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Re: Actualité politique et sociale - Saison 2010 - Episode 1

Publié : 16 mars 2010, 20:35
par Kõjiro
Je vous incite à aller lire cet article : Le travail en prison, une délocalisation sur place
Les cinquièmes assises de la prison se tenaient vendredi 12 février à Paris autour de la question "Réformer la prison". Un aspect souvent oublié du quotidien des détenus est que beaucoup travaillent. Mais dans quelles conditions ? Entretien avec Gonzague Rambaud, co-auteur, avec Nathalie Rohmer, du Travail en prison : enquête sur le business carcéral (Ed. Autrement, 2010).

Le travail n'est plus obligatoire en prison depuis 1987. Comment s'organise-t-il aujourd'hui ?

Gonzague Rambaud : 16 146 détenus ont travaillé en 2008, selon l'administration pénitentiaire. 8 596 dans le cadre d'ateliers de concessions, c'est-à-dire pour le compte d'entreprises extérieures ; 6 550 pour le service général (activité liée à l'entretien et au fonctionnement de la prison), et 1 000 pour la régie industrielle des établissements pénitentiaires qui fabrique des pièces destinées à l'administration. Le travail est devenu nécessaire à beaucoup de détenus car contrairement à certaines idées reçues, il faut de l'argent pour vivre en prison. Les repas sont frugaux donc il faut pouvoir cantiner, ce qui équivaut à faire des courses à la supérette de la prison à des prix exorbitants, y compris pour des produits de première nécessité (entretien, hygiène, timbres, stylos...).
Le statut des détenus n'a rien à voir avec le droit commun. Il n'y a pas de contrat de travail en prison. C'est expressément interdit par l'article 717-3 du code pénal. Ce qui veut dire pas de smic, pas de congés payés, pas de droit syndical, pas d'arrêt maladie...

Ils travaillent par ailleurs dans des conditions d'hygiène et de sécurité déplorables : dans des espaces pas ou peu aérés, sur des machines qui ont souvent trente ans de retard par rapport à ce qui se pratique dehors. A la prison de Melun, j'ai vu un détenu travailler sur une machine à rivets automobiles, laquelle avait un manche substitué par une balle de tennis crevée ! Et là encore, on déroge au droit commun car l'inspection du travail n'a pas le droit de se rendre inopinément en prison : elle doit être invitée par l'administration. A Melun, le responsable de la métallerie était là depuis 35 ans, et n'avait eu qu'une seule visite de l'inspection du travail.

Enfin, la rémunération des détenus est elle aussi très inférieure à celles des autres salariés. Ils sont payés à la pièce, avec des cadences horaires fixées par l'entreprise pour ceux qui travaillent pour des entreprises extérieures. Le seuil minimum de rémunération, sorte de smic carcéral, est officiellement de 3,90 euros brut de l'heure. Un détenu me racontait que même en ayant une bonne cadence, il n'arrivait à gagner au mieux que 300 euros par mois, en travaillant 6 heures par jour. Ceux qui travaillent au service général sont encore moins bien payés : 220 euros net par mois en moyenne, ce qui permet à l'administration pénitentiaire de faire des économies substantielles par rapport au prix qu'elle devrait payer des salariés venus de l'extérieur pour faire le ménage ou servir les repas. Le travail en prison est en fait une délocalisation à domicile.

Quelles entreprises sont concernées et comment justifient-elles le recours à ce sous-salariat ?

EADS, Yves Rocher, Bic ou encore L'Oréal ont recours au travail des détenus. L'Oréal fait fabriquer les échantillons que l'on trouve dans les magazines ; Yves Rocher leur fait assembler des paniers "spécial fêtes des mères". Les Post-It de la marque 3M sont également découpés par des prisonniers. Mais nous avons rencontré beaucoup de difficultés pour interviewer ces entreprises : elles ne se vantent pas de leur présence en prison. Bic a retrouvé la mémoire quand nous avons montré des preuves : là dans un mail très détaillé, Bic a reconnu avoir été présent de 1970 à 2007 dans les prisons de Fleury-Merogis et d'Osny, pour faire assembler des opérations marketing sur leurs stylos et leurs rasoirs. Chaque fois, ces entreprises se défendent en indiquant que ce ne sont pas directement elles, mais leurs sous-traitants, des PME, qui travaillent avec l'administration pénitentiaire.

Ce vendredi, les cinquièmes assises de la prison se sont tenues sur le thème "Réformer la prison". Quelles pistes sont étudiées pour améliorer les conditions de travail des détenus ?

Plusieurs rapports ont dénoncé les conditions de travail des détenus et préconisé de faire entrer un contrat de travail en prison. Mais à chaque fois, et encore dans la dernière loi pénitentiaire votée à l'automne, le législateur insiste sur la nécessité de l'interdire. Car sur le plan économique, les entreprises n'auraient plus d'intérêt à venir en prison. Quand les Italiens ont voulu le faire, les entreprises ont déserté.

Une solution serait de faire appel à des entreprises d'insertion par l'activité économique qui, elles, par définition, ne sont pas là pour faire du profit. Mais cela coûte cher car ces entreprises fonctionnent avec des contrats aidés. Or une personne en contrat aidé à temps plein coûte 9 600 euros par an. Une goutte d'eau pour le budget de l'Etat mais bien trop pour les contribuables dont beaucoup estiment qu'on n'a pas à dépenser de l'argent pour des criminels. Il faudrait donc de la volonté politique. Une autre piste développée par le rapport du sénateur Loridant serait de créer un statut spécial, à l'instar des zones urbaines sensibles et des zones franches urbaines : les entreprises qui viendraient s'implanter en prison aurait des aides supplémentaires de l'Etat, des exonérations de charges, etc.

Enfin, on pourrait aussi favoriser la formation professionnelle des détenus afin qu'ils sortent de prison avec une vraie qualification à faire valoir. Car la plupart des détenus ont un niveau scolaire assez faible. Pourtant, seuls 3 500 détenus ont bénéficié d'une formation en 2008 car les budgets sont très réduits et la formation n'est rémunérée que 2,24 euros de l'heure.

Le ministère de la justice parle du travail en prison comme d'une activité "fondamentale pour la réinsertion future des personnes incarcérées". Qu'en pensez-vous ?

Je ne pense pas que le travail carcéral favorise la réinsertion. La directrice de l'espace liberté emploi, le pôle emploi des sortants de prison, nous a d'ailleurs indiqué qu'elle ne constatait aucun lien entre le fait de rebondir à la sortie et le fait d'avoir travaillé en prison. Les activités pratiquées, comme le rempaillage de chaise, la couture ou le travail à façon sont des expériences difficiles à faire valoir à la sortie : soit ces activités ont été entièrement mécanisées, soit elles ont été délocalisées dans des pays à bas coût, au Maghreb ou en Asie. Et, au-delà même du type d'activité pratiquée, j'estime que lorsqu'on propose des boulots ingrats, mal payés, sans contrat de travail, cela ne donne pas au détenu un rapport au travail très intéressant.

La prison est la peine la plus grave aujourd'hui en France : priver quelqu'un d'aller et venir, c'est terrible. On ne peut pas ajouter à cela une autre peine qui est celle d'être exploité, de travailler dans des conditions d'hygiène et de sécurité déplorables, avec des rémunérations indécentes, sans même savoir pour qui on travaille.

Propos recueillis par Aline Leclerc

Re: Actualité politique et sociale - Saison 2010 - Episode 1

Publié : 18 mars 2010, 14:26
par Kõjiro
Tiens Slate revient dans un article sur ces histoires de mode de scrutin pour les futurs conseillers territoriaux.

Proverbe UMP: si tu perds le scrutin, change le mode de scrutin

AU passage c'est déjà Raff' en 2003 qui avait modifié le mode de scrutin des élections régionales en offrant la prime de 25% à la liste arrivée en tête au second tour (au lieu d'une proportionnelle "totale").

Là il se sont dit que jouer les timorés c'était pas suffisant (vu la branlée de 2004...) alors autant y aller franco et faire un scrutin sur-mesure pour l'ump.

Re: Actualité politique et sociale - Saison 2010 - Episode 1

Publié : 19 mars 2010, 10:15
par Kõjiro
Une analyse des résultats du scrutin de dimanche dernier par Emmanuel Todd. Intéressant.

«L’électeur de droite ne s’y retrouve plus»
En 2008, dans Après la démocratie, le démographe Emmanuel Todd analysait la victoire du chef de l’Etat. Il dissèque pour Libération le vote des régionales.

Le premier tour des régionales marque-t-il la fin de l’effet Sarkozy, notamment auprès de l’électorat populaire ?

La majorité des commentaires se focalise, à tort, sur le vote de la classe populaire, dont le vote serait retourné d’où il venait: vers le Front national. Or, au sens strict, c’est-à-dire si l’on définit la classe populaire comme la classe des ouvriers et des employés, le vote FN n’a connu aucune décrue significative. En 2007, les ouvriers ont voté à 20% pour Le Pen, soit deux fois plus que la moyenne nationale : ils étaient les derniers fidèles, en particulier dans le nord et nord-est du bassin parisien. Or, dimanche - et même si le taux d’abstention doit inciter à la prudence - on retrouve le même chiffre. Au reste, il faut rappeler que, depuis 1984, le FN dispose d’un socle à 10-11%, avec des accès de fièvre jusqu’à 15 ou 16%. Dimanche, il n’a pas dépassé 12,5% : c’est donc une poussée, oui, mais d’ampleur modeste, qui a surtout permis de voir réapparaître son socle traditionnel autour de la façade méditerranéenne.

La faute au débat sur l’identité nationale ?

C’est l’analyse dominante, mais je ne la partage pas. Pour m’en expliquer, je remonterai à à 2002, où le vote Le Pen rassemble à la fois une partie du peuple de gauche - les ouvriers - et une partie du peuple de droite - les artisans et commerçants - autour d’une thématique nationale et anti-immigrés. On assiste alors à un dépassement du clivage de classes. Mais ce dépassement n’a pas duré : dès 2007, les enquêtes montrent que l’immigration n’est plus au cœur des préoccupations des Français, remplacée par l’emploi et le pouvoir d’achat. Ceux des électeurs FN qui venaient de la droite choisissent d’y retourner. Ils votent Sarkozy, plébiscitant un vrai programme de classe : baisse des impôts, libéralisation du marché du travail, réduction de l’Etat… Il faut le souligner : la victoire de 2007 a été mal interprétée. Sarkozy n’a pas volé le fonds de commerce du FN, ni siphonné une pulsion identitaire, mais au contraire a profité, sans le comprendre, de l’effondrement de cette pulsion. Ce qui n’empêche pas que la dimension sécuritaire y ait eu un rôle : les émeutes de 2005, et leur étrange réactivation par les événements de la gare du Nord juste avant le scrutin, ont assuré une mobilisation sans pareil des personnes âgées. 2009 vérifie l’hypothèse : la droite et le gouvernement n’ont cessé de faire du battage autour de l’identité nationale, du renvoi de sans-papiers, de la burqa, de l’islam, la stratégie du bouc émissaire n’a jamais été poussée aussi loin et pourtant ça n’a pas marché. En réalité, ni l’électorat populaire ni l’électorat artisans-commerçants ne se détermine prioritairement à partir de cette question.

Comment, dès lors, expliquer les résultats de dimanche ?

Par la crise, tout d’abord, par son épaississement, la déroute industrielle de régions entières, le début de baisse du niveau de vie pour certains et ce constat que l’opinion commence à faire : le plan de soutien à l’activité a réussi le tour de force de relancer le CAC 40 sans faire repartir l’économie. La France, à cet égard, est dans la même situation que les autres pays industrialisés. C’est pourquoi il faut y ajouter un facteur spécifique à Nicolas Sarkozy : tout se passe comme si, pour lui, le peuple de droite n’était composé que de racistes et de super-riches. Pour plaire aux premiers, il organise le débat sur l’identité nationale ; aux seconds, il donne le bouclier fiscal. Sa proximité exhibée avec l’oligarchie, les baisses d’impôts, l’utilisation de l’appareil d’Etat au service des copains ou encore les coupes dans le budget des services publics le placent en contradiction avec le cœur de l’électorat de droite : les personnes âgées. Annoncer à la veille du scrutin une réforme des retraites après avoir attaqué ostensiblement le système hospitalier - le service public auquel les personnes âgées ont le plus souvent affaire - c’était prendre un risque électoral majeur. Selon l’enquête OpinionWay (1), l’UMP ne recueille que 38% des voix chez les plus de 60 ans contre 42% pour la gauche, en additionnant le PS, Europe Ecologie et le Front de gauche. C’est du jamais vu, d’autant, sur cette tranche, que l’abstention ne dépasse pas 39%. C’est tout le style de l’homme qui est insécurisant pour la droite : insulter un quidam au Salon de l’agriculture, placer sa progéniture à l’Epad, abandonner la diplomatie gaullienne, jouer l’ouverture. Dans la même enquête, si 41% des artisans, commerçants ont voté UMP, 38% ont choisi la gauche. Chiffre lui aussi frappant, que l’abstention dans cette catégorie pourrait expliquer en partie.

C’est la droite classique qui flanche ?

Oui, mais que la gauche ne se réjouisse pas trop vite. L’électeur de droite classique ne s’y retrouve plus, mais, s’il a une véritable identité de droite, il ne peut pas voter à gauche. Face à l’UMP transformée en club de copains sans valeurs et sans contrôle, faisant bloc autour d’un président sans boussole, son choix se limite au FN ou à l’abstention. Au point que, par défaut, le FN se retrouve presque en situation d’occuper le rôle de la droite traditionnelle. Et cela au moment même où, profitant du départ programmé de Jean-Marie Le Pen, la stratégie de sa fille est de reléguer la thématique anti-immigrés au second plan pour se concentrer sur une thématique sociale. On pourrait même envisager une permutation des places… du moins en théorie. Car, dans la réalité, les barons de l’UMP, en embuscade, restent pour Sarkozy une menace autrement plus sérieuse…

Sarkozy est-il durablement atteint ?

Depuis 2007, je ressens sa situation comme pathologique: cet homme n’est pas à sa place, son personnage est absurde, le cœur dirigeant de la France n’a aucun projet économique - par contraste, dimanche, le corps électoral s’est montré sain et raisonnable. La nouveauté est que la situation générale elle-même devient absurde. Le seul moment où le chef de l’Etat a semblé efficace a été la crise financière. Or, un an et demi plus tard, la finance est repartie de plus belle, mais pas l’emploi. Du coup, l’absurdité du personnage Sarkozy et celle du système semblent se rejoindre et fusionner, faisant du chef de l’Etat le symbole de la folie des temps.

(1) Réalisée le 14 mars auprès de 9 342 personnes.

Re: Actualité politique et sociale - Saison 2010 - Episode 1

Publié : 19 mars 2010, 10:49
par Pénombre
J'ai une opinion mitigée sur cette analyse. C'est très pertinent de rappeler que l'électeur de droite - en quête de "rupture"- a du mal à accepter les copinages sarkozistes, de même que les retraités de droite digèrent mal qu'on frappe là où ça les concerne (comme si "faire des économies" et "refondre le service public" pouvait signifier autre chose que sabrer la santé et les retraites entres autres choses... mais bon, c'est un autre débat), mais perso, je reste convaincu que le coup du grand débat et compagnie ont joué en faveur du FN parce que justement, ceux qui ont voté Sarko à cause de son programme insécurité/immigration n'ont pas vu les changements qu'ils espéraient et ont surtout assisté à des déballonnades et des reculades en série.

Ces gens là ne voulaient pas d'un débat qui capote ainsi et devienne un flan mou, ni des justifications d'Hortefeu sur les auvergnats. Ce qu'ils voulaient, c'est le karcher dans les banlieues et les étrangers dehors. Manque de bol, vu que les seuls étrangers que l'on pourchasse ne sont pas ceux qui sont les plus visibles pour cet électorat (vu qu'on traque du travailleur clandestin et de la mère célibataire en situation irrégulière...) et vu que la grande majorité des délinquants des banlieues sont de nationalité française, ils risquaient pas d'avoir leur compte...

Je ne partage pas l'analyse de Todd, qui décrète tout seul on sait pas trop pourquoi qu'en fait, le captage des électeurs FN en 2007 n'a pas vraiment eu lieu. A mes yeux, sans remettre en question les autres facteurs qu'il énonce, oui, ce captage a bien eu lieu, et il aurait pu continuer à fonctionner encore un moment si plusieurs conditions avaient été remplies :
- si la politique sécuritaire de l'UMP avait effectivement permis de démanteler massivement les réseaux des banlieues. Mais comme ils sont surtout aux mains de français (d'origine étrangère, certes, mais aussi français que n'importe qui né sur le sol), c'est pas une politique de charters qui réglera ça de toute manière.
- si la politique judiciaire et carcérale de l'UMP n'avait pas consisté, au nom des économies, à engorger encore davantage prisons et tribunaux, pour en arriver à augmenter le nombre de gens condamnés bien après les faits qu'on leur reproche, et augmenter le nombre de gens condamnés qui ne purgent pas leur peine, faute de place...
- si la politique de communication sarkozyste n'avait pas consisté à empiler des lois sur des lois sans que l'on voie de différence au pied des immeubles des cités ou dans les rues des centre villes.
- si en guise de ministre de la justice Sarko n'avait pas justement nommé une arriviste d'origine maghrébine, de sexe féminin qui plus est, qui cumule le mépris de l'électeur, le mépris du citoyen, le mépris du système et le je m'enfoutisme. On est loin de "la france aux français" et assez près de la caricature "on place les trainées étrangères". Oui, c'est con, mais ça joue.

Je suis perso assez convaincu que justement, les tentatives de captage auraient donné de meilleurs résultats si un sentiment de sécurité avait pu découler de la politique menée ces dernières années. Or, à part plus de contrôles, plus de bavures et plus de faits divers entre deux statistiques dont on nous dit presque toujours qu'elles sont bidonnées et qu'on fait du chiffre pour le chiffre, que ce soit à la télé ou dans la rue, on ne voit pas plus de sécurité. Juste plus de sécuritaire. Pas de raison que ceux qui attendaient la sécurité s'y retrouvent...

Ce que Sarko voulait s'accaparer, c'est l'amalgame sécurité/immigration. Les résultats qu'il présente ne correspondent aucunement à ce qu'il promettait. Puisque rien ne change dans le quotidien de ceux qui l'attendaient là-dessus, pourquoi continueraient-ils à voter pour lui, qui fait la preuve par ailleurs qu'en fait de rupture - ce que souligne justement Todd - il copine à bloc avec les puissants. Ce qui correspond justement au fonds électoral populiste du FN "tous pourris, tous d'accord, sauf nous".

Re: Actualité politique et sociale - Saison 2010 - Episode 1

Publié : 31 mars 2010, 15:25
par Kõjiro

Re: Actualité politique et sociale - Saison 2010 - Episode 1

Publié : 01 avr. 2010, 09:22
par Kõjiro
Retour aux fondamentaux : 5ème loi sur l'immigration en 7 ans.

Code des étrangers : un durcissement supplémentaire, sous couvert de l'Europe
Depuis le Conseil de l'Europe, Alvaro Gil-Robles et Thomas Hammarberg, l'un après l'autre commissaire aux droits de l'homme, ont fustigé la tendance à la criminalisation des législations sur l'entrée et le séjour irréguliers des migrants en Europe. Cette criminalisation, le plus souvent présentée comme une méthode de maîtrise des flux migratoires, porte atteinte, selon eux, aux principes du droit international. "Elle est aussi à l'origine de nombreuses tragédies humaines sans pour autant atteindre sa finalité, qui est de maîtriser réellement l'immigration." (Alvaro Gil-Robles rapport du 29 septembre 2008).

Depuis l'ONU, Louise Harbour, haut commissaire aux droits de l'homme, s'était également interrogée : "Plusieurs choses nous inquiètent dans les approches de plus en plus restrictives et souvent punitives que les pays développés mettent en place envers l'immigration. La récente directive "Retour" de l'UE en est un exemple (...), il y a fortement lieu de craindre que les Etats européens aient recours à la détention de façon excessive et en fassent la règle au lieu de l'exception."

Lors de l'adoption en 2008 de la directive européenne "Retour", rebaptisée "directive de la honte", les principes de solidarité, d'humanité et même d'accueil qui ont pourtant façonné nos cultures européennes ont été de peu de poids ! Cette directive, qui permet de mettre en rétention administrative jusqu'à dix-huit mois les personnes en situation irrégulière, prévoit d'interdire l'accès au territoire européen pendant cinq ans au seul motif d'une situation administrative irrégulière antérieure ! A l'époque, la ministre de l'immigration d'alors confiait qu'elle ne modifierait pas la réglementation chez nous.

C'est pourtant ce à quoi nous risquons d'assister si le Parlement français adopte dans les semaines qui viennent un projet de loi qui, sous couvert de transposition de cette directive et de simplifications, durcirait notablement notre code des étrangers.

Au regard de notre expérience associative auprès des étrangers en situation précaire, nous voulons exposer nos craintes sur une version provisoire de ce projet de loi. Trois raisons essentielles : ce projet crée une véritable peine de bannissement laissée à la discrétion de l'administration, il consacre un recul du contrôle du juge sur les actes de l'administration et il maintient le délit de solidarité malgré les apparences.

Le projet de loi préconise de prononcer une interdiction de revenir sur le territoire pour une durée de deux ou trois ans, voire cinq ans, avec l'idée que cette "peine" dissuadera d'un séjour sans permis. Comme si cette interdiction pouvait être plus forte que le besoin vital de retrouver famille et enfants ou d'empêcher des déboutés de l'asile, expulsés, de revenir après l'expérience de persécutions persistantes dans leur pays d'origine. En instituant cette interdiction de revenir, on crée une nouvelle "double peine".

Et cette "peine" de bannissement pourra être prononcée par les préfectures de manière discrétionnaire contre tout étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement. On imagine le drame qu'une telle "sanction" provoquera pour des couples dont un conjoint est frappé d'une telle interdiction du territoire européen. Pourquoi instituer en France cette mesure dont on sait déjà qu'elle n'aura d'autre effet que de créer et de perpétuer des situations de précarité, aussi kafkaïennes que dramatiques pour les personnes et leur entourage ?

Récemment, des Kurdes arrivés par la Corse et placés en centre de rétention ont été libérés par les juges des libertés en raison des vices de procédure commis lors de leur arrestation. Plutôt que de donner des consignes strictes pour que les procédures soient désormais respectées, le projet de loi préfère modifier les règles. C'est ainsi que les zones délimitées à proximité des frontières et lieux de débarquement, appelées "zones d'attente", dans lesquelles les droits sont restreints, seraient étendues du lieu de la découverte de l'étranger jusqu'au poste frontière le plus proche. Ces zones de "non-France", où les droits sont très limités, pourraient ainsi s'étendre sur décision administrative à n'importe quel endroit du territoire !

Quant au juge des libertés, qui est aujourd'hui saisi au terme d'un délai de 48 heures après la mise en rétention, il ne sera désormais saisi qu'au terme d'un délai de cinq jours. Il paye ainsi le prix d'un contrôle jugé trop pointilleux des actes des fonctionnaires de police. Tout le projet de loi vise à marginaliser le juge : on prolonge le temps de l'arbitraire, on limite son pouvoir de contrôle, on efface les irrégularités qu'il pourrait sanctionner, on allonge le délai d'appel contre son éventuelle décision de remise en liberté. Cela, alors même que la détention possible en centre de rétention sera allongée de trente-deux jours à quarante-cinq jours.

A travers ce projet de loi, le juge est de fait désigné coupable d'entraver l'action répressive de l'administration. Il sera désormais contraint de devenir le juge de la détention, mais plus celui de la liberté. Les rôles sont inversés : ce ne sont plus les actes de l'administration qui sont placés sous contrôle, ce sont ceux des magistrats !

Le juge est, dans nos institutions, le gardien des libertés et de la légalité. Réduire son rôle, c'est prendre un risque accru d'arbitraire, le pire ennemi de la démocratie. Cela ne peut que créer plus d'injustices et plus d'insécurité.

L'opinion publique est très majoritairement hostile aux poursuites fondées sur le délit de solidarité, cette incrimination de personnes qui portent assistance de manière humanitaire aux étrangers en situation irrégulière en France. Le ministre s'était engagé à modifier la loi pour faire disparaître cette incrimination des personnes accomplissant des actes de solidarité.

Or ce qui est préconisé dans le projet de loi laisse subsister le délit. En effet jusqu'à ce jour figurait au nombre des exceptions à l'incrimination le fait d'aider l'étranger en danger pour sa vie ou son intégrité physique. Le projet de loi étend cette exception à la "sauvegarde" de l'étranger en supprimant la référence au simple danger pour sa vie ou son intégrité physique, ce qui en apparence donnerait satisfaction aux pourfendeurs du délit de solidarité. En réalité cette apparente ouverture se limite toujours à la situation de "danger actuel ou imminent", ce qui écarte l'action d'aide simplement humanitaire.

En conséquence, demain, nourrir un étranger sans papiers dans la durée, l'héberger, lui donner des produits de toilette, constituera toujours un délit, et c'est intolérable dans une société qui a dans sa devise républicaine le mot "fraternité". Nos associations demandent donc une nouvelle fois au ministre de modifier réellement la loi en inversant la logique, car la solidarité doit être encouragée au lieu d'être criminalisée.

Décidément, le droit des personnes va souffrir avec un tel projet, et avec lui l'Etat de droit : renforcer le caractère discrétionnaire de l'action de l'administration sur les dispositifs répressifs est un nouveau pas vers une société de l'arbitraire.

Pense-t-on vraiment qu'un tel projet permettra de restreindre ou de dissuader l'immigration clandestine ?

L'urgence n'est-elle pas plutôt d'humaniser une politique de contrôle et d'accueil, et de sortir de la simple logique du chiffre qui additionne drames humains et démonstrations choquantes de renvois arbitraires de personnes déracinées n'ayant souvent plus d'attaches dans le pays du renvoi ? L'urgence n'est-elle pas de trouver d'autres solutions plutôt que, sous prétexte de traquer les passeurs, de prolonger et de durcir la "galère" en France de ces milliers de personnes, tenaillées par la peur du contrôle, des menaces de renvoi ou d'assignation à résidence et de pointage quotidien à la police ?

Ne faut-il pas régulariser ces étrangers installés en France depuis des années, participant à l'économie par leur travail, payant même des impôts, certes avec des identités d'emprunt - c'est bien souvent leur seule faute - mais avec une volonté farouche de s'intégrer ?

Leur vie est en France, leur attachement à notre pays est fort, et plus digne que celui de ceux qui placent leur argent dans des paradis fiscaux plutôt que de payer l'impôt. De plus, augmenter la taxe de régularisation, c'est aussi dissuader les éventuels employeurs de bonne foi, notamment des particuliers en quête d'aide pour assister leurs parents âgés... Alors que nous voyons venir une crise démographique importante, nous avons chez nous une population qui montre son profond désir d'intégration.

Ne serait-il pas plus moral d'examiner largement les demandes de régularisation plutôt que de chercher à intensifier une immigration "choisie", c'est-à-dire à piller les cerveaux des pays pauvres en facilitant le recrutement de leurs ressortissants talentueux et en retirant les faibles contraintes qui étaient exigées pour encourager un développement solidaire ? Evidemment, c'est une tout autre ambition !

Christophe Deltombe est président d'Emmaüs France ;

François Soulage est président du Secours catholique ;

Patrick Peugeot est président de la Cimade.

Re: Actualité politique et sociale - Saison 2010 - Episode 1

Publié : 01 avr. 2010, 10:30
par Kõjiro
Zapping d'hier. A 4'50.

http://www.canalplus.fr/c-infos-documen ... pping.html

Pour le reste voir l'émission entière ici : http://ce-soir-ou-jamais.france3.fr/?pa ... rique=1004 (30 mars 2010).

J'ai bcp aimé les interventions de Fatoume Diome donc mais également de Didier Eribon.

Je recommande cette émission.

Re: Actualité politique et sociale - Saison 2010 - Episode 1

Publié : 02 avr. 2010, 09:23
par Kõjiro
Ce soir ou jamais est une des rares émissions où on "découvre" des têtes moins médiatisées qu'à l'habitude et qui peuvent donner un sentiment de fraicheur assez impressionnant dans le ronron habituel (même si ce n'est pas non plus la majorité des intervenants qui sont dans ce cas et qu'on reste "entre intellos").

Bon après cet écœurant amas de gauchisme basique, un peu de lecture sérieuse avec deux articles du Figaro :

Les très hauts salaires progressent plus vite
«Alors qu'elles ne représentent que 1% de la population active, les personnes à très hauts revenus perçoivent 5,5% des revenus d'activité, 32% des revenus du patrimoine et 48% des revenus exceptionnels déclarés (plus-values, levées d'options)», note l'Insee [...]
Les inégalités salariales continuent de se creuser de manière très importante mais cet effet est démultiplié par la question patrimoniale. C'est tout simplement une concentration toujours plus importante du patrimoine en un plus petit nombre (en relatif) de mains que l'accroissement des inégalités salariales ne fait que renforcer année après année, génération après génération. Les guignols s'étaient gourés avec leur loi des 20%. C'est la loi des 1% (voir des 0,01%).
Depuis 2002, leurs salaires ont augmenté en moyenne de 5,8% par an en termes réels, contre une hausse de 2,3% pour l'ensemble des salariés sur la même période.
On y retrouve évidemment les ingrédients classiques de différenciation socio-économique (origine sociale, non précisé dans l'article tellement cela tombe sous le sens j'imagine...) mais bien sûr également sexuels ou géographique (encore que dans ce cas il y a un effet "oeuf ou poule") :
Près de neuf très hauts salaires sur dix (87%) sont des hommes. [...] près d'un sur deux habite dans l'Ouest parisien
Les revenus des plus riches ont augmenté 4 fois plus vite

Quelques précisions sur les évolutions :
L'évolution [entre 2004 et 2007] du revenu moyen des 9 premiers déciles -c'est-à-dire les 9 premières tranches de revenus- de la population ont a été de 9%. Pendant ce temps, le revenu moyen du décile le plus riche grimpait de 16% pour la catégorie «aisée» à 40% pour les «plus aisés»… soit quatre fois plus vite.
Et pour enfoncer le clou sur la question du patrimoine :
Car selon l'importance des revenus déclarés, les sources sont différentes. Si les personnes appartenant aux neuf premiers déciles déclarent 97% des revenus issus du travail, les revenus des plus aisés proviennent pour moitié de leur capital. Les 10% de Français les plus riches déclarent ainsi à eux seuls deux tiers du total des revenus du patrimoine et quatre cinquième des revenus exceptionnels (plus value, dividendes…).
En face :

13,4 % de la population française vit en dessous du seuil de pauvreté
Cela signifie très concrètement que 8 millions de personnes vivent avec moins de 908 euros par mois.
Pour faire écho avec l'article du Fig' :
L'augmentation des inégalités se fait "par le haut", souligne l'Insee. "Entre 2004 et 2007 les inégalités se sont creusées entre les ménages très aisés et le reste de la population", précise ainsi l'étude.
Et les cibles sont toujours les mêmes :
Les familles monoparentales et les ménages immigrés les plus touchés. Ce sont "les familles monoparentales, le plus souvent constituées d'une mère et de ses enfants, qui sont les plus touchées par cette pauvreté", relève l'étude.

Elle souligne que "30 % des personnes" vivant au sein de ces familles monoparentales sont confrontées à la pauvreté, soit "une proportion 2,3 fois plus importante que l'ensemble de la population".

"Les personnes vivant dans un ménage immigré" figurent également parmi les plus exposées à la pauvreté. Elles sont confrontées à un taux de pauvreté "d'environ 36 %, supérieur de 25 points à celui de la population des ménages non immigrés", souligne l'Insee.
A ce sujet, également : Plus du tiers des immigrés vivent sous le seuil de pauvreté

Ca m'a rappelé un duo de chiffres tiré du bouquin de Wacquant, "Punir les pauvres", dont je parlais l'autre jour. Mais je cite le passage complet :
Ce couplage dynamique de la main gauche et de la main droite de l'État s'opère selon un partage des rôles familier entre les sexes. A la bureaucratie de l'aide publique reconvertie en tremplin vers les boulots de misère incombe la mission d'inculquer aux femmes pauvres (et indirectement à leur enfants) le devoir du travail pour le travail : 90% des récipiendaires du "Welfare" aux États-Unis sont des mères. Au quatuor formé par la police, la justice, la prison et l'agent de probation ou de conditionnelle revient celle de dresser leurs frères, leurs compagnons ou leurs fils : 93% des détenus américains sont des hommes.
Bon, enfin et sur un autre sujet (quoi que...), la Licra répond à la lettre de Zemmour.

Re: Actualité politique et sociale - Saison 2010 - Episode 1

Publié : 02 avr. 2010, 15:29
par Doji Satori
Et ça c'était avant le bouclier fiscal (qui profite aux plus riches essentiellement mais on met en avant l'effet sur la taxe foncière de l'ile de Ré pour faire populaire) et avant la crise (dans les périodes de crise, généralement l'écart entre les plus pauvres et les plus riches augmente).

Les inégalités vont donc encore s'accroitre sur 2008-2009 à mon avis.

Re: Actualité politique et sociale - Saison 2010 - Episode 1

Publié : 06 avr. 2010, 18:27
par Kõjiro
Au fait :coucou: Satori ;)

Trois lycéens marseillais en garde à vue pour avoir insulté une autre élève

Ils vont la mettre à pied la commandant de police non ?

Au passage, je note qu'on avait alimenté le fichier des empreintes adn avec celui des 3 jeunes lanceurs de bouchon en liège...

Heureusement que ce truc nous protège des pédophiles ou des autres très dangereux criminels multirécidivistes barbares et violents (et sales). J'avais pas encore fait le lien entre la propension à commettre des actes de barbarie et le lançage de bouchon de liège.

Sinon, plus drôle : le bouclier fiscal vu d'Auteuil Neuilly et Passy.

Et pour info (à mettre dans le dossier "comment la droite nous enfume sur le dossier écologique") : Les impostures du Grenelle de l'environnement
Un collectif de spécialistes du droit de l'environnement s'est penché sur les avancées législatives depuis le lancement du Grenelle. Le constat est sans pitié : presque aucune des promesses de campagne du candidat Sarkozy n'a été tenue. Inventaire.

Re: Actualité politique et sociale - Saison 2010 - Episode 1

Publié : 12 avr. 2010, 10:10
par Kõjiro
Pour justifier la politique de son ministère, Eric Besson a annoncé un rapport sur le coût des étrangers illégaux sur le sol français.

Besson la joue "coût de l'immigration". Plus ça va plus la discours frontiste sert de référence à droite.

Il suffit pourtant de réfléchir deux minutes pour comprendre que l'immigration apporte plus qu'elle ne coûte. Un immigré, par définition (selon l'âge de son arrivée bien sûr), n'a pas bénéficié des prestations liées à l'enfance (maternelle, allocations sociales, écoles, soins etc...) mais par contre arrive sur le marché de l'emploi et donc contribue directement en termes de prélèvements. Bien sûr il y a le travail au noir, mais ça vaut aussi pour les français d'origine et même dans ce cas là il reste l'impôt le plus important : la tva (près de la moitié des recettes de l'état). Et c'est encore accentué pour les sans papiers puisque ceux ci ne bénéficient aucunement de prestations (on leur refuse même le dernier droit qu’il leur restait : la santé) mais contribuent par leur consommation (et donc la tva). En plus, de mémoire, le taux d'emploi des travailleurs immigrés illégaux est énorme, de l'ordre de 90% et +. C'est à ces éléments (et d'autres) que pense le type de l'OCDE quand il dit "le bilan fiscal de ces personnes doit plutôt être positif".

Sinon, l'autre jour je suis tombé sur un documentaire sur France 3 sur le harcèlement moral au travail. Plutôt bien fait. Engagé comme le sont de plus en plus de documentaire d'ailleurs (ce qui me semble une bonne chose) mais relativement honnête dans son traitement.

Harcèlement : l’enfer au travail
Le stress au travail est devenu une notion acceptable, voire "confortable" pour les entreprises. Six Français sur dix se disent stressés au travail. La souffrance au travail a heurté l’opinion française à l’automne 2009 avec la terrible vague de suicides qui a frappé l’entreprise France Télécom ; auparavant, il y avait eu une série noire chez Renault. Personne ne semble épargné par le phénomène de "harcèlement moral" que la loi condamne depuis 2002.
Les familles n’hésitent plus à poursuivre les employeurs de leur proche défunt pour "harcèlement moral". Nombre de salariés pour qui le travail au quotidien est devenu un enfer, demandent des comptes devant les juridictions : 30% d’entre eux disent avoir vécu une situation de harcèlement, et plus récemment, 25% des cadres ont dénoncé cette pression excessive.
Karine Duchochois, Anne-Sophie Martin et Mathieu Aron, ont découvert la situation incroyable de certains employés en lutte contre leur "harceleur" : Stéphane qui a eu l’audace de s’attaquer à son patron, un géant de la grande distribution ; Francine, employée de mairie, qui s’est retrouvée un jour muette et n’est plus jamais retournée à son bureau ; Nathalia, cadre dans une société informatique, qui a sombré dans une dépression éprouvante.
Leur combat est à chaque fois remarquable tant ces personnes, souvent très performantes et attachées à leur emploi, se sont retrouvées dépréciées, humiliées, anéanties.
Karine Duchochois a tenté de comprendre cette descente aux enfers auprès des psys spécialisés, elle est allée interpeller les directeurs de ressources humaines sensés trouver des solutions à ce malaise au travail, ou les syndicats patronaux qui laissent dégénérer parfois la situation. En période de crise, le "harcèlement stratégique" permettrait aux sociétés de "dégraisser" à bon compte... Elle a aussi suivi un procès aux prud’hommes pour décrire et témoigner de l’incroyable parcours du combattant de ces travailleurs plongés dans l’enfer du harcèlement.
Ce documentaire revient d'ailleurs sur la fameuse loi de 2002 (gouvernement Jospin) et sur la réforme qui a suivi dès le retour de la droite au pouvoir. Le gouvernement Raffarin avait annulé une disposition PS qui renversait la charge de la preuve en matière de harcèlement moral. Les députés socialistes avaient fait en sorte que ce soit à l'entreprise de prouver qu'il n'y avait pas de harcelement. Les députés UMP ont estimé que ce dispositif était utilisé de manière détourné par certains salariés pour mieux négocier leur licenciement et ont re-renversé la charge de la preuve (la remettant au salarié - ce qui fait que c'est quasi-impossible à prouver évidemment). Le rapporteur du projet de loi (Fourgous) interrogé à ce sujet expliquait d'ailleurs que le harcèlement moral était un faux problème parce que si un salarié s'en estimait victime il n'avait qu'a aller chercher du travail ailleurs.

Pour voir cet éclatant moment de bravoure il suffit d'aller sur la 3ème vidéo vers 7'45 (ça ne dure pas longtemps). Et l'interview qui suit est sidérante (le mec doit avoir des posters de Mc Carthy dans sa chambre depuis son adolescence).

http://www.dailymotion.com/video/xcu1jy ... -tr_webcam
http://www.dailymotion.com/video/xcu1lf ... -tr_webcam
http://www.dailymotion.com/video/xcu1n7 ... -tr_webcam

J'ai repensé à ça en lisant un article cité par Pénombre sur facebook : Ces chômeurs qui travaillent cinq jours «gratuitement». En gros le système est détourné par des entreprises qui ont ainsi une main d'oeuvre gratuite puisqu'elle est payée par la collectivité. On a inventé la mise à disposition d'emplois intérimaires publics pour les entreprises privées... Bon cela dit ce n'est pas le fond de la mesure mais un détournement manifeste de celle-ci (assez prévisible) : on va voir si face à ça les députés ump abrogent cette disposition comme ils avaient abrogé celle détournée par les vilains "syndicalistes communistes de service".

Re: Actualité politique et sociale - Saison 2010 - Episode 1

Publié : 12 avr. 2010, 10:21
par Pénombre
C'était sur facebook, Kodje.... je ne papote ni ne cite sur wikipédia... j'y lis, seulement ;)

Re: Actualité politique et sociale - Saison 2010 - Episode 1

Publié : 12 avr. 2010, 10:27
par Kõjiro
Pénombre a écrit :C'était sur facebook, Kodje.... je ne papote ni ne cite sur wikipédia... j'y lis, seulement ;)
C'est ça d'être balade... j'ai un peu le cerveau en vrac aujourd'hui... ;)
Je corrige aussi sur AB du coup...

Au fait, le deuxième volume est sorti : cette France là - volume 2 - 01 07 2008 | 30 06 2009

Image
« La République ne tolèrera pas que la crise serve de prétexte au rejet, à la discrimination ou à la haine raciale. Le Gouvernement que je dirige condamne avec une entière fermeté toute démarche visant à faire des immigrés, légaux ou illégaux, les boucs émissaires de difficultés économiques dont ils sont si souvent les premières victimes. »

En réponse à l’envoi du premier volume de cette France-là, François Fillon se voulait rassurant dans un courrier reçu le 20 mars 2009. Le deuxième volume de ces annales de la politique d’immigration menée sous la présidence de Nicolas Sarkozy s’emploie à confronter l’engagement du premier ministre aux actes de son gouvernement. Or les résultats de l’enquête sont inquiétants. Car si le chef de l’État a d’abord tenté de faire face à la récession annoncée en promettant une moralisation du capitalisme financier et l’avènement d’une croissance « verte » qui n’oublierait pas l’emploi, son incapacité à tenir de telles promesses l’a bientôt convaincu de revenir sur ses terrains d’élection : la lutte contre l’immigration « subie » et le traitement des troubles identitaires censément éprouvés par les Français.

Deuxième ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire, Éric Besson a sans doute soutenu que la maîtrise des flux migratoires et l’exaltation de l’identité nationale étaient les meilleurs remparts contre la xénophobie. Reste que son zèle a révélé l’absence de projet économique, social et écologique qu’il avait vocation à masquer. La défaite de la majorité présidentielle aux élections régionales annonce-t-elle un changement de cap ? À défaut d’alternative, elle risque plutôt de se traduire par une fuite en avant.

C’est à l’analyse de ce contexte qu’est consacré le deuxième volume de cette France-là. À nouveau, les auteurs de cet ouvrage collectif se fixent trois objectifs.

À travers une centaine de « récits » — portraits de sans-papiers d’un côté, de préfets de l’autre — il s’agit d’abord d’illustrer les effets produits par la politique française d’immigration tant sur les étrangers qui la subissent que sur les principaux responsables de sa mise en œuvre.

Ensuite, les « descriptions » qui composent la deuxième partie de l’ouvrage s’attachent d’une part à rendre compte du renforcement de la suspicion systématique qui entoure l’immigration familiale et les demandeurs d’asile, et d’autre part à rapporter le renouvellement des pratiques gouvernementales et de leurs justifications à la convergence croissante des politiques européennes en matière d’immigration.

Enfin, les « interrogations » sur lesquelles s’achève le deuxième volume de cette France-là portent d’abord sur les raisons qui ont amené les gouvernements européens à élever l’immigration au rang de problème prioritaire, et ensuite sur la manière dont ils sont parvenus à légitimer une politique dont le ressort est la constitution d’une minorité fragile en objet de préoccupation phobique.

Il convient aujourd’hui de prendre au sérieux la « culture du résultat » dont se réclame Nicolas Sarkozy, et de soumettre à l’évaluation la politique menée par le ministre qui était naguère chargé d’évaluer ses collègues du gouvernement. Avec son volume annuel, cette France-là entend poser la première pierre d’un audit de la politique d’immigration, impliquant des élus de la nation. Ce travail appelle en effet à s’interroger : le « problème », aujourd’hui, n’est-il pas, plutôt que l’immigration, la politique qui constitue celle-ci en problème ?

cette France-là, volume 2, 01/07/2008 - 30/06/2009, en librairie le 8 avril 2010.

432 pages, 18 euros.

ISBN : 978-2-7071-6015-7. Tirage : 5000 exemplaires.

Édité par l’association Cette France-là, diffusion La Découverte.

Re: Actualité politique et sociale - Saison 2010 - Episode 1

Publié : 29 avr. 2010, 10:31
par Kõjiro
Le coût des fraudes sociales estimé entre 540 et 808 millions d'euros en 2009
Le montant des fraudes aux prestations sociales est estimé entre 540 millions d'euros et 808 millions d'euros en 2009 et concerne environ 200 000 allocataires, soit 2,15 % du total, selon un rapport de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) révélé, jeudi 29 avril, par Le Parisien. Ce document, dont le quotidien publie un extrait, souligne que "le taux d'allocataires qui seraient auteurs d'une fraude en 2009 est estimé à 2,15 %" et que "l'impact financier de la fraude serait compris par an entre 0,91 % et 1,36 % du montant total des prestations versées en 2009, soit entre 540 et 808 millions d'euros".

Dans un entretien au quotidien, Daniel Buchet, chargé de la lutte contre la fraude à la CNAF, estime que "si l'on se réfère aux idées reçues selon lesquelles les fraudes seraient massives en France, ce travail montre en revanche que ce phénomène reste relativement modeste". Le quotidien fait valoir néanmoins que le coût des fraudes en 2009 serait "sept à dix fois supérieur" à celui de 2008, que la CNAF avait estimé à 79,77 millions d'euros, en septembre 2009. Ce rapport de la CNAF s'appuie sur des "vérifications systématiques" menées "auprès de 10 500 allocataires choisis de façon aléatoire" et dont les résultats ont été extrapolés au niveau national.

Le pourcentage des fraudes varie fortement selon les aides, souligne le quotidien : très faible pour les allocations familiales (0,43 % des sommes) ou la prestation d'accueil du jeune enfant (0,24 %), le taux atteint 3,1 % pour l'allocation de parent isolé et 3,6 % dans le cas du revenu minimum d'insertion (RMI).
On a donc une évaluation du coût de cette fameuse fraude aux allocs', au rmi etc... bref cette fraude qui occupe tant de pages dans les magazines comme le point ou dans les reportages de TF1. Souvent avant des élections présidentielles d'ailleurs, cf le dossier du Point d'avril 2007 sur "la France assistée" qui faisait une large part à ces histoires de fraudes (lien) ou encore l'édifiant "droit de savoir" de Charles Villeneuve passé sur TF1 entre les deux tours de 2007 sur "la France qui triche" (lien). Avec des exemples aussi intéressants que celui de Thierry, 44 ans, qui vit à Roanne et a réussi l'exploit de vivre des Assedic depuis 24 ans ! Grâce à ses indemnités chômage et aux allocations logement, il a même réussi à devenir propriétaire d'un trois pièces. Salaud !

Dommage, le droit de savoir à l'époque n'enquêtait pas sur des cas comme celui de Laurence Pineau-Valencienne héritière d'une des familles fortunées de France, assujettie à l'ISF mais ayant touché le RMI pendant 6 ans (lien). Ou sur le HLM d'Henri Leconte à Levallois (fief de Balkany) (lien1, lien 2).

Bon évidemment la fraude mise en évidence ici n'est qu'une partie de la fraude sociale totale (il y a aussi la fraude aux assedics notamment).

Mais quand même. Qu'est ce qu'on entend parler de cette fraude, notamment de celle au rmi ou aux allocations familiales. Alors qu'elle représente quoi ?

Prenons quelques chiffres juste pour situer l'ordre de grandeur (et non comparer ce qui ne peut pas forcément l'être évidement) :

- Un tribunal arbitral a accordé près de 400 millions d'euros de dédommagement au seul Bernard Tapie dans l'affaire addidas (lien).

- Le coût du bouclier fiscal est estimé (provisoirement) à environ 700 millions d'euros pour 2009. Sur ces 700 millions, environ 694 millions concernent des gens assujettis à l'ISF (99,2% de la somme) et environ 450 millions des gens dont le patrimoine est supérieur à 16 millions d'euros (63%) (lien 1, lien 2).

- Je pourrais revenir encore sur le coût des niches fiscales estimé entre 70 et plus de 100 milliards par an. Évidemment ces niches ont une fonction mais leur efficacité reste à prouver pour nombre d'entre elles et on peut se demander qu'elle est la part de simple "cadeau" fiscal aux plus fortunés dans cet ensemble (lien).

Plus intéressant (et pertinent). Les estimations sur le coût total annuel de la fraude fiscale et sociale varient entre 29 et plus de 50 milliards par an. Là on ne parle pas des "dépenses" indues (comme celles évaluées dans le rapport de la CNAF) mais des recettes non perçues. Donc de l'argent qui ne rentre pas dans les caisses de l'état. La fraude à l'impôt sur le revenu c'est 4,3 milliards d'euros. Celle sur l'impôt sur les sociétés c'est 4,6 milliards. La fraude à la tva c'est environ 10 milliards. La fraude sur les prélèvements sociaux c'est encore plus, peut être 20 milliards (lien 1, lien 2).

La totalité des recettes générées par l'impôt sur le revenu est de moins de 60 milliards par an (lien). C'est à peu près équivalent à ce qui n'est pas perçu du fait de ces multiples fraudes (qui ne concernent pas que l'impôt sur le revenu évidemment - c'est juste une question d'ordre de grandeur encore). Et c'est largement inférieur à ce qui n'est pas perçu du fait de l'extension incessante des niches fiscales qui font qu'aujourd'hui on exonère peut être 2 à 3 fois plus qu'on ne perçoit (140 milliards selon la CC au max contre 60). Dans le cas, théorique et probablement non souhaitable dans un certain nombre de cas, où l'on supprimerait toutes les niches on multiplierait par 2 ou 3 les recettes de l'IR. Par ailleurs on voit que la fraude à l'IR c'est environ 7% du total (plus de 4 milliards sur moins de 60) : à comparer avec les 3,1% du rmi ou les 0,46% des allocations familiales (même si là aussi on compare des dépenses et des recettes ce qui n'est pas la même chose).

Bref, tant de reportages, de discussions de café du commerce pour ces quelques centaines de millions d'euros, si peu pour ces dizaines de milliards. Tant de lois, de mesures de contraintes et de surveillance faisant peser un soupçon constant sur des populations pauvres mais à plus de 99% honnête (cf les chiffres citées plus haut) pour économiser quelques bouts de chandelles. Presque rien pour faire rentrer les milliards de la fraude, dont la majorité ne vient probablement pas des plus pauvres (qu'il s'agisse des individus ou des entreprises). Forcément, la fraude est proportionnelle au montant sur lequel elle s'exerce (c'est comme pour le bouclier fiscal).

Pour synthétiser la chose on pourrait dire qu'on braque le projecteur sur des types qui volent quelques œufs (souvent simplement pour les bouffer) pendant que d'autres (moins nombreux en plus) se tirent avec des troupeaux entiers de bœufs.

Re: Actualité politique et sociale - Saison 2010 - Episode 1

Publié : 29 avr. 2010, 17:40
par Kõjiro
Quelques nouvelles de la régulation financière via un spécialiste de la finance ancien "grand" trader et dirigeants de banques : http://radiofrance-blogs.com/bernard-th ... -bancaire/

Petite retranscription d'un passage (trouvée ) :
Bernard Thomasson : “Quel avenir pour Goldman Sachs, il y a un risque réel, pour eux ?

Marc Fiorentino : “Non, aucun, je pense qu’on va se retrouver dans une… On est dans la commedia dell’arte, hein, on est dans le grand guignol, là, tout le monde va hurler, tout le monde va pousser des cris, d’ailleurs je…”

Bernard Thomasson : “C’est pas très rassurant, ce que vous dites, parce que le G20 nous dit on va…”

Marc Fiorentino : “C’est ce que j’allais vous dire, le G20 nous dit ça depuis deux ans, je voudrais vous demander …”

Bernard Thomasson : “C’est peut-être long à mettre en place, non ?”

Marc Fiorentino : “Je voudrais vous demander ce qui a été fait depuis deux ans. On nous a dit : “on va lutter contre les hedge funds”, la semaine dernière les chiffres sont parus sur les hedge funds, ils n’ont jamais autant collecté d’argent que cette année, ils sont proches de leurs records. “On va lutter contre les bonus”, l’année a été l’année record pour les bonus. “On va lutter contre les paradis fiscaux” : ils sont toujours là, ils sont juste passés de noir à gris puis de gris à blanc, on ne sait pas par quel miracle. “Et on va lutter pour la réglementation financière”, et on vient d’assister au G20 finance ce week-end, et à la sortie du G20 finance, quel a été le communiqué ? Le communiqué a été de dire : on ne s’est mis d’accord sur rien, parce que notamment le Japon, le Canada, et l’Australie ont dit : aucune réglementation financière.”

Bernard Thomasson : “Donc les politiques nous mentent.”

Marc Fiorentino : “Les politiques nous mentent, les politiques nous abreuvent d’histoires. On a vu combien de G20, combien de déclarations d’Obama depuis qu’il est là en disant : “Attention Wall Street, tremblez, voilà, j’arrive” ? Il avait dit ça, c’était son premier discours dès qu’il avait été intronisé, il avait dit qu’il lutterait contre les bonus, et il se trouve que les bonus ont été les plus élevés”

Bernard Thomasson : “Imaginez ce que pensent les gens qui nous entendent en ce moment, ils vont se dire, mais qu’est-ce qu’il faut faire, il faut faire la révolution, il faut aller brûler des banques, faut… ?”

Marc Fiorentino : “Je suis toujours assez surpris de voir que finalement il n’y a jamais de manifestations devant les banques, je trouve ça assez étonnant.”

Bernard Thomasson : “Voilà, Marc Fiorentino, moi je suis surpris de vos propos, vous qui avez dirigé des banques américaines en Europe…”
Et pour entendre plus ou moins la même chose il y a 6 mois avec un autre trader de haut niveau le confirmant allez voir à partir de la 43ème minute cette vidéo : http://www.viddler.com/explore/argent/videos/3/