles rituelles :

- Devant le Kami de notre Clan et les Fortunes ici rassemblés, je vous déclare unis jusqu'à ce que les forêts recouvrent les plaines et que les mers engloutissent les terres. Allez, à présent, enfants de Hida.

Le cerveau de Kei continua de fonctionner normalement. Elle demanda méfiante : " C'est tout ? Vous nous donnez un parchemin quelque chose ? On va ensemble voir... Voir quoi déjà? On va voir l'état civil ?"

Retsu ne put retenir un sourire.

"Bien sûr que non, ce n'est pas tout..." fit-il à voix basse avant de poser ses lèvres contre celles de la jeune femme.

Les deux époux échangèrent un long et voluptueux baiser, sous le regard paternel du fondateur de leur clan.

Elle se laissa embrasser... Une fois que la méfiance reflua un peu, elle l'embrassa même de très bon cœur, avant de rester dans ses bras de longues secondes. Elle mettrait aussi un peu de temps à réaliser ça, pensait-elle. Le shugenja se racla un peu la gorge.

- Pardon, dit-elle en se remettant face au Kuni.

Ce ne devait pas être profondément rituel ça, les mariages d'amour ça ne courent pas les rues.

Le prêtre haussa les épaules.

- Je renseignerai le registre du temple ce soir, mais la parole d'un samurai n'a pas besoin d'un témoignage de papier. Et puis quand on vous voit, on ne doute pas de votre engagement, glissa-t-il dans un sourire.

Les statues desancêtres avaient un petit air narquois.

- Ca va bientôt être le matin, on pourrait peut-être vous accompagner maintenant... Remplir les registres, dit Kei, paranoïaque.

Le prêtre leva un sourcil.

- Vous ne préférez pas aller dormir ? Vous avez une longue route à faire, aujourd'hui, non ?

- On n'est plus a une demi-heure près, dit la jeune femme, aussi détachée qu'elle pût.

Retsu avait bien compris l'anxiété qui frappait Kei.

"S'il vous plait." fit-il à l'attention du prêtre en s'inclinant.

"Ce sera pour nous le point final à notre mariage. La consécration de cet instant, si vous préférez..."

Kei garda sa main dans celle de Retsu.

- On aurait du se marier il y a dix ans. La dernière fois qu'on a essayé c'était au milieu d'une guerre civile... Et cette fois-ci vous avez failli vous étouffer... Alors franchement, tant que je n'ai pas vu les papiers signés, je vais avoir du mal à me détendre.

- Ah ? Ce n'est pas banal, comme situation. Encore que... j'ai vu bien des choses dans ce château au fil des ans.

Il se dirigea vers un écritoire, caché derrière l'un de sgroupes de statues secondaires, sortit un lourd ouvrage ancien et l'ouvrit. Puis, en longs paraphes ornés, il inscrivit quelque chose dans la langue qu'utilisaient les shugenja.

- Voila, c'est fait. "Unis ce jour, Hida Kei et Hida Ishido. Fait sous la présence de Hida-omikami." Êtes-vous satisfaits, à présent ?