La Voix De Rokugan

- Ce serait pas mal de se souvenir de ceux qui n'ont pas essayé de nous faire un coup fourré... Au premier abord en tous cas... Enfin avant de nous demanser autre chose. Ils ont eu le mérite de ne pas tout de suite essayer de nous plonger jusqu'au cou dans les ennuis.

Elle se rappela leur rencontre, plus tard, chez le Daidoji. Ça avait été assez tendu.

- D'ailleurs on n'est même pas allés voir s'il etaitort ou pas, dit-elle, comme un cheveu sur la soupe.

"Effectivement."

"Mais bon vu comment s'est passé notre entrevue avec lui, j'ai du mal à croire qu'il ne voulait pas nous enfoncer. Il puait la trahison à plein nez..."

Retsu n'ajouta rien de plus mais il se dit que si le Daidoji avait succombé à l'attaque et bien ça ne lui ferait ni chaud ni froid...

- Si mes souvenirs sont bons il voulait voir de quel bois on se chauffait, pas vraiment plus. Tu ne deviendrais pas paranoïaque ? Il a été discourtois. Très discourtois même. Mais il ne nous a pas attiré d'ennui.

Retsu expira longuement.

"Oui je deviens sans doute paranoïaque... Mais mets-toi à ma place. Pendant des années j'ai été sur un champ de bataille où les choses étaient clairement définies : d'un côté les forces de l'Outremonde, de l'autre nous..."

"Le neuvième kami essaie bien sûr de nous duper pour pouvoir un jour détruire l'Empire, mais ce qui se passe ici c'est... Autre chose..."

Il expira doucement.

"Je... J'ai parfois l'impression d'avoir affaire à des enfants gâtés qui sont incapables de mesurer les vrais enjeux auxquels notre Empire est confronté. Des enfants qui ne se rendent pas compte qu'il suffit d'un rien pour que tout disparaisse à tout jamais..."

"Et du fait de cette méconnaissance totale, ils complotent les uns contre les autres, ils s'assassinent les uns les autres..."

Il haussa les épaules.

"Si l'Empire disparait un jour, ce sera à cause de ces crétins. Parce qu'ils auront pactisé, se seront laissé berner ou auront agit aveuglément pour grappiller des miettes..."

"Bref, j'ai le sentiment d'être cerné par des intrigants, des manipulateurs et des assassins." conclut-il.

Il se tut un instant avant de regarder Kei.

"Pour être honnête, je suis heureux de t'avoir parce que je crois que j'aurai déjà pété les plombs sinon..." dit-il avec un sourire triste.

- "Intrigants, manipulateurs et assassins" et bien contre toute attente tu t'intègres et commences à bien cerner la ville ! Répondit-elle en riant et en lui prenant informellement le bras.

Elle n'aimait pas ce qu'elle entendait malgré tout, il avait l'air de replonger dans un marasme tout Retsuien.

- Tu as faim? Avec un peu de chance on devrait pouvoir acheter des brochettes.

Elle marchait au petit bonheur la chance dans les rues en travaux, passant certains endroits encore bien éboulés, tout emplis de géomètres et autres architectes qui faisaient déjà des plans.

Ils croisèrent des soldats de la Garde qui saluèrent leur shireikan, mais aussi quelques brigadiers, bien occupés à inspecter des bâtiments en ruine ou les bâtisses récemment construites, ils virent même des soldats de la Légion qui, au grand bonheur de Kei, aidaient à la reconstruction sans rechigner.

Arrivés devant une berge nouvellement créée, elle ne put retenir un petit soupir de déception : rien ne serait plus jamais comme avant. Elle te dit le bras, de l'autre côté du bras d'eau, un marchand de nouilles ambulant.

- Voilà! On peut manger là! En plus j'ai quelque chose à faire sans le quartier, finit-elle énigmatique.

Si tu crois qu'il sait pas où habite Shiranai tu te mets le doigt dans l'oeil ma jolie.

Retsu sourit largement quand Kei lui pris le bras.
Il n'avait pas menti, sa présence à ses côtés lui permettait de faire face à tout cela...

Il acquiesça à sa proposition de faire une pause déjeuner, laissant son regard planer sur les travaux de restauration qui se déroulaient dans toute la ville.
Il nota les regards mi-envieux, mi-amusés, des soldats qui les croisaient et qui devaient s'étonner que le couple s'affiche d'une telle façon.
Il n'en eu cure. Le contact de Kei-chan contre son bras et l'odeur discrète de son parfum qui lui parvenait aux narines le mettaient de bonne humeur.

Ce fut donc avec un plaisir non dissimulé qu'il se promena avec elle.

"Parfait, installons-nous ici, Kei-chan." lui dit-il avec un large sourire quand elle lui proposa de s'arrêter à un petit yatai.

Le jeune homme ne semblait pas avoir pensé à la proximité éventuelle de Kuni Shiranai...

Ils traversèrent le bras d'eau que un des ponts flottants amovibles mis en place très récemment. C'était étrange de marcher sur l'eau. Au moins la structure semblait tenir.

Ils s'installèrent sur un banc de pierre épargné par les dégâts, juste en face du marchand.

Kei engloutit rapidement ses brochettes, comme à son habitude et but le thé au jasmin tout aussi vite. Elle laissait Retsu finir quand elle lui demanda:

- Je vais voir Shiranai. Tu viens ou tu restes à traîner ou tu retournes au dojo?

Retsu avala prestement le morceau de yakitori qu'il avait en bouche avant de repondre.

"Je prefere t'accompagner." repondit-il enfin.

"Je ne vais pas m'enfuir alors que c'est a cause de moi que tu vas la voir..."

Il s'abstint d'ajouter qu'il pourrait ainsi s'assurer que la situation ne degenere...

Elle avait presque espéré qu'il dise non...

- Tu resteras un peu à l'écart. Si ça ne te gêne pas, ajouta-t-elle poli.

Leur déjeuner fini, ils traversèrent la place, prirent une petite rue parallèle et arrivèrent devant chez Shiranai. Elle se fit annoncer. On ne pouvait pas manquer Retsu mais elle préféra s'annoncer toute seule.

*Inigin, ça t'intéresse ça ou pas ?

"Non, bien sûr. Je n'interviendrai que quand tu commenceras à lui arracher les yeux..." dit-il avec un sourire.

Son sourire s'effaça à mesure qu'ils approchaient de la demeure de la shugenja et le doute commença à poindre.
Avait-il bien fait d'en parler à Kei ? Oui, il ne devait pas lui cacher ce genre de choses... De toute façon, il se connaissait et se dit qu'il serait bien incapable de cacher tout cela à la femme de sa vie.
Ce fut cependant avec appréhension qu'il approcha de la maison.

Il n'était pas sûr que du bon ressorte de leur entrevue...

- Oui Kei-san, que puis-je pour vous ?

Shiranai les avait très peu fait attendre - elle rentrait juste quand ils étaient arrivés, elle les avait priés de l'attendre dans un salon et s'était rafraichie avant de revenir.

Kei avait réfléchi la petite demi-heure qu'ils avaient passé à attendre.

- Je viens vous voir pour le contrôle.

On n'avait jamais tant contrôler une grossesse à ce train là...

- Mais tout se passe bien, non ? Vous n'êtes pas forcée de venir me voir toutes les semaines, vous savez...

- Oui mais on ne sait jamais non? Vous pouvez regarder. S'il vous plaît.

- ... Bon, d'accord. Installez-vous confortablement.

Elle se mit à psalmodier petits êtres fragiles, dites moi de quoi vous souffrez, puis s'arrêta au bout de quelques minutes, avec une légère grimace.

- Tout est normal, ou aussi normal qu'à l'accoutumée.