[Nouvelle] Kitoku

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Hida Koan
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Message par Hida Koan » 26 févr. 2009, 16:26

La chambre est belle. Turakamu dort déjà, la ville l’a épuisé. Elle m’a mise à genoux également… Le bateau a accosté, les marchands nous ont laissés sur le quai comme deux paquets d’ordures. Il a fallu se débrouiller. Un gamin des rues nous a indiqué le chemin jusque chez Kakita Yogoso. Je crois qu’il nous a soulagé de beaucoup d’argent pour un si petit service. Mais la ville était trop vaste pour le vieux et moi. Nous serions encore assis sur le quai si le petit n’était pas venu.

Nous avons attendu chez Yogoso pendant des heures. Il était sorti. On nous a servi du thé et nous avons attendu. La maison est petite, c’est une maison de ville. Il n’y a même pas de jardin, juste une petite cour pavée. Quand Yogoso est arrivé il était un peu soul. Il a pris la lettre de Aiko, l’a lue et nous a simplement attribué deux chambres au rez-de-chaussée. Turakamu a ronchonné de voir quelqu’un de si mal élevé. Mais le poète nous héberge, nous n’avons pas le droit de dire grand-chose. J’espère qu’avec le temps ça ira mieux, sinon il nous faudra trouver ailleurs où loger. Je n’imposerai pas à Turakamu un endroit et un hôte qu’il n’aime pas. En ce qui me concerne je m’en fiche, je voulais juste une chambre, pas un ami.

La nuit commence à peine. Le dîner devrait bientôt nous être apporté. Le poète est ressorti. Il passe la soirée dehors. La fenêtre me montre une ville agitée. De loin je peux voir des marchands ambulants et autant de samurai d’un seul coup d’œil que j’en ai vu en toute une année dans une ville de province. Beaucoup de gens appartiennent à mon clan. Mon clan… Même après plusieurs mois à y penser comme tel l’idée m’est toujours étrange. Je vais essayer de retrouver cette Magda. Après je trouverais mon frère. Après je saurais quoi faire. Plus tard seulement nous nous chargerons de l’homme perverti qui hante les cauchemars de Turakamu. Mais mes secrets avant les siens. Comme nous en avons convenus tous les deux.

Les bruits de la ville me sont familiers. Je ne me souviens pas d’être venue ici mais pourtant… Les carillons, les vendeurs à la sauvette, les bruits de chevaux… J’ai l’impression d’avoir retrouvé une place quelque part. Je ne sais toujours pas qui je suis ; mais petit à petit…
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Message par Hida Koan » 27 févr. 2009, 15:53

Ca sent l'amidon. Je sors de la chambre et je vais vers l'odeur. Turakamu est dans la cuisine. Notre hôte aussi. Il se tient la tête entre les mains. Chaque fois que le vieux touche un ustensile de cuisine en préparant le petit déjeuner le poète sursaute. Le jeune homme relève la tête, les yeux clos. Il se lève lentement.

Il ouvre des yeux rouge, les pupilles baignant encore dans le saké... Et il fait un sourire éclatant.

"Kitoku-san, veuillez excuser mes propos ou plutôt mes non-propos d'hier. J'étais... indisposé. Veuillez croire en l'assurance de mon plus grand contentement à vous voir loger ici. Ce n'est qu'une petite demeure. J'espère que sa médiocre qualité vous sied. Je suis à l'écoute de toute suggestion de votre part. Niao est d'ores et déjà en train de vider ma chambre et de l'arranger selon vos goûts. Vous pourrez dès ce soir prendre possession de la pièce. Je logerai quant à moi au rez-de-chaussée."

Il regarde mon visage. Le sien étant un curieux mélange de beauté parfaite, de sourire chaleureuseument amical et d'alcool. Je ne dis rien alors il se tourne un peu vers Turakamu.

"Turakamu je suis ravi aussi de vous avoir à la maison. Vous verrez, Niao est quelqu'un de bien."

Turakamu ronchonne un peu et déposa quatre bols sur la table. J'ai l'habitude de manger avec celui qui se fait passer pour mon serviteur mais la mine de Kakita Yogoso devient encore plus livide.

"Merci de votre amabilité Yogoso-sama. Tutakamu et moi sommes enchantés également d'être reçus dans votre demeure. Niao-san se joint à nous à table n'est-ce-pas?"

Yogoso appelle la servante. Elle s'assoit horrifiée et ne mange rien ni ne pipe mot. Turakamu lui mange pour deux comme à son habitude. Je ris de voir ce samurai guindé complètement coincé par nos habitudes au vieux et à moi.

"Je viens d'ici Yogoso-sama mais j'ai passé les années les plus marquantes de ma vie loin de la ville. Turakamu ici présent me connais depuis que je porte des langes. Il mange avec moi. Sauf quand ce n'est pas possible. Je crois qu'ici nous sommes tous amis, il me semble donc que cela soit possible ici."

Je mens bien on dirait. Yogoso sourit au vieux. Il finira bien par s'habituer.

"Bien évidemment Kitoku-san, nous sommes ici entre amis."

Cet après-midi, j'irai visiter la ville. Nous verrons bien.
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Message par Hida Koan » 04 mars 2009, 16:15

Tout le monde a un coiffe panier. Finalement ici tout le monde est un peu Scorpion même quand il ne l'est pas: on ne voit le visage de personne sur cette île. Je vais devoir m'acheter d'autres masques. Je n'en ai qu'un et il m'étouffe un peu. Je vais respecter la coutume, je vais en porter un... Mais j'ai découvert ici plein de femmes que personne ne regarde de travers quand bien même elles ne portent en guise de masque qu'un fin filet de soie. Au moins pour la maison ce sera plus pratique.

Enfin bref.

Il y a beaucoup de monde. Beaucoup plus que j'n'en ai jamais vu. Je longe une rue au bord de l'eau. J'ai pris une barque tout à l'heure. Ca ne m'a pas trop plu. Le gros bateau pour venir dans cette ville allait encore, mais la barque... Vraiment ça ne me plait pas.

Y'a un marchand de nouilles. Je n'ai pas faim mais il s'approche. Il m'accule un peu trop alors je lui retourne le bras. Tout le monde me regarde. Certains se moquent du vendeur ambulant. On dirait que les gens ne s'attendaient pas à ce que quelqu'un fasse ce que j'ai fait. Je lache l'homme et m'éloigne rapidement. Je ne voudrais pas avoir d'ennui.

Je vais vers la Maison des Histoires Etrangères. C'est Yogoso qui m'a indiqué le chemin. Il ne sait pas pourquoi j'y vais mais il m'a dit comment m'y rendre. Je rentre dans l'établissement. Une jolie jeune femme m'ammène à une table. Aujourd'hui je ne ferais que regarder. Un autre jour, je parlerai.
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Message par Hida Koan » 05 mars 2009, 16:43

Je l’ai vue. Elle a mis du temps à arriver mais je l’ai vue. Elle a vieilli. Elle a toujours les cheveux dorés mais elle a le visage plus marqué. Elle est venue, elle a dit bonjour à la femme qui semblait s’occuper du bordel, elle lui a donné quelques instructions et elle est partie. On dirait que mon ancienne gardienne aux cheveux d’or est toujours la patronne. Par contre elle ne se fatigue plus à passer la journée là-bas. J’ai dit à Yogoso, Turakamu et Niao que j’étais allée là-bas. Personne n’a dit grand-chose, à part Yogoso qui m’a seriné « Ce n’est pas un bordel au sens strict du terme Kitoku-hime, vous devriez parler autrement. N’y avez-vous pas passé un bon moment ? » Il a raison en fait. Ce n’est pas si mal là-bas. Et puis sur cette île de la Larme, j’ai trouvé un nouveau masque… Enfin si on peut appeler ça un masque. C’est juste un voile noir, il me couvre la moitié du visage. Mais tout le monde peut me voir maintenant. Même si personne n’aurait l’audace de le déclarer ouvertement. Les gens… Ils sont bizarres. Ils parlent pendant des heures de choses qu’ils ne peuvent même pas toucher et quand ils voient quelque chose pour de vrai ils font semblant de ne pas voir.
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Message par Hida Koan » 06 mars 2009, 15:49

Il lui tire les cheveux. Elle ne respire pas car il a sa main sur sa bouche et son nez. Elle est sur le ventre et il la besogne. Elle semble avoir mal. Il lui arrache même une poignée de cheveux d'or. Depuis que maman est morte, il a beaucoup changé. Elle nous voit à travers le shoji entrouvert et ses yeux suintent la peur. Il se retourne et nous remarque à son tour. Il se lève. Elle se masse le cuir chevelu. Elle a le temps de souffler. "Ne leur fait rien. Ils n'ont rien fait." Mais ils nous frappe quand même, nous les "petits voyeurs". Nous, si faibles d'avoir peur pour une simple gaijin.

Nous nous réveillons dans nos chambres. Elle est là. Elle a la lèvre tuméfiée et elle nous regarde dormir. "Vous n'auriez pas du venir. Vous savez comme nos jeux sont particuliers. Vous n'auriez pas du venir." Je tourne la tête, ça me fait mal. Je vois alors mon frère. Il a un cocard et il lui manque une dent... Mais ça va, c'est une dent de lait.

Je me réveille en sueur. Cette fois-ci Turakamu ne m'a pas entendue cauchemarder. Depuis des semaines, avec les rêves, j'avais supputé que mon père était dur. Je sais maintenant qu'il était un monstre.
Je te retrouverai mon frère et nous nous sauverons. Je te retrouverai et nous partirons. Mais peut-être qu'avant nous la vengerons.
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Message par Hida Koan » 12 mars 2009, 15:59

J’y suis retournée pendant trois jours. Je l’ai revue deux fois. Elle a des pattes d’oies aux yeux et ses joues sont un peu flasques. Elle est loin d’être aussi jolie qu’avant mais on voit la beauté derrière les lourdeurs de son passé. Je pense qu’elle nous aimait mon frère et moi. Après tout j’ai déjà rêvé d’elle deux fois. J’ai croisé son regard hier. Elle ne m’a pas reconnue. En tous cas elle n’a pas semblé le faire. Je ne sais pas trop quoi en penser. Peut-être ai-je beaucoup changé en peu de temps ? Ou peut-être que les visions que j’ai eu d’elle représentent les derniers moments que nous avons partagés, j’avais alors une dizaine d’année. Je le saurais sûrement plus tard. Pour l’instant je ne sais pas si elle a des souvenirs de moi enfant ou des souvenirs de moi déjà mûre. Je ne suis même pas sûre de l’âge que j’ai alors comment savoir ? J’ai l’air d’avoir la vingtaine. Mais qui sait si je ne suis pas partie de cette ville il y a longtemps ? Peut-être ai-je vécu ailleurs qu’ici avant mon amnésie ? Encore et toujours des questions. Je me plains mais j’ai l’impression que jamais j’n’en ai autant su sur moi. La prochaine fois que je la verrai, j’essaierai de lui parler.

A la maison avec Yogoso et Turakamu tout se passe bien. Niao aussi apprécie que nous soyons là. Nous avons forcé son maître à la considérer autrement. On dirait qu’elle aime la nouvelle situation. Je n’ai encore rencontré personne pour le moment. Je n’ai aucune piste pour mon frère. Ni aucune pour mon père. Je ne l’ai retrouvée, qu’elle. Je n’aime pas son prénom : Magda. C’est laid et ça n’évoque rien. Pour moi elle est mon ange gardien aux cheveux d’or.

Je ne sais toujours aps qui je suis.
Mais je sais qui je dois aimer.
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Re: [Nouvelle] Kitoku

Message par Hida Koan » 04 août 2014, 19:58

Aujourd’hui je lui parle. J’ai décidé ça cette nuit. J’ai revu ses yeux bleus en rêve. Turakamu me l’a dit « assez trainé maintenant, fait quelque chose. » Il a raison, je le sais. Mais si proche de savoir, en ai-je vraiment besoin ? Je pourrais retourner chez Aiko et Hametsu. Je pourrais revoir Toshiro. Je pourrais être heureuse là-bas. Mais sans savoir qui je suis… Sans avoir retrouvé mon frère… Je le dois aux gens qui m’ont aidé. Il faut que je sache. Ce soir j’irai.
J’ai écrit une lettre a Toshiro en attendant. Je ne suis pas prête pour en écrire une à Aiko, je n’ai rien à lui dire. Mes avancées sont encore minces. Il est tard, je vais y aller. Je porte un fin voile sur le visage, ça suffira, peut-être qu’elle me reconnaitra.

La pièce est enfumée. On dirait que la ville fête quelque chose. Je ne sais pas quoi. La maison de geisha est pleine. Je m’ennuie un peu. J’ai demandé à voir Magda. Prononcer son nom m’a fait une sensation bizarre sur la langue. « Magda » ça râpe un peu, ça gêne, ce nom que j’ai pensé tant de fois me donne du fil a retordre à prononcer. On m’a dit qu’il y avait peu de chance qu’elle ait le temps de me voir. J’ai répondu que j’attendrai. La soirée avance. Les hommes sont saouls. J’ai tant bu de thé que ma vessie va exploser. Je ne sais pas trop où aller alors je vais dans le jardin. Un homme arrive quand j’essaie de me dépatouiller avec mes vêtements. Il pue l’opium et le sake. Il me cherche des crosses en piaillant comme un putois. Une femme de la maison a du nous voir, elle était à la fenêtre et n’est plus là. J’essaie de le calmer mais rien n’y fait. Il s’approche, un couteau apparaît dans sa main. Il a toujours un discours incohérent mais… Mais ce sont ses vêtements qui sentent l’alcool. Pas lui. Et ses yeux sont vifs. Elle arrive à ce moment là, en courant. Elle arrive quand par un mouvement qui m’était encore jusque là inconnu j’ai réussi à lui faire se donner lui-même un coup de manche de couteau en plein dans les dents.

Il est tombé. Elle a soupiré. Je me suis approché d’elle, je voulais lui parler et quand je l'ai vraiment vu de près j'ai soufflé "Nashi-chan". Ça m'est sorti tout seul. Elle a ouvert de grands yeux ronds, ils se sont emplis de larmes et... Et puis il est arrivé en beuglant. Un jeune samurai du clan du Scorpion. Elle s'est rapidement prosternée. Je n'ai pas bougé d'un pouce. "Qu'as-tu fait à mon suivant... Shosuro ?" Il a regardé l'homme qui pissait le sang par terre. "Qu'as tu fait ?" dit-il mauvais. "C'est ma faute, c'est ma faute" couina Magda, "Je suis arrivée je l'ai bousculé, c'est ma faute." Il l'a redressé en lui tordant le bras et avec un regard méchant il lui a lancé "Tu viendras donc toi-même expliquer à mon père pourquoi mon cousin n'a plus de dent". "Bien, Otado-sama. Je viens Otado-sama." J'allais le frapper, il lui faisait mal. J'allais le frapper mais elle me regarda, les yeux angoissés et fit non de la tête. Il la traîna à l'intérieur, elle eut le temps de me faire un pâle sourire, avant qu'il ne parte dans la rue avec elle.

Je ne sais toujours pas qui je suis, mais toi, Otado, je sais que je ne t'aime pas.
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Re: [Nouvelle] Kitoku

Message par Hida Koan » 28 août 2014, 09:59

Je suis restée dehors toute la nuit après ça. Je me suis promenée le long du fleuve, j’avais besoin de me vider l’esprit. Je ne suis rentrée qu’au petit matin. Turakamu m’attendait il m’a giflé et est enfin allé se coucher. Je pense qu’il a cru que j’étais morte pendant la nuit, que j’avais fini dans le fleuve. J’ai dormi tout le matin. L’après-midi je suis restée à la maison à ronchonner. Yogoso était là lui aussi, il a écrit des poèmes et me les a lu pour me demander mon avis… Comme si j’en avais un. Je lui ai dit que c’était joli ça a eu l’air de lui faire plaisir. Je lui ai joué du shamisen, il en a un. Ca lui a presque arraché une petite larme. Je savais que je jouais bien, Aiko me l’avait déjà dit. Je l’ai remercié quand même.

L’après-midi j’ai tout noté sur un papier : à l’aise physiquement, discrète, a un frère, connait Magda, joue du shamisen, connait les herbes et les poisons, vient du « Sud », est du clan du Scorpion, sait se battre, quelqu’un me veut du mal. C’est peu pour une vie. Il va falloir que j’aille m’acheter des vêtements, je n’en ai pas assez je crois... J’ai demandé une adresse à Yogoso. J’irai dans la semaine. Il faudra aussi que je me reprenne un masque. Je n’ai que le masque que m’a fait faire Aiko et l’étrange petit voile. J'aimerais en avoir un autre, un qui me cache plus que ce fameux voile... Mais un qui me tient moins à cœur que celui d'Aiko. J'aimerais le garder celui-là.

Finalement je suis sortie un peu en début de soirée. Je m'ennuyais trop. Je suis allée dans une boutique de kimonos, celle que Yogoso m'avait indiqué. Ils ont pris mes mesures. J'ai dit que je reviendrais la semaine prochaine. Ils me feront une séance d'essayage. Je leur ai dit qu'ils avaient carte blanche sur les couleurs et les formes, qu'ils me proposent, moi je n'y connais rien. Je suis aussi allée chez un artisan et j'ai commandé un de ses masques. Il en avait un qui me plaisait mais il n'était pas à ma taille, j'ai fait changer quelques couleurs. Il est beau, et ça changera.* Il le fera livrer au magasin de kimono pour la semaine prochaine.

Quand je suis rentrée il y avait un petit mot pour moi. "Donne moi rendez-vous, nous parlerons bientôt. Nashi." Alors j'ai demandé à la servante de Yogoso de porter un message aussi jusque la Maison des Histoires Etrangères. "Je serais Aux Mains Habiles la semaine prochaine, le troisième jour à l'heure de Doji. Kitsune"

*
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Re: [Nouvelle] Kitoku

Message par Hida Koan » 25 sept. 2014, 14:53

Je suis arrivée "Aux Mains habiles" un peu paniquée. Turakamu m'a accompagnée. Il a dit qu'il était content pour moi mais qu'on ne savait jamais. Elle va venir aujourd'hui. Et je vais savoir qui je suis. J'ai passé le petit auvent de la boutique avec apréhension. Le vendeur s'est jeté sur moi "Nous vous avons fait une sélection exceptionnelle Shosuro Kitoku-sama ! Exceptionnelle!". Il sautille dans tous les sens et ça m'agace. Magda n'est pas là. Turakamu voit mon agitation et fait un signe de la main au vendeur. Il montre une petite bourse à ce dernier. Il saura ainsi ce que je compte dépenser. Des jeunes filles me font assoir sur un petit tabouret et elles défilent tenant en mains de somptueux kimonos. Je n'y connais rien. Je les regarde à peine, j'attends Magda. Turakamu me pousse discrètement du coude pour que je choisisse. "Celui-là... Et je prends celui d'avant aussi" dis-je, laconique. Elle veulent absolument m'en faire essayer au moins un. Il est orangé, et marron, avec des rossignols et des feuilles d'érable. Celui là ou un autre, quelle importance en vrai ? Toutes, elles me poussent vers l'arrière de la boutique et s'affairent à me déshabiller.

J'entends le vendeur qui parle. Le livreur de masque à dû arriver. C'est la voix de Turakamu que je perçois maintenant. Il doit être en train de payer. Il s'approche avec le paquet. Les demoiselles crient et le repoussent en lui arrachant le paquet des mains. C'est bête, il m'a vue nue une paire de fois déjà. Elles finissent de me passer le kimono. Il me va bien. Je le sens tomber sur moi, je sais qu'elles en mentent pas. Il a l'air pratique. J'ai demandé que chacun le soit. "Je vais le prendre, je vous l'avais dit. Et le vert aussi." L'une d'elle me tend le masque, encore enveloppé dans du papier de soie. Je déchire l'emballage. Il est très beau ce masque, je l'aime bien. Je le passe, et cache les attaches dans mes cheveux. Je m'avance dans le magasin et en fait le tour du regard. Elle n'est toujours pas là. Turakamu siffle, malpoli. Le vendeur lui fait de gros yeux.

Un cri retentit. Plusieurs juste après. Je me précipite dehors. Des femmes hurlent, tout le monde s'écarte du centre de la rue. Elle est arrivée maintenant... Elle baigne dans son sang. Une tache rouge carmin, s'étend autour de son corps, depuis son poitrail ouvert. Je cours, vite, plus vite que tous ceux qui veulent s'approcher. Je tombe à genoux à côté d'elle et pose sa tête sur mes cuisses. "Petite fleur..." me dit-elle dans un souffle. Ma gorge se sert. Je manque d'air. Je secoue la tête. Mes yeux s'emplissent de larmes. "Ils vont ... te tuer" dit-elle avec effort, des bulles de sang aux coins des lèvres. "Je t'aime." Elle va mourir. Je vois la vie qui s'en va. Petites pulsations de liquide sur le sol sec. "Va voir ton frère... Il te protègera..." Aucun mot ne passera ma bouche. Je touche ses cheveux blonds, son front luisant de sueur. J'essaie d'absorber son angoisse. "Je t'aime" répète-t-elle. Ses yeux papillonnent. Elle va partir. "Va le voir...." Elle tousse, crache, s'étrangle et devient rouge. "Va voir Jot..." Sa tête s'affaisse sur le côté. Derrière mon masque, mon visage est inondé de larmes.

Je me suis levée, souillée de sang. Les yeux noirs et glacés. Tous se sont reculés. Tous sauf un. Avec sa lame. La lame qui l'avait tuée, elle. Je me suis approchée. Il a reculé. Je me suis approchée encore. Il a hurlé "C'était une gaijin. J'avais des ordres." J'ai continué d'avancer. Il m'a chargé, sabre au clair, devant tous ces témoins, il m'a attaqué, moi, désarmée. J'ai fait un pas de côté, ai frappé sa main. Il a lâché son katana. Je lui ai brisé la nuque. Ils ont tous chuchoté "... si vite... Shosuro...légitime défense... bien fait... qui?... Otado." J'ai entendu tout ça. La Garde aussi je l'ai entendu, alors je suis tombée sur les genoux et j'ai levé les mains. Ils m'ont emmenés. Turakamu a pleuré, je l'ai vu de loin. Mes larmes ont séché maintenant et j'attends. De mourir. Ou de sortir d'ici. La geôle est petite. Trop petite pour toutes mes questions.

Si je sors je vous trouverai tous les deux. Mon frère. Mon père.
Et toi Otado, je te trouverai aussi.
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