(Nouvelle - ADULTES) Cour d'hiver à Kyuden Bayushi

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matsu aiko
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Re: (Nouvelle - ADULTES) Cour d'hiver à Kyuden Bayushi

Message par matsu aiko » 10 oct. 2014, 06:32

A quelques centaines de kilomètres de là, à Kyuden Bayushi....


- Un courrier pour vous, Shosuro Jocho-sama, s'incline le serviteur.
Marchant de long en large, le sourcil froncé, le capitaine de la Garde Tonnerre déchiffre le message. Il en a bien sûr reconnu instantanément la calligraphie, et a hésité un instant à l'ouvrir de suite. Les lettres de son honorable mère sont rarement prétexte à réjouissance.

Mais il est ici le représentant officiel de la famille Shosuro, il y a des choses qu'il ne peut ignorer. Quand il finit de lire le message, son expression hésite entre la consternation et un début de franche hilarité. S'il s'attendait à cela...
La silhouette de sa maîtresse se découpe sur le seuil de la chambre, et elle le considère un moment sans rien dire.
- Une bonne nouvelle ?
- Hmmf... Hmmmrrrff.

Un rire silencieux commence à secouer Jocho. Il est pris d'une crise de fou rire incontrôlable, qui le plie en deux. Tsukiko hausse un sourcil, intriguée. Ce n'est que cinq bonnes minutes plus tard, essuyant les larmes de rire qui perlent à ses yeux, qu'il est enfin capable de répondre.

- Ce n'est rien...juste une plaisanterie de mon honorable mère...
Et de repartir derechef dans une autre crise d'hilarité. La jeune femme soupire et secoue la tête, puis tourne les talons.
- Ta mère ne plaisante jamais, Jocho, tu devrais le savoir. Fais-moi signe quand tu pourras de nouveau parler. Nous allons finir par être en retard.

Retenant les sursauts de ses côtes, il reprend d'une voix entrecoupée en agitant la lettre.
- Si je m'étais attendu à cela...

Tsukiko est assise à la coiffeuse, nue, le yukata échoué autour d'elle sur le siège. Elle s'applique à relever ses cheveux en un chignon de boucles compliqué. Le voile de rose qui ne la quitte jamais flotte dans la pièce.
Reprenant difficilement son sérieux, Jocho finit par lâcher :
- Je viens d'avoir de nouvelles consignes de négociation.
- Ah ?
- Et je pressens que cela devrait se révéler plus... distrayant que ce que je pensais.

L'épingle fixe la petite libellule verte au milieu de la masse noire. Il se rapproche, hume le parfum de ses cheveux. Les doigts fins posent la fleur de soie bleue sur une autre boucle, accrochent quelques perles un peu plus bas.
- Tu es très en beauté, ce soir, murmure-t-il à son oreille.
- Merci, Jocho, répond-elle en le regardant dans la psyché de bronze poli.

Leurs images se sourient dans le miroir. Elle ajuste le minuscule oiseau près de son oreille, et la longue plume retombe sensuellement dans son cou.
- En quoi puis-je t'être utile ?

Tout en glissant ses mains le long de ses seins, Jocho repense à la lettre qu'il vient de glisser dans sa manche.
"Le clan du crabe est intéressé pour conclure un accord commercial avec nous, c'est une opportunité à ne pas manquer. Attention à négocier au mieux, il ne s'agit pas non plus de leur en faire cadeau. J'espère que pour une fois tu sauras te montrer à la hauteur."
S’ensuivent des consignes précises de termes de négociation.

Naturellement, l'objet n'est pas mentionné, et la lettre n'est pas signée. Mais Jocho sait pertinemment qu'il ne peut s'agir que de l'opium. Ce qui lui désigne comme interlocuteur de négociation Hida Yakamo.

Il lisse tendrement, pensivement sa joue, ajuste une mèche. Oui, c'est une autre chose dont il va devoir tenir compte.
- Je ne sais pas encore.

La main aux longs ongles laqués de rouge sang prend le fard et la houppette, et elle entreprend de souligner ses pommettes de rose. L'attitude de son compagnon lui laisse une curieuse impression.
Son intuition lui souffle que le sujet n'est pas si comique. Le fait que Hyobu écrive à son fils est un signe qu'elle ne peut demander ce qu'elle lui demande à quelqu'un d'autre, ce qui signifie qu'elle est coincée.
La situation est intéressante. Reste à savoir ce que veut le gouverneur.

Ses mains s'aventurent sur son corps, explorant la douceur de sa peau. Il s'assied derrière elle, moulant ses seins de ses paumes, glissant doucement contre ses reins. La voir ainsi nue sur ce tabouret, c'est un appel au viol.
- Je vois que tu as recouvré la vue. Les Fortunes soient louées.

Le pinceau glisse sous la paupière, fait ressortir la couleur de ses yeux en un seul trait assuré. Maintenir la rectitude du trait est quand même une entreprise ardue, au regard des méfaits que son amant est en train de faire subir aux différentes parties de son anatomie. Mais Tsukiko a de la constance quand il s'agit de contrarier Jocho...
Elle doit cependant reposer le pinceau après avoir fait le deuxième. Son corps n'est pas fait de bois, tout de même. Et même pas du tout.
- Je vois que tu m'as quand même trouvé une utilité.
- Je me fais fort d'en trouver d'autres. On parie ?

Elle pivote sur elle-même et passe ses jambes par-dessus les siennes, puis autour de sa taille, se love tout contre lui et entoure son cou de ses bras fins.
- Je n'en doute pas, mon cher.
Sa bouche prend la sienne sans lui laisser l'occasion de répondre.


Un très long moment plus tard...

La jeune femme a corrigé les couleurs sur son visage et ganté ses courbes dans la soie fine d'un somptueux kimono de soie noire et fauve. Le obi vert ceint sa taille fine et elle a réussi à remettre la main sur les petites décorations de sa coiffure, qu'elle a terminées de repiquer dans son chignon.
Ce n'est pas le moment de lui demander ce que veut sa mère. Il n'est pas encore assez bien disposé.
Elle enfile ses zori. Ils vont être en retard s'ils traînent encore dans leurs appartements.
- Tu es prêt, Jocho ? Jocho !

Ce n'est que quelques jours plus tard qu'elle a la nouvelle. Elle s'assure qu'elle est seule avant de serrer ses mains l'une contre l'autre pour les empêcher de trembler.
Pourtant elle pensait avoir commencé à prendre la mesure de cette cour, et le chassé-croisé entre les appartements de Jocho et ceux de la troupe de Shichisaburo, bien que délicat, était presque devenu un jeu.

Yakamo ici... Par toutes les Fortunes. Qu'est-ce que je vais faire ? Ce n'est pas possible... Yakamo va le pulvériser... Cela prendra le temps nécessaire, mais il le fera, je le connais. Il peut être redoutablement patient quand il veut. D'un autre côté... Il ne l'aura pas volé...

Elle doit s'asseoir, ses jambes menacent de se dérober sous elle. Comment va-t-elle supporter sa proximité sans lui parler ? Elle a pensé ne jamais le revoir, et maintenant elle va redouter à chaque instant de le croiser dans le palais.
Elle se souvient de ses crises de fureur. Ça va être terrible.

Si seulement son âme damnée était là... Mais si elle était là, elle pourrait la reconnaitre... Ça serait pire que tout. Il faut les éviter à tout prix.
Si jamais il s'aperçoit de sa présence... Elle préfère ne pas envisager cette possibilité.

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matsu aiko
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Re: (Nouvelle - ADULTES) Cour d'hiver à Kyuden Bayushi

Message par matsu aiko » 11 oct. 2014, 09:54

Les portes de Kyuden Bayushi sont largement ouvertes depuis l'aube, les tours pavoisées, la garde dans sa plus belle tenue d'apparat. Aujourd'hui, la délégation du Clan du Lion rejoint le palais du Clan du Scorpion et la cour d'hiver de Sa Majesté.
On entend les tambours avant d'apercevoir les bannières de soie polychrome claquant au vent. La foule s'est rassemblée le long de la grande voie menant au palais pour assister au passage de l'imposant cortège. A sa tête, précédé d'un nikutai de guerriers sanglés dans leurs plus belles armures, portant son étendard, chevauchant un étalon à la robe fauve, se tient Akodo Toturi, daimyo et Champion du Clan du Lion, daimyo de la famille éponyme.
En contraste avec ses guerriers, superbes dans leurs armures d'apparat, le Champion du clan du Lion est habillé de façon sobre, presque austère. S'il ne porte plus les habits de moine de sa jeunesse, quelque chose lui en est resté, dans la retenue, dans la simplicité affichée. De haute taille, les cheveux impeccablement liés en arrière, le regard aigu, il n'y a en revanche pas à se tromper sur la noblesse de son port, l’autorité naturelle et le charisme qui émanent de lui.

En seconde partie du cortège, entourée de la Fierté du Lion, montant un cheval ombrageux à la chaude couleur alezane, s’avance Matsu Tsuko, daimyo de la famille Matsu. Belle et farouche dans l'armure de ses ancêtres, elle n'adresse aucun regard à la foule agglutinée le long de la route pavée, concentrée sur son objectif : le palais du Clan du Scorpion. Ses yeux noirs brûlent de la fureur qui a forgé la légende de la famille Matsu, nourri la crainte et le respect que ses adversaires éprouvent à son arrivée sur le champ de bataille. Sa réputation, ses exploits au combat et son caractère ombrageux font le reste. Sur son passage, la foule recule peut-être un peu plus.
Derrière elle, en ordre impeccable, arrivent les redoutables guerrières de la Fierté, fortes et arrogantes dans leur armure noir et or. Les cimiers de leurs casques rutilent, la pointe de leurs lances étincelle. Même pour un non-initié, ce qui frappe l'oeil c'est la façon parfaitement synchrone dont cette troupe d'élite se déplace, comme s'il s'agissait d'un seul animal, lisse et souple et mortel.

Dans un ordre moins martial mais tout aussi impressionnant s'avance la famille Ikoma, avec à sa tête Ikoma Tsanuri. Tête nue, entourée des plus grands omoidasu de son clan, précédée par les plus fines lames de sa famille, cette belle jeune femme offre un visage aux traits étonnamment doux et déterminés à la fois.
On sait peu de choses au sujet du daimyo de la famille Ikoma. Discrète, réservée, nul ne l'a jamais vue perdre son calme. On la dit intuitive, vive d'esprit et habile avec un katana.
Mais la légende raconte déjà sa volonté de fer quand à quatre ans à peine, lors d'un séjour de ses parents sur les terres du Clan de la Licorne, elle s'était égarée et avait gardé sous son pied un serpent mortel toute une nuit, attendant qu'on la retrouve. C'est de ce serpent que lui vient son nom. Tsanuri.
Nulle appréhension ne se lit sur les visages de la délégation du clan du Lion, les uns impassibles, les autres farouches, les derniers sereins. Pourtant ils savent, les uns et les autres, qu'une Cour d'hiver à Kyuden Bayushi est certainement l'épreuve la plus redoutable qu'ils auront jamais à passer de leur vie.

La famille Kitsu, la plus mystique et la plus petite du Clan du Lion, ferme la marche. Les très redoutés sodan-senzo, qui peuvent parler aux ancêtres, posent un regard calme et détaché sur la foule, la ville, le palais. Quelle que soit l'issue de cette saison, ils entendront toujours la voix des ancêtres.
Ils n'ont nul besoin de briller. Leur seule présence est intimidante. Ils n'ont nul besoin de courtisan. Ceux qui les ont précédés ne peuvent que dire la vérité.
Malgré tout ce qu'a pu dire le Clan du Scorpion.
Le futur, le leur, celui du clan, celui de l'Empire, est inscrit dans la trame du passé, et les voix de ceux qui l'ont tissée les accompagnent, maintenant et pour toujours.
Parmi eux marche un homme dans la force de l’âge, au visage aux traits affirmés, ouvert et franc. De taille moyenne, il porte les robes d’un sodan senzo mais a la carrure d’un guerrier. Son nom est Kitsu Amano. En ces lieux l’attend sa destinée.

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matsu aiko
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Re: (Nouvelle - ADULTES) Cour d'hiver à Kyuden Bayushi

Message par matsu aiko » 12 oct. 2014, 13:13

La délégation du Lion est arrivée depuis quelques jours.
Jocho sait ce qui est attendu de lui. Le daimyo du clan du Lion ne comprendrait pas un retard de sa part à venir lui présenter ses respects.
Il envoie donc une demande d'audience dans les formes.
Suite à celle-ci, il reçoit une invitation du daimyo du clan du Lion, à une partie de go.
Une partie de go…c’est un peu inhabituel dans ce cadre. Mais pas incohérent pour le Champion du clan du Lion. Jocho n’ignore pas que le go est la discipline emblématique de l’école Akodo.
Ni que Toturi y est passé maître.

Il s’habille avec soin pour ce rendez-vous dont il pressent que ce sera bien plus qu’un simple échange de politesses, prépare un présent de convenance pour sa nièce, soupire mentalement. Cette fille n’est vraiment pas un cadeau. Pourquoi fallait-il que de toutes les filles à marier de l’Empire, son clan ait décidé de lui adjoindre Matsu Aiko…

Un homme jeune, de haute taille, au visage pâle, encadré de cheveux noirs, habillé d’un kimono de soie sombre, est assis en face d’un jeu de go. Sa mise n’a rien de remarquable, hormis le mon discret - une tête de félin stylisée - ornant ses manches et sa poitrine.

Son adversaire n’est nulle part en vue ; mais cela n’empêche pas le joueur de réfléchir à la partie en cours. A la partie – et à d’autres choses. Bien plus qu’un jeu, le go a toujours été pour lui un moyen de se concentrer.
Sur le plateau quadrillé, les noirs sont dans une position d’infériorité ; les blancs ont une base solide, et plusieurs possibilités d’attaque.

Il lui faut étendre le territoire, pour contrer l’avancée des blancs et avoir une chance de contrôler le jeu.
Le territoire central est le point névralgique ; le défendre en y mettant toute ses forces, c’est s’exposer à un encerclement. Ne pas le défendre, s’avouer vaincu en laissant une brèche béante.

Le front du joueur se plisse de concentration. Il a identifié un moyen de prendre un avantage. Ce n’est pas un bon choix, mais c’est le moins mauvais. Il ne sait pas si cela sera suffisant.

Parfois, il faut sacrifier une portion de territoire pour se donner une chance de gagner la partie.

- Votre invité est arrivé, Toturi-dono
- Faites-le entrer.

Toturi voit s’incliner devant lui un beau jeune homme, élégamment habillé de noir et d’écarlate. Sa carrure, son allure, son charisme, sont ceux d’un guerrier. Son beau visage, son sourire empreint de moquerie et d’ironie, ceux d’un viveur impudent et cynique.

Cet homme a une réputation détestable, il ne l’ignore pas. On le dit joueur, ivrogne, débauché, sans vergogne. Rien, dans l’allure de l’homme qu’il a devant lui, n’incline le daimyo du clan du Lion à la mettre en doute.

Mais il sait aussi que Shosuro Jocho est un sabreur hors pair. On n’atteint pas ce genre de niveau par hasard.
Comment est-ce possible de concilier les deux, mystère. Un mystère que Toturi compte bien élucider.

- Akodo Toturi-dono.
- Shosuro Jocho-sama. Relevez-vous.
La voix est grave, résonnante. Le port est digne et inspire immédiatement le respect. Ce n’est pas quelqu’un dont on peut se jouer, Jocho le sent instinctivement.
Il se redresse, offrant son visage nu à l’examen de son interlocuteur. A dessein, il n ‘a pas pris son mempo, sachant que le daimyo du clan du Lion apprécierait de ne pas avoir un interlocuteur masqué. Mais ce regard calme, analytique, semble lire en lui à livre ouvert.

- Voulez-vous faire une partie de go, Jocho-sama.
D’un geste, Toturi l’invite à s’asseoir en face de lui, lui donnant les noirs.

Jocho est un bon joueur, comme tout étudiant en art de la guerre. Mais il n’arrive pas à la cheville du maître qu’est Toturi.

De façon prévisible, le daimyo du clan du Lion remporte la partie, sans trop d’efforts. Mais cette partie lui a surtout permis de se faire une idée de la personnalité du futur mari de sa nièce. Les visages ou les mots peuvent mentir, mais le go montre l’âme.
Ce jeune homme est brillant…brillant et retors. Mais il manque pour l’instant du détachement nécessaire pour atteindre l’excellence.

- Vous remportez cette partie, Toturi-dono, admet Jocho courtoisement.
- Vous avez bien joué, indique Toturi, avec une égale courtoisie. Vous avez défendu les couleurs de votre clan de façon très honorable.
Le double sous-entendu fait sourire Jocho. Mais il attend la suite.

Celle-ci le surprend.
- Vous avez atteint, m’a-t-on dit, le niveau le plus élevé de l’école de bushi Bayushi.
- C’est exact, Toturi-dono.
- Quelles sont les disciplines que l’on vous a enseignées ?

S’ensuivent un certain nombre de questions ayant trait au kenjutsu, où Jocho a tout loisir de se rendre compte de la culture étendue de son interlocuteur en la matière.
- Un art redoutable… commente Toturi d’un ton égal.

Puis sans transition :
- Que pensez-vous de ma nièce ?
- C’est …quelqu’un de très honorable, Toturi-dono.
- Mais encore ?
- Nous ne nous connaissons pas encore beaucoup, il m’est difficile de vous répondre, Toturi-dono.

C’est sa mère qui est derrière ce mariage, comme je m’en doutais…
- Aiko ne pourra se joindre à nous pour la cour d’hiver. Elle a été retenue par ses devoirs de magistrat.

Toturi regarde le beau jeune homme qui lui fait face, et qui masque fort bien son soulagement et sa satisfaction. Un excès de franchise ne doit pas faire partie de ses travers. Cela augure mal du mariage à venir…

Mais il n’a pas le choix. Le clan du Lion a besoin d’alliés, dans la querelle qui l’oppose au clan de la Grue.

Toturi imagine, l’espace d’un instant, la réaction de la bouillante Hanako, la sœur cadette d’Aiko, s’il lui avait proposé ce mariage. Après avoir craché par terre, et voué ses ancêtres aux gémonies, l’impétueuse bushi Matsu aurait certainement entrepris d’arracher les tripes du fiancé présumé avec ses dents… Non, Hanako, c’était impossible. Sans compter que cela aurait privé la famille Matsu d’une guerrière aux exploits fort prometteurs.

La plus jeune de ses nièces, Matsu Shizue, est déjà mariée dans le clan du Phénix.

Et c’est à cela que s’arrêtent les possibilités. Il n’a pas de fille, ou de parente encore célibataire. Il aurait pu, bien sûr, proposer la fille d’un vassal. Mais le clan du Scorpion y aurait vu un désaveu.

Non, il faut que ce soit Aiko.

Toturi n’ignore pas l’inimitié qui existe entre les Matsu, et plus précisément, la famille de son beau-frère et leurs voisins Shosuro. Il y a eu suffisamment de sang versé, de querelles anciennes pour que les préjugés soient bien enracinés de part et d’autre. Mais six siècles se sont écoulés. Il est largement temps de tourner la page.

Au moins Aiko a-t-elle suffisamment de sens du devoir pour ne pas créer d’incident diplomatique avec le clan du Scorpion. Il ne lui reste plus qu’à espérer qu’elle saura tirer le meilleur parti possible de la situation.

Sans trop parier dessus.

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Re: (Nouvelle - ADULTES) Cour d'hiver à Kyuden Bayushi

Message par matsu aiko » 13 oct. 2014, 10:35

Cela fait à présent plusieurs semaines que Jocho est arrivé à Kyuden Bayushi. Il a eu tout le loisir de saluer les éminents membres de la famille, ainsi que les invités déjà arrivés. Pour le moment, il se contente d'observer. Il a sagement remis à plus tard la discussion qu'il sait l'attendre avec Bayushi Shoju. Si le daimyo du clan l'a invité, lui, c'est qu'il a un plan en tête. Il le lui révèlera au moment où il l'aura choisi.

Il a constaté que la délégation Grue était venue en force, et que le Champion d'Emeraude a répondu présent. Il a constaté avec amusement dans la suite de celui-ci la présence de Katsumoto, devenu à présent Doji Katsumoto, et de Shizue son épouse. Le couple l'évite avec le plus grand soin, et il ne tente rien. Qu'ils fassent partie de la suite de Satsume est un sigil protecteur que même lui ne se risquerait pas à violer.

La délégation Lion est plus restreinte. L'absence de sa promise est un soulagement certain. Cette cour d'hiver est probablement la dernière période de liberté qu'il va avoir avant de se retrouver affublé de cette Matsu rigide en guise d'épouse. Et cela diminue les risques de découverte accidentelle.
L'autre bonne nouvelle, c'est la présence d'Ikoma Ryuji, son compère. Ils ont fait tant de coups pendables ensemble...
Ryuji, c'est une garantie de ne pas s'ennuyer. Garantie qu'il a déjà commencé à exploiter.

En effet, les pérégrinations du barde l'ont amené à la Cour d'hiver plus vite que le reste de ses compatriotes. Ce qui lui a permis de prendre un échantillon de ses délices par avance. Et de revoir son vieil ami le capitaine de la Garde Tonnerre, avec qui il a déjà passé une soirée plus qu'arrosée. Une chose est sûre : il ne s'ennuiera pas pendant cette fichue cour d'hiver... Voir un visage ami dans ce genre de circonstances, c'est presque comme des vacances.
Presque, hein... Parce que mine de rien, Ryuji nage dans un banc de requins cette année. Affamés, les requins. Et très très gros pour certains. Mais même les petits ont une façon de vous mordre les orteils tout à fait désagréable.

Les couloirs de Kyuden Bayushi, très tôt le matin.
Ryuji est assis sur un banc de pierre, la mine défaite, et regarde avec morosité les jardins déserts. Les derniers effluves de saké se sont enfuis, il n’a même pas le secours de l’ivresse. Quelle soirée de merde…
Une silhouette athlétique et familière en hakama noir s’approche, portant sous le bras armure d’entrainement et bokken.
- Tiens, comment vas-tu, Ryuji-kun ?
- Mal.
- Allons bon, que t'arrive-t-il ?
- Il y a des comiques, cette année, ici. Franchement, vous m'avez habitué à mieux.

Jocho hausse un sourcil.
- De si bon matin ?
- Non, hier soir.
- Que puis-je faire pour toi ?
- Réduire en pulpe sanguinolente une petite garce qui se prend pour une grande séductrice, et qui se pique de faire du chantage.
- Dans quoi es-tu encore allé te fourrer ?
- Est-ce que j'ai une tête à me laisser intimider, dis-moi ? Non, mais dis-moi franchement !

Le Scorpion se met à rire.
- Pas vraiment. Embobiner, par contre...
- Même pas ! Je l'ai vu arriver gros comme une maison ! Même pas ! Quel manque de subtilité...
- Elle a vu que tu avais bon coeur... Allez viens, un petit randori et il n'y paraîtra plus.
- Elle a cru qu'elle avait en face d'elle un de ces samurai étriqués dans leur tête, tétanisés à l'idée de perdre leur honneur...

Là, Jocho éclate de rire, et passe son bras autour de ses épaules.
- Comme elle a raison.
- Un petit randori... Je suis là depuis l'heure du Bœuf, et il me propose un petit randori... Et ça le fait rire. Tu as de la chance, Scorpion. Tu as de la chance que je t'apprécie autant, foi de Ryuji !
- Pas autant que toi, Ikoma.
- Non, l'ami, la chance me fuit en ce moment. Quelle garce ! Allez, je vais te casser la gueule, ça me soulagera.
- Voilà... En tout cas, tu pourras essayer.
- Tu n'auras pas grand mal à te défendre aujourd'hui. Je suis très diminué.
- Mon pauvre petit Lion.
- Ah, ta gueule...

Jocho lui allonge une bourrade amicale.
- Allons-y, ça va me calmer.
- Tu vois, quand tu veux.

Le sensei est étonné en voyant arriver l'Ikoma accompagné d'un Shosuro, et que ces deux-là semblent bien se connaître. Et ce Shosuro-là est une sorte de sommité dans le clan... En tout cas dans un dojo.

- Tiens, attrape, Ryuji.
Jocho lui lance un bokken, que ce dernier attrape au vol.
- Depuis l'heure du Bœuf, tu dois avoir eu tout l'entrainement nécessaire...
- Quoi ?

Jocho fait quelques mouvements d'assouplissements, puis enchaîne sur différents kata.
- Mais peut-être que je me trompe, après tout...Peut-être l'entraînement des Ikoma se limite-t-il à réciter des poésies à longueur de temps ...

Il sourit largement.
- Boucle-la, Shosuro. Tes moqueries ne marchent que sur les faibles d'esprit et les peureux.
- C'est pour cela que tu pars au quart de tour.
- Mais oui, mais oui...
- Tu as toujours été mauvais perdant.
- Et toi mauvais joueur.
- Outre pleine de vent !

Le barde se contenta de ricaner en le toisant.
- De vin. C'est toi qui es plein de vent. Toute ta vie n'est qu'un vaste courant d'air !
- Ce n'est pas du vent, c'est du souffle ! Pas comme un certain soiffard incapable de tenir un sabre plus de dix minutes !

Le barde éclate de rire et esquive son assaut.
- T'as raison. Si ça peut te rassurer...

Il revient élégamment face à lui et le pointe de l'index, puis le plie et lui fait signe d'approcher, moqueur.
- Bouffon Kakita...
- Tu as toujours été jaloux de mon succès auprès des femmes, c'est ça la vérité, rétorque Jocho en lui faisant sauter son bokken des mains, avant de le lui relancer.
- Jaloux de quoi ? De tes succès de petit provincial ? Les Fortunes me sont témoin que je ne jalouse pas le faible et le simple d'esprit.
- Historien sans envergure !
- Chien à poil rouge !
- Petit joueur !
- Séducteur de basse-cour ! Elle est bonne, celle-là, je vais la garder...
- Outre à saké fils d'outres à saké !
- Quoi ! Tu insultes mes ancêtres ? Plumitif sans tripes !

Les samurai présents écoutent cet échange, complètement pétrifiés. Il y a eu assez d'injures mortelles échangées pour justifier trois ou quatre duels. Ils ne sont donc pas complètement étonnés quand l'échange verbal dégénère en un assaut furieux. Les bokken volent de part et d'autre, à grand renfort de coups et de cris, entremêlés d'autres injures.
Et on frôle bientôt la douzaine avec la salve suivante, ponctuée du claquement des bokken qui s'entrechoquent et des corps qui se cherchent, se provoquent, se bousculent sans ménagement sur le parquet du dojo.

C'est sûr, ils vont finir par se tuer, avec l'énergie qu'ils y mettent. Il y a eu des morts pour moins que ça. Mais à leur grande surprise, le Lion et le Scorpion s'obstinent et se rentrent joyeusement dedans. Et ils sont toujours debout, malgré la furie qu'ils déchaînent sur leurs têtes respectives.
- Gros balourd !
- Frimeur !

Puis les deux combattants finissent par s'effondrer, haletants, sur les tatamis, avant de se mettre à rire de bon coeur.
- Elle est petite, celle-là. Toute petite. C'est tout ce qui te reste, hein ? L'insulte facile, le juron médiocre, la petitesse du bouffon sans classe... Tu me fais beaucoup de peine, Jocho...
- Vaut mieux en avoir une petite que de ne pas en avoir du tout...Tu as perdu ta verve, pour ne pas parler du reste...

Le Lion saisit sa tête par surprise et le maintient fermement, puis lui frotte énergiquement le cuir chevelu alors qu'ils roulent par terre.
- Tu vas te taire ! Je vais t'arracher la langue !
- Ah tiens, l'homme à la langue bien pendue se sent dépassé par les évènements ? Minable, va.
- Non, l'homme à la langue bien pendue se montre mesquin, comme toi.

En un mouvement d'une rapidité fulgurante, le Scorpion lui bloque le bras droit en une clé douloureuse.
- Répète ça, pour voir ?
- Je...Aie ! Tu es mesquin ! Mesquin ! Mesquin ! Et tu pourras me casser le bras que je continuerai à le répéter !!! Mesquin !
- Suffit de le demander.
- Mesquin et petit joueur !

Le Scorpion effectue un autre mouvement, qui se traduit par un craquement impressionnant. Les spectateurs retiennent leur souffle, alors que le Lion, lui, retient visiblement un cri de douleur.
Le sensei, tétanisé, se voit déjà sur une estrade tendue de blanc... Certains se rapprochent stratégiquement de la sortie.
- Ah, tu fais moins le fier, maintenant, hein ?

Son adversaire contient héroïquement la douleur de son bras disloqué.
- Espèce de bâtard... Chien sans honneur...
- Tu donnes dans la banalité, là. Un peu d'imagination, que diable.
- De l'imagination ? Je vais t'en donner, de l'imagination...

Malgré le bras qui pend lamentablement, il parvient à attraper le col du kimono du Scorpion et le tire violemment vers lui, puis lui assène un coup de tête magistral.
L'autre recule sous le choc, titube, puis assène un coup de pied lancé - justement dans le bras droit. La douleur doit être terrible.
Mais le Lion serre les dents et se relève, puis se jette sur le Scorpion en grondant. Un corps à corps furieux s'enchaîne, mêlé de grondements sourds.
Puis les deux adversaires finissent par rouler chacun de leur côté, en riant de bon coeur.
- Bon, on va se prendre un bain, Ryuji-kun ?
- Ouais... Tu déjeunes avec moi ? Je t'invite en ville, je connais une maison de thé terrible.
- Ça marche.

A la stupéfaction générale, ils s'en vont bras dessus bras dessous. Le Lion n'a pas plus l'air dérangé par son bras cassé que le Scorpion par le coup de tête.

- Et ta petite courtisane, dis-moi ? demande le barde alors qu'ils trempent, seuls tous les deux, dans la vasque et les vapeurs des bains.
- Ça baigne. Et toi, quelles nouvelles de ton tableau de chasse ?
- Lequel ? J'ai plusieurs tableaux, mon cher.
- Vantard. Celui où n'est pas miss hier soir.
- J'en sais rien, et je m'en moque. Je n'ai pas l'intention de donner dans le petit chantage qu'elle et ses frères - si ce sont ses frères et pas ses amants- ont mis au point.
- Ma foi, je suppose qu'elles vont bien.
- Pour l'instant, les femmes m'ont agacé. Je verrai demain.
- T'as raison. Tant que tu ne passes pas de l'autre côté...

Le barde se met à rire.
- Si c'était le cas, je ne te le dirais pas. Et si c'était le cas, je ne ferais pas la fille...

C'est au tour du Scorpion de se mettre à rire.
- Tu vis ta vie, hein.
- Encore heureux... Mais j'ai bien envie de lui apprendre à vivre, à cette garce. Je ne sais pas encore comment, mais elle va me le payer.

Jocho s'étire, puis entreprend de s'extraire du bain. Des servantes accourent aussitôt, des serviettes à la main.
- T'as raison. Une petite vengeance, c'est distrayant, ça occupe l'esprit.

Il s'étend sur un pan de bois massif, et le regarde, l'air amusé, alors que les servantes entreprennent de commencer à le masser.
- C'est qui ?

Le Lion sort à son tour de l'eau et se ceint d'une serviette, grimace et porte sa main au côté, là où les trois balafres blafardes précises et nettes comme des coups de rasoir barrent son flanc.
- Bon sang, cette fichue blessure ne me laissera donc jamais en paix... Shino. Bayushi Shino.

Le Scorpion siffle doucement. La jolie veuve a déjà fait un certain nombre de victimes.
- Tu aimes la difficulté...Joli morceau, remarque.
- Je n'aime pas qu'on me prenne pour un imbécile...
- Mais oui, mais oui, dit Jocho d'un ton apaisant.

Le barde s'essuie et s'allonge sur la table voisine de celle de Jocho, et laisse la servante s'occuper de son dos douloureux puis rentre dans ses appartements. Le randori avec Jocho lui a fait du bien, au moins autant que l'échange d'insultes colorées. Ce n'est pas si souvent qu'il peut laisser libre cours à sa verve dans le domaine...

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Re: (Nouvelle - ADULTES) Cour d'hiver à Kyuden Bayushi

Message par matsu aiko » 14 oct. 2014, 09:45

Un de ses représentants a lui aussi noté l'arrivée de la Délégation du clan du Lion avec intérêt.

Ryuji prend le temps d'envoyer un message, se prélasse un moment dans un bon bain chaud, passe un de ses kimono favoris et attend la réponse pour rendre visite. Réponse qui ne tarde pas, relayée sous la forme d'un courrier apporté par une guerrière Matsu à la moue dédaigneuse.

- Vous avez des ennuis gastriques, Matsu-san ? On dirait, à voir votre mine crispée et le pli dégoûté sur votre jolie bouche. Vous devriez voir un médecin, vous êtes tellement plus agréable quand vous souriez.

La jeune femme grimace comme si elle avait avalé un plat trop vinaigré.
- Non, tout va bien, Ikoma-sama. Tsuko-dono vous attend.
- Ah, je préfère... Vous m'avez fait peur, vraiment... Allons-y !

La guerrière claque des talons. Son visage exprime toujours sa désapprobation.
Le barde passe ses sabres à son obi puis emboîte le pas de la Fierté.

Quelques instants plus tard, ils arrivent aux portes de la délégation du Lion.
- Ikoma Ryuji-sama ! annonce son accompagnatrice, même si cela doit lui écorcher la gorge.
- Vous faites des progrès, Matsu-san... Un jour, vous arriverez à le dire sans avoir l'air écoeuré. Si si, je vous assure...

Cette dernière lui jette un regard noir.
Le barde lui retourne son sourire le plus charmeur, celui qu'il sait irrésistible. Puis il rentre dans les appartements de la Lionne.

- Matsu Tsuko-hime, je suis enchanté de vous revoir. Avez-vous mangé du riz aujourd'hui ?

Tsuko est en train de discuter avec quelqu'un de sa troupe. A son arrivée, son visage s'éclaire.
- Hanako-san, laissez-nous, s'il vous plait.
L'autre, cinq pieds et demi de musculature bronzée et arrogante, s'incline et sort, non sans jeter un regard dépourvu d'aménité au barde.

Ryuji s'incline à l'attention de la dénommée Hanako, puis salue d'une manière plus marquée le daimyo de la famille Matsu. On peut lui reprocher beaucoup de choses mais pas d’ignorer les règles de savoir-vivre.

- Je ne suis guère apprécié par ici en ce moment... Je ne sais pas pourquoi, mon humeur est toujours égale et je suis d'une politesse exquise.

Tsuko sourit, d'un sourire qui exprime toute sa joie de le revoir.
- Ne fais pas attention, elles sont un peu jalouses, c'est tout.
- Jalouses ? Mais Fortunes, jalouses de quoi !
- Du temps que je vais t'accorder.

Elle plisse les yeux.
- Approchez, Ryuji-san.

Il a un sourire et obtempère, l'air innocent.
- Vous souhaitiez, je crois, me présenter vos respects ?
- Bien entendu. Je n'ai, hélas, pas pu faire le voyage depuis les terres de notre Clan étant donné que je séjournais dans le Clan du Renard à la fin de cet automne.
- Je comprends. Depuis combien de temps êtes-vous arrivé ?
- Environ dix jours.
- Avez-vous apprécié votre séjour jusqu'à présent ?
- Ma foi, oui... J'ai eu l'occasion de retrouver quelques amis, de farfouiller dans la bibliothèque, d'assister à d'excellentes représentations de théâtre. Mais je dois avouer qu'il manquait quelque chose pour que mon séjour soit vraiment parfait.
- Quoi donc ?

Le sourire de Tsuko est malicieux.
- Toi, bien sûr.
- Bonne réponse, Ryuji-kun.
- J'ai toujours de bonnes réponses à de bonnes questions. C'est comme ça, je n'y peux rien. Le génie, sans doute...

Tsuko se met à rire.
- Tu ne changes pas. Toujours aussi vantard...
- Ah ça, c'est impossible, rétorque-t-il la main sur le coeur. Je ne peux pas ne pas me vanter.
- Non, ce n'est que l'expression de la pure vérité...
- Tu vois, je t'ai convertie ! Tu commences à avoir des petites répliques dites sur un ton hâbleur, tout à fait comme moi !
- Tss...
- Je suis extrêmement fier de moi sur le coup.

Elle secoue la tête, amusée.
- Décidément, tu vas toujours trouver des motifs de satisfaction à des endroits imprévus...
- C'est ce qui fait une partie de mon charme. En plus de mon physique avantageux, de ma grande culture et de mon sens de la répartie, que tu as déjà pu apprécier.
- Et de ta modestie légendaire.
- Non, je ne peux pas te laisser dire ça. Un samurai n'est pas modeste. Je ne suis pas modeste.
Tsuko éclate de rire.

Dehors, les deux soeurs en train de monter la garde devant la porte s'interrogent du regard. Tsuko en train de rire, c'est aussi courant qu'une inondation sur la plaine de la Désolation.

- Ah, Ryuji, il n'y a que toi pour sortir des énormités pareilles...
- C'est un de mes nombreux talents et j'en suis particulièrement fier.
- Et quelles sont les disponibilités de mon barde préféré dans les jours qui viennent, hmm ? Je vais certainement avoir besoin d'un historien et d'un chroniqueur attitré.
- Hé bien... En dehors de quelques obligations sociales, de soirées au théâtre et de diverses visites dans les délégations, je suis tout à toi.

Tsuko a une moue un peu dubitative.
- Et ça fait quoi, ça ?
- Hé bien ça fait pas mal !

Elle hausse un sourcil.
- Attention, le service d'une daimyo demande une grande assiduité et des efforts de tous les instants. Ce n'est pas une charge à prendre à la légère.
- Je sais cela. A partir du moment où tu me laisses du temps pour mes propres obligations, je peux dégager tout le temps qu'il me reste pour toi.
- Et il faut aussi être attentionné, avoir une bonne endurance... être performant...
- Ah ça, tu viens très exactement de définir mes principales qualités. Mais la flatterie ne te mènera à rien, ma chère. Je suis déjà tout à toi.

Tsuko sourit largement.
- Très bien. Vous êtes embauché, Ryuji-san.
- Hé hé... Même pas besoin d'un second entretien... Qu'est-ce que je suis doué, quand même...
- Et en ce qui concerne vos émoluments...
- J'accepterai un paiement en nature, n'ayez crainte.
- Concluons donc l'affaire avec une petite avance.

Le visage du barde se fend d'un large sourire et il regarde la Lionne avec amusement, s'avance pour enlacer sa taille.
- Je commençais à désespérer de cette proposition, ma chère. Vous ne pouvez pas savoir comme vous m'avez manqué.

Tsuko s'avance à sa rencontre, les yeux brillants.
- Tu es encore plus belle que dans mon souvenir, ma douce..., murmure-t-il en caressant sa joue avec tendresse.
- Et toi encore plus bavard...Embrasse-moi, au lieu de parler.
- A vos ordres, Matsu Tsuko-hime.

Il prend sa bouche sans se faire prier, avec la fermeté qu'elle apprécie, laisse ses mains glisser sur la soie de son vêtement. Elle lui retourne son baiser avec ardeur.
- Toi aussi, tu m'as manqué, lâche-t-elle quand ils reprennent enfin leur souffle.

Ses doigts nerveux plongent dans ses longues mèches noires, les démêlent avec lenteur.
- Tu as un peu de temps pour moi ?
- Maintenant ?
- Oui.

Un kami passe, puis elle sourit.
- On va le prendre. Attends.

Elle va droit à la porte, ordonne :
- Conseil de guerre. Qu'on ne me dérange sous aucun prétexte !
- Hai, Tsuko-dono !
- On appelle ça comme ça maintenant ? Wow... Faudra que je la replace... dit-il en la soulevant dans ses bras. C'est par où, ta chambre ?

Elle plisse les yeux et pointe l'endroit.
- C'est parti...

Il traverse la pièce d'un pas décidé, ouvre le shoji qui ferme la pièce d'un mouvement de hanche avant de le refermer de la même manière, avise le futon et l'ouvre d'un coup de pied décidé.
- J'espère que tu n'es pas pressée.
- Quand on est en conseil de guerre, ce qui importe c'est le résultat, pas le temps passé.
- Tu as raison. Soyons brillants dans ce cas. Obtenons un résultat satisfaisant. Mon sensei disait toujours de remettre sur le métier cent fois son ouvrage.
- Je suis très curieuse de découvrir les détails de ta stratégie.
- Elle sera étonnante, comme d'habitude.

Ses doigts ont déjà trouvé le pli de son obi et la soie libère la taille bien prise dans un chuintement tout érotique, glissant autour d'elle comme un serpent.
Les siens se sont glissés dans son kimono, explorent sa poitrine.

Ryuji a repris ses lèvres, il en a trop envie. Pas à dire, cette fille est aussi brûlante que la braise, elle n'a pas froid aux yeux et son répondant est à la hauteur de ses promesses... Il se glisse sous l'étoffe précieuse, trouve les minces cordons qui retiennent les pans de son vêtement, les dénoue avec habileté.

Puis il s'aventure sur le fin hanajuba, s'insinue jusqu'à sa peau. Ce simple contact l'électrise et le fait soupirer.
Elle glisse ses doigts dans son dos, descend le long de ses reins, desserre sa ceinture.

Faire l'amour entre les plis de la soie est une expérience forte, sensuelle, qu'il aime et qui lui offre des sensations puissantes, bien plus érotiques que le simple toucher de la peau sous les doigts. Plus mystérieuse aussi, on ne fait que deviner les courbes du corps qui s'y perd et les mains dessinent ce qu'elles veulent au milieu de l'étoffe.

Elle soupire à son tour, arque son corps contre le sien.
- J'ai envie d'être brillant dans ma démonstration aujourd'hui...
- Tu as intérêt...
- A vos ordres, Matsu Tsuko-hime.
Ryuji mon vieux, ça va être long... mais ça va être bon !
Dernière modification par matsu aiko le 16 oct. 2014, 12:38, modifié 1 fois.

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Re: (Nouvelle - ADULTES) Cour d'hiver à Kyuden Bayushi

Message par matsu aiko » 15 oct. 2014, 13:03

Beaucoup, beaucoup plus tard...

Maintenant, je sais ce que ça fait quand on se fait piétiner par un troupeau de trolls...
Le barde sort la tête de l'oreiller et ouvre un oeil hésitant sur la chambre. Cherche un truc à boire quelque part à portée de main...
- Vache... J'ai soif.

La triple cicatrice sur son flanc est plus douloureuse ce soir, Tsuko ne l'a pas ménagé. Remarque, ça faisait longtemps qu'ils ne s'étaient pas vus. Demain, il sera quitte pour un massage et quelques tisanes. Mais le résultat les valait largement.

Il parvient à s'extirper du drap qui menace de l'étrangler, des bras de sa maîtresse et de la chaleur du futon pour atteindre le plateau où sont posés une grande carafe en grès et deux bols.
Puis il retourne se coucher et grimace en se tenant le côté.

- Je vais le payer tout à l'heure, c'est sûr...
- Ryuji...?
- Oui, Tsuko ?
- Viens par ici.
- Tsuko, je suis à côté de toi, laisse-moi le temps de boire quelque chose...

Elle grogne et se retourne.
- Toutes les bonnes excuses.
- T'as pas de coeur. J'ai l'estomac dans les talons, je crève de soif et toi, tu me dis " Viens ici ". J'arrive, j'arrive !
- Petite nature. C'est vraiment fragile, les hommes.
- Ouais, vous nous cassez en petits bouts...

Il avale le contenu de son bol et se rallonge sur le futon, remet la couverture en place.
- Voilà... A ta disposition, ma belle...
- Il t'en a fallu, du temps.

Elle l'attrape, l'attire contre elle, pose sa joue contre sa peau avec un grognement de satisfaction.
- Ah ben il faut le temps que je boive un petit coup, hein... Tu m'en aurais voulu si je m'étais étranglé avec.

Il passe ses bras autour d'elle et la serre contre lui avec douceur.
- Je suis bien avec toi, Ryuji, dit-elle sans soulever la tête.
- Je suis flatté. Faut dire que je fais tout pour me faire apprécier mais j'ai l'impression que mon charme ne fonctionne que sur toi.
- Menteur.
- Moi ? Je ne mens jamais...
- Arrête de parler avant de faire rougir tes ancêtres.
- Mes ancêtres doivent bien rire en me voyant en ce moment mais ils n'ont jamais eu à rougir de moi.

Il caresse lentement son dos, embrasse ses cheveux. Lui aussi est bien avec elle mais il a le sentiment que s'il le lui dit, il peut dire adieu à sa liberté chérie...

Tsuko s'étire.
- Bon, ce n'est pas tout ça, mais j'ai à faire.

Elle se relève d'un bond, toute langueur oubliée.
- Tu rigoles ? C'est l'heure du Boeuf !
- Et alors ? Il y a des choses que je dois préparer pour demain, elles ne se feront pas toutes seules.

Elle se dirige vers la salle d'eau, se frotte et se nettoie avec énergie.
- Hé bien tu ne m'en voudras pas de profiter de ton hospitalité. Mes choses pour demain matin sont prêtes, elles.
- Oui oui, reste couché, lui parvient sa voix lointaine.

Quelques minutes plus tard, elle sort, se frictionnant avec une serviette, passe un yukata, se rhabille.
Un obi, un haori, ses sabres.
- Sois sage.

Ses pas s'éloignent.
- Ah ben après ça, j'ai plus la force de faire des folies de mon corps, c'est sûr...

Il entend l'autre cloison s'ouvrir, les salutations des gardes, la réponse lapidaire de Tsuko.
- Le conseil de guerre est fini.

Il y a eu les cris de guerre, c'est sûr...pense le barde. Et c'étaient pas les miens...

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Re: (Nouvelle - ADULTES) Cour d'hiver à Kyuden Bayushi

Message par matsu aiko » 16 oct. 2014, 12:40

Enfin, les portes du shiro se sont ouvertes sur la délégation Crabe. A sa tête, l'impressionnante silhouette de Hida Yakamo, reconnaissable partout dans l'Empire. Equipé comme Yakamo, en armure lourde et tetsubo. Que ce soit une cour d'hiver ne change pas ses habitudes. L'armure rutile un peu plus, peut-être.

Le sourire de Jocho s'est élargi en le voyant arriver. Il se souvient de la lettre d'instructions que lui a remis sa mère. La situation ne manque pas de sel.
Et encore, Yakamo ne connaît pas l'existence de certaine jeune comédienne familière de ses appartements.

- Tu es sûre que je suis obligé de lui parler, à ce misérable chien sans entrailles ?
- Oui, mon seigneur, j'en ai bien peur.
- Bon sang, je déteste quand mon père me fait des coups dans le genre...
- Reconnaissez qu'il ne vous en fait pas souvent.
- Moui... C'est pas faux.

Les larges portes de bois de Kyuden Bayushi se sont ouvertes et refermées sans bruit devant leur délégation. Le Champion du Clan du Crabe a grondé d'un air peu amène et ajouté :
- Je déteste ça. Le silence. Tas de fourbes Scorpions.
- Si je puis me permettre, c'est très réducteur et vous le savez bien, mon seigneur.
- Oui, je sais et je m'en fous.
- On dirait que la perspective de passer cinq mois ici ne vous enchante guère.
- Mais quel guerrier sain d'esprit pourrait être enchanté par ce genre de chose ?
- Moi...
- Comment, Kyoko ? Tu pourrais supporter le voisinage de ces paons enfarinés tout ce temps ?
- En effet. Et cela me fera un bien fou.

Après un instant de stupéfaction, Yakamo éclate de rire et envoie une bonne bourrade dans le dos de son karo, qui n'a que le temps de se cramponner à sa selle pour ne pas verser.
- Mon seigneur, si je puis me permettre, comment comptez-vous aborder le problème que vous a soumis votre père ? Je prends le parti de l'aborder maintenant, tandis que nous sommes encore loin des oreilles indiscrètes. Dans le palais, ce serait trop risqué.
- Tu as le chic pour mettre le doigt là où ça fait mal.... C'est vraiment déprimant.
- Je le sais, mon seigneur, et c'est pour ça que vous me gardez près de vous.

La figure de Yakamo s’allonge. Puis il finit par avouer :
- Pour cette satanée histoire, je n'en ai aucune idée. Le mieux serait peut-être de laisser venir cette raclure et de voir ce qu'il a à proposer. Pour le reste, je lui conseille de ne pas oublier sa position ou je me chargerai de la lui rappeler. Et ça risque de lui faire plus mal que la dernière fois.
- Je n'en doute pas, mon seigneur, mais il serait plus judicieux d'éviter l'incident diplomatique...
- Si tu savais comme je m'en fous, Kyoko... Mais je sais ce que tu vas me dire. L'opium doit parvenir au clan, par n'importe quel moyen.
- Je ne l'aurais pas dit comme ça mais... C'est à peu près ça.
- On verra bien comment ce fumier présentera la chose. Après tout, c'est toujours le fournisseur qui vient démarcher le client, non ?
- Je vois que vous avez bien retenu les leçons de Yasuki Taka-dono, mon seigneur.
- Il vaut mieux. Mon père ne me le pardonnerait pas.
- Non, mon seigneur. Il ne ME le pardonnerait pas.

Les palefreniers en livrée s'avancent pour prendre soin des montures tandis que leurs cavaliers en descendent. Le cliquetis des armures impose le silence aux officiels chargés de l'accueil des invités et le regard gris comme l'acier de Hida Yakamo se charge de figer dans le mouvement le hatamoto qui s'avançait vers eux pour les saluer.

Comme à son habitude, Kyoko prend sur elle de gérer le côté diplomatique de la chose. Son seigneur se contente de chasser d'un geste agacé de la main les Scorpions qui bourdonnent à ses oreilles et de rentrer à grandes enjambées dans le palais, laissant derrière lui son karo en grande discussion.

A défaut d'être familiers, les appartements alloués à la délégation Crabe comportent toutes les facilités qu'un invité exigeant est en droit d'attendre. De la même façon, les parties communes du Palais ont été décorées pour l'occasion avec un goût exquis. La famille Bayushi a fait les choses en grand – tout ce qui était possible pour satisfaire ses honorables invités.

De l'avis de Yakamo, c'est presque trop. Kyoko, en revanche, se sent revivre. De l'eau chaude, des bains privatifs, un futon confortable et des draps secs... Que demander de plus ? Peut-être une nuit de trois heures.

Les jours suivants leur permettent de se mettre à l'aise dans leurs quartiers, et de comprendre le fonctionnement du Palais. Après tout, ils sont là pour cinq mois, rien ne presse.
Ils devront, bien sûr, saluer leurs hôtes.

Les rencontres avec Bayushi Shoju sont toujours hautement impressionnantes et nul n'en ressort indemne. Kyoko le sait et elle a longuement parlé à son seigneur à ce sujet.

- Je me dois de vous dire avant toute chose que j'ai remarqué une singularité dans le comportement des gens qui discutent avec le daimyo du Clan du Scorpion. Il ne vient curieusement à l'idée de personne de lui mentir et je vous déconseille vivement de tenter de vérifier cette hypothèse.
Si nous sommes chanceux, son épouse ne sera pas à ses côtés et il ne lui sera pas possible de vous distraire par l'une de ses oeillades dont elle a le secret.
Ne riez pas, dono, elle serait capable de distraire Shinsei si elle s'en donnait la peine. Sans doute le seigneur Aramoro sera-t-il là, c'est le yojimbo personnel de Dame Kachiko.
Je vous conseille de ne pas prêter attention à Dame Kachiko, même si sa seule présence est troublante, car cela ne pourra que vous porter préjudice. Et si j'ai une seule chose à vous dire, c'est de ne jamais sous-estimer le seigneur Shoju. Il est extrêmement brillant, c'est un fin tacticien politique et il n'a pas son pareil pour exploiter les failles de son adversaire. Nous ne faisons que présenter nos respects, mais il ne s'agit ni plus ni moins d'une véritable épreuve. De son résultat dépendra la façon dont on vous considèrera durant la cour d'hiver. De son résultat et de l'image que vous voulez donner, bien sûr...
- Bien sûr, Kyoko. On me considère comme un buffle sans subtilité aucune mais je porte aussi parfois un masque...

Le karo sourit et inclina la tête.
- Je n'en doute pas, mon seigneur.
- Alors allons-y. On a assez perdu de temps comme ça et je suis fatigué.

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Re: (Nouvelle - ADULTES) Cour d'hiver à Kyuden Bayushi

Message par matsu aiko » 17 oct. 2014, 13:35

Il n'en faut pas plus pour que de ce pas, Yakamo s'engouffre dans le couloir extérieur, son karo lui emboîtant le pas.

- Par ici, dono.

Il y a des gardes à chaque arcade, portant la livrée rouge sang des bushi Bayushi. Aucun d'eux ne bronche sur leur passage.
Leur chemin les mène jusqu'à une large porte de bois ouvragée, à double battant. Et cette fois les statues écarlates s'animent, croisant d'un mouvement fluide leurs naginata à la longue faux étincelante pour leur barrer le passage. Derrière les mempo grimaçants, les regards sont impassibles.

Kyoko s'avance et s'incline devant les deux samurais gardant l'entrée de la salle d'audience du kyuden.

- Samurai-sama, je me nomme Hida Kyoko et je suis le karo du seigneur Hida Yakamo, Champion du Clan du Crabe, représentant de son père et daimyo, mon seigneur Hida Kisada, et invité de Sa Majesté Hantei XXVIII à sa Cour d'Hiver. Il souhaiterait présenter ses hommages à votre seigneur et hôte de la cour de Sa Majesté cet hiver, le daimyo du Clan du Scorpion Bayushi Shoju. Auriez-vous l'amabilité de l'annoncer, je vous prie ?

Les deux samurai ne bronchent pas, mais les portes s'ouvrent, et les deux visiteurs entendent l'annonce relayée d'une voix sonore, accompagnée de la résonance profonde d'un gong.

- Son Excellence le seigneur Hida Yakamo, et son karo, Dame Hida Kyoko !
Les lames s'écartent, et les deux samurai reprennent leur position, impassibles.

Le couloir est long, éclairé d'un mélange de lumière naturelle et de lanternes, un jeu d'ombres changeantes qui rend difficile d'en estimer les dimensions. Le sol est de bois lustré, merveilleusement poli, les côtés ornés de panneaux de bois sculptés et de cloisons coulissantes.

Kyoko s'incline devant le jeune homme et se place un pas derrière lui, conformément à l'étiquette, puis le suit dans le long corridor.
Un endroit idéal pour une embuscade, ne peut-elle s'empêcher de penser. Quelques douzaines d'assassins s'y dissimuleraient aisément.
Une idée stupide. Son hôte est le garant de la sécurité de ses invités. Personne ne risque rien ici. Enfin... En théorie.
Les espions, par contre...

En tout état de cause, ils avancent sans encombre, hormis le léger grincement du parquet. L'air est frais et parfumé, comme s'ils se trouvaient dans un jardin. L'odeur du seringa, et d'autres essences, flotte, légère, jusqu'à leurs narines.
La jeune femme apprécie les délicates fragrances portées par la brise mais tous ses sens sont en alerte. Elle est le karo mais aussi le yojimbo de son seigneur, il est de son devoir de le protéger en toute circonstance.

L'endroit est tout à fait comme elle l'imaginait. Les meubles, les tentures, les tapis, les différents objets décorant les lieux. Il lui tarde de se plonger jusqu'au cou dans les mondanités, les jeux de cour et le tourbillon des soirées animées.

- Votre casque, mon seigneur... Il convient de l'enlever...
- Tu crois ?
- Il me semble, en tout cas. Ce serait faire honneur à votre hôte.
- Oh, dans ce cas...

L'homme porte la main à son visage et hausse un sourcil en réalisant qu'elle s'est gentiment moquée de lui. Il lui lance un regard faussement réprobateur et plisse les yeux.

- Tu vas me le payer, Kyoko.
- Vous êtes un peu plus détendu à présent. Nous pouvons aborder cet entretien avec une certaine sérénité.

Ils arrivent dans une petite cour, où à nouveau deux gardes écarlates se tournent et s'écartent pour les laisser passer. L'endroit où ils pénètrent est assez étonnant. Il est difficile de déterminer s'il s'agit d'un jardin aménagé pour servir de salle d'audience, ou d'une pièce pourvue d'un jardin intérieur. La lumière y coule à flot, et il y a profusion de fleurs. Des lanternes de pierre émane une odeur subtile d'encens.

- Bon sang, combien de li devrons-nous parcourir pour dire bonjour..., grommelle-t-il à voix basse.

Ils suivent un passage semi-circulaire, et au détour d'un bosquet qui est peut-être aussi une colonne, ils se retrouvent fassent à deux silhouettes qui semblent les attendre.

- C'est pas trop tôt.
- Dono, s'il vous plaît...

L'échange a eu lieu dans un murmure et il a fallu à Yakamo les quelques instants qui les séparent d'eux pour se composer une expression neutre.

L'homme est installé sur un haut siège de bois sombre, la femme est assise de trois quarts, à sa gauche. Il porte un haori écarlate sur une armure de maille fine, et un mempo de démon grimaçant masque ses traits. Elle est revêtue d'une somptueuse superposition de soieries et de brocards, rouges vermillon, carmin, écarlate, orangé, pourpre, qui ne dissimule absolument pas les courbes voluptueuses de son corps - de même que le filigrane ouvragé en grand paon de jour qui encadre son ravissant visage ne peut être qualifié de masque.
A leurs pieds, un bassin translucide où se poursuivent des carpes.
L'homme incline légèrement la tête, la femme les regarde approcher avec curiosité.

Yakamo attend d'être à la distance protocolaire pour s'incliner devant son hôte avec déférence, puis devant son épouse sans lui adresser un regard. Son karo l'a bien mis en garde contre le pouvoir de cette magnifique fleur vénéneuse, il ne donnera pas dans son jeu.
Kyoko s'est agenouillée et s'est inclinée front au sol devant le daimyo et son épouse, puis s'est placée près de son seigneur, prête à répondre à la moindre de ses sollicitations.

- Bayushi Shoju-dono, Bayushi Kachiko-hime, c'est un honneur pour moi d'être invité dans votre palais.
- Vous êtes le bienvenu, Hida Yakamo-dono. Vous également, dame Hida Kyoko.

La voix de l'homme est douce, grave. Il énonce les mots avec soin.
Son épouse incline légèrement la tête. Ses yeux sont d'un vert extraordinaire - un vert de pierre précieuse, ou de profondeur marine.

- Avez-vous fait bon voyage ?
- Autant que faire se peut, seigneur Bayushi. Le trajet depuis Kyuden Hida n'est pas si long, après tout.
- Oui, nous sommes voisins, en quelque sorte. Mais même une courte distance n’évite pas les intempéries.
- Elles n'auraient pu m'empêcher d'accomplir mon devoir et d'honorer l'invitation de Sa Majesté à sa cour, et de remercier la famille Bayushi de son hospitalité pour les quelques mois passés dans vos murs.
- Nous vous savons gré de votre présence. Comment se porte votre honorable père ?

Ce que Kyoko traduit immédiatement par : comment se fait-il que ça soit vous et non lui qui soyez là ?

- Il est en excellente santé et vous transmet ses salutations. Il s'excuse de ne pas s'être déplacé mais préfère gérer les obligations hivernales de notre clan en personne.
- C'est bien naturel.

La voix du daimyo est parfaitement égale et mesurée. Dans les prunelles de jade de son épouse danse une lueur d'amusement.

Shoju n'a fait aucun geste, n’a donné aucun ordre, mais un plateau chargé d'une théière, de deux tasses et de minuscules pâtisseries se matérialise soudain devant eux. Ils sont servis avec une égale promptitude, puis le serviteur se volatilise à nouveau dans les feuillages.

- Un peu de thé, peut-être, pour vous remettre de la fatigue du voyage ?
- Très volontiers, je vous remercie.

Yakamo est mal à l'aise mais son karo ne peut que remarquer qu'il gère parfaitement la situation. Parler avec des courtisans n'est pas vraiment son fort et pourtant, il fait d'admirables efforts.
Mais à vrai dire, sous-entendre que la présence à la cour d'hiver ne fait pas partie des obligations du clan du crabe pourrait être mal pris par leurs hôtes. Même si le daimyo a eu suffisamment de tact pour faire diversion.

- Que dites-vous de ce thé ? Il vient de ma réserve personnelle.

Le jeune homme a un sourire quand il prend la tasse et hume le délicat parfum de l'infusion.

- Il est plus fruité que celui que l'on trouve habituellement en provenance des terres de votre clan. Ce n'est pas un thé de l'année... Je dirais qu'il vient des terres de la famille Shosuro. Mais je ne suis qu'un modeste amateur, je peux me tromper.
- C’est une appréciation très juste...il vient bien des terres du clan, et plutôt au sud, mais on lui a appliqué une fermentation particulière, qui lui donne cet arôme distinctif. Si vous êtes amateur de thé, vous trouverez ici j'espère de quoi vous distraire. C'est là une passion que partagent plusieurs de nos honorables invités.

Yakamo résiste à l'envie de répliquer que c'est une passion qu'il préfère partager avec des gens qu'il apprécie. Ce serait fort malvenu dans une conversation somme toute courtoise, à défaut d'être cordiale.

- Si vous le souhaitez, je peux en faire livrer à vos appartements, poursuit le daimyo, tandis que Kachiko a un léger sourire.
- Je vous remercie de cette attention, seigneur Bayushi, j'accepte bien volontiers.

Il n'est pas du genre à s'embarrasser des trois refus pour un simple paquet de thé.

- Vos quartiers sont-ils à votre goût ?
- Parfaits, absolument parfaits. L'hospitalité du Clan du Scorpion est à la hauteur de sa réputation et c'est avec grand plaisir que nous en profiterons.
- Je m'en réjouis. Si jamais vous manquiez de quelque chose, n'hésitez pas à en faire part à mon intendant, qui se fera un plaisir de satisfaire votre demande. Avez-vous déjà participé à une cour d'hiver, Yakamo-dono ?
- Les Fortunes m'avaient jusqu'à présent préservé de la chose.
- Je conçois que cela puisse paraitre une épreuve, commente Shoju d'un ton égal.
- Je ne l'envisage pas de la sorte mais c'est un bon résumé.
- Une cour d'hiver est néanmoins un bon endroit pour conclure des alliances...quelle qu'en soit la nature.
- Notamment matrimoniales, renchérit Kachiko, prenant la parole pour la première fois depuis le début de la conversation.
- Je me marierai quand mon père l'aura décidé et pas quand une meute de courtisans prétendra en avoir eu l'idée, rétorque froidement Yakamo sans se donner la peine de regarder celle qui vient de s'immiscer dans la conversation.
- Mais vous avez raison, seigneur Bayushi, enchaîne-t-il avec aménité, c'est une période propice à ce genre de chose.

Délibérément, il écarte cette femme de leur échange. De quoi se mêle-t-elle donc ?
Près de lui, Kyoko retient un mouvement nerveux. Si la Mère de tous les Scorpions se pique de lui trouver une épouse, il lui sera très difficile de le tirer de ce mauvais pas.

Kachiko a un petit rire de gorge.

- A défaut d'une meute de courtisans, il suffit d'une famille noble pourvue d'une jeune fille à marier, et désireuse de s'allier aux nobles Hida…murmure-t-elle d'une voix suave.

Shoju a une imperceptible hésitation, et ajoute :

- Si votre famille avait ce dessein, vous pouvez vous appuyer sur le jugement de mon épouse, il est très sûr.
- Je m'en passerai. Si ma famille a ce dessein, je pense qu'elle se débrouillera bien toute seule.

Bayushi Kachiko va trop loin. Il est des sujets qu'il ne vaut mieux pas aborder en présence de Yakamo, et cela inclut une éventuelle union.

- Sumimasen, dono... Le seigneur Yakamo est certain que le seigneur Kisada ne manquera pas de remercier votre honorable épouse pour le concours qu'elle voudra bien prêter au Clan du Crabe dans cette éventualité.

Kyoko prend le parti d'arrondir les angles, quitte à se faire taper sur les doigts plus tard. Elle adresse un sourire aimable et un remerciement muet à la dame Bayushi.

Le daimyo Bayushi fait comme s'il n'avait pas entendu la réplique abrupte de Yakamo, et reprend d'un ton égal :

- Indépendamment de la volonté de votre famille, ou d'une aide de notre part, votre présence ici, Yakamo-dono, n'est pas sans conséquence, comme celle de n'importe quel fils de daimyo de clan encore célibataire. Il y aura immanquablement des approches à ce sujet. Comme c'est la première fois que vous assistez à une cour d'hiver, autant vous y préparer.
- Mon karo et moi en avons déjà discuté mais je vous remercie de votre sollicitude. Nous prendrons bien garde à examiner toutes les propositions que nous recevrons.

Même si je suis sûr qu'elles seront inexistantes, pense-t-il.

- Vous pourrez traiter vos autres affaires avec toute la confidentialité nécessaire. Des petits pavillons ont été prévus à cet effet.
- Je vous remercie de m'informer de cela en personne, seigneur Bayushi.

Kachiko n'a rien ajouté, mais son sourire est amusé, presque tendre. Le sourire du chat qui voit débarquer un souriceau nouveau-né dans sa gamelle.

- Vous êtes nos invités, je ne saurais faire moins, répond poliment le daimyo.
- Bien, je ne vais pas vous déranger plus longtemps, vous avez sans doute d'autres invités à recevoir et je ne vais pas monopoliser tout votre temps.

Sans attendre que leur hôte leur donne congé, Yakamo salue Shoju et son épouse puis se lève, imité par son karo.

Le daimyo ne relève pas la brèche faite à l'étiquette, mais commente tranquillement :

- Ah, une dernière chose, Yakamo-dono. Comme vous l'avez certainement compris, tout le monde ici porte un masque. Ne vous trompez pas dans le choix de vos alliés.
- Ce qui m'étonnerait beaucoup, c'est que nous en ayons, seigneur Bayushi.
- Ni dans le choix de vos ennemis.
- En général, personne ne se trompe dans le choix de ses ennemis.

Le jeune homme s'incline à nouveau puis sort, suivi par un karo consterné.

- En êtes-vous bien sûr Yakamo-dono...murmure Shoju après son départ.

Il se tourne vers son épouse. Kachiko a un petit rire, et sourit de ses dents blanches, très blanches de bête de proie.

- Délicieux, tout à fait délicieux. Cette cour d'hiver va être une réussite.

Shoju secoue la tête.

- Je ne suis pas sûr que Kisada ait vraiment réalisé ce à quoi il l'exposait. Heureusement que le Champion d'Emeraude est présent, cela devrait limiter les pires débordements.
- Allons, mon époux, ne vous tracassez pas. Je suis sûre que tout se passera bien.

Après un instant elle ajoute :

- Je vais même m'en assurer personnellement.

* * *

- Dono, souhaitez-vous un peu de saké ?
- Non, je veux aller au dojo. Cette putain fardée m'a donné des envies de meurtre.
- Dono, s'il vous plaît, n'employez pas de telles expressions ici. Cela ne sert pas le Clan du Crabe.
- C'est sa présence ici qui ne le sert pas, Kyoko. Tu le sais très bien.
- Tout ce que je sais, c'est que votre père vous a chargé de le représenter à la cour de Sa Majesté le temps d'un hiver et qu'à peine arrivé, vous manquez nous mettre au plus mal avec notre hôte. Avouez que c'est un peu difficile.
- Tu m'agaces, Kyoko.
- Sumimasen, dono.

La jeune femme garde le silence. Il est impossible quand il est de mauvaise humeur et Kachiko est arrivée à ses fins en le provoquant. Maintenant, il va falloir déployer des trésors d'imagination et trouver des appuis un peu partout pour contrer ses manoeuvres, et elle n'est pas sûre d'y parvenir...

Elle n'ose pas penser à la négociation à venir, celle qui concerne l'opium, avec les Shosuro.
Plus précisément, avec Shosuro Jocho.

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Re: (Nouvelle - ADULTES) Cour d'hiver à Kyuden Bayushi

Message par matsu aiko » 18 oct. 2014, 13:30

Quelques jours ont passé. Yakamo a un peu décoléré mais il tourne comme un lion en cage. Seules les séances au dojo parviennent à le calmer.
Décidément, cette cour d'hiver est une épreuve bien plus difficile que ce à quoi il se serait attendu...

Son karo a fort à faire pour le convaincre d'accepter les différentes invitations qu'il reçoit et les soirées auxquelles il est convié. Il y met d'ailleurs une mauvaise volonté évidente...

A sa décharge, comme annoncé par leurs hôtes, il est un des centres d'attraction principaux pour les familles de tous clans ayant une jeune fille à marier. Sa large stature l'empêche de toute façon de passer inaperçu.
Un fils de daimyo célibataire, c'est une proie à ne pas laisser passer. Surtout quand il s'agit du fils du champion du clan du crabe.

Kyoko doit bien avouer qu'elle prend un certain plaisir à le voir patauger dans un monde qu'il méprise habituellement. Elle pense de toute façon qu'il serait bon pour lui de fonder une famille, cela l'assagirait considérablement en lui donnant un autre sens des responsabilités.
Yakamo n'est pas vraiment un homme à femmes. Il apprécie la chose, mais n'en abuse pas, ce qui est le cas de nombre de samurais du Clan du Crabe.

On pense souvent que le fait de côtoyer la mort tous les jours les rend très épicuriens. Or devoir être prêt à partir dans la minute fait que les distractions sont souvent programmées durant les permissions les plus longues. Histoire de ne pas être coupé en plein élan...

Mais même si Yakamo était un homme à femmes, les jeunes filles rougissantes et fardées qui minaudent timidement derrière leur éventail et leurs longues manches de soie brodée, exhibées par leurs parents comme des bijoux de prix, sont aussi différentes d'une distraction de soldat qu'un objet d'art peut l'être d'un balai.

En sa qualité de karo du seigneur Yakamo, elle reçoit tous les matins plusieurs représentants de clan qui tentent de lui vendre une fiancée. Elle rencontre parfois les jeunes filles concernées et elle doit bien avouer que rares sont celles à ne pas appréhender la possibilité de devenir l'épouse du fils du Grand Ours.

Que ce soit la peur de l'Outremonde ou celle du futur fiancé, cette peur est bien présente et fait que ces candidatures sont impitoyablement écartées par Hida Kyoko. Il faut à son seigneur une femme de caractère, qui ait de la poigne et qui sache se faire respecter. Et elle a bien l'impression que ce n'est pas par là qu'ils trouveront la perle rare.

Ils viennent de sortir d'une autre de ces réceptions fastidieuses, où Kyoko a eu du mal, luttant contre une forte envie de rire, à extraire son seigneur d'une meute de courtisans le harcelant de questions sur ses perspectives matrimoniales.

- J'en ai assez, Kyoko, plus jamais ça ! éclate Yakamo dès le seuil franchi.
- Ils me prennent pour un étalon, ou quoi ?
- Mon seigneur, je suis navrée de vous le dire aussi brutalement mais il y a des chances pour que cela se reproduise souvent durant l'hiver. Ce n'est pas tant votre capacité à la reproduction qui les intéresse, mais le fait que vous soyez célibataire...
- Qu'ils aillent faire saillir leurs pouliches ailleurs !

La jeune femme ferme un bref instant les yeux. Décidément, il est impossible.

- Faites au moins semblant de vous intéresser à la chose. Ils relâcheront un peu la pression.

Il faut dire qu'avec toutes les visites à la délégation du clan du Crabe, les rumeurs vont bon train.
Tous souhaitent avoir la primeur des alliances qui vont peut-être se concrétiser.

- Si vous souhaitez que l'attention se détourne un peu de vous, je vous suggère de me laisser faire une liste des officiers de votre état-major bons à marier et de laisser filtrer un certain nombre de noms. Ils me haïront, mais c'est pour la bonne cause.

Yakamo grogne quelque chose.

- Excusez-moi, dono, vous m'avez parlé ?

Il s'interrompt soudain.
Dans le couloir, arrive un petit groupe, en tête duquel avance la dernière personne qu'il a envie de voir, à part, peut-être, Bayushi Kachiko. Un homme jeune, athlétique, aux longs cheveux noirs, portant sur son kimono de soie noire les entrelacs de la famille Shosuro.
Fortunes, il ne manquait plus que lui

- Hida Yakamo-dono ! Quelle bonne surprise ! s'exclame jovialement l'arrivant. Cela faisait longtemps !
- Hida Kyoko-sama, mes hommages.

Yakamo se mord la langue pour ne pas répondre quelque chose de sanglant à son entrée en matière.

- Shosuro Jocho-sama.

Il n'ajoute rien de plus, ce n'est pour lui ni une bonne surprise, ni la fin d'une attente.

- Pour vous servir, répond l'interpellé en effectuant une courbette impeccable.
- Alors, comment se passe votre séjour à Kyuden Bayushi ?

Kyoko s'incline respectueusement devant le jeune homme et lui sourit avec discrétion.

- Bien. Sans plus, répond l'autre, laconique. Et vous ?

Jocho l'examine avec attention. Ce n'est pas très difficile de deviner que le bouillant héritier du clan du Crabe doit difficilement supporter la transplantation depuis le Mur.

- Très bien, je vous remercie. Même si cette cour d'hiver est probablement ma dernière période d'heureux célibataire...

Il a une grimace comique.Yakamo hausse un sourcil.

- Condoléances.

Jocho hausse les épaules.

- Eh oui. Mon honorable mère n'a rien trouvé de mieux qu'une alliance avec la famille Matsu.
Ma seule consolation, c'est que ma promise a décliné de participer...

Son interlocuteur ne sait trop quoi répondre à cette confidence dont il n'a rien à faire. Sa méfiance est toujours aussi vive, il se souvient de cette soirée à la maison de thé où ce fils de chien a réussi à le faire sortir de ses gonds.
Le résultat final de ses manipulations a été la rupture la plus douloureuse que Yakamo ait connue, et qu'il n'a pas encore digérée.

- Bon, vous voulez quoi ? Ce n'est pas pour me raconter votre vie que vous me parlez, alors abrégez.
J'ai des choses à faire.

Toujours aussi fin, je vois…pense Jocho. Sans se démonter, il poursuit avec entrain :

- Ha, je vois que vous avez toujours le mot pour rire ! Que diriez-vous de faire une partie de chasse, ou d'aller découvrir les meilleurs sakés des terres du Scorpion, histoire de varier les plaisirs ?
- Le mot pour rire... Tu vas voir, le mot pour...

Un coup de coude dans ses côtes, discret mais appuyé, de son karo, le rappelle à la réalité et il arrête de grommeler des propos forcément désobligeants.

- Une chasse ? Une chasse... Une chasse à quoi ?

Son interlocuteur poursuit, une petite lueur dans les yeux :

- Une chasse au cerf, qui pourrait vous changer agréablement de la chasse au fiancé, le sport national de la cour...Oh, ce n'est pas la peine de protester, Yakamo-dono, je sais ce que c'est, achève-t-il, amical.
Et puis en fait, nous pourrions peut-être combiner les deux : chasse au cerf ET saké. Je connais justement une petite auberge dont vous me donnerez des nouvelles...
- Quand ? lâche simplement l'autre pour ne pas être désagréable devant cette sollicitude feinte. Faut pas la lui faire, il sait parfaitement qu'il n'en a rien à faire, de ses problèmes.

Le Scorpion hausse un sourcil.

- Demain ?
- Demain, à la moitié de l'heure du Tigre. Kyoko, tu vois avec son karo pour les détails techniques.
- Hai, dono.
- Eh bien voilà ! s'exclame Jocho. Une bonne chose de faite ! A demain, Yakamo-dono. Kyoko-sama, s'incline-t-il.
- A demain.
M'énerve avec sa bonne humeur d'hypocrite... murmure Yakamo en s'éloignant rapidement.
- Shosuro Jocho-sama. Je passerai voir votre karo après le déjeuner, pour l'heure de Doji.
- Parfait. Kyoko-sama, je me dis parfois que vous gâchez vos talents. Tant de beauté associée à tant d'efficacité....

Il a un sourire appréciateur.

- Je n'ai pas cette impression, Shosuro Jocho-sama. Le Clan du Crabe a besoin de mes talents et ils sont à son service. Je vous souhaite une bonne journée.
- Kyoko ! On y va !

Elle s'incline gracieusement devant lui et rejoint son seigneur sur un dernier sourire.

Jocho les regarde s'éloigner, un sourire ironique aux lèvres. Il espère que Yakamo a entendu le compliment lancé à son karo. Rien que la fureur latente de Yakamo est un plaisir en soi.

Cette partie de chasse sera l'occasion parfaite pour aborder le sujet qui leur a été confié par leurs parents respectifs : négocier les contrats d'opium entre le clan du Scorpion et le clan du Crabe en toute discrétion. S'il s'en remettait à Yakamo pour prendre l'initiative, cela tournerait certainement au désastre.

- Allons mes amis, je crois qu'il y a un jeu organisé dans les jardins, lance-t-il gaiement, avant de s'éloigner en sifflotant.

- Je vais t'en coller, du talent gâché... Baka...
- Dono, ignorez-le. Il ne cherche qu'à vous provoquer, vous le savez bien.
- Il m'énerve. Un de ces jours, il va dépasser les bornes et je l'écraserai comme un sale cafard qu'il est.
- Venez, dono, nous avons des choses à régler pour demain.
- Oui... Enfin, il a bon goût. Il a remarqué que je m'étais attribué la plus jolie des samurai-ko de mon clan...
- Dono... Ne cherchez pas à détourner la conversation.

Yakamo éclate de rire et tourne dans le couloir, direction ses appartements.

- Une liste d'officiers, disais-tu ? Viens, on va s'en occuper, ça me changera les idées !

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Re: (Nouvelle - ADULTES) Cour d'hiver à Kyuden Bayushi

Message par matsu aiko » 19 oct. 2014, 12:29

- J'ai pas envie d'y aller.
- Il ne fallait pas lui donner rendez-vous, dono. Maintenant, il faut y aller.
- Tu m'énerves, Kyoko.
- Je sais, je suis votre bonne conscience.

En grommelant, Yakamo termine de se préparer et suit son karo dans les couloirs du kyuden. Il subira ce chien jusqu'à la fin de la cour d'hiver, apparemment...

A l'écurie, les chevaux sont déjà sellés et prêts à partir.

Jocho et son escorte l'attendent dans la cour, équipés de pied en cap. Sur son épaule le fils du gouverneur porte un carquois de flèches à l'empennage noir corbeau. A la main il tient un grand arc. Ses compagnons sont équipés d'arcs et de lances. Un piquier retient à grand peine une meute de chiens.
Le Scorpion se tient dans sa selle avec une parfaite aisance.

Yakamo enfourche sa monture, une solide monture du Clan de la Licorne, et attend que son karo le rejoigne avant de se porter à hauteur de Jocho.

- Ohayo, Shosuro Jocho-sama.

Tiens, il a décidé d'être civil aujourd'hui ? se dit Jocho in petto.

- Bonjour, Yakamo-dono. Avez-vous bien dormi ?
- On peut pas se plaindre.

Bon, je retire ce que j'ai dit, ce n'était que très temporaire…commente mentalement Jocho, moqueur.

- Et vous, Kyoko-sama ?
- Excellement bien, je vous remercie. J'espère que vous avez passé une bonne soirée. Nous sommes chanceux, nous avons beau temps pour cette chasse, n'est-ce pas ?
- Oui, magnifique. Une journée idéale, sourit-il. Allons-y, si vous le voulez bien. Les chiens ont senti une trace un peu plus tôt ce matin, et il vaut mieux les suivre tant que la rosée ne s'est pas encore évaporée.

Il presse des genoux les flancs de sa monture et la troupe s'ébranle.

L'air est vif, le ciel très bleu. A l'ombre des arbres il y a des traces de givre. Une belle journée pour la chasse.
Dès la sortie du kyuden les chiens donnent de la voix. Ils sont heureux, eux aussi, de courir en toute liberté.

Yakamo se détend alors qu'ils chevauchent dans la plaine. Les épais murs de Kyuden Bayushi le mettent mal à l'aise et il a hâte de retourner chez lui. Même avec la désagréable compagnie de cet avorton, l'air frais lui fait du bien.

Ils adoptent un petit trot soutenu, suivant les chiens qui aboient toujours.
Tout d'un coup, les aboiements gagnent en intensité. Ils ont retrouvé la trace.
Un des piquiers examine le sol avec attention, puis se précipite vers Jocho.

- C'est un dix-cors, Jocho-dono !

Le bushi se tourne dans sa selle avec un large sourire.

- Décidément les Fortunes nous sourient aujourd'hui !
- Hé bien commençons la traque, dans ce cas !

L'autre lui répond par un large sourire, bande son arc, et pique des deux.

Oh, je sens qu'on va avoir droit à une belle démonstration de virile supériorité...
Kyoko fait un signe discret aux samurai de l'escorte et ceux-ci se déploient pour couvrir leurs flancs et leurs arrières.
L'escorte Shosuro a fait de même, laissant leurs deux seigneurs avoir la primauté de la traque.
La jeune femme échange un regard de connivence avec son homologue Scorpion et colle au train de Yakamo. Il ne peut rester sans karo, même pendant une chasse.

Yakamo lâche les rênes de sa monture et entreprend de la guider avec ses seuls genoux, tandis qu'il encoche une flèche et tente de passer devant Jocho.
Il n'aime pas chasser avec des chiens, ce n'est pas un défi assez grand pour lui. Les aboiements les guident dans la bonne direction à l'orée de la forêt.

Mais bien que sa monture soit plus grande, il ne parvient pas à rattraper l'autre, plus léger et meilleur cavalier. S'apercevant de ses efforts, Jocho écarte du genou sa monture, permettant courtoisement à Yakamo d'arriver à son niveau.

- Il est par là ! crie-t-il, pointant un peu à l'est des chiens.

Cela lui fait mal au ventre mais ce dernier le remercie d'un signe de tête, puis pique des deux sur la piste du cerf, talonné par son karo attentif aux changements dans son environnement.
Le Scorpion relâche un peu le mors, et sa monture s'envole, légère, dans la même direction.
Vers la gauche s'étendent des collines boisées. Si le cerf se trouve dans ces bois il leur faudra s'approcher pour avoir une chance de l'atteindre.

- Espèce de sale bourrin ! Avec ce que tu me coûtes en avoine, tu pourrais bouger ton arrière-train et rattraper ce bâtard, non ?

L'animal avance en martelant le sol comme la machine de guerre qu'il est. Mais il est désavantagé par le terrain meuble, et la montée risque d'accroître l'écart avec la monture de l'autre, plus petite mais aux attaches fines.

- J'irais plus vite à pied, inutile canasson !

Yakamo se dresse sur les étriers et penche son poids vers l'avant pour soulager le cheval. Avec un peu de chance, il avancera plus vite...

Jocho attaque la pente par le travers, encourageant sa monture du corps et de la voix. Il jette un coup d'oeil derrière lui, et constate amusé les efforts frénétiques du bushi Hida. Il s'en tire plutôt bien, en fait. Mais il a trop l'habitude de se déplacer en armure lourde, et sa monture relève de la même problématique. Ici, c'est une question d'agilité et d'adresse.
Un peu à droite, retentissent toujours les aboiements frénétiques de la meute.

- Saloperie... Je te vends quand on rentre. Je jure que je te vends. A la famille Yasuki...

Les aboiements deviennent assourdissants. Le cerf ne doit pas être loin.

- Tu serviras de farce aux gobelins du Mur ! Ils te déchiquèteront sans pitié ! Et je te remplacerai par un foutu palanquin.

Là, juste devant, un éclair roux tacheté. Jocho a le temps de voir deux grands yeux humides, des bois larges et veloutés.
Yakamo, à plus grande distance, a une meilleure vue sur leur proie. Il tente le tir.
Il n'a pas la monture la plus rapide, mais il n'est pas mauvais avec un arc à la main.

Jocho bande son arc, lâche sa flèche, visant juste à la gauche de la tête de l'animal. Le cerf, surpris, change brusquement de trajectoire.
La flèche siffle et va se planter sans dommages derrière. Jocho sourit. Là, Yakamo aura une meilleure chance de l'atteindre.

- Il est à vous, Yakamo-dono ! crie-t-il.
- Le chien... C'est qu'il voudrait me faciliter le travail en plus !

Jocho encoche une nouvelle flèche. Le cerf vient de lui passer juste devant, le tir est facile, trop facile, en fait. Il attend que son invité tire, puis décoche sa flèche.
Yakamo s'est rendu compte de la manoeuvre trop tard pour pouvoir corriger la trajectoire de son propre trait.
Le cerf bronche, blessé, sous l'impact de la flèche empennée de noir, mais il est encore debout, et dévale en brâmant la pente.
Yakamo encoche une autre flèche et se concentre. Il déteste faire souffrir les animaux pour rien. Cet animal a droit à une mort rapide.
La corde de l'arc chante et le cerf s'effondre, frappé en pleine gorge.
Jocho sourit, satisfait, tout en aidant sa monture à redescendre tranquillement la pente.

- Remarquable tir, Yakamo-dono !
- Vivement que je rentre. Je perds la main.
- Après cela, chacun sa spécialité. Je ne me hasarderai pas au tetsubo.
- Sans commentaire...

Le jeune homme n'est pas loin de penser que le simple poids de l'arme le ferait basculer en arrière. Bon, peut-être pas.

- Bon, on va le boire, ce saké ?
- Absolument !

Jocho fait signe à ses suivants, qui s'approchent du cerf.

- Ils s'assureront de sa présence à votre table ce soir, Yakamo-dono.
- Hmmm... Merci...

Il range son arc et pousse son cheval en direction de la route en contrebas.

- Elle est loin, cette auberge ?
- Une petite heure de route, tout au plus.
- Alors on y va !

L'escorte du Clan du Crabe se déploie à l'arrière, laissant le soin au Scorpion d'ouvrir la marche.
Jocho guide nonchalamment sa monture des genoux, tout en entonnant gaiement une chanson de route.
Son voisin lui adresse un coup d'oeil en coin, hausse un sourcil incrédule. Quelle mouche le pique, maintenant ? Il se prend pour un acteur de kabuki ?
Jocho lui jette un regard amusé.

- Eh bien, ça ne se fait pas chez vous, Yakamo-dono ?
- Pas tellement, non. Surtout dans le voisinage d'un Champion de clan, en fait...Tu as déjà fait ça, Kyoko ?
- Même pas des chansons à boire ? demande Jocho, incrédule.

Son karo se met à rire.

- Les chansons à boire, ça ne compte pas, Shosuro Jocho-sama.
- Ha quand même...
- Hé oui, les chansons à boire sont communes à tous les clans. Nous en avons quelques-unes qui sont très... imagées...Mais je pense que l'ambiance nécessaire à leur reprise en choeur manque, vous en conviendrez.
- Bah...si le saké de l'auberge est à la hauteur de ce dont je me souviens, on peut y remédier.
- Non. La dernière fois que j'ai plaisanté avec vous, je l'ai regretté. Alors ça n'est pas près de se reproduire, gronde Yakamo en plissant les yeux. Et je ne suis pas près de l'oublier...
- Tss... ne gâchez donc pas le plaisir de la chasse, Yakamo-dono. Il fait beau, nous venons d'abattre une bête magnifique, nous allons bientôt nous restaurer, que demander de plus ? Et je suis sûr que Kyoko-sama partage mon avis, ajoute-t-il avec un clin d'oeil.
- Ne me demandez pas de répondre... Vous pourriez être surpris.

Kyoko approuve.

- En effet, profitons de l'instant présent, dono. Les occasions comme celles-là sont rares. J'espère que l'auberge où vous nous emmenez est à la hauteur de la réputation de votre clan.

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Re: (Nouvelle - ADULTES) Cour d'hiver à Kyuden Bayushi

Message par matsu aiko » 20 oct. 2014, 12:15

L’auberge est un établissement simple et bien tenu, dont le propriétaire se plie en quatre en les voyant arriver. C'est aussi un relais de chasseur, comme en témoignent les nombreux bois accrochés au mur.

- Hé bien ça ne nous dépaysera pas de l'ambiance de ce matin...
- Que peux-tu nous offrir, Uso ?
- Le sukiyaki est excellent, Shosuro-sama. Et j'ai toujours le meilleur saké de la région.
- Tu en mets six et tu amènes ta jarre. On a pas que ça à faire.
- Hai, Hida-sama !

L'aubergiste disparait aussi vite que s'il s’était volatilisé.
Quelques instants plus tard, apparaissent des assiettes remplies à ras bord de viandes et de légumes, et un plat brûlant dans lequel mijote une sauce brune et odorante.

- Voilà...
- Merci. Du thé pour la dame.

L'aubergiste pose des coupelles à saké, et le plus gros pichet qu'il ait pu trouver, après avoir jaugé la carrure de ses invités.
Puis il repart en cuisine pour s'occuper du thé.

Yakamo envoie sa grosse main vers le plat mais un regard de la dame assise à ses côtés le fige dans son élan.
Il a un mouvement d'humeur et grommelle quelque chose d'inintelligible, mais la laisse faire le service.

- En fait, il faut faire mijoter la viande et les légumes dans la sauce, indique Jocho aimablement, joignant le geste à la parole.
- Ah, tu vois ! Laisse faire les grands.

Il dispose adroitement des lamelles de poulet, de courgette et de chou dans le plat central, les laissant saisir quelques instants d'un côté, puis de l'autre, avant de retirer la viande caramélisée à point et de la disposer dans l'assiette de Kyoko sans faire tomber une goutte.

- Kyoko-sama, si vous voulez bien vous donner la peine.
- Merci infiniment, Shosuro Jocho-sama.

Elle goûte ce qu'il a préparé pour elle et apprécie le goût des ingrédients et de la sauce, le croquant des légumes.

- C'est tout à fait délicieux.

Constatant que le plat est à leur goût, Jocho s'incline courtoisement.

- Si vous voulez bien m'excuser quelques instants.

Il se lève et s’en va glisser quelques mots à l'aubergiste. Quelques instants plus tard, celui-ci repart avec d'autres assiettes chargées de riz et de brochettes, cette fois à destination de leur escorte.
Jocho vient se rasseoir.

- Bon, on cause tant que je suis de bonne humeur ?

Droit au but, comme d'habitude. Autant de finesse qu'un tetsubo.
Mais ce n'est pas plus mal qu'il entame le sujet.

- Oui, nous avons quelques affaires à régler pour le compte de nos clans respectifs, n'est-ce pas, répondit Jocho en servant généreusement Yakamo en saké.

Son interlocuteur regarde sa coupe et se souvient d'une certaine soirée sur l'île de la Larme, plisse les yeux. Son poing massif se serre sous la table mais il ne bronche pas. Cette fois-ci, il ne l'aura pas.

- Oui. Autant s'y mettre tout de suite.
- Très bien. Quels sont vos besoins ?

Autant se montrer aussi direct que lui.

- Nous avons la seconde armée de l'empire en nombre mais la première en qualité, contrairement à ce que le Lion pense. Nos besoins sont considérables.
- Epargnez-moi l'article, je vous prie. De quelles quantités avez-vous besoin ?
- Commencez pas ou ça va pas bien se passer.
- Je vous pose une question simple.

...Mais c'est peut-être au-delà de ses capacités, pense-t-il.

- Et moi je vais te donner une réponse simple. Tu restes à ta place ou ça va pas bien se passer. Aujourd'hui, y'a personne pour m'arrêter. C'est clair ? Alors arrête de te la jouer provocation ou tu risques de prendre cher pour pas grand-chose.
- Très bien.

Il se lève.

- Je croyais que vous aviez besoin de certaines choses sur le Mur, mais visiblement je me suis trompé.
- Tu t'assois et tu négocies avec moi. C'est ce que ta mère veut, c'est ce que mon père veut. Je me fous de tes états d'âme comme tu te fous des miens. Tu dois décrocher ce marché et moi, je dois ramener ta camelote. On n'a pas le choix. Maintenant, si tu veux te barrer, ça me pose pas de problème. Je pourrai toujours trouver ce qui m'intéresse ailleurs.

Toi, mon gros, tu ne perds rien pour attendre... Et on n'a pas gardé les cochons ensemble.

- Si vous vous décidez à rester civil, la discussion reste ouverte.

Il se rapproche pour s'asseoir.

- Mais je peux être parfaitement courtois quand je le désire, Shosuro Jocho-sama. Et surtout quand on ne cherche ni à me prendre pour un imbécile, ni à me faire sortir de mes gonds.
Nous pouvons continuer cette conversation de manière parfaitement civile si vous ne faites ni l'un ni l'autre. La balle est dans votre camp.

Jocho hausse les épaules.

- Je vous ai simplement demandé vos besoins. Libre à vous de trouver la question polémique.

Les yeux de Yakamo se plissent d'une façon menaçante et il s'apprête à répondre vertement, mais la main de son karo se pose avec douceur sur sa manche et il ravale une réplique cinglante.

- Des besoins pour 350.000 hommes, environ.
- D'accord. Mais avec quelle fréquence d'utilisation ? Exceptionnelle, ou régulière ?
- Régulière.

Tous camés...bon, il doit pouvoir se baser sur les marchandises qui transitent par le quartier des pécheurs, alors.
Jocho fait un rapide calcul d'après les indications données par Hyobu, et parvient à un nombre astronomique. Non, ce n'est pas possible. C'est deux fois la récolte complète du clan.

- Quelles quantités recevez-vous habituellement ? demande-t-il, prudent.
- Dix cargaisons par mois.

Jocho fait la grimace. Cela reste des quantités énormes.

- Nous devrions pouvoir couvrir ces besoins...Mais de quelle monnaie d'échange disposez-vous ?
- De koku. C'est la monnaie qui a cours dans ce pays, vous l'ignoriez ?

Jocho réprime un commentaire ironique. Le gros balourd tente de faire de l'humour, maintenant...

- C'est parfait. Notre prix habituel pour une cargaison par mois est de ...
Il annonce un chiffre en ligne avec les indications de Hyobu.

- Qui parle de prix habituel ? Nous sommes là pour négocier, pas pour conclure sur un "prix habituel".

Oui, de la négociation au tetsubo, je vois ça...soupire intérieurement Jocho. Lui qui a toujours eu horreur de marchander, le voilà servi. Son honorable mère lui a vraiment fait un cadeau empoisonné.

- Très bien, quelle est votre proposition ?
- 30% de moins.
- Impossible. Rien que le trajet jusqu'au mur coûte au moins 20 % de plus que le tarif que je vous ai indiqué.
- Sauf si nous nous occupons de l'acheminement depuis vos frontières, Jocho-sama, glisse la voix douce de Hida Kyoko dans un murmure délicieux.
- Bon...10 % de moins, et vous vous chargez du transport.
- Non, puisque ça vous coûte 20 de plus pour amener la marchandise jusqu'au Mur...
- Exactement. Ca fait 30 % de réduction.
- Vous avez une drôle de manière de calculer les réductions.

Jocho écarte les mains avec un sourire affable.

- J'ai des consignes.
- Et moi aussi.
- Mais vous faites une bonne affaire, Yakamo-sama.
- Non, je paie 20 de trop, ce n'est pas une bonne affaire.

La discussion se poursuit. Mais à la grande surprise de Kyoko, qui s'attend à chaque instant à ce que les deux hommes en viennent aux mains, elle finit par se conclure par un accord. Accord autant dicté par l'impatience des deux hommes à conclure que par leur soif grandissante.
Yakamo a fait d'énormes efforts pour ne pas lui enfoncer la tête dans la table...
Jocho a fait de son mieux pour ne pas envoyer trop de banderilles dans le taureau écumant.

- Bon, on le boit, ce saké ?
- Ce sera la meilleure chose de la journée.

C'est bien la première fois qu'ils sont d'accord sur quoi que ce soit.
Jocho sert une large rasade à Yakamo, avant de se servir lui-même.

- Mouais... lâche l'autre après avoir avalé le contenu de sa coupe. On peut vous reprocher un tas de choses, mais pas de ne pas savoir faire le saké. Il est excellent.
- Je sais, lâche le premier après avoir lampé le sien. Merci, rajoute-t-il après réflexion.
- Ah ouais, la classe, y'a pas à dire...Vous ne détoneriez pas sur la Muraille.

Non, c'est que cette auberge fait le meilleur saké de la région... et que j'ai horreur de me répéter. Plutôt que de répondre de façon acerbe, Jocho ressert son invité.

- Kyoko, trouve-moi une jarre de ce saké et envoie-la à mon père... Avec mes compliments... ajoute Yakamo ironiquement.
- Hai, dono.
- Je suis ravi que ce saké trouve grâce à vos yeux, Yakamo-dono.
- Hmmm... Je sais reconnaître quand je savoure quelque chose de bon.
- Permettez-moi d'offrir la jarre destinée à votre honorable père.

Sa mère ne pourra pas dire qu'il n'a pas fait d'effort. Au lieu de vendre de l'opium, le clan du Scorpion ferait peut-être mieux de vendre du saké.

- Il en sera ravi et je vous en remercie.

Yakamo a un sourire et hume avec application l'alcool.

Quelques flacons plus tard, l'ambiance s'est nettement détendue.
L'un et l'autre se sont déchargés d'une tache désagréable, et finalement, ça ne s'est pas si mal passé que ça.
Les troupes ont, suite à un signe de tête de Jocho à l'aubergiste, également bénéficié d'un excellent saké, quoique d'une qualité légèrement inférieure à celle qui leur a été servie.
Il n'en faut pas plus pour qu'une alliance entre les nobles familles Hida et Shosuro apparaisse presque comme une évidence naturelle. La fraternité de l'alcool, soyons honnêtes, y fait pour beaucoup.

C'est d'excellente humeur, quoique tanguant légèrement, que ce petit monde regagne le Palais.
Jocho arbore un large sourire.

- Hé bien, c'était un plaisir. Excellente journée à vous, Yakamo-dono. Kyoko-sama.
- Bonne journée à vous, Jocho-sama.
- Au revoir, Shosuro Jocho-sama.

Les deux groupes se séparent, les deux escortes avec des salutations plus familières qu'il n'est d'usage, et chacun regagne ses quartiers. Le sourire de Jocho s'élargit encore.
Et maintenant, il va voir Tsukiko.

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Re: (Nouvelle - ADULTES) Cour d'hiver à Kyuden Bayushi

Message par matsu aiko » 21 oct. 2014, 19:54

- Qu'est-ce qui t'amuse tant ? demande la voix féminine si familière. Quand tu fermes le shoji comme ça, tu es content.
- Hu hu, dit-il sans se compromettre.

Rien que l'idée de la tête que ferait Yakamo s'il savait qu'elle est là le met en joie.

- Tu m'agaces, Jocho.
- Viens par ici, au lieu de râler.

Il l'attrape par la taille et la fait voltiger avant de l'embrasser fougueusement.

- Je ne râle pas. Les filles que tu fréquentes d'habitude râlent. Pas moi, assène-t-elle avec conviction quand il lâche sa bouche. Il sent terriblement le saké.
- Non, tu as juste un fichu caractère...
- Comme toi, Jocho. Comme toi. Tu as beaucoup bu, c'est très désagréable. La prochaine fois, n'oublie pas de te rincer la bouche.

Elle fronce le nez et fait une grimace comique.

- Pardon, dit-il d'un air faussement contrit. Je répare cela tout de suite.

Il entreprend de lui embrasser les pieds, lui faisant perdre l'équilibre.

- Tu n'es qu'un idiot ! rit-elle en s'affalant sur les tatamis.
- Tu as la peau si douce, je suis sûr que ma bouche sera bien rincée...explique-t-il tout en s'attaquant à ses mollets.
- Quoi ? Mais pour qui me prends-tu ? Je ne suis pas une serviette !

Elle le repousse du pied et se lève, outrée.

- Non, tu as raison. Plutôt un plat de résistance...

Il s'allonge de tout son long, croisant les bras derrière sa tête, le regard franchement admiratif.

- Un plat de résistance ? Tu as vraiment une drôle de façon de faire des compliments.

Elle rajuste la soie du yukata rouge sang brodé de dragons d'or et d'argent, rejette ses cheveux en arrière. Ce faisant, l'étoffe glisse sur ses courbes d'une manière on ne peut plus suggestive.

- Vraiment appétissante...
- Vraiment ? Tu n'as pas une de tes soirées mondaines, ce soir ?
- On s'en fout. Viens ici.
- Pardon ?
- Ils attendront.

Joignant le geste à la parole, il l'attrape par les jambes, et la fait s'affaler sur lui avant de la dévorer de baisers.
Elle a un sourire énigmatique et immobilise doucement ses mains avant de prendre langoureusement ses lèvres, de les mordiller, de mettre le feu à ses sens.
Amusé par le renversement des rôles, il joue le jeu, se laisse faire.
Ses lèvres sont douces comme de la soie contre les siennes, chaudes et humides comme du feu liquide, et bien plus envoûtantes.
Son parfum l'enveloppe comme une brume de fleurs.

- Tu serais prêt à déserter une soirée insipide et fade pour passer quelques heures avec moi, entre tes draps ?

Sa bouche glisse sur sa joue puis dans son cou, laissant une traînée fraîche et brûlante à la fois. Sa langue joue sur sa peau et son corps ondule lentement contre le sien.
Il glisse ses mains par les emmanchures de son kimono, le long de sa peau lisse et douce et mordille sa gorge pour toute réponse.

- Hmmm... Est-ce que je dois te convaincre de rester ?

La longue jambe fine le caresse de manière toute impudique, avec sensualité.

- Absolument. J'ai de nombreuses obligations, auxquelles je ne pourrais me soustraire que contraint et forcé.

Elle entendit le sourire dans sa voix.

- Oh... Tes nombreuses maîtresses vont te regretter, dans ce cas. Je peux me montrer très persuasive quand je suis motivée.

Sa main se faufile entre les plis de son hakama, puis sous son fundoshi, le saisit délicatement et entreprend de lui offrir une caresse ardente. A laquelle il réagit promptement.
Elle prend tout son temps pour le déshabiller, dégustant sa peau sans hâte, laissant sa langue le goûter dans une descente vertigineuse.
Jocho pousse un long soupir. Qu'est-ce que c'est bon...

- Suis-je assez persuasive ? vient-elle murmurer à son oreille après avoir consenti à le laisser reprendre son souffle.
- Hmm...J'ai encore un doute...
- Petit joueur.

Elle lui mord le lobe avant de redescendre, de jouer de son corps contre le sien pour enflammer ses sens. Mais il ne lui faut pas grand effort pour s'apercevoir que c'est chose faite.

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Re: (Nouvelle - ADULTES) Cour d'hiver à Kyuden Bayushi

Message par matsu aiko » 22 oct. 2014, 08:00

…Elle noue ses jambes autour de son dos, leurs corps tremblent et vibrent à l'unisson alors que leurs souffles se font plus courts, les sensations plus intenses. Ils ont déjà fait mille fois l'amour, mais cette familiarité, cette connaissance qu'ils ont de leurs corps, des caresses qui font réagir l'autre, décuple leur plaisir alors qu'ils rejoignent de concert Tengoku, abîmés dans l'extase.
Quand ils sont ainsi ensemble, dans l'abandon de leurs corps, ils oublient pour un temps qu'ils appartiennent tous deux au clan des secrets, ils retrouvent le lien puissant, indéfectible, qui les unit.

Jocho caresse sa joue avec tendresse. Une mèche humide s'est plaquée sur son torse, dessinant une arabesque sombre.
Elle est si belle...et elle est à lui.

Tsukiko pose la joue sur sa poitrine, ferme les yeux. Un peu de paix dans un hiver qui s'annonce difficile. Un petit peu de paix.
Sa main fine glisse sur sa peau, lentement.
Elle le déteste et elle l'aime. Comment cela peut-il être ? Elle l'ignore mais c'est ainsi.

- Ai-je été convaincante ?
- Hmm, pas mal.

Son sourire est joueur.

- Alors tu n'iras pas à cette soirée forcément ennuyeuse... En plus, il n'y aura personne.
- Hmm, il faudra quand même que j'y fasse une apparition. Mais ce sera rapide, je te le promets.
- Rapide comment ? Rapide comme je vais m'endormir avant ton retour ? Tu m'as déjà fait le coup, ajoute-t-elle avec une moue boudeuse.
- Hé bien, si c'est le cas, j'aurais le plaisir de te réveiller...

Elle s'étire consciencieusement contre lui, caresse son flanc dans le mouvement.

- Tant pis. Je ne me réveillerai peut-être pas !
- Pas de souci.

Il l'embrasse dans le cou, puis se redresse.
Oui, il ira à cette soirée. Même brièvement.
Il a des gens à saluer, des renseignements à recueillir. Et surtout, Yakamo y sera.

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Re: (Nouvelle - ADULTES) Cour d'hiver à Kyuden Bayushi

Message par matsu aiko » 23 oct. 2014, 08:29

La soirée bat son plein. Entre les nouveaux venus encore un peu perdus, les flatteurs qui s'agglutinent comme des mouches autour d'un haut personnage ou d’un daimyo, les diplomates qui tiennent ouvert le robinet d'eau tiède, distillant l'art de ne rien dire avec un talent consommé, les artistes tentant de se trouver un patron, les mères essayant de dénicher le gendre idéal pour leurs filles, et les petits groupes aux regards entendus qui lancent à mi-voix des traits acérés sous les dehors d'une conversation anodine, tout semble se passer à la perfection.

Les serviteurs passent, proposant rafraichissement et amuse-gueules raffinés ; des acrobates effectuent avec talent un spectacle que personne ne regarde, hormis quelques hobereaux fraîchement débarqués de leur campagne ; les gardes sont discrets, leur équipement impeccable. Non, tout est parfait. Une soirée digne de Kyuden Bayushi.

Une seule personne ne semble pas participer à la liesse générale, une femme jeune, au crâne rasé, hormis une longue tresse luisante, vêtue d'un kimono vert émeraude portant les emblèmes du Clan du Dragon, avec un obi noir brodé d’or et de vert où est fiché un wakizashi écarlate, sans la moindre concession à la mode féminine.
Son visage est renfrogné, son expression sombre, ses yeux noirs où bouillonne une colère latente couvrent l'assistance sans la voir. Elle a tout d'un accident attendant d'arriver.

Personne ne s'y est trompé d'ailleurs. Entre son attitude et sa réputation, nul ne s’est risqué à pénétrer dans le cercle intangible qui l'entoure. Le caractère orageux et impulsif de Mirumoto Hitomi, daimyo de la famille Mirumoto, et bushi émérite, est bien connu.

De fait, Hitomi ne décolère pas. Elle est à cette soirée par obligation, mais depuis qu'elle s'est aperçue qu'à cette cour d'hiver ils ont osé inviter sa Némésis, le vil assassin de son frère, elle passe son temps à alterner les envies de meurtre pures et dures avec les moments où elle ourdit et planifie sa vengeance.


- J'ai pas envie d'y aller. Encore des paons enfarinés qui vont caqueter pendant des heures dans une même pièce... ça rendrait fou n'importe qui !
- Nous n'avons pas le choix, seigneur. Il nous faut faire acte de présence à la soirée de notre hôte.
- Non mais tu sais que c'est juste insupportable pour moi, n'est-ce pas ?
- Certes, seigneur, et je compatis. Mais notre daimyo votre honorable père a été très clair. Il nous faut faire bonne impression.
- Ah ! Comme si la défense de l'empire avait besoin de passer la brosse à reluire à ces parasites inutiles !

Droite et immobile près de lui, Hida Kyoko ne relève pas et fait signe aux servantes de tendre l'essuie devant l'ofuro fumant où trempe Hida Yakamo.
Il sort son impressionnante silhouette de l'eau chaude en grommelant tandis que son karo donne ses instructions à voix basse. Se faire emballer comme un ver dans des rouleaux et des rouleaux de soie, devoir supporter l'environnement de crétins congénitaux et le voisinage de courtisans à propos desquels il n'a qu'une envie : les rentrer à grands coups de poing dans les tatamis.


Le seigneur des lieux, Bayushi Shoju, surveille tout cela d'un oeil intéressé et satisfait, s'arrêtant tout de même avec une pointe d'inquiétude sur la jeune femme solitaire. Certains de ses honorables visiteurs demandent plus de précautions et d'attention que d'autres. Mais en tant qu'hôte c'est sa responsabilité qui est engagée, en tant que maître de cérémonie, il doit veiller à ce que tout se passe bien.

Alors que la soirée est déjà bien engagée, et la plus grande partie des invités arrivée, la cloison s'ouvre à nouveau sur un nouvel arrivant à la silhouette massive et très très reconnaissable. Le sang de Hitomi ne fait qu'un tour.
Si des regards peuvent tuer, l'héritier du clan du Crabe serait mort une douzaine de fois dans le temps que met la cloison à se refermer à nouveau.

Mais un autre intervenant, plus proche, se manifeste.
- Mes salutations, Yakamo-dono !

Ah non mais vous m'en voulez aujourd'hui !

- Alors, bien remis de cette chasse ?

L'autre retient une réplique cinglante et grimace une sorte de... sourire.
- Oui.

Jocho sourit avec malice.
- Vous voyez, les Terres du Scorpion n'ont pas que des inconvénients ...
- Quand on le dit vite, un esprit faible pourrait se laisser convaincre.
- Allons, allons, Yakamo-dono ! Je suis sûr que si la Cour d'hiver se passait à Kyuden Hida, vous seriez ravi de faire apprécier le lieu à vos invités.
- Ce n'est pas prêt d'arriver. Et je ne suis pas sûr que vous seriez à même d'apprécier l'hiver des gobelins.

Décidément, même après une soirée arrosée au saké, le sens de l'humour n'est pas son fort...
Jocho sourit aimablement et poursuit :
- Pour le moment, je vous laisse profiter des délices de Kyuden Bayushi...Excellente soirée à vous, Yakamo-dono. Mes hommages, dame Kyoko. Vous êtes ravissante ce soir.
- Je vous remercie. Une excellente soirée à vous aussi, Jocho-sama, lui répond la jeune femme avec un joli sourire.

Le jeune homme s'incline légèrement avec un sourire complice, puis s'éloigne.

Pendant cette brève conversation, la jeune femme habillée de vert s'est rapprochée, le regard fixé sur l'héritier du clan du Crabe.

- Oh non, Kyoko... On a droit à l'autre plaie en plus ce soir... Elle va me pourrir la soirée.
- Ne vous préoccupez pas d'elle, seigneur. Nous sommes là pour veiller à ce qu'elle ne vous importune pas.

Comme attirée par un aimant, la jeune femme s’avance, fendant la foule sans se préoccuper des discussions perturbées par son arrivée.
Un courtisan bousculé commence à émettre un commentaire désobligeant, puis se tait en voyant le regard de la jeune femme. Il tient à rester en un seul morceau.
Avec la précision du tir d'un adepte chevronné du kyujitsu, elle se dirige vers sa cible, et rien ne semble pouvoir l'en empêcher.

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Re: (Nouvelle - ADULTES) Cour d'hiver à Kyuden Bayushi

Message par matsu aiko » 24 oct. 2014, 11:38

Kyoko fait un signe discret aux yojimbo qui encadrent Yakamo et ils se déploient sans heurt, tranquillement.
Elle reste près de lui et ne quitte pas Hitomi des yeux. Cette femme est folle. Et tout à fait capable de provoquer un incident diplomatique en pleine cour d'hiver impériale pour avoir sa vengeance.

Kyoko n'est pas la seule à avoir remarqué la destination de la jeune femme. Le daimyo du clan du Scorpion évalue la trajectoire, le lieu possible de l'impact, et avec un parfait naturel prend une trajectoire d'interception du projectile.
La manoeuvre réussit, quelques mètres avant que le projectile atteigne sa cible.

- Ah, Mirumoto Hitomi-sama, quel plaisir de vous voir, lance-t-il aimablement. Cette soirée est-elle à votre goût ?

Hitomi, dans un état second, manque de passer outre. Puis elle siffle, dans un murmure furieux :
- Shoju-sama, veuillez me laisser passer, je vous prie.
- Et perdre le plaisir de votre conversation ? Je serai un hôte bien piètre si je ne m'assurais pas du bien-être de mes invités.

Ses yeux brûlants se tournent alors vers lui.
- Vous voulez mon bien-être ? Alors assurez-vous que cet individu sorte de cette pièce !

Tout en se plaçant entre la bouillante daimyo et sa cible, Shoju argumente d'un ton raisonnable :
- Allons, il fait également partie des invités de cette Cour, Hitomi-sama...
- Sa présence est une offense à la mémoire de mon frère !
- Vous avez toute ma sympathie pour cette tragédie.
- J’exige qu’il sorte d’ici !
- Il m’est malheureusement impossible de donner suite à cette demande, Hitomi-sama. Mais peut-être y a-t-il d'autres personnes qui pourraient être pour vous d'un meilleur agrément ? dit-il en l'entraînant sans heurts à l'écart.
- Tenez, voici justement quelqu'un que je souhaitais vous présenter.

Bouillant toujours d'envies de meurtre insatisfaites, Hitomi se laisse entraîner de mauvais gré, suivant le ton persuasif de Shoju.


- Si j'avais la moitié de la suffisance qui vous gonfle le double menton, je serais le plus heureux des hommes.
- Ah ! Et pourquoi donc cette remarque, Ikoma-sama ?
- Hé bien elle me ferait décoller du sol et survoler la bêtise qui vous caractérise.

Un petit vent froid souffle sur le groupe tandis que le grand barde considère son vis-à-vis avec ironie.
- Je... je...
- Oui, moi aussi. Et c'est bien ce qui me chagrine, voyez-vous.

Quelques rires discrets derrière les éventails et le sourcil de Ryuji se hausse légèrement.
- Mais si vous le permettez, je vais aller faire la conversation à cette charmante coupe de saké, d'une finesse et d'une délicatesse sans commune mesure avec ce que je vois en ce moment. Nous avons des tas de choses à nous dire, elle et moi.


- Ah, Ikoma Ryuji-san. Comment allez-vous ? Je ne sais pas si vous avez déjà eu l'honneur de rencontrer Mirumoto Hitomi-hime ? lance Shoju, affable.

Se tournant vers Hitomi, d'un ton de confidence :
- C'est le seul barde que je connaisse qui passe son temps à chanter les louanges du clan du Dragon.
- Bon, je vous laisse faire connaissance, conclut-il sur un ton de connivence, avant d'engager la conversation avec un des invités voisins.

La pirouette de Shoju décontenance un instant le grand barde qui a vainement tenté d'en placer une, mais il retrouve suffisamment de lucidité pour saluer le daimyo et la dame qui l'accompagne.

- Oui, en effet. Et si mes contemporains avaient un peu plus de jugeote, ils regarderaient moins leur nombril et plus les montagnes. En dehors de ces considérations anatomiques, je suis ravi de faire votre connaissance, Mirumoto Hitomi-hime. M'accorderez-vous le plaisir de partager une coupe de saké en votre compagnie ?

Hitomi, aussi surprise que son interlocuteur, reste muette, ce que Ryuji choisit de considérer comme un acquiescement.

- Vous verrez, je suis l'invité le plus charmant de toute la cour d'hiver ! Dans une semaine, vous ne pourrez plus vous passer de moi. Ou vous m'aurez jeté du haut des remparts, c'est selon.

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