La Voix De Rokugan

"Disons que la beauté n'est pas le but recherché... Mais le style est tout de même plus attrayant que celui du Mur des Bâtisseurs..." fit Retsu.

Le petit épisode avec le garde fit naître un sourire sur son visage, lui rappelant d'agréables souvenirs. D'autant plus agréables qu'ils étaient rares, se dit le jeune homme.

Kei le tira de ses pensées.

"Hé bien... Pour ce qui est de Chohime, on verra bien. Quant à la surprise... On verra bien les ordres que Yasuki-sama donnera une fois que nous lui auront remis les instructions de Hida-sama..."

- La ville aurait peut-être moins mal fini si on avait eu des gardes comme ça.

Elle repensa à l'entrevue de l'après-midi, tout en continuant son chemin le plus droit possible.

- On ne sait pas du tout ce qu'il y a dedans concernant le futur gouverneur... Mais par rapport aux aides, on ne sait rien non plus. J'ai peur que Taka nous fasse revenir ici ventre à terre aussi sec, si on arrive les mains vides.

"J'ose espérer que dame Hida aura donné des éléments de réponse à Yasuki-sama.." fit-il à mi-voix.

Il resta un instant silencieux.
Peut-être que Sunda aurait mieux tenu avec des gardes comme ici... Mais désormais cela dépendrait de lui...

Kei essaya de trouver l'endroit où on pouvait manger. De un elle avait faim et de deux elle se dit que Chohime serait sûrement là-bas, il fallait la prévenir qu'ils repartaient demain.

- Pas de souvenir de tes brèves visites qui indiquerait un salon dans lequel on mange ou quelque chose comme ça ?

"Disons que je ne suis jamais venu ici en tant qu'invité... J'ai juste été caserné avant d'être envoyé au Mur..."

"Mais je vais demander à l'un des gardes du palais..." fit-il avant de se diriger vers l'un des jeunes hommes qui montait la garde. Les deux samurai échangèrent quelques mots puis Retsu revint.

"Bon ce n'est pas très loin d'ici. Allons-y." fit-il.

"Ha oui." ajouta-t-il comme si il avait oublié quelque chose.

Il se tourna vers la jeune femme et l'embrassa.

"On ne sait pas combien de temps est-ce que cela va nous prendre..." expliqua-t-il avec un sourire.

Le palais endormi de la Famille Hida n'avait pas grand chose à voir avec... un palais. Plutôt avec un donjon sévère, un camp retranché, une marée de tentes : des troupes en stationnement avient été installées dans toutes les chambres, et d'autres étaient rassemblées comme elles pouvaient dans les énormes cours encloses.

Pas grand chose non plus à voir avec un château endormi, en fait, à en juger par les patrouilles, les officiers qui tenaient réunions dans toutes les pièces publiques, l'agitation incessante. les mouvements des chevaux donnaient plutôt l'impression d'être dans une armée en marche.

Après qu'ils eurent visité l'armurerie - la plus grande qu'ils aient jamais vu, même si l'armurier de garde leur signifia que celle de Shiro Akodo la dépassait en surface - et les écuries - à la vérité, presque vides - , ils s'accordèrent un instant de répit sur l'un des balcons surplombant la mer. Là, le bruit de la forteresse s'apaisait, et il pouvait sembler que les petites lucioles sur l'eau n'étaient pas l'escadre domestique mais le reflet des lumières de Sunda Mizu Mura, loin, loin, par-delà les brumes et les vagues.

Kei s'appuya contre la rambarde. Elle se demanda si elle en réalisait pas seulement maintenant tout ce qui s'était passé. Il y avait eu tellement de chamboulement. Elle n'avait pas réussi à penser à l'avenir. Le trajet avait-elle eu l'impression lui avait permis de faire le deuil de son père en s'épuisant physiquement quasiment toutes les nuits... Et en l'empêchant de réfléchir... Mais le reste, Sunda, son avenir, leur avenir à tous les deux, à tous les trois même, elle n'y avait pas du tout réfléchi.

- On ne mange pas alors on dirait, dit-elle en pensant à autre chose.

Elle s'appuya complètement sur la barrière en se penchant beaucoup pour regarder les lumières des bateaux.

- Il va se passer quoi maintenant ? Qu'est-ce qu'on fait ? ... Tu crois qu'il y a un shugenja ici ?, finit-elle en pensant à son futur enfant sans père pour le moment...

Retsu s'était approché d'elle et avait entouré la jeune femme de ses bras.
Un sourire était apparu sur ses lèvres.

"Un shugenja à Kyuden Hida ?? Si il n'y en a pas ici, il n'y en a nulle part..." répondit-il à mi-voix en posant sa main sur le ventre de Kei.

Il avait pensé à ce détail là quand il lui avait proposé de l'accompagner ici... Mais ils n'avaient pas encore eu un peu de temps à eux...

"On passe prendre un morceau à manger et on part à la recherche d'un prêtre ??" lui demanda-t-il à voix basse.

Elle se sentit rassurée mais ne tira pas de plans sur la comète, si c'était pour s'infliger la même déconfiture qu'il y a quinze jours ça ne servait à rien...

- Je dirais plutôt qu'on cherche un shugenja et si jamais on trouve à manger on mange...

Elle resta quelques instants dans ses bras et recula. Elle emprunta le même couloir qu'à l'aller mais regarda plus précisément dans les pièces à le recherche d'un prêtre.

- De toutes façons c'est la guerre, y'a neuf chances sur dix qu'on se fasse jeter, dit-elle maussade.

"Va pas nous porter la poisse..." fit-il à voix basse.

- Mais non, ça ne va pas porter la poisse. C'est impossible qu'il n'y ait pas de shugenja ou de prêtre ici, de toute façon.

Après faut juste qu'il veuille...

Retsu ne dit rien, se contentant de sourire à la jeune femme avant de l'embrasser tendrement.

"Allons le trouver, Kei-chan !"

Leur retour dans le château ressembla moins à la longue errance dans un camp faisant semblant d'être assoupi, et d'avantage à une promenade ensoleillée dans un jardin connu... Ils parvinrent de cette façon, et en consultant quelques gardes à la chapelle dorée de Hida-omikami, où l'officiant les regarda avancer, souriant.

Kei s'arrêta, laissant passer Retsu devant. Elle ne savait pas trop comment demander et bêtement peut-être se disait qu'il allait parler en premier.

Retsu et Kei avaient soigneusement fait les rites de purification, se lavant les mains et la bouche avec l'eau claire et froide qui se trouvait dans le bassin de pierre qui se situait à l'entrée du sanctuaire. Puis, une fois l'harae fait, ils entrèrent dans la chapelle. Retsu s'approcha alors du prêtre qu'il salua en s'inclinant respectueusement.

"Kannushi-sama..." fit-il "Je me prénomme Matsudaira Retsu et voici Hida Kei-dono. Nous venons respectueusement vous voir pour vous soumettre une humble requête... Nous souhaiterions que vous nous marriez séance tenante, ici dans le sanctuaire de Hida-omikami..."

Ce faisant, il s'agenouilla et se prosterna devant le saint homme, effectuant un kow tow parfait.