Marumoto a écrit :
C'est ça, ce qu'on appelle la logique féminine?
La quoi ? Désolé, ça n'existe pas. Je veux dire par là, il y a les hommes, il y a les femmes. Un jour, des hommes ont évoqué le concept de logique. Enfin, c'étaient des grecs assez oisifs et amateurs de bon vin pour la plupart, mais bon, ça n'en était pas moins des mâles.
Le lendemain, l'un de ces hommes - qui avait des soucis sentimentaux comme on n'en parle jamais quand on évoque la vie de ces esprits éclairés - eut une discussion avec la femme qui partageait sa vie et elle lui dit un truc du genre "oui, je comprends tout à fait, c'est logique et tu es un homme très bien mon chéri".
Bon, n'importe quel mâle qui a fini par comprendre que faire fonctionner nos neurones à autre chose que la testostérone serait une bonne idée ne peut l'avoir constaté qu'au prix de ses propres turpitudes sentimentales, au nombre desquelles il a découvert un jour que la phrase "tu es un homme très bien mon chéri" signifie à peu près "je m'en fiche totalement, mais bon, les garçons ont besoin de leurs jouets fétiches et qu'on les rassure, alors je te materne un peu".
Mais notre ami grec, là, il n'a pas compris le truc. C'était il y a 2000 ans, ça fait un paquet de générations en arrière. Déjà qu'on est encore niais pour certaines choses, faut imaginer que nos lointains ancêtres (même ces esprits éclairés méditerranéens), ils pataugeaient grave et ils n'avaient pas d'antiques philosophes grecs sous la main, eux. Donc, bon, on va pas accabler notre ami (je crois qu'il s'appelait Xénocrate, de mémoire... ça signifierait à peu près "le chef des autres", mais bon, je sais pas à quelle private joke ça peut faire référence... c'est peut-être comme ça que sa femme le surnommait, va savoir...).
Ce qui est malheureux, c'est que de cette simple causette de couple a émergé un concept qui continue à accabler la pensée occidentale : il y a une Vérité suprême, la preuve - selon notre ami Xénocrate - c'est que les femmes si différentes de nous peuvent constater la même chose, et que si nous pouvons communiquer avec efficacité, c'est que sémantiquement, nous sommes elles et nous dans le domaine du Vrai.
Assez rapidement (après leur nuit de réconciliation je pense...), Xénocrate qui avait répandu ses idées un peu partout a constaté qu'il avait fait fausse route. Mais bon, il voulait pas perdre la face devant les potes. Tu sais comment on est, les garçons, les batailles de zizi et tout ça, on a pas encore réussi à dépasser le truc. On peut supposer qu'en plus, les autres appréciaient peu qu'il soit avec l'autre bonnasse, qu'ils se seraient bien tapés évidemment, alors il allait pas leur dire qu'en prime, ça marchait pas si bien que ça, hein...
Alors, il a évoqué le fait que puisque la Vérité était une mais qu'elle se manifestait différemment (le chaud, le froid, les gars, les filles, tout ça quoi...), la logique était également une,mais qu'elle se déclinait en logique masculine (sous-entendre par là : la VRAIE logique que, moi, Xénocrate, j'ai inventé et que je promène partout pour humilier les potes) et la logique féminine (sous entendre par là : je comprends rien à ce qui se passe, le discours et les actes ne sont jamais en adéquation mais il doit bien y avoir un sens et une structure à ce... enfin, à l'esprit des filles, quoi).
Et donc, on a accepté, faute de mieux, le concept de "logique féminine". C'est une escroquerie intellectuelle, d'autant plus navrante que c'est pour des histoires de zizi que des gars l'ont entretenue. Alors qu'au final, Xénocrate ne voulait simplement pas dire à ses potes "les gars, j'y comprends rien, elle me fait chier, si on allait se boire un verre ensemble et peut-être bien se lever une poulette ou deux ?".
Je sais, oui, ça ne répond pas à tes soucis personnels. Qui ne divergent pas tant que ça de ceux de Xénocrate et d'un tas de types avant lui, ou après. Mais au moins, tu sauras que puisque personne n'a trouvé la réponse idéale, ben c'est pas forcément à toi de t'engouffrer dans cet abime de questionnement
Ce qui a eu le mérite de finir d'entasser la terre sur le cercueil de mes espérances. Je sais que c'est une façon pour elle de se protéger, de camoufler la raison de ses sentiments, d'accepter une promiscuité avec quelqu'un qui ne devrait qu'être un ami (ou pire, un collègue!). "Il peut me masser semblant de rien, c'est mon frère, c'est pas grave." "Il peut connaître mes fantasmes, c'est mon frère, c'est pas grave". M'voyez? Une jolie auto-défense psychologique, dont la CA de 18 est bien trop haute pour mon amour à six faces.
