Le théâtre aussi
Maintenant, à la base, les règles du jeu de rôles permettent simplement de trouver une solution au bon vieux "pan, tu es mort ! ha non, c'est toi qui es mort...". Sur le principe, les règles permettent
d'arbitrer les conséquences des actes de chaque participant. Et rien de plus. Ce qui semble logique quand on connait les origines du jdr.
Après, ces mêmes règles sont plus ou moins détaillées, pertinentes, cohérentes, simulationnistes, complexes à assimiler, etc... mais honnêtement, elles ne sont qu'un moyen. On peut conserver un même cadre de jeu, et utiliser d'autres règles, le jeu reste possible et l'impact peut être plus ou moins ressenti par les participants. Ca n'est pas forcément vrai pour le jeu, en général, ou pour les règles, en général.
Ca ne veut pas dire, évidemment, que les systèmes de règles sont interchangeables, ou que leurs points forts/faibles spécifiques se prêtent à tous les cadres et toutes les sensibilités (on peut justement à travers L5a et son histoire en juger).
Placer les règles en opposition au roleplay, je ne trouve pas ça très pertinent, parce que justement, elles fournissent autant de possibilités pointues d'interpréter des
moments précis. Le fait d'avoir par exemple un système ou les dés "explosent" offre des possibilités de moments de jeu qu'on ne trouve pas dans un système dépourvu de ce genre de choses, de même que l'existence ou pas de trucs comme l'échec critique peut directement impacter sur le jeu.
On l'a un peu oublié avec le temps, mais dans les ères pré-historiques du jdr, plein de monde ralait à propos de l'ancêtre vénérable, parce que seuls les voleurs pouvaient grimper aux murs, seuls les clercs pouvaient soigner, seuls les guerriers avaient droit à toutes les armes et à des scores de force exceptionnelle, les magos ne pouvaient pas porter des armures, les clercs des épées, etc... on a développé des systèmes autres, mais on n'a jamais vraiment remis en question le fait qu'un personnage avait forcément des points forts et des lacunes. La pertinence d'un système pouvant alors se juger entres autres à la manière dont ces points forts et lacunes étaient organisés.
Ce qui m'a toujours agréablement surpris, à L5a, c'est que pas une seule fois dans les parties auxquelles j'ai joué (ou que j'ai maitrisé) j'ai vu un joueur incarnant un shugenja demander plus d'une fois à porter une armure. En termes de mécanique de jeu, il n'y a strictement rien qui empêche le joueur de demander ce genre de choses. Les kami se foutent totalement de ce genre de détails dans les règles et la magie n'est aucunement affectée par le fait qu'on porte une armure. Mais les joueurs appréhendent pour la plupart sans difficulté le concept d'avoir des personnages dans une société ou les normes sont primordiales, normes auxquelles les gens - pj et pnj - adhèrent massivement.
Les joueurs intègrent presque tous sans le moindre problème l'idée que les choses fonctionnent ainsi parce que c'est la société qui le veut : la société ne considère pas les shugenja comme des guerriers, donc, ils ne portent pas d'armure en général, point. Idem, il n'y a rien qui interdise à un courtisan d'enfiler une armure quand il voyage, mais combien de joueurs le font ?
On a beau décrier à toutes les sauces les histoires de "shugenja joués comme des magos", je trouve que c'est là un beau contre exemple de ce que j'évoque plus haut, justement : les joueurs qui adoptent une certaine attitude en incarnant un personnage d'une certaine sorte, parce que "c'est comme ça", sans aucun lien avec la mécanique du jeu.
Je pense, au final et je l'ai déjà dit précédemment, que les règles peuvent pousser dans une direction précise qui va de pair avec l'ambiance qu'on veut susciter, ou pousser dans le sens inverse, clairement. Qu'elles recèlent aussi des possibilités/des limites par rapport à des moments dramatiques et leurs conséquences, mais que fondamentalement, si les gens "jouent le jeu" d'eux-mêmes, elles ne sont qu'un moyen de les aider quand ils en éprouvent le besoin et que le reste du temps, elles ne servent qu'à déterminer qui c'est qui a raison de dire "pan, tu es mort".
Les placer en opposition au "rôle" ne me semble pas très pertinent, mais leur accorder une place essentielle non plus. Ca serait confondre le moyen et ce à quoi il doit servir : rendre le jeu à plusieurs plus ergonomique avec des outils utilisés collectivement pour arbitrer décisions et conséquences, ce qui réduit les tensions et les contestations, permettant ainsi de faire avancer l'histoire (donc, le jeu...) sans que chaque détail qui ne fait pas l'unanimité génère forcément discussions et controverses. Qu'on utilise des dés, des cartes ou des systèmes de priorités, les finalités de l'outil restent les mêmes.
Après, on peut jouer sans règles, aussi, j'imagine. Pas beaucoup essayé dans ce domaine, et pas très convaincu de ce que j'ai vu, mais bon, j'ai pas non plus d'affinité particulière avec les expérimentations en tous genres, et aucune avec les gens que je connais qui veulent à toute force montrer qu'ils ont une manière perso "révolutionnaire et originale" d'envisager le jeu qui surpasse les autres.