(Nouvelle - ADULTES) Cour d'hiver à Kyuden Bayushi

Ce Forum est dédié à être un recueil pour les histoires que les Forumistes rédigent dans le monde de L5R.

Modérateurs : Magistrats de Jade, Historiens de la Shinri

Avatar de l’utilisateur
matsu aiko
Artisan de clan
Messages : 3061
Inscription : 13 juin 2004, 20:33
Localisation : paris

Re: (Nouvelle - ADULTES) Cour d'hiver à Kyuden Bayushi

Message par matsu aiko » 25 oct. 2014, 10:43

La boutade tire un sourire de Hitomi, ce qui, vu l'humeur dans laquelle elle est, est un véritable exploit.

- Je n'ai hélas pas eu la chance de séjourner à Kyuden Mirumoto mais je ne désespère pas de pouvoir y aller. Me permettrez-vous de vous rendre visite si d'aventure je parviens à passer la garde vigilante du Clan du Mille-Pattes ?
- Et si je ne vous ai jeté des remparts avant.
- Bien vu, ma dame. J'oubliais ce détail.
- Sinon, pourquoi pas, conclut-elle, se déridant un peu.
- Ah, le sourire vous va bien, savez-vous !

Hitomi le regarde du coin de l'oeil, pas très sûre de savoir s'il se moque d'elle ou pas.
Mais son interlocuteur semble très sérieux quand il la regarde.

- Quels endroits avez-vous déjà visité, sur les terres de mon clan ?
- Des tas. J'ai pas mal traîné avec une magistrate de la famille Kitsuki qui m'en a appris beaucoup sur le Clan du Dragon. Et Togashi Mitsu est un très bon ami, il m'a servi de guide sur les routes de vos provinces et m'a permis de séjourner dans un monastère de sa famille.

Hitomi est agréablement surprise. Togashi Mitsu est une figure célèbre du clan.
- Et quel est votre lieu préféré ? Ou ce qui vous a marqué le plus ?
- Hmmm... Que voilà une question délicate... J'ai aimé la vue que j'ai eue depuis un petit lac de montagne où Mitsu m'a emmené une fois. C'était sur les terres de la famille Kitsuki, on avait à nos pieds toute la vallée et les théiers qui poussaient à flanc de coteau, avec les écharpes de brume qui s'enroulaient autour de leurs racines, des murs des maisons... Cela m'a rappelé un recueil de nouvelles que j'avais lu... Il s'intitulait "Le Vent froid".
Je cite de mémoire, j'espère que vous me pardonnerez si ce n'est pas exact...
Sa voix grave se pose à la perfection et les mots coulent sans heurt alors qu'il saisit la coupe qu'un serviteur lui présente.
- Le vent froid de cette fin d’automne charrie les fragrances délicates du sapin et celles, plus ténues, de la mousse et des aiguilles de conifère qui jonchent le sol de la forêt, en contrebas du kyuden. Celle plus lointaine de la neige qui arrive et qui emprisonnera dans sa gangue de coton les villes, les villages, la montagne. La montagne emplie de milliers de parfums différents qui flattent le nez avec subtilité. La montagne où le moindre roulement de pierre fait écho pendant de longues minutes, dans le silence qui enveloppe tout de sa douce tiédeur. La montagne où l’on se perd avec délice, au milieu de ces hauts pics se dressant vers le ciel, enveloppés de nuages délétères, où seul règnent le silence et le chant des oiseaux…
Et toujours ce vent froid qui saisit la peau et donne parfois l’impression que le visage plonge dans la glace. Cette bise qui fige et rend les surfaces coupantes et froides comme l’acier. Les doigts gourds qui se cachent dans les manches du kimono, plongent désespérément à la recherche de la chaleur du corps emprisonnée dans les épaisseurs chatoyantes et douces de la soie. La peau qui se hérisse de milliers d’aiguilles quand elle frissonne, et semble onduler sous la caresse de l’air.
Encore ce vent froid qui rend le goût de la nourriture presque uniforme, qui tue les saveurs les plus raffinées, les plus subtiles, qui transforment la chaleur en glace et le moelleux en fermeté. Ce vent froid qui anesthésie la langue, qui rend le thé brûlant même quand il est tiède, qui fait grincer les dents de douleur. Ce vent froid qui s’engouffre par tous les défauts de la cuirasse et tétanise le corps, au point que le simple fait de bouger les lèvres est un supplice.

Hitomi hoche la tête. L'auteur a saisi à la perfection l'acuité presque douloureuse de certains matins d'hiver dans ses montagnes.
- C'est très beau, Ryuji-san. Et très évocateur.
- Ravi que ces quelques vers aient eu l'heur de vous plaire, ma dame.
- Vous avez aussi éveillé ma curiosité, Ryuji-san. En quelles circonstances avez-vous rencontré Togashi Mitsu-san ?
- Oh, c'était... après une évasion, dit-il avec un sourire dévastateur.

Elle hausse un sourcil interrogateur. Et attend la suite.
- Hé bien, ma dame, ces circonstances furent un peu particulière. J’étais en voyage aux portes du clan du Dragon et j’attendais la permission pour y entrer depuis déjà… un long moment. J’avais fait le tour de tout le kyuden de la famille Tombo, parlé à chacun des samurai de l’endroit, ainsi qu’à une bonne partie des heimin de la province, joué au go pendant des heures contre moi-même et récolté toutes les histoires du clan de la Libellule que les gens avaient bien voulu me raconter. Pour tout vous dire, j’étais à bout de patience. J’ai donc décidé de m’évader… De nuit.
Je me suis donc faufilé jusqu’au pied de la forteresse à l’aide d’une corde que j’avais réussi à subtiliser lors d’une de mes explorations. Tout se passait bien. Les samurai ne m’avaient pas remarqué, Seigneur Lune en personne couvrait ma retraite en disparaissant derrière les nuages. Or donc, tout semblait me sourire et j’ai décidé de pousser ma chance jusqu’à la frontière. Mais c’était sans compter avec ce satané moine qui décida de me prendre en chasse.

Ikoma Ryuji a un sourire et se redresse, sa voix se pose naturellement pour le conte et il poursuit son récit.
- J’ai réussi à lui échapper durant deux longs jours, rampant dans les fourrés, me dissimulant parmi les hautes herbes, grimpant dans des arbres feuillus pour cacher ma présence. J’étais devenu une vraie anguille. Malheureusement, je dus bientôt me rendre à l’évidence : l’individu dont j’avais aperçu les tatouages était toujours sur mes talons. Quelle galère ! Je pris donc la décision de l’affronter, et je vous expliquerai pourquoi ce n’était pas une bonne idée.
Comment faire à présent que l’homme en question était devant moi ? C’était un véritable colosse, grand et musculeux, aux mouvements vifs et déliés, au crâne rasé orné d’un dragon crachant des flammes. Je n’avais pas peur de lui. Me battre semblait une bonne option, mais je ne pouvais décemment tirer mon sabre contre un saint homme désarmé ! Je décidai donc d'utiliser mes mains nues. La plus mauvaise idée de toute ma foutue vie ! J’ai pris une dérouillée tellement cuisante ce jour-là que tous mes os s’en souviennent ! Il m’a pilé comme de la glace et pratiquement assommé avant de me traîner je ne sais où.
Je repris conscience dans une cellule de moine. La brute qui avait piétiné ma cage thoracique était à mes côtés, assis dans la position du lotus, en méditation. Il ouvrit les yeux quelques secondes après moi, me regarda… et éclata d’un rire sonore en apercevant ma face bleue, mon oeil gonflé, ma lèvre fendue et ma pommette éclatée. Je dois bien avouer que sur le moment, j’ai été atrocement vexé mais j’avais bien trop mal partout pour protester.

Il attrape un serviteur qui passe par là et vole deux coupes de saké sur le plateau d'un geste dextre.
Hitomi sourit à cette description. Elle connait - et pour cause - les précautions utilisées par son clan pour protéger ses terres des intrus. Précautions dont à l'évidence, son interlocuteur n'était pas vraiment au courant à l'époque.

- Je suis resté au sein de cette communauté pendant deux saisons et j’y ai entendu de merveilleuses histoires. J’ai parlé à des hommes incroyables, passé des nuits en méditation, appris à me battre plus correctement, selon mon poursuivant et un jour on m’annonça que j’allais rencontrer un personnage très important au sein du temple. Je suivis mes condisciples temporaires et l’on me présenta au maître tatoueur du lieu. Un vieil homme parcheminé aux yeux vifs et aux mains qui semblaient perpétuellement en mouvement. J’appris ce jour là, après une très longue conversation avec lui, que le moine qui m’avait amené ici avait demandé à ce que je reçoive un tatouage. Parce que, d’après ses dires, je m’étais battu comme un tigre enragé. J’en fus le premier surpris, croyez-moi, car j’avais juste eu l’impression de n’avoir été qu’un sac rempli de sable qu’il avait frappé avec constance et application pendant un long moment. Nous discutâmes longtemps, plusieurs jours je crois. Il me demanda comment était le monde en dehors des terres de son clan, ce qu’on disait de lui, les choses extraordinaires que l’on voyait dans l’Empire, comment était la capitale, ce que j’aimais, ce que je détestais… Mille et une choses que j’avais vu, entendu, senti, ressenti, éprouvé. Je dois bien dire que ces conversations me furent bénéfiques. Elles m’apprirent à tempérer mes ardeurs, analyser les situations, prendre la mesure des choses. Cet homme m’a non seulement fait le cadeau inestimable de graver dans ma peau l’animal qui semblait, aux yeux de celui qui avait requis cette faveur, me représenter le mieux, mais il a également pris le temps de m’enseigner la patience, la constance et l’abnégation - en plus de quelques histoires savoureuses dont je garde pour l’instant le secret. J’ai reçu ce tatouage durant la semaine qui suivit, et sut bien plus tard qu’il s’agissait du maître tatoueur du clan du Dragon, de passage dans la communauté. Il ne me fut pas aisé de supporter la douleur qu’il provoqua, mais j’ai enduré cela grâce à l’enseignement de ce moine étrange qui m’avait rossé. Il resta à mes côtés, distrayant mon attention, récitant des mantra avec moi, priant avec moi, m’assommant d’aphorismes lorsque ses histoires étranges ne suffisaient plus. Lorsque je suis reparti en direction des terres de la famille Kitsuki, au bout de quelques mois, il m’accompagna et me laissa entre les mains du magistrat que je devais selon lui aider.

- Vous êtes tatoué ? demande Hitomi, stupéfaite.
- Oui.
- C'est une faveur extraordinaire. La famille Togashi ne dispense habituellement pas ce savoir-faire à des étrangers.
- Mais... je suis extraordinaire, dame Hitomi.

Ca commence comme une sorte de hoquet, ça se continue en un gloussement fort peu seyant, ça monte en volume, et Mirumoto Hitomi, daimyo de la famille éponyme, éclate de rire. Elle essuie les larmes d'hilarité qui perlent au coin de ses paupières, reprend son souffle et finit par lâcher entre deux hoquets :
- Vous êtes...distrayant, Ryuji-san.
- Dans votre bouche, ma dame, c'est le plus beau des compliments.

Des têtes se sont tournées dans l'assistance. Entendre Hitomi rire aussi franchement, c'est aussi imprévu qu'une averse sur les terres Brûlées.
Hitomi réussit à reprendre plus ou moins son sérieux.
- Pour la chute du haut des remparts, je vais attendre un peu.

Elle a rarement rencontré pareille alliance de culot monstre et de galanterie.
- Ah, mon coeur se réjouit d'entendre pareille nouvelle, dame Hitomi. Si le coeur vous en dit, j'ai quelques histoires distrayantes que je pourrai vous raconter à l'occasion.
- Eh bien, ce sera volontiers, Ryuji-san, surtout si elles sont à la hauteur de celle-ci.
- Oh, j'en ai de plus croustillantes encore.
- Ah ?
- Tout à fait. J'ai dû faire au bas mot... trois fois le tour de l'empire, alors il m'en est arrivé de belles, je vous prie de me croire.
- Vous m'intriguez, Ryuji-san.
- En bien, évidemment. Sinon j'aurais déjà chu du haut de ces malheureux remparts... Mais oui, j'ai passé le plus clair de mon temps sur les routes de Sa Majesté depuis mon gempukku.
- Etait-ce comme messager ? Comme historien ?
- Oh non ! Comme voyageur.

Elle hausse à nouveau un sourcil.
- Mais votre clan ne vous a-t-il pas donné de tâche à accomplir, ou d'emploi dans l'armée ? Je pensais que tous les samurai du clan du Lion se retrouvaient conscrits d'office....
- Pas les historiens émérites de la famille Ikoma. Dans sa grande sagesse, mon daimyo m'a demandé d'apprendre à connaître Rokugan et les sujets de Sa Majesté.

Hitomi s'étonne à nouveau. Quel drôle de personnage.
- Ou était-ce parce qu'il s'était rendu compte que vous n'étiez pas bon à autre chose ? le taquine-t-elle, commençant à se prendre au jeu.

Le jeune homme se prend le menton dans la main, les yeux perdus au plafond, faussement songeur.
- Maintenant que vous l'évoquez... il y a peut-être aussi un peu de ça...

Elle a un petit rire. Elle apprécie de plus en plus cet interlocuteur imprévu et d'une candeur rafraîchissante.
- Je pense que vous venez de gagner une visite à Kyuden Mirumoto.
- Une invitation de votre part vaut toutes les invitations à la cour impériale, ma dame. Je suis votre obligé, dit-il en s'inclinant sur un sourire charmeur.
- Mais attention, c'est à une condition.
- Hmmm... Laquelle ?
- Que vous me promettiez de continuer à me régaler de vos histoires.
- Bien volontiers, ma dame ! J'aime quand le public est conquis d'avance ! Je reconnais que ça manque de difficulté mais qu'importe ! Cela à l'immense avantage de flatter mon ego démesuré.
- Qu'à cela ne tienne, je pourrais augmenter la difficulté, dit-elle en le regardant dans les yeux.
- Augmenter la difficulté ? Vous m'intéressez !
- Nous en parlerons plus tard, élude-t-elle. J'ai été ravie de faire votre connaissance, Ikoma Ryuji-san.
- Et moi de vous distraire l'espace de quelques minutes avec mes histoires, dame Hitomi.

Elle sourit.
Cette conversation a eu pour avantage de dissiper sa mauvaise humeur comme par enchantement. Mais, comme elle s'en rend compte dès qu'elle se détourne, l'autre est toujours là. Hitomi plisse le nez, et estime qu'elle a fait assez d'efforts pour la soirée, elle peut prendre congé sans vexer son hôte. Au moins y a-t-il une personne intéressante à cette fichue cour d'hiver...

Plusieurs personnes suivent le départ de la daimyo de la famille Mirumoto.
Bayushi Shoju, qui sourit sous son masque. Diversion réussie.
Hida Kyoko, qui se dit que cela fait un souci de moins pour la soirée.
Et Matsu Tsuko, qui se dirige comme un nuage d'orage vers le barde.
Oh ça va être ta fête, Ryuji...

Avatar de l’utilisateur
matsu aiko
Artisan de clan
Messages : 3061
Inscription : 13 juin 2004, 20:33
Localisation : paris

Re: (Nouvelle - ADULTES) Cour d'hiver à Kyuden Bayushi

Message par matsu aiko » 26 oct. 2014, 14:44

Le barde grimace intérieurement. La Lionne n'est pas partageuse...

Avec un péremptoire : "Veuillez m'accompagner, s'il vous plait" Tsuko l'entraîne vers un des salons attenants.

Aïe aïe aïe aïe aïe...

Elle en referme la cloison sans douceur, se dirige vers lui, le sourcil froncé et l'oeil furieux, avant de le plaquer au mur.
- C'était quoi, ça ?
- Heu... ça quoi ?
- Toi. En train de faire le joli coeur avec cette pétasse au crâne rasé.
- Oh... Tsuko... Quel langage dans une si jolie bouche...
- N'essaie pas de m'amadouer. Tu crois que je n'ai pas vu ton manège ?
- Mais enfin... Quel manège ?! J'ai échangé quelques mots avec Mirumoto Hitomi et tout de suite, j'ai fait un manège ?
- Tu lui as tenu la jambe pendant une demi-heure ! Tu me prends pour une idiote ?
- Mais... mais... on a discuté ! Où tu as vu que je lui tenais la jambe !
- Et tu crois que je n'ai pas vu sa tête à elle ? Monsieur-je-n'ai-fait-que-discuter ?
- Mais qu'y puis-je si je suis charmant ? Je n'ai fait que discuter ! Bayushi Shoju l'a laissée là alors qu'elle était furieuse après je ne sais qui et je n'ai fait que détourner son attention !
- Ah oui, tu as été charmant ! Tellement charmant qu'elle en roucoulait presque ! Tu crois que je ne te connais pas, Ryuji ?
- Ah non, Tsuko ! Tu ne vas pas me faire une scène pour ça ? Je te jure sur mes ancêtres que je ne cherchais pas à la séduire !

Tsuko le regarde d'un oeil soupçonneux, puis se détend un peu.
- D'accord, je veux bien te croire.
- Merci !
- Mais cela va vous coûter cher cette nuit, Ryuji-san.

Son sourire est mi-sensuel, mi-féroce.
- Et si jamais je te revois dans ses parages...
- Je suis à votre disposition pour un randori, ma dame. Mais si Hitomi me parle, je vais avoir beaucoup de mal à l'ignorer. Tu me vois fuir devant une femme ? Que nenni !
- Ryuji....gronde-t-elle.
- Oui ?

Son sourire est juste ce qu'il faut de provocateur pour la faire réagir.
Elle attire sa tête vers la sienne et l'embrasse à pleine bouche. Quand ils s'arrêtent pour reprendre leur souffle, elle gronde d'un ton bas, intense :
- Ne - t'approche - pas - d'elle.
- Hé oui mais comment je fais si c'est elle qui m'approche ?
- Tu fais ce que tu fais d'habitude. Tu la salues, tu souris et tu t'esquives.
- Je n'esquive jamais, Tsuko. C'est lâche.

Son air faussement candide désarme sa colère.
- Ah, Ryuji, Ryuji...qu'est-ce que je vais faire de toi ?
- Oh... Tu trouveras bien...

Il éclata de rire et lui rendit son baiser avec douceur.
Elle sourit, caresse sa joue.
- Viens. Ils vont finir par se demander ce que je peux avoir de si urgent à raconter à mon barde préféré.
- Ne t'inquiète pas, j'ai assez d'imagination pour les embobiner.

Elle soupire.
- C'est justement ce que je crains...
- Mais... pourquoi donc, Fortunes ?
- Viens Ryuji, on y va.

On ne le changera pas. Non, il est trop vieux pour ça. Trop têtu aussi...

Avatar de l’utilisateur
matsu aiko
Artisan de clan
Messages : 3061
Inscription : 13 juin 2004, 20:33
Localisation : paris

Re: (Nouvelle - ADULTES) Cour d'hiver à Kyuden Bayushi

Message par matsu aiko » 27 oct. 2014, 13:00

Alors que le visiteur s'avance, les lourdes portes de bois massif fermant les appartements du daimyo du Clan du Scorpion s'ouvrent avec lenteur tout au bout d'un long couloir parqueté d'ébène. Quatre gardes se tiennent de part et d'autre de l'entrée et regardent le nouveau-venu avec attention, puis leurs naginata croisés se redressent, le laissant pénétrer dans la partie la plus secrète et la mieux protégée de Kyuden Bayushi.

Jocho traverse plusieurs pièces tendues de rouge et de noir, décorées de façon exquise par les meilleurs artisans du Clan, avant d'être introduit dans un endroit plus petit et plus intime que ceux qu'il vient de quitter. Assis en seiza en face de lui, dans de longues robes de soie noire et rouge, se tient Bayushi Shoju, le visage dissimulé derrière un masque lisse comme un lac d'ébène.

Le jeune homme s'avance et s'incline profondément, posant le front au sol.
- Bayushi Shoju-dono.

Sur la table basse, un service de porcelaine rouge d'une finesse extrême attend le bon vouloir du maître des lieux.
La voix grave et bien timbrée du daimyo résonne dans la petite pièce alors que sa main s'agite légèrement et qu'une servante se matérialise devant le shoji entrouvert pour faire le service.

- Shosuro Jocho-san... Nous nous rencontrons enfin. Soyez le bienvenu à Kyuden Bayushi.
- Merci, Bayushi Shoju-dono, dit Jocho en se relevant.
- Jocho-san, j'apprécie beaucoup les services rendus par votre famille à Ryoko Owari Toshi. La dévotion de votre mère est exceptionnelle, et chacun loue ses talents d'administratrice. Pourtant, vous auriez pu devenir vous-même gouverneur, il y a quelques années. Vous ne le regrettez toujours pas ?
- Non, je n'ai pas de regrets à ce sujet, Shoju-dono. Comme vous l'avez dit, les capacités de mon honorable mère en la matière sont connues de tous, et ma charge de commandant de la Garde Tonnerre suffit pleinement à m'occuper.
- Mais un homme de votre naissance aspire naturellement à de plus vastes responsabilités. Il serait regrettable que le respect filial vous empêche de penser à l'avenir, Jocho-san ! On prétend même que vous affectez un style de vie peu compatible avec la fonction de Gouverneur, dans le seul but de rassurer et conforter votre mère. Est-ce le cas ?

Jocho manque de s'étrangler sur sa gorgée de thé. Il repose sa tasse, compte jusqu'à deux, et répond calmement :
- Mon style de vie, et ma réputation, sont ce qu'ils sont, Shoju-dono. Autant que je puisse en juger, ils ne m'empêchent pas de remplir mes fonctions actuelles.
- Bien sûr. La Garde Tonnerre. Un commandement honorable, qui vous donne l'occasion de surveiller de près les affaires de la ville. Mais s'agit-il d'un compromis ? Vous avez le coeur d'un guerrier. Seriez-vous plus à votre place à la tête d'une unité militaire, dégagée des tâches de police ?
- Si je puis me permettre, qu'entendez-vous par là, dono ?
- Nous pourrions vous confier le commandement d'un très bon régiment. Celui auquel je pense sera d'ailleurs détaché bientôt à la Capitale pour quelques mois. Votre expérience d'une grande cité serait avantageuse. Et ceci vous éloignerait de Ryoko Owari durablement. Mais... ne vous attendez pas à une sinécure - ajoute doucement Shoju.

Partir loin de Ryoko Owari, Jocho n'en a pas la moindre envie. Et encore moins pour crapahuter avec un régiment, loin de tout ce qu'il apprécie et qui rend la vie digne d'être vécue.

- Je vous remercie, Shoju-dono, d'avoir pensé à moi dans une telle perspective. Mais bien que la Garde Tonnerre se soit bien améliorée ces dernières années, il me reste encore beaucoup à faire à Ryoko Owari pour l'amener au niveau d'excellence et d'autonomie que je vise. L'Escouade Eclair est très performante, mais ce n'est pas encore le cas du corps des samouraï. Tant que cet objectif n'est pas atteint, mes hommes ont besoin de moi.
- Je tiens à vous laisser une certaine latitude. Cet entretien vise aussi à vous permettre les meilleurs choix. Mais votre réponse laisse à penser que vous n'avez pas perçu certaines évolutions récentes. En l'état, si vous deviez rester à Ryoko Owari à un rang subalterne, ce sera pour assurer une part croissante dans les activités si rentables de votre famille... Rentables stratégiquement, naturellement. Nos alliés du Crabe ont un besoin crucial des services que vous rendez. Et ce qui est crucial pour le Crabe, l'est aussi pour l'Empire. Certaines filières doivent être réorganisées, et cela demandera de nombreux déplacements près du Mur, je le crains. Pour des raisons que je n'ai pas cherchées à comprendre complètement, nos amis ont insisté pour que les représentants sur le terrain de chaque Clan soient des hommes de toute confiance, mais qu'il ne serait pas judicieux qu'ils s'entendent trop bien. Hmm... curieuse manière de faire des affaires, non ? Toujours est-il que votre nom a été cité, et a reçu l'approbation de toutes les parties. En particulier, de... la représentante de votre famille.

Jocho réprime un soupir. Il a un désagréable pressentiment quant à l’issue de cette conversation. Ca va être comme pour le mariage, il ne va pas pouvoir y couper…Son seul choix va être celui de la corde pour se pendre.
Il est aussi franchement surpris de la remarque de Shoju. Ainsi, l’hostilité de Yakamo à son égard serait un facteur favorable pour le commerce de l’opium ? De plus en plus étrange. Et pourquoi sa mère souhaiterait-elle l’envoyer chez les Crabes ? Jusqu’à présent, elle l’a surtout poussé à prendre des responsabilités à Ryoko Owari…
Quoique…Si, c’est typiquement le genre de choses qu’elle pourrait envisager. Pour « parfaire sa formation ».

- Et si vous m’expliquiez la raison pour laquelle vous m’avez invité ici, Shoju-dono ?
Moi, et pas ma mère…
- Je souhaite que vous me donniez une réponse avant votre départ. Si vous choisissez d'assumer l'héritage politique de votre père, vous repartirez d'ici dûment mandaté pour gouverner Ryoko Owari. Nous pouvons vous faire accompagner par un conseiller très expérimenté, si vous souhaitez un peu d'aide et un regard extérieur pour faciliter la transition. Je suis sûr que Hyobu-san sera soulagée de pouvoir se concentrer davantage sur les aspects les plus commerciaux de ses activités, qui ne relèvent pas strictement d'un gouverneur. Et quelle mère ne serait pas comblée de voir son fils faire tout à la fois un bon mariage, et marcher dans les traces de son père ? A propos, je crois que je ne vous ai pas encore félicité pour vos fiançailles, Jocho-san !

A l’évocation de son mariage à venir, la figure de Jocho s’allonge un peu plus.
- Je vous remercie de votre attention, de vos félicitations, et de votre soutien, Shoju-dono. Si je comprends bien, d’après ce que vous m’expliquez, mes options sont les suivantes : soit prendre la tête d’un régiment qui sera détaché à Otosan Uchi, soit conserver mes fonctions actuelles mais en me focalisant sur la filière d’approvisionnement du clan du Crabe, ou enfin de prendre la suite de mon père comme gouverneur de la ville.
Je vais y réfléchir, Shoju-dono.

Entre deux maux…S'il fallait absolument choisir, il prendrait le poste de gouverneur. Au moins, il n’aurait plus sa mère sur le dos en permanence, et peut-être une certaine latitude pour agir à sa guise. Encore que toute charge s’accompagne de contraintes, il en a conscience. Non, il faut qu’il gagne du temps.

- Mais, comme vous l’avez souligné, je ne suis pas le représentant de notre famille. Mon honorable mère a certainement son mot à dire sur la question, et je ne suis pas sûr qu’elle soit particulièrement pressée de passer la main, ni même qu’elle considère cela comme une bonne idée, quoi qu’elle puisse en dire à l’extérieur. Je ne suis pas sûr non plus qu’un tel changement serait bien accueilli par la population. Comme vous l’avez dit, c’est un excellent gouverneur, et tant qu’elle est en pleine possession de ses facultés, pourquoi ses administrés, ou elle-même, souhaiteraient-ils changer cet état des choses ? Pourquoi le clan lui-même souhaiterait-il un changement de gouvernance ?
Même si l’attention que vous me portez est flatteuse, Shoju-dono, je pense que la question, et la réponse que vous me demandez, sont prématurées. Je dois donc respectueusement décliner votre proposition.

Shoju reste silencieux et immobile quelques instants. Il reprend d'une voix parfaitement maîtrisée, mais sèche :
- Très bien, Shosuro-san. Vous pouvez encore revenir sur votre décision avant votre départ.
D'une inclinaison de la tête, il met fin à l'entretien.

Après que le jeune homme se soit retiré, le shoji à la droite de Shoju s'entrouvre silencieusement, puis une silhouette s'avance dans un froissement de soie.
- Eh bien…j'ai rarement vu prétendant plus réticent, commente la Dame des Scorpions avec un petit rire.
- Oui, soupire Shoju. Cet homme-là est irritant. Je me demande même s'il ne pourrait pas devenir pire que sa mère. Sa clarté d'esprit est remarquable, mais son manque de zèle et d'ambition confinent à la trahison ! Son mariage n'a pas l'air de le réjouir, ajoute-t-il après un instant de réflexion. Lui connaitriez-vous de bonnes raisons pour cela, mon épouse ? Hormis sa promise, bien sûr !
Kachiko réfléchit quelques instants.
- Si l'on se fie à sa réputation, c'est un homme à femmes. Il serait étonnant qu'il se réjouisse d'avoir à subir une épouse, surtout quand cette dernière ressemble à ce point à une punition infligée par sa mère…
Par ailleurs, il semblerait qu'une des actrices de la troupe qu'il a amenée de Ryoko Owari fréquente assidument ses appartements - ce qui est en droite ligne avec le personnage et montre le peu de cas qu'il fait de ses fiançailles…Mais qui, peut-être, pourrait nous être utile.
- Une actrice ? Probablement rien de bien intéressant. Mais sait-on jamais. Tâchez d'en savoir un peu plus à l'occasion, je vous prie. C'est un point secondaire... Pour l'instant, nous n'avons donc toujours pas de nouveau levier sur Hyobu. La situation peut évoluer, cependant. A Ryoko Owari, comme dans le coeur du fuyant Jocho. Nous aurons encore l'occasion de poser quelques pierres dans leur territoire. Et finalement, il est peut-être préférable de ne pas l'avoir à Otosan-Uchi non plus. J'aimerais avoir le temps d'étudier un tel homme, mais les circonstances ne seront pas vraiment favorables... si les évènements prennent la tournure que je crains.

Un long silence, empreint de leur inquiétude commune.
Puis Kachiko incline la tête et reprend, l'air songeur :
- Pour Hyobu…oui, il va falloir recourir à une autre solution. Suite au regrettable décès de Bayushi Korechika-san, il serait bon d'avoir un nouveau représentant de notre famille à Ryoko Owari. Et je pense entrevoir quelle serait la personne adéquate.

Elle sourit de ses dents blanches, très blanches de bête de proie.
- Nouveau ? Il est vrai que les esprits éminents ne se bousculent pas sur place... A qui pensez-vous ?
- Je pensais à Saigo-san. Il me paraît idéal. Il a l'agressivité nécessaire pour reprendre en main les affaires de notre famille, et éviter ce déplorable monopole du gouverneur.

Son sourire s’accentue. Arrogant, ambitieux, arriviste, Bayushi Saigo saurait aussi cristalliser le mécontentement à la Cité des Rumeurs, leur permettant le cas échant de se poser en médiateurs.

- Saigo ! Très bien ! C'est un choix qui aura divers avantages... à commencer par éloigner sa fastidieuse personne de notre entourage. Vous aurait-il lassée aussi, très chère ? Un peu trop prévisible pour vos petits jeux, je suppose. Mais il pourra convenir à Ryoko Owari. Du moins, à court terme.
- Tout à fait, mon époux.
Il entend le sourire dans sa voix.

Le daimyo et son épouse échangent un regard de connivence.
- Ma chère, vous reprendrez bien une tasse de thé ?

Avatar de l’utilisateur
matsu aiko
Artisan de clan
Messages : 3061
Inscription : 13 juin 2004, 20:33
Localisation : paris

Re: (Nouvelle - ADULTES) Cour d'hiver à Kyuden Bayushi

Message par matsu aiko » 28 oct. 2014, 13:29

Le costume immaculé a rejoint ses frères sur la tringle et l'actrice a enfilé un yukata de soie noire brodé de branches de cerisier en fleur, noué la large ceinture rouge sang autour de sa taille fine. Le masque est posé sur son support de bois, elle a démêlé les plumes et lustré le satin puis s'est emparé d'un linge de coton pour ôter l'épais maquillage blanc qui recouvre les traits purs de son visage. Le public était difficile ce soir. Shichisaburo les a secoués à l'entracte, exhortés à donner le meilleur d'eux-mêmes devant les grands nobles de l'empire. Il a fallu s'adapter, prendre sur soi, accrocher l'attention des spectateurs par un jeu très emphatique, une voix plus ferme, des gestes plus théâtraux. Ce soir, c'était fatigant devant un public ingrat et blasé.

Fortunes, que les représentations à Ryoko Owari Toshi sont donc plus agréables ! Evidemment, ce n'est pas leur meilleure pièce. Evidemment, toute la cour n'est pas là. Evidemment, Sa Majesté n'est pas encore arrivée et il est donc inutile de faire des efforts mais justement, les gens sont moins guindés dans ces conditions.
Pourtant il a fallu se dépasser. Pourtant le public a goûté du bout des lèvres l'histoire. Pourtant il n'a pu que reconnaître le talent de la troupe en général, et celui de la femme-oiseau en particulier.

Un des spectateurs, en particulier, semble avoir gouté le spectacle.
Quelqu'un qui pourtant appartient au clan de la Grue et donc aurait pu mal prendre certaines des allusions du texte. Doji Hoturi, fils de Doji Satsume, haut dignitaire de l'Empire, grand bretteur, grand duelliste, et grand coureur de jupons. Et accessoirement daimyo de la famille Doji.

Fortunes, que ces kuge sont prétentieux...
Le linge fait disparaître le maquillage, révèle l'éclat du teint d'ivoire, rend à l'actrice son aspect naturel. Un peu de crème pour éviter que la peau ne se dessèche. Pas la peine de se farder à nouveau, il est l'heure de dormir.

Hmmm... Quel masque vais-je mettre... Oh, celui-là me semble tout à fait adéquat...
La main fine prend dans la grande boîte de bois de rose une merveille de légèreté, un loup décoré de rubans de soie multicolores qui dérobent aux regards une grande partie de ses traits sans pour autant dissimuler l'ovale délicat du visage et l'extraordinaire couleur turquoise de ses iris.

Un bruit de pas se fait entendre à l'extérieur de la loge. Sans doute un des autres acteurs.
A moins que ce ne soit Shichisaburo...non, son pas est plus léger que ça.
Quelques mots échangés - Hiya, et une voix inconnue, mâle et assurée.

Mais qui ça peut bien être encore... Les gens n'ont donc pas de maison où aller ou d'ami pour les accaparer...
Il y a un frottement, et la cloison se met à coulisser. La sienne.

- Qui est là ?
Tsukiko se lève, agacée qu'on se permette une telle privauté dans SA loge.

- Ah c'est vous, c'est bien vous, s'exclame le nouvel arrivant. Je ne pouvais partir sans vous féliciter pour cette superbe interprétation ! Si j'avais connu plus tôt votre existence, c'est directement à Otosan Uchi que je vous aurais invitée ! Quel est votre nom, ma belle enfant ?
- Excusez-moi mais... à qui ai-je l'honneur ?

Le nouvel arrivant se rengorge.
- La personne qui se tient devant vous se nomme Doji Hoturi, le seul, le vrai, l'unique, l'inimitable. Fils du Champion d'Emeraude et daimyo de la famille Doji, le duelliste aux cent victoires, le vainqueur de la bataille des Trois Pins. Mais une actrice d'un talent tel que le vôtre peut m'appeler Hoturi, sourit-il d'un air engageant.

L'actrice regarde l'homme qui se dresse devant elle, empressé, pressant, presque étouffant dans ce monde de convenances et de distance. Des pieds à la tête.
- Je suis... enchantée de faire votre connaissance, Doji Hoturi-dono...
Enchantée, tu parles... Encore un raseur qui se croit pour les femmes un doux péril...

- Allons, ne faites pas cette tête...je sais que ma présence peut impressionner, mais je vous assure, vos charmes la méritent largement ! Et vous voir dans cette vêture de plumes m'est apparu comme un signe.

Mais quel paon !
Les yeux clairs se baissent modestement. Le rose de la confusion envahit les pommettes.
- Vous me flattez, seigneur Doji... Mon talent est loin d'égaler celui des acteurs de l'académie de la famille Kakita...
- Ma belle enfant...vous permettez que je vous appelle ainsi, n'est-ce pas ? Je vous assure que dans cette parure, vous étiez éblouissante ! Et pour tout dire je brûle de faire votre connaissance plus avant. Si vous voulez donner plus de véracité à ce rôle, fréquenter le seigneur d'une famille du clan de la Grue ne vous parait-il pas le meilleur moyen ? ajoute-t-il avec un clin d'oeil.
Je peux vous expliquer en profondeur ce que c'est qu'être un membre du clan de la Grue, dit-il avec un sourire qui sans nul doute doit fort bien marcher sur la gent féminine.

La gent féminine faible d'esprit et facilement impressionnable. Pas sur une femme de la trempe de Shosuro Tsukiko.

- Prêtez-moi votre main, que je vous explique.
- Pour quoi faire ? demande-t-elle avec une naïveté désarmante, parfaitement feinte.
- Tendez donc ces jolis doigts...Ah, mais vous avez des mains fines, élégantes...

Il s'approche comme pour mieux les examiner.
La jeune femme fait un pas en arrière, un sourire innocent sur les lèvres.
- Allons, ne soyez pas timide...Votre beauté mérite cet hommage.

La main fine et élégante en question disparaît dans la longue manche du yukata, et l'actrice glisse d'un pas sur le côté, lui offrant son profil et la ligne pure et sensuelle de son buste.
- Seigneur Doji, allons... C'est très vilain de me flatter de la sorte...
- Ce n'est pas de la flatterie, ce n'est que la pure vérité...votre beauté peut troubler n'importe qui.
Il fait un pas vers elle.

A nouveau, le corps élancé se dérobe dans un délicat passement de jambes, un sourire vient ourler ses lèvres pleines. Le bras qui se tend entre elle et lui, l'éventail appuie sur le croisement de l'étoffe de son haori mettent ce qu'il aurait pu prendre pour une invite en pause. Le regard est amusé, le sourcil haussé.

- Seigneur Doji, je vous trouve bien impatient. Bien trop impatient. Ne savez-vous pas que certaines choses se méritent ? Ne savez-vous pas qu'une dame, quelle que soit sa condition, aime se sentir désirée et attendue ? Je suis très déçue... On m'avait dit tellement de choses intéressantes sur votre compte...Et là... Vous êtes pressé.

Elle se met à marcher autour de lui et son pas est à cet instant le summum de la grâce et de l'élégance.

- Oh, mais je me ferai une joie de vous démontrer que ma réputation n'est nullement usurpée, ma belle enfant. Mais que voulez-vous, votre beauté me subjugue, je suis sous le charme, je ne peux imaginer quitter ces lieux sans témoignage de votre affection. Ne me faites pas languir, troublante beauté, montrez-moi que je peux nourrir quelque espoir.

Les mains croisées dans son dos, son regard turquoise le tient tout entier en son pouvoir et elle s'en amuse intérieurement.
Il lui adresse un sourire charmeur, un peu déçu de ne pouvoir lui embrasser les mains.

- Ne voudriez-vous pas m'accorder un baiser...? Pour m'éviter de languir et de désespérer cette nuit. Vous ne voudriez pas m'empêcher de dormir, n'est-ce pas ?
- Mais seigneur Doji, ces choses-là aussi se méritent... Croyez-vous que j'accorde mes faveurs aussi facilement ? Même à un homme comme vous, je ne puis céder sans résister. Où serait l'attrait du jeu sinon ?

Il sourit, l'attrape par la taille.
Si Jocho entre maintenant, il le tue.

- Vous êtes très impatient, seigneur Doji...
- C'est vous, votre beauté me rend fou, je ne me reconnais pas. Votre parfum m'envoûte, comment pourrais-je résister ?

Tsukiko le laisse parler, il aime entendre le son de sa voix apparemment.
- Hé bien vous êtes le fils du Champion d'Emeraude, le daimyo de la famille Doji, le duelliste aux cent victoires, le vainqueur de la bataille des Trois Pins. Votre volonté est inébranlable...
- Ah, mais vous me torturez ! Votre coeur est-il si dur, que vous me traitiez avec une telle cruauté ? Que me faut-il faire, pour obtenir grâce à vos yeux ?
- Pauvre Hoturi... Je m'en veux de vous causer pareil tourment mais... Vous qui savez quelle saveur peut avoir une victoire chèrement acquise, vous saurez que vous avez bien fait d'attendre le bon moment. Quand vous y serez.

Il a l'air déçu, puis se ravise.
- Vous hésitez, parce que vous ne me connaissez pas...Mais une fois que vous y aurez goûté, vous ne pourrez plus vous en passer, dit-il avec assurance.

Il se penche, entrouvre les lèvres.
- Oh... Vraiment ?
Le fin éventail qu'elle a en main se glisse entre leurs bouches au moment précis où il croit prendre l'avantage sur elle et elle lui sourit derrière son frêle paravent de papier et de bambou.
- C'est toujours meilleur quand on a attendu.

Ses lèvres sensuelles délicatement ourlées de rouge se posent sur la baguette de bois et y laissent une traînée d'écarlate. Il a pu sentir sa peau le frôler dans le mouvement sans y goûter tout à fait. Puis elle se recule et glisse l'objet dans le obi de l'homme devant elle.
- Je suis sûre que vous attendrez le temps qu'il faudra... Hoturi...

Son coeur s'est emballé d'un coup. Oui, elle en vaut la peine.
Il lui adresse son sourire le plus charmeur.
- Ne me faites pas languir trop longtemps.

Puis il incline la tête, et, lui jetant une dernière oeillade langoureuse, sort de la pièce.

Elle n'a rien ajouté, l'a regardé s'éloigner puis quitter sa loge. A soupiré d'un air navré.
- Mais qu'est-ce qu'il ne faut pas faire, Fortunes...

Avatar de l’utilisateur
matsu aiko
Artisan de clan
Messages : 3061
Inscription : 13 juin 2004, 20:33
Localisation : paris

Re: (Nouvelle - ADULTES) Cour d'hiver à Kyuden Bayushi

Message par matsu aiko » 29 oct. 2014, 09:09

Jocho, comme d'habitude, a assisté à la représentation. Le public n'a pas applaudi autant que celui de Ryoko, mais pour lui la performance était encore meilleure. Il discute civilement avec plusieurs des autres spectateurs, recueille leurs avis éclairés avec un trait d'esprit et un sourire, en salue d'autres qu'il n'a pas vus depuis longtemps. Enfin, la foule se dissipe. Il jette un coup d'oeil circulaire aux alentours. La voie est libre.

Il rentre dans le couloir menant aux loges, juste à temps pour voir une silhouette masculine sortir d'une loge. Pas n'importe quelle silhouette. Celle, très reconnaissable, de Doji Hoturi. Pas de n'importe quelle loge. Celle de Tsukiko.

Son sang ne fait qu'un tour, mais il se force à respirer lentement, immobile, le temps que l'autre s'éloigne.
Puis il s'avance à pas mesurés de la loge.

Il toque légèrement à la cloison, selon le code qu'ils utilisent habituellement, fait coulisser la cloison.
- Bonsoir, Tsukiko.
- Bonsoir, Jocho.

Elle lui adresse son plus joli sourire.
Elle sourit...alors qu'il vient de voir ce bâtard sortir de chez elle !
- Je suis contente que tu sois enfin là. J'ai eu droit à la visite d'un raseur de la pire espèce...Encore un qui ne comprend pas quand on lui dit non.
- Que te voulait-il ? demande-t-il d'un ton mesuré.
- A ton avis ? Il m'a prise pour une prostituée qu'il peut trousser contre un mur.

A ces mots, la fureur l’envahit d’un coup. Hoturi, espèce de chien galeux ! Tu n'en as pas assez de ta femme et des autres femmes de la cour, il a fallu que tu t'en prennes à elle !

- J'ai bien cru que je n'arriverais jamais à m'en débarrasser.
- T'a-t-il touchée ? Brutalisée ? demande-t-il avec un calme qu'il est loin d'éprouver.
- Non, ne t'inquiète pas. Il a bien essayé mais... tout daimyo qu'il est, je ne l'ai pas laissé faire.
- Et comment as-tu fait pour t'en débarrasser ? ajoute-t-il, soudain suspicieux. Après tout, elle était bien joyeuse quand il est arrivé…
- Je suis rentrée dans son jeu... Il a compris ce qu'il voulait comprendre et quitté ma loge. J'ai pensé qu'un petit mensonge valait mieux qu'un gros esclandre.

Il se détend imperceptiblement, la prend dans ses bras.
- Ma petite actrice...dit-il en lui lissant les cheveux.
- Tu ne crois pas que j'aurais laissé ce paon enfariné poser les mains sur moi, quand même ? Il n'y a que toi qui as le droit de le faire. Et pas sans ma permission...

Elle se dresse sur la pointe des pieds et dépose un baiser sur ses lèvres.
Il lui sourit, lui retourne son baiser.
Mais même s'il est un peu rassuré, la rage flamboie dans ses veines. Hoturi, tu vas me payer ça.
Oui, elle le connaît bien, son petit capitaine. L’autre va le payer au centuple et c'est une perspective qui la réjouit intérieurement. Hoturi n'a pas fini de le regretter.

Avatar de l’utilisateur
matsu aiko
Artisan de clan
Messages : 3061
Inscription : 13 juin 2004, 20:33
Localisation : paris

Re: (Nouvelle - ADULTES) Cour d'hiver à Kyuden Bayushi

Message par matsu aiko » 30 oct. 2014, 12:57

Deux jours plus tard, Doji Hoturi reçoit une missive, épaisse et parfumée, écrite d'une main délicate.

" Ce que vos yeux ont dit avec trop de hardiesse, ma bouche l'a dénié avec trop de fermeté. Pourtant il m'est impossible de taire plus longtemps ce que votre présence m'a inspiré, dans cette loge de théâtre bien indigne de vous. Si vos inclinaisons rejoignent les miennes, venez donc me retrouver ce soir même au Pavillon des Camélias, au début de l'heure du Serpent."

Ryuji a fait appel à sa plume la plus imagée pour pondre ce texte qui, il en est sûr, le fera courir jusqu'au dit pavillon.

La lettre n'est pas signée, mais Hoturi n'a aucun doute sur son auteur. Ah les femmes...elles disent non au départ, mais elles finissent toujours par se rendre à ses arguments ! Même celles qui semblent les plus décidées.

C'est bien sur cette interprétation toute personnelle et masculine que le barde a comptée...

La petite actrice a dû réfléchir, et se rendre compte de sa chance qu'il ait posé les yeux sur elle. Forcément.
Bien sûr, il doit se débrouiller pour mettre son épouse hors du champ. Mais ce n'est guère difficile. Ameiko ne lui pose jamais aucune question. Et il a suffisamment d'impératifs diplomatiques pour fournir un large éventail de prétextes.

La journée s'écoule avec une lenteur d'escargot, puis le crépuscule arrive enfin. Hoturi s'apprête avec un soin particulier, hésite un instant sur le choix de la tenue et du parfum. Non, celui-ci devrait aller, ce n'est pas comme s'il s'agissait d'une personne de qualité.

Le Pavillon des camélias est un petit pavillon un peu à l'écart, au fond du parc enneigé. Le froid est tranchant ce soir, c'est parfait, cela devrait lui permettre de s'y rendre en toute discrétion. La petite actrice a bien choisi le lieu de leurs ébats.
Des ébats qu'il imagine chauds, débridés, tout à fait conformes à cette actrice sulfureuse tombée dans ses bras. Comme toutes les autres.
Oui, il la sent d'une sensualité torride. De quoi pimenter agréablement son ordinaire.

Il traverse le parc enneigé d'un pas alerte. Les gardes l'ont laissé sans encombre franchir la porte du shiro. La neige crisse sous ses pas, l'air est froid, tonique, à l’amble de son excitation grandissante.

Là...la masse un peu plus sombre d’un bâtiment, et la douce et chaude lueur d'une lanterne. Troublante beauté, j'arrive !

Huhuhuhuhu...
Attends, attends... On a un plan... il faut s'y tenir ! Pas de précipitation, Ryuji !


Hoturi rentre dans le petit pavillon, ouvre le shoji. La chaude clarté d'une lanterne éclaire ses pas. La pièce n'est pas très grande, mais un thé a été servi, et dans le fond il voit l'amas de coussins, devine la forme allongée.
- Me voici, troublante beauté...
Il se déchausse, tout en continuant de lui parler.

Hé ben mon gars... Ta tête ressemble à un gros ballon de kemari, là...

- Votre lettre était exquise, et je suis ravi que vous ayez finalement écouté les élans de votre coeur...Le temps m'a paru interminable, je n'ai pensé qu'à vous.

Ah mais Fortunes ! Faut-il que ce soit pour la bonne cause... à écouter ce bellâtre se mettre à débiter de la poésie...

Hoturi ôte son manteau, sa veste de kimono.
- Mais je suis sûr que nous étions deux dans ce cas. Avez-vous rêvé de moi, comme j'ai rêvé de vous ?

Oh, mes ancêtres ! Regardez... Regardez bien ! Parce qu'un truc comme ça, foi de Ryuji, y'en a pas à chaque millénaire...
Et ça vaudra pour toutes les crasses que ces emplumés d'azur nous ont faites durant des siècles... Oui, c'est mesquin ! Oui, c'est petit ! Mais Ikoma, reconnais-le... qu'est-ce que c'est bon...


La température est fraiche, mais Hoturi n'ignore pas l'effet de sa musculature harmonieuse sur ces dames et se débrouille pour que son profil athlétique soit mis en valeur à la lueur de la lanterne.

- Vous ne dites rien...est-ce ma présence qui vous trouble ainsi ?

Cherche pas, Grue. Je suis insensible à ton charme. Il m'en faut un peu plus pour que je me retourne sur un homme !

La belle ne répond pas. Hoturi trouve ça presque touchant. Finalement, elle est plus timide qu'elle n'en donnait l'air. Il ôte son hakama, puis le fundoshi, et s'avance gaillardement vers la belle endormie.

Et là...

Là, c'est comme si l'apocalypse s'était abattue sur la petite pièce discrète choisie par la pouliche de la semaine pour abriter ses ébats avec son étalon.

Une forme surgit de nulle part et fond tel un oiseau de proie sur le tas de vêtements abandonné derrière lui. Surpris, l'homme se retourne et c'est à ce moment-là que la couverture bondit comme un diable surgissant de sa boîte pour s'échapper par un shoji latéral, traînant derrière elle le futon malmené.
- Hé là !

La couverture et le futon s'élancent dans un bel ensemble à travers les jardins, suivis de près par le tas de vêtements frappé de vélocité.
Hoturi, surpris, hésite quelques instants sur le seuil verglacé puis lance impérieusement au tas de vêtements ambulant :
- Vous là ! Arrêtez-vous immédiatement ! Savez-vous à qui vous avez affaire ?
- Si tu crois qu'on en a quelque chose à foutre, lâche la couverture en accélérant le pas.

Hoturi jure, perd quelques précieuses secondes à ramasser ses sabres, empoigne la première chose qui ressemble à une vêture, puis se lance pieds nus dans la neige à leur poursuite.
- Je vous jure que si je vous rattrape, je vous fais écarteler !

- Hé, tu m'en voudras pas... Je lui ai laissé un petit coussin... pour son petit oiseau, tu vois. Faut pas que ça prenne froid, ces bêtes-là.

Réalisant que sa menace est contre-productive, Hoturi accélère sa course, toujours en tenant le coussin contre lui. Avant de pousser un cri de douleur et de s'arrêter en sautant à cloche pied. Les sabres tombent, épars, dans la neige.
- Aïe aïe aïe !

Deux des pointes d'un tetsubishi sont enfoncées dans son talon.
- Saloperie ! Putains de jardins Scorpion !
- Ah tu ne veux vraiment pas qu'il nous rattrape...
- Eh bien, non, en fait, sourit l'autre, tout en continuant bon train. Je n'ai pas embarqué ses sabres...
- Ah non, ça c'était convenu ! Tout le reste, mais pas les sabres !

Hoturi enlève le triangle à trois pointes de son pied en grimaçant de douleur. Il ramasse ses sabres, fait un détour prudent, veillant à ne pas marcher sur un autre de ces fichus tetsubishi. A son grand soulagement, ce n'est pas le cas. Mais cet intermède lui a fait perdre un temps précieux, son pied saigne vilainement, et ses assaillants ont accru leur avance. Pour couronner le tout, il commence à neiger.
Il faut qu’il continue à courir, ou il va geler sur place...

- Les Fortunes sont avec nous, Jocho. Si ce n'est pas une maladie honteuse qui le tue, ce sera la pneumonie !

Jurant copieusement, Hoturi reprend sa course.

Il finit par arriver, épuisé et transi, bleu de froid, aux portes du shiro, toujours dans le plus simple appareil. Le petit coussin est bien insuffisant pour le réchauffer vraiment. Ses agresseurs semblent s'être volatilisés...et ses vêtements aussi.
Il regarde de tous côtés...mais non, personne.

Grelottant, il examine ses options. Elles sont vite définies. Périr de froid, ou appeler à l'aide, et avoir la honte de sa vie.
Mais s’il meurt gelé, il ne pourra se venger de ceux qui lui ont joué ce tour pendable. Et ça…il grince des dents.

Il hèle la garde. Où sont donc ces foutues sentinelles quand on a besoin d'elles ? Probablement allées se mettre au chaud, elles.
Au bout d'un moment, quelqu'un finit par arriver.

- Ouvrez la porte ! Immédiatement !
- Qui va là ?
- Quelqu'un d'à moitié mort de froid, et qui aura votre tête si vous n'ouvrez pas immédiatement !

En haut des remparts, une couverture, un futon et un tas de vêtements bleus sont accoudés sur le parapet et regardent avec un intérêt non dissimulé le spectacle.
- Je voudrais être une mouche pour voir la tête de son père quand on lui rapportera l'événement.

Le ton impérieux de l'arrivant semble avoir été convaincant, car la porte du shiro s'ouvre peu de temps après. L'intervalle de temps a été suffisant pour que d'autres spectateurs arrivent, intéressés par le spectacle.
- Mille excuses, Doji-dono, nous ne vous avions pas reconnu, s'excuse un des gardes Bayushi.

La couverture, le futon et le tas de vêtements bleus suivent le passage par la porte de l'individu dénudé, changent de côté, puis regardent le dit individu entrer dans la grande cour du palais du Clan du Scorpion.

La garde fait comme à la parade et se fige dans une posture on ne peut plus protocolaire, tandis que le fils du Champion d'Emeraude passe au milieu des soldats, nu comme un ver, le petit coussin pudiquement tenu devant l'objet du délit.

Quelques courtisans ont senti l'odeur de la charogne et sont venus se poser comme un vol de vautour près de la grande porte. Ravis d'assister à la déconfiture du daimyo de la famille Doji, ils prennent pourtant bien garde à ne pas l'offenser et s'inclinent obséquieusement.
On fait comme d'habitude, on ignore avec politesse ce qui saute pourtant aux yeux.

Les sabres dans une main, le coussin dans l'autre, Hoturi avance tout droit, faisant de son mieux pour faire abstraction des regards qui lui brûlent le dos. Plus que vingt mètres...
Plus que dix...

Et à ce moment-là, une couverture, un futon et un tas de vêtements bleus prennent leur envol depuis le chemin de ronde et viennent s'échouer avec une certaine grâce sur le sol de la grande cour d'honneur du Palais du Clan du Scorpion...

Un tic nerveux agite la joue du daimyo de la famille Doji.
Il est tiraillé entre deux envies contradictoires : continuer comme si de rien n'était et rejoindre le serviteur habillé de bleu qui l'attend près de l'entrée un peu plus loin, ou se mettre à hurler, déclencher l'alerte générale et partir à la poursuite des deux lascars qui l'ont humilié d'une façon aussi éclatante.
Au risque de se ridiculiser encore plus.

Hoturi serre les mâchoires, et continue à avancer. A son expression, il vaut mieux ne pas s'interposer.
Les gardes, avec sagesse, l'ont parfaitement compris, et le laissent passer sans mot dire.

Vingt mètres au dessus des turpitudes de la vie du daimyo de la famille Doji, un barde de la famille Ikoma et le capitaine de la Garde Tonnerre de Ryoko Owari Toshi se glissent en toute discrétion par une des portes du chemin de ronde et rejoignent les couloirs silencieux du kyuden.

- Ah, la honte... Je ne sais même pas si moi, j'arriverais un jour à m'en remettre à sa place...C'était un bon plan, camarade.
- Qui n'aurait pu marcher sans ton aide, le barde.
- Il est vrai. Je suis indispensable. En toute modestie, bien sûr.
- Allez, que dirais-tu d’un peu de saké ? On l'a bien mérité.
- Clairement ! Et puis c'est qu'il fait froid, ce soir... On a besoin de chaleur.
- Pas autant que d'autres personnes...
- Je ne me suis jamais retrouvé tout nu sous la neige... mais je me doute que c'est très dur à vivre. Le vent dans les futaies, les flocons...
- Eh oui...surtout pour quelqu'un qui a toujours vécu dans le cocon douillet d'un Palais du clan de la Grue.
- Tout seul, pieds nus dans la neige... avec les loups...
- Des loups ? Quelques hérissons un peu agressifs, tout au plus.
- Oui mais la nuit, de loin, par surprise et sur un malentendu, tu les prends facilement pour des loups, tu sais.

Jocho se met à rire.
- Tu as vraiment de l'imagination, camarade.
- Il en faut dans mon métier !
- Pense donc à la tête que vont faire papa et la tendre épouse...
- Ah, ça me fait de la peine pour cette pauvre fille, quand même. On n'a pas idée quand on est jolie comme un coeur d'avoir été obligée d'épouser un type comme lui.
- Ne m'en parle pas, tiens. Ca me démoralise, commente Jocho, se remémorant ses propres perspectives matrimoniales. Bon, on se le boit ce saké ?
- Allons-y, camarade ! J'ai repéré une petite maison de thé tout à fait sympathique où l'alcool est fin, la chère délicate et la compagnie délicieuse.

Sans plus d’atermoiements, les deux compères s'en vont de concert vers la susdite maison de thé.
- Tu étais charmante en belle effarouchée, sais-tu ? Il faudrait juste que tu te rases la barbe.
- Un rien m'habille, mon cher.
- Plus que d'autres...

Ryuji éclate de rire et donne une bourrade amicale à son comparse.
- Comme tu dis !
- A la nôtre !
- Kampei !

Avatar de l’utilisateur
matsu aiko
Artisan de clan
Messages : 3061
Inscription : 13 juin 2004, 20:33
Localisation : paris

Re: (Nouvelle - ADULTES) Cour d'hiver à Kyuden Bayushi

Message par matsu aiko » 31 oct. 2014, 14:33

Satsume marche de long en large, à grands pas nerveux qui ne lui ressemblent pas. Le départ au matin de Doji Ameiko, tout juste accompagnée de quelques servantes et d'une escorte d'une douzaine de soldats, dans son silence assourdissant a fait encore plus de bruit que l'arrivée nocturne de son fils. Il ne blâme pas la jeune femme. Elle a fait ce que toute épouse bien née et ayant un peu de dignité se devait de faire.

Mais le résultat est là. Son mariage avec Hoturi date à peine de quelques mois, et déjà son fils traîne leur honneur dans la boue.
Et pourtant ce n'est pas faute de lui avoir fait la leçon. Satsume connait son fils, son tempérament fougueux, il a souri à l'occasion de ses incartades. Mais c'est une chose de jouer les jolis coeurs quand on est jeune et célibataire, c'en est une autre de bafouer ouvertement sa femme.
Et il n'a même pas l'excuse d'avoir une épouse disgracieuse ou acariâtre : Ameiko est d'une beauté sereine et incarne à la perfection les vertus d'une bonne épouse.
Mais ce n'est apparemment pas assez pour Hoturi.

- Votre fils est arrivé, Satsume-dono.
- Qu'il entre.

Le serviteur s'incline, et fait coulisser la cloison. Le jeune homme entre, et s'incline avec raideur.
Satsume garde le silence, le regardant froidement.

Hoturi garde obstinément les yeux baissés. Il se doute des réprimandes que son père va lui asséner. Mais comment aurait-il pu savoir que cela allait tourner ainsi ?
- Je suppose que tu as une explication à tout ce désordre.

Hoturi hésite. Doit-il se justifier, ou faire directement amende honorable ?
- Je vais vous expliquer ce qui s'est passé, Père. Mais croyez bien que blesser Ameiko était la dernière chose que je souhaitais. Cela a commencé par une soirée au théâtre...
- Une soirée au théâtre ?
- Oui, il y a quelques jours, je suis allé voir une des pièces de cette nouvelle troupe, celle qui vient de Ryoko Owari. Dans la troupe se trouve une jeune actrice d'un grand talent, qui mérite mieux que de jouer dans une troupe de second ordre. Après la pièce, je suis passé la voir pour lui proposer de la parrainer. Elle a refusé sur le moment, mais quelques jours plus tard, j'ai reçu une lettre de sa part, me proposant un rendez-vous. Elle avait dû voir l'intérêt de ma proposition.
- Et c'est ton... offre de parrainage... qui t'a valu l'humiliation de ta tenue d'hier ?

Hoturi rougit violemment. L'humiliation est trop fraîche pour être digérée aussi rapidement.
- Non. Elle n'était pas au rendez-vous. A la place je me suis fait assaillir par surprise par deux individus, qui m'ont dépouillé de mes vêtements et laissé nu dans la neige. Je n'ai pas eu le temps de voir de qui il s'agissait.

Satsume connaît trop bien son fils pour prendre pour argent comptant l'explication qu'il lui sert si commodément.
S'il écoutait son intuition, il penserait qu'il n'a pas fallu user de grande violence pour lui faire enlever son kimono. Surtout qu'ils lui ont laissé ses sabres. Et au vu de la réaction de son épouse, il n'est pas le seul à le croire...
- Après avoir repris mes esprits, je suis revenu au château, mais malheureusement Ameiko a eu vent de ma mésaventure...ce qui a abouti au résultat que vous connaissez.
Père, je me doute de ce que vous pensez. Mais en s'attaquant à ma personne, on a cherché à salir le nom des Doji. Laissez-moi découvrir qui a voulu me déshonorer de la sorte.
- C'est une opinion qui n'engage que toi. Tu n'apprécierais pas que je partage la mienne, répond sèchement son père.

Le bouillant jeune homme pique du nez, l'air renfrogné. En général, il n'hésite pas à lui tenir tête. Mais là, il sait qu'il n'a pas l'avantage.
- Qu'allons-nous faire, alors ?
- Non. Que vas-tu faire, toi. C'est ton problème, c'est toi qu'on a traîné dans la fange, c'est à toi de régler ça.

Hoturi expire.
- Dans ce cas, je vais faire de mon mieux pour découvrir les coupables, puis ensuite j'irais présenter mes plus humbles excuses à mon épouse.

Satsume le regarde avec sévérité.
- J'aurais eu la courtoisie de procéder à l'inverse... Chacun classe ses priorités selon son ressenti, après tout.

Hoturi prend ça comme une gifle en plein visage. A contre-coeur, il admet :
- Très bien. Je vais d'abord aller m'excuser auprès d'Ameiko, lui expliquer le malentendu. Avec un peu de chance je parviendrais à la convaincre de rebrousser chemin.
- J'en doute. Mais tu peux toujours essayer.
- D’accord. Je vais faire mon possible. Mais Père...cela veut-il dire que vous allez laisser cet outrage impuni ?
- Encore faut-il retrouver les coupables. Pour l'instant, tu n'as rien. Un mot de cette actrice, une agression. Et ensuite ?

Le jeune homme serre les poings.
- Père, vous incarnez la Justice Impériale, vous êtes le daimyo de notre clan. N'allez-vous rien dire ? Rien faire ? On a sali mon nom, et le nom des Doji, je m'en préoccupe autant que de l'honneur de mon épouse ! Ne pouvez-vous déclencher une enquête ? Découvrir qui sont les ruffians qui m'ont agressé ?
- Et toi tu es un imbécile qui se laisse dépouiller de ses vêtements dans un pavillon du jardin de Kyuden Bayushi, en pleine cour d'hiver ! Pour qui est-ce que tu te prends !

La colère de Satsume a explosé d'un coup.
- Tu viens de traîner notre famille dans la boue ! Et tu oses venir pleurer dans mon hakama pour réclamer la justice impériale !
Pour qui est-ce que tu te prends ! Ton épouse est partie ce matin comme une voleuse, pour ne pas avoir à subir la commisération des courtisans et toi, tu viens me demander de faire faire une enquête par la magistrature d'Emeraude ? Mais de qui te moques-tu ?
Je suis obligé de te rappeler tes devoirs envers elle alors que la seule chose qui t'intéresse, c'est de mettre la main sur les responsables de ta cuisante humiliation ? Tu mériterais que je t'envoie dans un temple pour le reste de l'année !
Tu es le daimyo de ta famille, bientôt de ton clan ! Comporte-toi comme l'exigent ton rang, ta naissance ! Et arrête de vouloir parrainer toutes les actrices que tu trouves à ton goût !

Hoturi encaisse la dégelée sans mot dire, mais sa nuque a viré au pourpre.
- Et occupe-toi de ton épouse avant toute chose ! Séance tenante !
- Hai, lâche-t-il d'une voix enrouée.
- Elle mérite au moins ta considération, à encaisser tes frasques quotidiennes sans jamais te faire un seul reproche. Et maintenant, disparais !

Le jeune homme s'incline profondément, et sort à reculons, le teint cramoisi.

Avatar de l’utilisateur
matsu aiko
Artisan de clan
Messages : 3061
Inscription : 13 juin 2004, 20:33
Localisation : paris

Re: (Nouvelle - ADULTES) Cour d'hiver à Kyuden Bayushi

Message par matsu aiko » 31 oct. 2014, 22:24

Après le départ de son fils, Satsume reste un long moment à réfléchir.

Même si Hoturi a été en-dessous de tout, il reste que ce qui lui est arrivé n'est pas exactement une peccadille.
Même s'il est persuadé que son fils n'est malheureusement pas parvenu à se défaire de ses penchants libertins, il reste que deux individus ont osé lui appliquer un traitement ignominieux. Mérité peut-être, mais ignominieux.
Et ça, c’est s’attaquer à l’honneur de sa famille.

- Aki, peux-tu faire quelque chose pour moi.
- Hai, Satsume-dono.
- Renseigne-toi sur la nouvelle troupe qui vient de Ryoko Owari. Une jeune actrice, probablement très belle, qu’aurait rencontré mon fils. Trouve-moi qui c'est et convoque-la ici.

Le serviteur s'incline profondément et sort de la pièce.

Le ridicule tue parfois. Mais pas cet homme-là, semble-t-il. Après l'humiliation publique et cinglante que Doji Hoturi a subi la veille, il n’est qu’à moitié surprenant qu'il soit allé pleurer dans le hakama de son papa.
Et il est des convocations tout aussi grossières qu'impossibles à éviter.
Tsukiko regarde le serviteur venu la... ramener aux pieds du Champion d'Emeraude avec le plus parfait mépris et lui fait comprendre son déplaisir d'être convoquée comme la dernière des servantes en claquant sèchement son éventail.

- Hé bien puisque Doji Satsume... dono exige que je me déplace jusqu'à ses appartements alors que je suis en train de répéter une pièce pour Sa Majesté...Je ne peux qu'obéir, je suppose.
- Je suis désolé, Ohan-san. Avez-vous besoin de quelques minutes pour vous préparer ?
- Non, j'ai besoin de temps pour répéter et ce n'est pas en sursoyant que je vais en gagner. Alors allons-y.

L'actrice se drape dans son imposant kimono de scène et emboîte le pas du serviteur.
De concert ils gagnent ainsi les appartements de la délégation du clan de la Grue, puis ceux du Champion d'Emeraude. Tsukiko fait sensation dans les couloirs avec son ample costume brodé et son masque travaillé.
Ils pénètrent dans une antichambre, où le serviteur la laisse. Quelques minutes plus tard, un autre vient lui proposer du thé, qu’elle refusa. Il l'a convoquée sans tambours ni trompettes, ce serait étonnant qu'il la fasse attendre.

Quelques instants plus tard, la cloison s'ouvre à nouveau sur le premier serviteur.
- Ohan-san ? Si vous voulez bien me suivre ?

Elle se lève dans un froufrou d'étoffe et obtempère.
Ils suivent un long couloir, et arrivent à un nouveau shoji où deux gardes sont postés. Ceux-ci s'écartent à leur arrivée, le serviteur s'agenouille et fait glisser la cloison, lui faisant signe de se baisser également.

Dans la pièce se trouve l'homme dont Tsukiko se souvient, pour l'avoir précédemment croisé à Ryoko Owari : la silhouette longiligne, le visage balafré, la présence charismatique, l'aura de pouvoir et de suprême confiance en soi de Doji Satsume, le daimyo du clan de la Grue. Le Champion d'Emeraude, la personnification même de la Justice Impériale. Dont le symbole est juste derrière lui, sous la forme d'un long sabre dressé à la verticale.
Cet homme, elle le déteste. Il a pris son frère, il en a fait un de ses samurai alors qu'il ne le mérite même pas, il évite de regarder la vérité pour ne pas ternir son honneur si précieux. Comme si le service de l'empire tolérait qu'on s'arrête seulement à ce genre de détail. Oui, elle le déteste, comme elle déteste son idiot de fils, comme elle déteste son clan de dégénérés.
Sans lui adresser un regard, elle s'agenouille et le salue front au sol, il aime l'obséquiosité, elle a bien vu comment il se comportait à Ryoko Owari Toshi, comment il l'a congédiée comme une servante en lui faisant comprendre qu'elle ne ferait jamais partie de son monde, du monde de Katsumoto. Le rang, le statut et le lignage.

Il la fixe un moment. Difficile de se faire une idée de son apparence sous cet accoutrement. Mais elle doit être jolie, connaissant Hoturi.
- Relevez-vous.

Elle obéit sans mot dire, se concentre pour placer sa voix de manière à ce qu'il ne la reconnaisse pas. Mais de toute façon, l'idée qu'elle puisse être là ne va même pas l'effleurer. Aucune crainte à avoir…ou presque.
- Merci de vous être rendue ici, Ohan-san. Je souhaite simplement vous poser quelques questions. Avez-vous eu une entrevue avec mon fils Hoturi il y a quelques jours?
- Oui, Doji Satsume-dono.
- Quel en était le motif ?
- Il ne peut être différent de celui qu'il vous a exposé.
- Je souhaiterai néanmoins l'entendre de votre bouche.
- Alors ma version risque de vous surprendre.
- Je vous écoute.
- Il est venu dans l'intention évidente de me mettre dans son futon. Sur-le-champ.

Son ton est calme mais elle ne mâche pas ses mots. Satsume la fixe un moment. C'est malheureusement bien trop crédible.
- Il ne vous a pas parlé d'un quelconque parrainage ?
- Un parrainage ? Si c'est ainsi qu'il conçoit les choses, je suppose que ce doit être ça.

Satsume réprime un soupir.
- Et que s'est-il passé cette fois-là ?
- Rien. J'ai réussi à l'éconduire sans qu'il en prenne ombrage.

Satsume la transperce du regard et reste silencieux de longues minutes. Puis il reprend d'un ton neutre.
- Avez-vous de la famille, Ohan-san ?
- Non, Doji Satsume-dono.
- Etes-vous mariée ? Fiancée ?
- Non, Doji Satsume-dono.

Nouveau silence.
- Vous n'êtes pas sans avoir entendu parler de l'arrivée nocturne de mon fils.
- La nouvelle a fait le tour du palais, Doji Satsume-dono.
Difficile de le nier...
- Avez-vous une part quelconque de responsabilité dans ce qui lui est arrivé ?
- Non, Doji Satsume dono. Il faudrait être stupide pour faire une chose pareille.

Sa voix est toujours calme, assurée, sans ironie sous-jacente. Elle semble sincère...mais c'est une actrice. C'est son métier, de paraître sincère.
Il y a une chance qu'elle soit en cause. Mais il répugne à recourir à des méthodes plus brutales. Heureusement, il y a un moyen beaucoup plus simple de s'assurer de sa bonne foi.
- Ohan-san, il y a une écritoire à votre droite. Auriez-vous l'amabilité d'écrire ce que vous venez de me dire ? Vous savez écrire, n'est-ce pas ?
- Oui, j'ai reçu une éducation digne de ce nom.

Mais quel imbécile... Comment apprend-on un rôle sans savoir ni lire, ni écrire...L'ignorance ne connaît pas les castes apparemment.
Elle prend le pinceau et trace avec une certaine ironie :" Il faudrait être stupide pour faire une chose pareille."
Après tout, c'est très exactement ce qu'il lui a demandé. Ecrire ce qu'elle venait de dire.
A aucun moment elle ne croise son regard. On ne lève jamais les yeux sur son supérieur.

Satsume la regarde achever la phrase d'une calligraphie élégante et sûre, puis poser le pinceau.
- Je vous remercie, Ohan-san. Ce sera tout pour le moment. Vous pouvez disposer.

Elle le salue à nouveau front au sol et se retire à reculons, en silence.
Satsume récupère la lettre, donne des instructions. Il sera facile de vérifier si la lettre reçue par Hoturi a été écrite de la même main.

Comparer les deux lettres ne prend que peu de temps. La façon dont les kanji sont formés est complètement différente. Même un aveugle s’apercevrait que ces deux textes ne sont pas la même main. Bien que les deux écritures montrent une certaine éducation, la deuxième montre une délicatesse dans le trait qui lui est spécifique. Donc… ce n'est pas elle. Mais si elle n'est pas en cause, qui donc sont les responsables ?

Satsume relit la lettre, et réfléchit.
Quelle que soit la personne qui a écrit la fausse lettre, elle est forcément au courant de la visite de son fils à cette jeune actrice. Donc forcément là à cette fameuse soirée au théâtre, soit du côté de la scène, soit des coulisses.
Ce qui laisse quand même beaucoup de suspects potentiels.

Ensuite, vient la question de la motivation. Si elle a dit vrai, la jeune fille n'a pas ici de parentèle. Mais cela laisse ouverte la possibilité d'un ami fidèle – ou, surtout, d'un amant jaloux.
A moins que le coupable ne soit un ennemi de Hoturi, qui a simplement profité des travers de son fils pour lui tendre un piège et lui infliger cette humiliation...

Satsume soupire. Si on prend cet angle-là, cela peut faire un certain nombre de personnes, hélas. Il y a suffisamment de pères, de frères et de maris offensés par les incartades amoureuses de son fils pour faire une longue, très longue liste. Qui a déjà indirectement contribué à la réputation de son fils comme duelliste.

Il lui faut se renseigner davantage sur cette jeune personne, et les personnes qu'elle fréquente. Et pour cela il y a deux sources de renseignements évidentes, le chef de la troupe de comédiens, et la personne qui a amenée ladite troupe ici.

Avatar de l’utilisateur
matsu aiko
Artisan de clan
Messages : 3061
Inscription : 13 juin 2004, 20:33
Localisation : paris

Re: (Nouvelle - ADULTES) Cour d'hiver à Kyuden Bayushi

Message par matsu aiko » 03 nov. 2014, 11:55

Quand Shichisaburo sort de chez le Champion d'Emeraude, il remercie toutes les Fortunes d'avoir porté son masque. Il est livide, son dos est couvert de sueurs froides et ses jambes tremblent et il a du mal à marcher avec assurance tant l'entretien a été pénible pour lui. Lui, le hinin, reçu en tête à tête par la seconde personne la plus puissante de l'empire. Dans quoi s'est fourrée la petite Tsukiko ? Il n'en a aucune idée mais c'est forcément en rapport avec la déconfiture du daimyo de la famille Doji, dont tout le monde parle depuis le matin.

Il a menti.
Il a osé mentir à Doji Satsume...

Comment a-t-il pu faire ça ? Où a-t-il trouvé la force de donner à sa voix, à son attitude, suffisamment d'assurance pour respirer la sincérité ? Il l'ignore.
Mais comment aurait-il pu lui dire quelque chose ? S'il apprenait la vérité, il était capable de faire exécuter toute la troupe, s'il était de bonne humeur.
Cet homme a droit de vie et de mort, même dans la demeure du daimyo du Clan du Scorpion.

Non, il ne pouvait dire qu'elle est en fait une courtisane de la famille Shosuro, qu'elle se cache parmi les acteurs de sa troupe et qu'elle entretient une liaison depuis maintenant un an avec le capitaine de la Garde Tonnerre, le fils du gouverneur de Ryoko Owari Toshi, malgré l'interdiction de sa mère, malgré ses fiançailles avec la nièce du Champion du Clan du Lion.

Non, il ne pouvait pas dire non plus qu'il y avait de fortes chances que ledit amant, présent à la Cour d'hiver, soit à l'origine de l'humiliation publique retentissante de Doji Hoturi.
Les secrets des puissants sont bien trop dangereux pour le commun des mortels.

Alors il a feint l'ignorance, la surprise. Il a soutenu qu'elle n'avait personne dans sa vie, qu'elle était dans sa troupe depuis déjà plusieurs mois et qu'il n'avait que des satisfactions depuis qu'il l'avait recrutée.
Ce qui est vrai dans une certaine mesure.

Et il n'a pu que constater que ses dons pour la comédie ont atteint à l'occasion de cet entretien le summum de son art. Même s'il a frôlé la crise cardiaque.
Il va falloir qu'il ait un entretien avec elle, histoire de tirer cette affaire au clair. Parce que si elle est mêlée à cette affaire sordide, il a besoin de le savoir afin de prendre la meilleure décision pour toute la troupe.
Il est déjà vieux, lui, il n'a pas de famille, mais certains acteurs de la troupe ont des conjoints, des enfants, des parents. Il ne peut pas tous les mettre en danger pour une seule personne, quelle que soit son affection pour elle.

Après le départ de Shichisaburo, Satsume pousse un long soupir. Sa présence a hélas toujours le même impact sur les hinin. Il est très difficile de parler à quelqu'un réduit à l'état de gelée tremblotante. Et encore, il a eu de la chance, le vieil acteur a quand même réussi à répondre à ses questions d'une voix à peu près audible, malgré la façon dont il se liquéfiait sur place. Ce n'est pas le cas de toutes les personnes qu'il interroge. Le seul point positif, il est rare que des personnes terrifiées à ce point là osent mentir. Même si ses réponses ont été succintes, Satsume est raisonnablement sûr de la véracité de ses dires. Par contre, inutile de compter sur lui pour impliquer ou dénoncer d'autres personnes - surtout s'il s'agit de samourai.
Pour cela, il va lui falloir d'autres interlocuteurs.

- Veuillez demander à Shosuro Jocho-san de venir me voir de toute urgence.

Avatar de l’utilisateur
matsu aiko
Artisan de clan
Messages : 3061
Inscription : 13 juin 2004, 20:33
Localisation : paris

Re: (Nouvelle - ADULTES) Cour d'hiver à Kyuden Bayushi

Message par matsu aiko » 04 nov. 2014, 07:44

Jocho reçoit la convocation du Champion d'Emeraude avec un désagréable sentiment au creux de l'estomac. Démasqué...? Si vite ?
Non, raisonne-t-il, c'est trop rapide. Et si c'était le cas, cela ne se passerait pas ainsi.

Il prend le temps de se changer, revêtant une tenue formelle : Un kimono noir, qui de loin semble uni mais de près comporte en ton sur ton les minuscules entrelacs de la famille Shosuro, un haori de cérémonie assorti, portant les cinq mon du clan du Scorpion, sur le dos, les manches, la poitrine, un obi de soie écarlate brodée d’or, dans lequel il glisse ses sabres. Il vérifie son apparence, et se rend à la convocation.

Tsukiko pendant ce temps se rend chez le vieil acteur, qui lui a demandé de venir tout de suite. Ce n'est pas de lui, il doit y avoir un gros problème.

Toutes ces allées et venues ne sont pas passées inaperçues d'une autre personne.
Qui ne met pas longtemps à faire le lien entre les récents évènements et ces deux convocations coup sur coup.
Si c'est bien ce que je pense...je vais enfin pouvoir te rendre la monnaie de ta pièce, espèce de sale garce.
Mais pour le moment elle ne fait rien. Elle écoute, elle observe. Attentivement.

Pendant ce temps, dans les appartements du Champion d'Emeraude...

Jocho a laissé ses sabres, comme le veut la consigne, au serviteur à l'entrée. Il sent l'hostilité contenue des gardes de l'entrée et leur adresse un grand sourire. Il est ici en simple invité.

Quand on le fait entrer là où se trouve Satsume, celui-ci est debout, mains croisées dans le dos, tourné vers les jardins couverts de neige qu'il regarde par le shoji ouvert. Sa silhouette puissante irradie une aura d'assurance et d'autorité très particulière et lorsqu'il se tourne vers le jeune homme, son regard balafré le transperce dans le silence de la pièce.

Jocho s'incline respectueusement, le front contre le tatami. Il a suffisamment de maitrise de l'étiquette pour connaître par coeur ce qui est attendu de lui dans de telles circonstances.
Il y a autant de différence de rang entre le Champion d'Emeraude et lui qu'entre lui et un heimin. Peut-être plus. Cela dit, il l'a déjà rencontré. Il y a à peine quelques mois, il l’accueillait à Ryoko Owari, lors de sa visite officielle en compagnie de Bayushi Kachiko. Ce n'est pas comme s'il s'agissait d'un inconnu.

- Shosuro Jocho-san, je vous ai fait venir pour avoir l'opinion du mécène qui a amené ici cette troupe de théâtre de Ryoko Owari Toshi. Il semble qu'une des actrices soit mêlée - de près ou de loin, nous ne le savons pas encore - à ce qui est arrivé à mon fils cette nuit. Je voulais... vous entendre au sujet de cette jeune personne, Ohan il me semble.

Toujours front au sol, Jocho répond courtoisement :
- Je vais faire de mon mieux pour satisfaire votre demande, Satsume-dono.

Le Champion d'Emeraude attend encore une bonne minute, le laissant aplati au sol, sans rien dire, avant de lui signifier qu'il peut se relever.
Jocho prend bonne note, et continue comme si de rien n'était.
Il se demande un moment s'il faut qu'il lui présente ses condoléances pour ce qui est arrivé à son fils...mais ce ne serait que retourner le couteau dans la plaie, même si la tentation est grande. Il choisit sagement de s'abstenir.

- Pourquoi avez-vous amené cette troupe à la Cour d'hiver de Sa Majesté ?
- Cette troupe est habituellement basée à Ryoko Owari. Si elle est moins illustre que celle de l'Eventail d'Ivoire, j'ai été frappé à plusieurs reprises de l'originalité des mises en scènes, et je me suis dit que ses spectacles pourraient être une agréable diversion lors de la cour d'hiver.
- Et connaissez-vous personnellement cette... Ohan ?
- Etant le mécène de la troupe depuis un bon moment, je connais, je pense, la plupart des acteurs. La jeune Ohan est une addition récente à la troupe, mais un recrutement réussi.
Elle a du talent.
- Hmmm... A-t-elle de la famille ?
- Pas que je sache. Mais pour le coup, je ne connais pas non plus les familles des autres acteurs, sauf pour ceux qui vivent comme mari et femme au sein de la troupe.
- Pas de soupirant, de conjoint ou d'admirateur qui se serait déjà montré jaloux dans un passé récent ?

Jocho s'autorise un petit sourire.
- Trop, je dirais ! A Ryoko Owari, elle avait beaucoup de succès. Les admirateurs se pressaient pour la saluer après chaque spectacle.
- Et ont-ils fait le voyage depuis la cité ?

Satsume retient une grimace. La liste des suspects s'allonge encore un peu plus...
- Pas que je sache...mais je n'ai pas vérifié la liste des invités, ce n'est pas impossible.Personne dans ma délégation, pour ce que je peux en dire.
- Hmmm... J'aurais besoin de leurs noms.
- Je ne suis pas sûr que ce sera exhaustif, mais je ferai de mon mieux, Satsume-dono. Je vérifierai la liste des invités et vous indiquerai quelles personnes à ma connaissance étaient des spectateurs assidus.
- Avez-vous remarqué quelque chose d'insolite durant les précédentes représentations ?
- D'insolite ?
- Oui. Des admirateurs, des gens au comportement étrange.
- Ah.

Jocho se tait un moment. Des gens au comportement étrange...il n'y a que ça, ici.
- Eh bien, il n'y a pas eu tant de représentations que ça, mais je pense que le talent pour la mise en scène de Shichisaburo a su retenir l'attention de plusieurs personnes, commence-t-il prudemment. Suffisamment pour qu'ils assistent à plusieurs représentations. Mais je ne sais pas si c'est insolite...cela me paraitraît plutôt très bon signe.
- Et en tant que mécène de la troupe, vous n'avez eu vent d'aucune rumeur à ce sujet ?
Des plaintes des actrices, des visiteurs pressants dans les coulisses ?
- Pas de plaintes, non, Satsume-dono. Elles seraient de toute façon beaucoup trop impressionnées par l'honneur qui leur serait fait...

Le Champion d'Emeraude hausse un sourcil. Evidemment, l'intérêt de son fils pour l'une d'entre elles, même s'il est provisoire, offre des perspectives d'ascension tout à fait intéressantes.
Par contre il sent Jocho un peu embarrassé.
- Qu'y a-t-il ?
- Rien, Satsume-dono.
- Allons, vous pouvez me parler librement.

Jocho hésite, puis entame avec répugnance.
- Je viens de me souvenir de quelque chose, mais je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée de vous en parler, Satsume-dono.
- Hé bien dites-le. Je peux tout entendre.

L'expression de Jocho signale son doute, mais il poursuit.
- Satsume-dono, il me semble bien que dans ces spectateurs assidus, il y avait Hoturi-dono.

Jocho sait qu’il joue avec le feu.
L'homme retient un soupir. Evidemment...
- Bien. Rien d'autre à ajouter ?
- Non, Satsume-dono.
- Et avez-vous vu quelque chose hier qui puisse nous éclairer sur la situation ? Là et avec qui où vous étiez.
- Pas vraiment, Satsume-dono. J'étais en train de faire une partie de go avec Ikoma Riuji-san, puis nous sommes partis à une petite maison de thé à l'extérieur de la forteresse, où nous avons passé la soirée.
- Hmmm... Vous pouvez disposer.

Jocho s'incline à nouveau profondément. Puis il sort, prenant soin de respecter à la lettre l’étiquette.

Satsume se tourne à nouveau vers le shoji pour regarder le paysage. Ikoma Ryuji. Un membre du Clan du Lion appartenant à la famille du daimyo. Difficile de mettre sa parole en doute.
L'affaire s'annonce compliquée.

Avatar de l’utilisateur
matsu aiko
Artisan de clan
Messages : 3061
Inscription : 13 juin 2004, 20:33
Localisation : paris

Re: (Nouvelle - ADULTES) Cour d'hiver à Kyuden Bayushi

Message par matsu aiko » 05 nov. 2014, 12:58

Tsukiko est assise devant le grand miroir de bronze poli qui lui sert pour se maquiller quand elle doit monter sur scène. Elle a posé son masque sur le bois de cerisier de la table et tient en main le crayon noir qui lui sert à ourler ses yeux. Mais elle n'arrive pas à croire ce que Shichisaburo lui a révélé tantôt.
Comment peut-on être aussi stupide ?
Le petit malin qui a infligé à Doji Hoturi la cuisante morsure de l'humiliation ne peut être que Jocho. Avec un coup de main de son âme damnée, bien sûr. Il faut être deux pour voler les vêtements et les couvertures.
Si jamais ça vient à se savoir... Fortunes, elle ne veut même pas y penser...
Elle savait qu'il se vengerait...mais là...
Il va falloir qu'ils aient une discussion sérieuse. Elle ne peut pas le laisser faire la même chose à tous les admirateurs qui pourraient passer devant sa loge.

Elle a suivi les autres allées et venues, vu l'inquiétude de Shichisaburo, surpris quelques bribes de conversation, qui ne font que confirmer ce dont elle se doutait déjà. Un sourire rapace se peint sur sa figure.
Ohan, sale garce ambitieuse et manipulatrice, je te tiens.
Avec ce qu'elle vient d'apprendre, elle n'aura d'autre choix que de se plier à ses désirs.

A pas de loup, elle se rapproche de la loge d'Ohan, toque discrètement à la cloison.
Au "Entrez" étouffé, un délicieux sourire se peint sur ses lèvres et elle entre dans la loge.
- Bonjour Ohan...m'est-il possible de te déranger quelques instants ?

La courtisane jette un coup d'oeil à celle qui vient d'arriver. Rien qu'à la regarder bouger, elle sait qu'elle est synonyme d'ennuis.
- Je t'en prie, Mina.

La seconde actrice referme lentement le shoji, prenant tout son temps, avant de se retourner vers elle d'un gracieux mouvement. Seconde actrice ? Non, elle n'est même plus cela actuellement. Mais les choses vont retrouver leur cours naturel - avant l'intervention de cette catin.
- Ohan, je dois te dire que je suis très inquiète.

Tsukiko a posé le fard et s'est levée tranquillement, sans faire de geste plus rapide qu'à l'accoutumée.
- Oh... Pourquoi donc ?
- C'est terrible, ce qui est arrivé à Hoturi-dono. Une telle honte...je ne sais pas s'il pourra s'en remettre. Ou sa pauvre épouse. Leur mariage risque d'être rompu, dit-on. Le Champion d'Emeraude doit être fou furieux…
- Ce n'est pas notre problème, c'est celui du Clan de la Grue. En quoi cela t'inquiète-t-il ?
- Mais je m'inquiète pour toi, ma chère, répond l‘intruse d'une voix plus douce que le miel. S'il apprenait ce qui s'est passé...qui est responsable de ce qui est arrivé à son fils...je n'ose imaginer ce qui arriverait.
- Pour moi ? Pourquoi pour moi ?
- Allons, ne fais pas l'innocente. Crois-tu que tes petits trafics pouvaient passer inaperçus ? Après, c'est quelque chose que je peux comprendre. L'amour fait parfois faire des folies, la jalousie aussi...
- Mes petits trafics... C'est intéressant, comme expression.

Tsukiko a croisé les mains devant elle avec le calme qui la caractérise, ne quitte pas l'actrice du regard. Alors comme ça, elle est au courant... ça, c'est bon à savoir.
- Mais, Ohan, même si nous avons eu nos différents, nous faisons partie de la même troupe. Je ne vais pas te dénoncer.

Mina s'arrête, savoure.
Tsukiko sent le contact de l'acier contre la peau de son bras. Son fidèle aigushi est toujours à sa place. Peut-être qu'il servira aujourd'hui...
- A une petite, toute petite condition. Je reprends le premier rôle féminin.
- Mais ma chère, tu te trompes sur un point. Je n'ai jamais voulu ton rôle. Si cela avait été le cas, je l'aurais pris bien avant. Les rôles que me donnait Shichisaburo me convenaient parfaitement.
Par contre, tu as raison sur un point. Tu ne me dénonceras pas.

Le bras de la courtisane se tend dans un geste d'une rapidité étonnante pour quelqu'un qui semble aussi frêle et inoffensif, et sa main vient entourer le cou de sa rivale, le serrer et l'approcher d'elle. L'aigushi apparaît entre ses doigts et se pose sur la joue pâle tandis que Tsukiko plonge son regard dans celui de l'autre actrice. Les yeux sont froids, durs, déterminés.
- Parce que tu n'en auras pas le temps. Alors écoute-moi bien. Je me fiche de ton rôle, reprends-le si ça te fait plaisir. Je me moque que tu vives ou que tu meures mais si tu continues de me menacer, je vais faire en sorte que tu meures. Et ce n'est pas une menace pour moi, ni un chantage. C'est une promesse. Si j'ai ne serait-ce que l'impression que tu veux me nuire, je te saigne et je donne ton cadavre à manger aux cochons. Est-ce que c'est clair ?

L'étreinte de sa main se resserre autour de la gorge fine et elle approche encore son visage du sien, ses yeux se plissent et le pli de sa bouche est tout sauf bienveillant.
Sa victime terrifiée n'ose même plus respirer, complètement choquée par la tournure des évènements.
- Et crois-moi, il vaut mieux que tu aies à faire à moi. Est-ce que c'est clair ? répète-t-elle en détachant chaque syllabe.

Mina hoche frénétiquement la tête - elle est bien incapable de prononcer le moindre mot.
Tsukiko la pousse vers le shoji sans relâcher son étreinte, ouvre le panneau de bois et la jette dehors.
- Ne t'avise plus jamais de me menacer. Ni de franchir le seuil de ma loge sans une excellente raison.

Puis elle referme le panneau de bambou sans un regard pour celle qui vient de choir à l'extérieur.

La jeune femme prend quelques instants pour reprendre le contrôle de ses émotions. Cette idiote... C'est trop tard pour elle, de toute manière. Un bon maître-chanteur est un maître-chanteur mort. Ou neutralisé. Et pour ça, il faut qu'elle aille voir Jocho tout de suite.

Tsukiko prend un morceau de papier de riz ordinaire et utilise son crayon noir pour tracer quelques kanji rapides. "Chez toi". Son message est suffisamment bref pour lui mettre la puce à l'oreille.

Elle passe un kimono de courtisane et choisit un masque qui dissimule pratiquement tout son visage, puis se rend rapidement jusqu'aux appartements de Jocho, y trouve son serviteur personnel et lui remet le pli avec comme instruction de le donner à son maître en mains propres le plus vite possible.
Puis elle attend.

*****

- Hajime !
Les bokken s'entrechoquent avec fracas, entrecoupés des kiai d'assaut.
- Men ! Shomen ! Tsuki !

Malgré le tumulte des affrontements, c'est une violence disciplinée, maîtrisée. Les sabres de bois ne font qu'effleurer les adversaires, les frappes ne sont pas portées.
Jocho a fait une longue série de katas. Les interminables frappes dans le vide lui ont permis d'évacuer la tension nerveuse. La discipline familière, de retrouver son allant naturel.

L'apparition de son serviteur lui fait froncer le sourcil. A cette heure-ci ? Que se passe-t-il ?
- Continuez.

Le serviteur lui tend le message. Jocho ne dit rien, mais délace son masque, et se dirige tout droit vers les vestiaires, où il se rééquipe promptement. Le temps de traverser le Palais, et les voilà rendus à ses appartements.
- Elle vous attend, Jocho-sama.

Tsukiko s'est fait violence pour ne pas faire les cent pas en l'attendant. Cette idiote...
Jocho entre d'un pas vif, le regard interrogateur.
- On a un souci. Mina, une des actrices de la troupe, est au courant. Elle a essayé de me faire chanter.

La figure de Jocho s'assombrit.
- Je vois. Peux-tu me raconter ce qui s'est passé exactement ?

Sa maîtresse lui fait le récit des derniers événements de sa journée : la conversation avec le Champion d'Emeraude, puis avec Shichisaburo, puis avec Mina.
Jocho reste un moment silencieux.
- Où peut-on la trouver ?
- Dans sa loge ou ses appartements.

Il donne un ordre bref à son serviteur, se tourne vers elle.
- Reste ici. Ne sors pas, quoi qu'il se passe.
- D'accord.

Il dépose un baiser fugitif sur ses lèvres, et s'en va comme une ombre.

Tout en avançant, les pensées de Jocho tournent dans sa tête. La question de ce qu'il faut faire n'en est pas une. Ce qu'il espère, c'est qu'il n'arrivera pas trop tard. Quelqu'un que l'on menace peut réagir de deux façons différentes. Soit il est paralysé par la peur, soit il panique et fait exactement l'inverse de ce qu'on a tenté de lui imposer. Si cette Mina craint à présent pour sa vie, elle va peut-être se précipiter chez Satsume pour demander aide et protection. Par contre, du coup il y a de bonnes chances qu'elle soit chez elle, que ce soit pour panser ses plaies ou se préparer pour une demande d'audience. En tous cas, c'est le pari qu'il fait.

En journée, il ne devrait pas y avoir trop de monde.

Il ne lui faut pas plus de quelques minutes pour rejoindre l'aile où sont logés les artistes. Il passe les appartements somptueux des troupes réputées, et arrive à ceux, plus modestes, de la troupe de Shichisaburo. Des enfants sont en train de jouer dans l'entrée.
- Jocho-sama !

Il ébouriffe amicalement la tête d'un des deux, lui demande :
- Je cherche Mina. Tu l'aurais vue, par hasard ?
- Oui oui, elle est arrivée tout à l'heure. Même qu'elle avait la figure toute rouge…
- Ouais, ça se voyait qu’elle avait chialé, rajoute l’autre.
- On a dû lui dire quelque chose qui ne lui a pas plu, commente Jocho avec un clin d'oeil. Je vais aller voir ça. Tu peux me montrer où est sa chambre ?
- Bien sûr, Jocho-sama !

Le petit l'accompagne dans le couloir, pointe une porte.
- Merci, Ichiro.

Jocho lui tapote familièrement l'épaule, lui sourit. Ichiro lui sourit en retour, rose de plaisir.
- Tu peux retourner jouer.

L'enfant s'en va, ravi. Quand il sera grand, lui aussi sera un grand guerrier, avec des sabres. Aussi connu que Jocho-sama...

Il n'y a pas de cloison, tout juste une tenture. La chambre est modeste, ce ne sont pas les appartements luxueux d'un samourai. Il entend des sanglots réprimés, distingue une forme pelotonnée sous la couverture.
Il entre dans la pièce, appelle doucement :
- Mina…?
- Laissez-moi ! répond une voix étranglée.

Il s'approche. Ses pas ne font aucun bruit sur le tatami. Malgré sa masse, il bouge aussi silencieusement qu’un chat. Quelque chose, pourtant, fait se retourner la jeune fille.
- Vous ! s'exclame-t-elle.

Ce qui suit est trop rapide pour l'oeil. Une main de fer se plaque sur sa bouche, étouffant son cri naissant, un avant-bras entoure comme un étau sa gorge délicate. D'une brusque torsion, il lui brise la nuque. Elle s'effondre dans ses bras comme une poupée de chiffon.
Très doucement, il la repose sur la couche, la recouvre de la couverture, avec soin. Il regarde le teint délicat, les lèvres vermeilles, les paupières délicatement ourlées. Elle ne devait pas avoir plus de dix huit ou vingt ans. Quel gâchis, tout de même.
Puis il ressort. Toute cette scène n'a pas duré plus que quelques secondes.

Les enfants jouent toujours.
- Vous l'avez consolée, Jocho-sama ?

Il répond gravement.
- Oui. Elle dort. Il ne faut pas la déranger.
- On s'en occupe, Jocho-sama !

Maintenant, il va falloir qu'il arrange cela avec Shichisaburo.

Avatar de l’utilisateur
matsu aiko
Artisan de clan
Messages : 3061
Inscription : 13 juin 2004, 20:33
Localisation : paris

Re: (Nouvelle - ADULTES) Cour d'hiver à Kyuden Bayushi

Message par matsu aiko » 06 nov. 2014, 08:41

Ryuji émerge des brumes du sommeil. Il a passé la nuit avec Tsuko, pas qu'un peu jalouse, et il n'est pas très frais. Mais heureusement pour lui, Tsuko s’est levée tôt et il a donc pu récupérer un peu. Il a regagné ses appartements en baillant en milieu de matinée, et là... il trouve une lettre de son daimyo l'invitant à venir prendre le thé dans l'après-midi.

- Rhooooognoooooon...
- Ryuji-sama ? demande son serviteur, s'interrogeant sur la signification du borborygme.

Le barde plisse les yeux et éloigne le papier de son visage, cherchant à déterminer dans tous ces kanji où se trouve l'heure de ce foutu thé.
Ggnn...ah oui, là. Fin d’après-midi.

- Oooooorhooooognoooooon...

Le serviteur attend poliment.

- Bon ben... je vais me coucher ! Tu me réveilles à l'heure du Coq, ça devrait suffire pour me remettre les idées en place.
- Hai, Ryuji-sama !
- Et fais dire à mon daimyo que je vais aller le voir, bien sûr... pour le... eurk... thé.
- Une réponse verbale, Ryuji-sama ?

La surprise de son serviteur est manifeste.

- Ah mais jamais je n'arriverai à faire une nuit correcte...Bon, je vais me fendre d'une petite lettre vite fait bien fait.

Le jeune homme rédige rapidement un remerciement et confirme qu'il sera là. Puis pour bien faire sentir son mécontentement, va s'écrouler dans son futon ronfler tout son saoul jusqu'à ce qu'on vienne le réveiller. Ce qui est fait à l'heure dite.
Il trempe une bonne demi-heure dans son bain, mange comme un ogre, se prépare avec soin et c'est sanglé dans un strict kimono noir simplement brodé du mon de sa famille sur le coeur et des lignes dorées d'un mon stylisé du Clan du Lion dans le dos de son haori, qu'il prend le chemin des appartements de son seigneur et cousin.

Encore une perte de temps autour d'une infusion... Mais qu'est-ce qu'ils ont tous à boire de l'eau chaude alors qu'il est l'heure du saké ?

Le daimyo du clan du Lion est habillé, comme à son habitude, d'une façon sobre, presque austère, certains auraient dit en ricanant monacale. Mais il n'y a rien d'austère dans le large sourire qu'il adresse à Ryuji à son arrivée.

- Entrez, Ryuji-san.
- Konban wa, mon seigneur.
- Avez-vous mangé du riz aujourd'hui ?

L'autre lui rend son sourire et s'incline avec un respect qu'il ne montre pas à tout le monde, hoche la tête.

- Ma foi, oui. Et vous ?
- Tout à fait, je vous remercie. Merci d'avoir répondu à mon invitation.

Un serviteur s'avance, portant un plateau pourvu d'une théière et de deux tasses. Le barde regarde arriver l'eau chaude avec résignation et un fin sourire traverse le visage du daimyo.

- À la réflexion…ramenez-nous aussi un peu de saké.

Le serviteur s'incline et sort de la pièce. Les traits de son vis-à-vis se détendent à l'évocation du divin breuvage et il attend avec satisfaction son arrivée, telle la promesse d'un miracle des Fortunes.

- Vous avez du mal à cacher votre enthousiasme pour le thé, Ryuji-san, ironise Toturi.
- Je ne suis pas malade, mon seigneur.
- Je sais que vous appréciez les bonnes choses.
- En effet ! L'ascèse n'est certes pas... ma tasse de thé.

À cet instant, le serviteur revient avec un flacon de saké et deux coupes.

- Je vous en prie, l'invite courtoisement le daimyo.
- Je vous remercie, mon seigneur. Je louerai votre sens de l'hospitalité.

Son interlocuteur sourit avec tolérance, avant de lever sa propre coupe. Ryuji prend le temps de savourer la finesse de l'alcool avant que le sujet de conversation ne vienne lui gâcher son plaisir. Une intuition lui souffle en voyant le sourire de son daimyo qu'il y a quelque chose d'étrange dans son comportement. D'habitude, il a toujours une certaine réserve, sans que cela entame son charisme. Mais là, il est décidément plus cordial.
Et ça... à l'aune de l'expérience du barde, c'est pas bon...

- Comment se passe pour vous ce début de cour d'hiver, Ryuji-san ?
- Hé bien... Pas trop mal, mon seigneur...
- J'ai eu des échos très favorables vous concernant, je voulais vous le faire savoir. Il semble que vos talents diplomatiques - et autres - fassent merveille.
- Mes... talents diplomatiques ?
Fortunes, je pense ne jamais avoir été aussi insulté de toute ma vie... Moi, un diplomate ?


Toturi part d'un franc éclat de rire.

- Allons, ne faites pas cette tête-là, Ryuji-san. Disons, si vous préférez, que vous avez favorablement impressionné la part féminine de cette noble assemblée.
- Mon seigneur... La part féminine d'une assemblée est toujours favorablement impressionnée quand j'entre quelque part et que je me mets à parler.
- Exactement.

Les yeux de Toturi pétillent.
L'instinct de survie de Ryuji s'affole...

- Sauf qu'ici, l'assemblée est particulièrement choisie. Et il se trouve que cette part de vos... talents... peut servir le clan de la meilleure façon qu'il soit.
- Hmmm... Je... crains de ne pas... comprendre, mon seigneur.

Abruptement, le daimyo change de sujet.

- La dernière fois que nous nous sommes vus, nous avons discuté du mariage de votre ami, Shosuro Jocho, avec ma nièce, Matsu Aiko.

Il lui laisse le temps de deviner le lien avec la suite de la conversation.

- Il se trouve que vous avez attiré l'attention d'une dame, et pas n'importe laquelle. Bien sûr, si tout se passe comme je l'espère, vous vous marierez au-dessus de votre rang. Je ne peux qu'encourager une telle alliance.

Pause significative.

- Il s'agit d'une daimyo.
- Plaît-il ?

Le regard interrogatif de Toturi croise celui du barde.

- Vous ne devinez pas ?
- Deviner quoi ?
- De qui il s'agit ?
- Hmmm... Non.

Ryuji pense fugitivement à celle dont il a quitté le lit ce matin…mais non. Aucune chance. Puis il se fige.
Oh non, Ryuji... Tu voulais juste être aimable et tu vas déclencher une guerre entre deux clans... Tout ça pour ton corps d'athlète et ton esprit brillant... Fortunes, ce que tu peux être bon, quand même !
Voyant son invité muet, le daimyo finit par annoncer :

- Il s'agit de la daimyo de la famille Mirumoto. Vous avez été brillant l'autre soir, Ryuji-san. J'en ai parlé à Satsume-dono, il est d'accord avec moi. Si quelqu'un est capable d'apporter la paix et le bonheur à Hitomi-hime, c’est vous.
- Alors ça... ça va pas être possible...

Ignorant complètement l’interruption, son interlocuteur poursuit, persuasif :

- Par ce mariage, vous aiderez à renforcer les liens entre le clan du Dragon et le clan du Lion, et vous contribuerez au maintien de la Paix Impériale. C'est un très grand honneur.
- Non non non, ça va pas être possible...

Ryuji se gratte la tête, très ennuyé.

- Vous m'avez expliqué vos réticences quand au mariage la dernière fois que nous nous sommes vus, Ryuji-san. Mais à un moment donné, nous devons tous faire notre devoir. Et c'est un très bon mariage, qui présente un grand intérêt politique.
- Ah la la... Mon seigneur, trouvez une autre victime ! Une qui ne soit pas ami avec Hida Yakamo, une qui ne déteste pas la neige, une qui soit moins encline à aller voir si l'herbe est plus verte de l'autre côté de la colline !
- Hmmm. Si vous êtes ami avec Yakamo-dono, c'est une raison supplémentaire. Vous saurez trouver les mots pour persuader Hitomi-hime de renoncer à son obsession de vengeance. Quelle voix plus persuasive que celle entendue sur l'oreiller ?
- J'en connais une...

Le daimyo hausse un sourcil interrogateur.

- Écoutez, mon seigneur... Je sers le Clan du Lion sans condition depuis que j'ai passé mon gempukku, je suis sur les routes par monts et par vaux toute l'année, je visite les cours, je rencontre des gens, j’œuvre pour le rapprochement des clans sans qu'on essaie de m'en empêcher. Mais là... Là c'est juste pas possible...
- Pourquoi ? demande l’autre, attentif.
- Ah, ça va pas lui plaire, c'est sûr...

Le daimyo attend.

- Vous me promettez de garder ça pour vous ? Si jamais elle l'apprend, elle va m'arracher les yeux et découper votre daimyo en sushi. Et ça sera la guerre...
- Si vous êtes promis à un mariage glorieux, vos conquêtes actuelles se le tiendront pour dit, commente le daimyo raisonnablement.
- Conquête actuelle unique.

Toturi écarte la remarque comme il écarterait une mouche importune.

- Tsuko. Matsu... Tsuko.

Les lèvres de Toturi frémissent.

- C'est... hum... compliqué...

Le daimyo pousse un long soupir. Il repose sa coupelle, le regard lointain. S'il y a bien un élément presque aussi imprévisible que la bouillante daimyo de la famille Mirumoto, c'est l'ombrageuse Tsuko. Bien qu'il soit son supérieur, il sait très bien qu'elle n'en fait qu'à sa tête. Elle est parfaitement capable de défier Hitomi en duel et d'en faire des sashimi, sans le moindre souci pour les relations diplomatiques entre leurs clans respectifs, et ce sera à lui de réparer les pots cassés.
Il réprime un sourire. Il plaindrait presque Ryuji, ce ne doit pas être facile tous les jours.
Mais l‘intéressé lui est loin de s'en plaindre. Un tempérament de feu, un corps de rêve, du répondant. Bon... Mirumoto Hitomi aussi... Enfin, il suppose...

- Eh bien Ryuji-san, il semblerait que je doive trouver un autre prétendant à la main de Hitomi-hime. C'est bien dommage.
- Oh, vous trouverez, mon seigneur ! Un mariage aussi prestigieux... Pensez, nos camarades vont se précipiter !

A nouveau, les lèvres de Toturi frémissent. Il se retient d'éclater de rire, si flagrant est le soulagement de Ryuji.

- Ah mon seigneur, c'est pas très gentil de se moquer de moi, hein ! Je suis votre plus fidèle serviteur et vous riez de mes ennuis !
- Allez, reprenez donc du saké, Ryuji-san. Cela vous remettra de vos émotions...
- Oh mais je vais m'en remettre. Ce qui aurait été plus difficile à faire si j'avais été la cause d'une guerre atroce entre les Clans du Lion et du Dragon... J'aurais compris, hein ! Un homme de ma classe, on n'en voit pas à toutes les générations. Mais quand même...
- Allons, il n'y a pas grand mal, même si cela aurait bien arrangé nos affaires. Je n'avais pas encore envoyé les courriers.
Ouf...
- Mirumoto Hitomi est une dame absolument charmante, je tiens à le préciser. Quand on sait retenir son attention, bien sûr.
- Tout à fait. A défaut de la courtiser, peut-être pourriez-vous veiller à la divertir pendant cette cour d'hiver ? Nous vous en saurions gré.
- Je vais faire en sorte de la divertir en veillant à ce que ma conquête actuelle ne pense pas à mal.
- Parfait. Je ne vous en demande pas plus.
- Merci, mon seigneur.
- Excellente soirée à vous, Ryuji-san.
Et bon courage avec Tsuko...
- Oh... elle risque de l'être. Vous savez que j'aime vivre dangereusement !

Le daimyo a un sourire tolérant et fait signe au serviteur d'apporter un autre flacon de saké, celui-là hermétiquement bouché.

- Je sais que vous appréciez ce crû. Ce flacon est pour vous.
- Merci, Toturi dono. Je saurai lui faire honneur, soyez-en certain. Une excellente soirée à vous aussi.

Le daimyo incline la tête, lui indiquant qu'il pouvait prendre congé.
Le barde se lève, le salue et glisse dans sa manche la flasque de porcelaine fine en souriant, puis sort des appartements de son seigneur.

- Bon sang, Ryuji... Tu l'as échappé belle ! se dit-il à haute voix en marchant d'un pas vif dans le couloir.

Ikoma Ryuji et Matsu Tsuko...ce n'était pas un mélange auquel il aurait pensé, muse le daimyo. Encore qu'au final, cela marche probablement pour les mêmes raisons que celles pour lesquelles il a pensé que le barde arriverait à apprivoiser Mirumoto Hitomi.
Au final, cela a été un coup d'épée dans l'eau. Il a présenté le mariage comme étant acquis, afin de passer outre les réticences de Ryuji et parce qu'il est convaincu que malgré son allure martiale, Mirumoto Hitomi serait sensible à une cour dans les règles. Mais heureusement, cette dernière n’a rien demandé. Sinon, il aurait été dans l'embarras, vu le caractère affirmé de la dame.
Il sourit. En tout cas, Ikoma Ryuji vient de se trouver le meilleur argument du monde pour éviter les propositions de mariage...

De son côté, Ikoma Ryuji se dit que le monde est passé à un cheveu de la guerre totale. Même son légendaire sens de l'exagération, qui selon certains lui vient de sa grand-mère Scorpion, lui souffle qu'il n'est pas loin de la vérité. Avec la scène que lui a faite Tsuko alors qu'il n'a fait que parler à Hitomi, et sans aucune arrière-pensée - elles sont venues plus tard - il est intimement persuadé qu'il y aurait eu un carnage très rapidement.

La honte sur toute sa famille...

Mais cela prouve qu'il n'est pas n'importe qui. D'habitude, ce sont les hommes qui se battent pour une femme. Hé bien dans son cas, deux des plus belles femmes de l'empire se seraient écharpées pour ses faveurs. À lui... Si ça, ce n'est pas flatteur, rien ne l'est.

Un sourire hautement satisfait vient flotter sur ses lèvres charnues. Oui, la honte sur toute sa famille... Ses frères en auraient été malades de jalousie et il serait devenu un dieu vivant pour tous ses neveux.

Avatar de l’utilisateur
matsu aiko
Artisan de clan
Messages : 3061
Inscription : 13 juin 2004, 20:33
Localisation : paris

Re: (Nouvelle - ADULTES) Cour d'hiver à Kyuden Bayushi

Message par matsu aiko » 07 nov. 2014, 12:15

Dans les ombres des couloirs de Kyuden Bayushi, deux silhouettes dissemblables, un murmure furieux.

- Tu as tué mon frère dans un simulacre de duel.
- Ce n'était pas un simulacre de duel. L'arme n'était simplement pas conventionnelle.
- Ah oui ? Depuis quand les duels se font-ils au tetsubo ?
- Depuis quand j'ai besoin de me justifier auprès d'une morveuse ?
- C'est mon frère que tu as assassiné, espèce de chien sans honneur !
- Ah, on se tutoie maintenant ?
- Tu lui as tapé dessus avec ton espèce de massue de bourrin parce que tu savais que contre lui, au sabre tu n'avais aucune chance…C'est un procédé indigne ! Et lâche !

Un large sourire fend le visage aux traits réguliers de Yakamo.

- Et ça ne t'a jamais effleuré l'esprit que je lui ai laissé sa chance comme ça ? Si j'ai pu agir avant lui avec mon espèce de massue de bourrin, c'est lui qui n'avait aucune chance avec un sabre. Le pauvre...

Le sang de Hitomi ne fait qu'un tour.

- Ah oui ? Je crois qu'il va falloir réexpliquer les règles du duel dans les Terres du Crabe... Je ne sais même pas comment vous osez encore vous dire samouraï !
- AHAHAHAHAHAHAHAH !!! Et c'est le petit Dragon qui ne sort jamais de chez lui qui vient me donner des leçons de savoir-vivre ! Non mais vous entendez ça ?
- Le petit Dragon, crache Hitomi entre ses dents serrées, va te montrer ce qui se passe quand il ouvre la gueule... ça fait un gros Crabe rôti !
- Quelle gueule ? Moi je ne vois qu'une bouche qui ne sait pas la boucler quand elle devrait.
- Tu parles, tu parles, mais en fait, si tu n'as pas ton tetsubo à la main, tu perds tous tes moyens. Sinon, pourquoi utiliser ces méthodes déloyales ?
- Parce que je ne sors ma lame que contre des gens qui le méritent. Déduis-en ce que ton petit esprit peut en déduire.
- Que tu confonds les êtres humains et les créatures de l'Outremonde. Et que tu planques ta faiblesse sous une excuse si mauvaise que seul un autre lâche pourrait y croire.
- Si tu le dis. Allez, va jouer plus loin. Sinon je finis le boulot et il y aura quelqu'un d'intelligent à la tête de ta famille.
- Ou en succession de la tienne.
- Le jour où tu pourras faire autre chose qu'aboyer, on y réfléchira. Allez, dégage.
- Tu ne te débarrasseras pas de moi comme ça, Yakamo. Le sang de mon frère crie vengeance.
- Hé bien qu'il crie ! Qu'est-ce que j'en ai à faire ?

Hitomi ferme les yeux, brièvement. Fortunes... comment un homme comme lui peut-il fouler impunément le sol sans se faire foudroyer par les Kami ?

- Tu n'as donc aucun respect... dit-elle d'une voix basse, vibrante de rage contenue.
- Et toi ?
- Les ancêtres, les Kami, les Fortunes, tu te moques bien de tout cela, n'est-ce pas ?
- Non, je ne me moque que de toi et de ton pitoyable numéro de vierge hystérique.
- Et l'honneur ? Et la loyauté ? Et le prix du sang ? Ça aussi, tu t'en moques ?
- Quand c'est toi qui en parles, oui. Tu ne sais même pas ce que ça veut dire.
- Quand je te verrai baignant dans ton sang, je pense que je le saurai. Et l'âme de mon frère sera apaisée.
- Et moi je pense que tu seras morte depuis longtemps avant que ça n'arrive.
- Très bien. Prouve-le. Demain matin, à l'aube. Et pas avec un tetsubo. Avec un sabre.
- Oh... Et tu vas enfreindre la loi impériale interdisant les duels non autorisés ?
- Si Justice est faite, peu m'importe de mourir.
- Bah... si tu meurs, la "justice" comme tu dis... elle attendra.
- Mais je ne mourrai pas. Et mon frère sera vengé.
- C'est vrai, tu ne vas pas mourir. Je me contenterai de te casser les bras.

Hitomi le regarde. Son sourire est féroce.

- C'est ce qu'on verra.
- C'est tout vu.
- Donc rendez-vous demain à l'aube, au dojo au fond du parc.
Isolé par la neige comme il l'est, elle sait qu'ils y seront tranquilles.
- Amène tes shugenja, tu vas en avoir besoin.
- Amène tes eta pour ramener ta carcasse.
- Hé, ça doute de rien, les gars... Bon, va faire un tour ailleurs, tes ondes négatives sont en train de polluer l'atmosphère de ce délicieux palais.
- Tiens...finalement tu l'entends aussi.
- Non, j'entends rien. Tu te rappelles ? Il paraît que je n'entends pas le sang de ton imbécile de frère qui crie vengeance.
- Et pourtant c'est son esprit qui crie à tes oreilles. Je l'entends chaque jour, chaque nuit, chaque minute, depuis que tu as osé amener ta carcasse puante d'assassin et de lâche dans ce palais. Chaque minute, depuis ton arrivée. Ta seule présence est une offense aux Fortunes.

Yakamo la regarde en souriant, impassible. Ce n'est pas comme si ces insultes lui faisaient quelque chose, même si elle commence sérieusement à lui courir sur le haricot mungo.

- Mais demain, je m'en vais réparer cette offense.

Elle tourne les talons et s'en va sans un regard en arrière.

- Wouuuuuu... J'ai peur...

Avatar de l’utilisateur
matsu aiko
Artisan de clan
Messages : 3061
Inscription : 13 juin 2004, 20:33
Localisation : paris

Re: (Nouvelle - ADULTES) Cour d'hiver à Kyuden Bayushi

Message par matsu aiko » 08 nov. 2014, 12:18

Le lendemain matin, à l’aube.

Dans la neige fraîchement tombée, une série de pas se découpe en empreintes bleutées, dans ce coin désert du parc où seules les pattes des oiseaux ont marqué sa surface immaculée. Cela fait un bon moment que Mirumoto Hitomi est arrivée. Elle s'est préparée, purifiée. Cela fait tellement longtemps qu'elle attend ce moment. La température du dojo est glaciale, mais elle ne la sent même pas.
Il a intérêt à venir...

Si jamais il ne vient pas... elle trouvera un autre moyen. D'une façon ou d'une autre, il doit payer. Seule sa mort pourra apaiser l'esprit de son frère - et le sien. Depuis trop longtemps, elle ne vit que pour sa vengeance. C'est l'eau qu'elle boit, l'air qu'elle respire, une obsession de tous les instants - au point parfois de prendre le pas sur ses devoirs de daimyo. Le soir, comme une prière, elle murmure le nom de son frère, celui de son assassin. Il doit payer. Et son mépris affiché ne fait qu'exacerber sa haine.

Yakamo...on ne tourne pas impunément en dérision les lois des hommes et celles des Fortunes.

Hitomi se tient debout dans le dojo, immobile. Ses membres sont souples, relâchés, sa concentration profonde. Ses paupières semblent closes mais tous ses sens sont en éveil. S'il approche, elle le sentira instantanément, elle le sait. Immobile, elle attend.
Elle attend son ennemi.

Ennemi qui arrive, nonchalant.

- Ah, j'ai bien mangé !

La jeune femme lui adresse un regard froid.

- Alors, elle est là, la comique ? Hé ouais... Elle est venue venger son idiot de grand frère et sa prostituée Scorpion avec ses petits bras musclés !

Qu'il se gausse autant qu'il veut. Ça, c'était hier. Elle a eu ce qu'elle voulait, son duel, c'était le seul but de l'exercice.
Puis elle voit qu'il ne tient qu'un bokken à la main et jure silencieusement. S'il n'a pas pris de sabre...ce serait déshonorant pour elle d'en utiliser un. Mais le tuer au bokken va être beaucoup plus difficile. Quelqu'un de la corpulence de Yakamo doit très bien encaisser les coups contondants.
Mais c'est lui qui n'a pas respecté sa demande. Elle lui a parlé de duel au sabre, pas d'entraînement. Non. Il continue à se jouer d'elle.
Elle ne lui fera pas ce plaisir. Il veut se battre au bokken, tant pis pour lui.

- Vous n'avez pas de sabre. Souhaitez-vous que je vous en prête un ?
- Non, ça suffira.
- Très bien.

Elle se met en garde. Le sabre long tendu devant elle, menaçant, le sabre court croisé, un peu en retrait, prêt à feinter, à frapper, à rentrer dans la première ouverture que lui fera son adversaire. La redoutable technique des Mirumoto - le Niten, le combat à deux sabres.
Elle la maîtrise à la perfection. C'est une bushi accomplie, et cela fait de nombreuses années qu'elle s'entraîne. Bien qu'elle semble menue, sa rapidité et son agilité font la différence. Dans un dojo, aucun adversaire ne tient face à elle. C'est pour cela que la carrure de son adversaire ne l'intimide pas le moins du monde. Elle en a connu d'aussi grands, d'aussi massifs. Aucun n'a tenu plus de cinq minutes.

Elle a cherché à en savoir plus sur les techniques de combat de la famille Hida, elle a interrogé des voyageurs, des guerriers errants, d'éminents sensei et spécialistes du sabre, elle a essayé de comprendre, d’analyser, de trouver comment les contrer. Elle a mis toutes les chances de son côté.
Elle observe, attend, légère sur ses pieds, prête à esquiver, à attaquer.

Yakamo renifle en considérant son adversaire de haut en bas, puis enlève la veste de son kimono d'entraînement. S'agirait de ne pas trop traîner, il a un rendez-vous de bonne heure et il faut qu'il enfile un de ces vêtements de cour pesants et pas du tout pratiques.
Il dérouille ses épaules, sa nuque. Tout le corps de l'héritier du Grand Ours n'est qu'une boule de muscles débordant de puissance qui ne demande qu'à exploser en un coup dévastateur.
Puis il tend le bokken devant lui et attend.

La jeune femme adopte une garde basse, les bras le long du corps, les deux sabres pointés devant elle. Son corps est souple, mobile. Son attention est toute entière concentrée sur son adversaire. Celui-ci est d’une force redoutable. Mais la technique du ni-ten donne un avantage évident sur quelqu'un qui ne manie qu'une arme. On ne peut parer ou dévier qu'une arme à la fois.

Pourtant, comme la seconde lame sert habituellement à protéger le corps du combattant, son adversaire n’a pas besoin de beaucoup s'en préoccuper. Ou en tout cas, c'est ce qu'il croit.
Le Crabe attend, campé sur ses jambes. Il la regarde sans ciller, calme, relâché.
Dix minutes plus tard, ils sont tous les deux dans la même position. Concentrés. Attentifs.

- Alors, il ne crie plus, le sang de ton frère ?

Hitomi ne se laisse pas troubler.

- Bon, j'ai pas que ça à faire. A la prochaine.

Yakamo baisse son bokken et recule d'un pas, puis lui tourne le dos. Il a une réunion qui lui tape déjà sur le système, si en plus il doit se farcir les caprices d'une petite merdeuse...
La jeune femme passe en garde droite, sabre court tendu, sabre long en recul, et lance d'une voix forte :

- Yakamo !

L'autre lève la main et l'agite en signe d'au revoir sans pour autant se retourner. Hitomi fait quelques pas rapides et se place sur son chemin.

- Ce duel n'est pas terminé.
- Quel duel ? Ce n'est pas un duel, c'est une mascarade. Tu ne fais pas le poids et tu le sais. Alors maintenant, va jouer ailleurs et laisse-moi passer, j'ai des obligations à remplir pour mon père.

Hitomi pousse un cri de rage et se lance à l'attaque, sabre court tendu à droite. L'autre sabre menace le ventre de son adversaire. Le Crabe soupire et s'arque sur ses jambes, prêt à riposter à la charge.
Rapide comme l'éclair, le wakizashi monte vers sa gorge. Le regard gris se fixe sur elle et le souffle du guerrier s'arrête, il rassemble son chi en une barrière indestructible, comme l'enseigne le ryu de la famille Hida.
Hitomi s'attendait à ce qu'il lève son bokken, mais elle enchaîne sur le mouvement amorcé, croisant son sabre long et touchant son adversaire au bras droit.

Et là...
Là, il fait quelque chose qu'elle n'a pas prévu.

Sa main libre se tend et vient bloquer le bras armé du katana, il pivote brutalement et la décolle du sol, l'envoie voler dans les airs sans la lâcher, l'écrase sur le plancher du dojo qui encaisse le choc dans un craquement sinistre. Son bokken se lève et s'abat avec force sur son avant-bras, brisant net l'os.

Hitomi gémit de douleur et de rage, se tord dans sa poigne et lance une attaque de sa main libre. Le sabre court file droit vers ses côtes.
Yakamo ne bronche même pas et alors qu'elle pensait l'avoir embroché, le sabre glisse sur l'os et ne fait qu'entailler sa peau. Il n'avait pas l'intention de le faire mais son attitude le fait changer d'avis : le bokken repart dans l'autre sens et fracasse le second avant-bras. Cette fois la jeune femme pousse un cri long et rauque, où se mêlent une rage incoercible et une douleur bien plus aiguë que celles de ses membres brisés.

- Ca te suffit, maintenant ? Tu as compris ?

Le jeune homme la lâche et s'écarte d'elle en secouant la tête.

- Idiote.

Puis il lui tourne le dos et récupère la veste de son kimono. La jeune femme reste prostrée sur le sol. Des larmes de rage, de douleur et d'humiliation perlent à ses paupières. Et alors qu'il sort, elle souffle - un murmure haché, à peine audible.

- Yakamo...Tu me le paieras...je te jure que tu me le paieras...

Puis elle perd conscience.

Avatar de l’utilisateur
matsu aiko
Artisan de clan
Messages : 3061
Inscription : 13 juin 2004, 20:33
Localisation : paris

Re: (Nouvelle - ADULTES) Cour d'hiver à Kyuden Bayushi

Message par matsu aiko » 09 nov. 2014, 11:56

Hida Kyoko sent étrangement le wasabi lui monter au nez. Même après toutes ces années passées à le servir, il parvient encore à lui taper sur les nerfs quand il agit de manière aussi légère et inconsidérée. Répondre à une provocation en duel ! Non mais veut-il que son père lui arrache la peau du dos à coup de trique pour lui apprendre à faire des choses aussi... aussi... stupides !

Cependant, ça va trop loin. Cette femme est une nuisance à deux pattes qu'il faut absolument éloigner de Yakamo. Elle est assez folle pour tenter de l'assassiner quand elle en aura l'occasion, malgré ses deux bras cassés. Il faut agir. Kisada ne lui pardonnera jamais s'il arrive quelque chose à son fils aîné et héritier et en toute logique, il n'aura pas tort. C'est à elle de veiller sur lui, de faire en sorte qu'il ne lui arrive rien. Elle laisse donc sa charge aux bons soins des shugenja du clan et prend le chemin de la salle d'audience du seigneur du Clan du Scorpion.
Aux bushi de faction devant les portes, elle s'adresse d'un ton ferme qui ne supporte aucune objection :

- J'exige de parler au seigneur Shoju séance tenante. L'affaire est trop grave pour que le Clan du Crabe la passe sous silence.
- Nous allons transmettre votre demande. Qui devons-nous annoncer ?
- Hida Kyoko, je suis le karo de Hida Yakamo-dono.
- Merci, Dame Hida. Veuillez patienter, je vous prie.

Quelques minutes s'écoulent, puis deux gardes amènent poliment la jeune femme jusqu'à une antichambre.

- Veuillez patienter ici, je vous prie.

Un serviteur se matérialise comme par magie et lui propose une tasse de thé, qu’elle refuse. L'homme s'incline poliment et disparaît à nouveau.
Kyoko reste debout et attend qu'on la reçoive. Il n’a pas intérêt à la faire attendre trop longtemps.

Au bout de ce qu'il estime être un temps raisonnable, Shoju fait signe qu'on introduise sa visiteuse. Il a une idée assez précise de ce dont elle va l'entretenir. Et cela ne l'enchante pas particulièrement.
La samurai-ko entre dans la salle et s'incline devant le seigneur des lieux, conformément à son rang.

- Bayushi Shoju-dono.
- Hida Kyoko-sama. On m'a dit que vous souhaitiez m'entretenir d'une affaire urgente.

La voix du daimyo du clan du Scorpion est parfaitement polie, avec juste cette petite touche d'ennui qui laisse à supposer qu'elle l'a dérangé dans une activité importante. Ce dont elle se moque éperdument à cet instant précis - seuls les automatismes de son clan de naissance lui permettent de capturer ce genre de nuances. Ce que peut lui faire subir le daimyo du clan du Scorpion n'est rien comparé à ce que Kisada pourrait lui faire subir.

- Oui, en effet. Je souhaite vous faire part d'un regrettable incident qui a eu lieu voici une heure.
- Je vous écoute.
- Le daimyo de la famille Mirumoto prend certaines privautés au sein de votre propre maison, qu'il m'est impossible de passer sous silence. Nul n'ignore le contentieux qui oppose le fils de mon seigneur à Mirumoto Hitomi. Et nul n'ignore non plus que celle-ci est prête à n'importe quoi pour accomplir ce qu'elle estime être une vengeance légitime. C'est ce qui l'a poussée ce matin à vouloir commettre l'irréparable, sous votre toit, et en bafouant toutes les lois de l'hospitalité sous le toit qui accueille Sa Majesté cet hiver.
Elle a provoqué en duel à mort Hida Yakamo-dono et lui a donné rendez-vous dans le dojo au fond des jardins du palais. Mon seigneur y est allé avec un bokken, elle avait en main son daisho. Elle l'a attaqué après qu'il lui ait signifié son départ.
- Une grave accusation, en effet.

La voix de Shoju ne s'est pas élevée.

- Je ne dis que la vérité.
- Comment va votre maître ?
- Il est avec les shugenja.
- Et son adversaire ?
- Mon seigneur lui avait dit qu'il lui casserait les deux bras. C'est ce qu'il a fait.
- Je vois.
- Il ne souhaite pas que les relations entre le Crabe et le Dragon s'enveniment mais il ne peut pas laisser même un daimyo lui manquer de respect.

Shoju réprime muettement un soupir.

- Souhaitez-vous apporter des précisions supplémentaires ?
- Je préfère que Hida Kisada-dono n'en sache rien, il pourrait avoir moins de magnanimité que son fils. Mais je pense qu'il vaudrait mieux que Yakamo-dono et Mirumoto Hitomi-hime ne se croisent plus.
- Je prends bonne note de vos recommandations. Merci de vous être déplacée. Bonne journée à vous, dame Hida.

Il s'incline courtoisement, lui donnant congé.

- Bonne journée à vous aussi, seigneur Bayushi.

Après son départ, Shoju pousse un long soupir. Hitomi et Yakamo... deux impulsifs, deux têtes brûlées, dans le même endroit... Il fallait que ça arrive, à un moment ou un autre. Vouloir les maintenir à l'écart l'un de l'autre, c'est comme essayer de séparer deux poissons combattants nageant dans le même aquarium. Il va falloir faire quelque chose.

D'autant plus que sa responsabilité est engagée. Même si à dire vrai, il n'est pas très inquiet pour la santé de Yakamo. Si son adversaire a les deux bras brisés, elle n'a pas dû lui faire bien mal. Mais il connaît suffisamment le caractère entêté et emporté de la bouillante daimyo de la famille Mirumoto pour savoir que ce n'est que partie remise.
Il va vraiment falloir faire quelque chose.
Dernière modification par matsu aiko le 10 nov. 2014, 13:48, modifié 1 fois.

Répondre