La Voix De Rokugan

La pièce était sombre, ses murs à l'enduit écaillé rappelaient que la ville était portuaire, mais le sol était propre, dénué de poussière ; un large puits en son centre semblait offrir de l'eau de mer, à quelques cinq mètres de profondeur ; un étroit escalier tournait à l'intérieur du puits, menant à une margelle et à une porte percée dans l'épaisseur du sol.

Le lézard descendit nonchalamment l'escalier, tournoyant autour de l'eau, et passa sous la porte.

Retsu regarda autour de lui se demandant l'espace d'un instant ce qu'il pouvait bien être en train de faire. Finalement, il décida de poursuivre et descendit dans le puit...

La porte était en bois verni de noir tout simple, sans fioritures ni ornementation. Les atteintes du temps avaient écaillé la pierre autour d'elle et on voyait les infiltrations d'eau dans l'enduit ; mais la porte en bois demeurait imperturbable, comme neuve. On ne voyait pas à travers la surface la marque des clous ; à part cela elle aurait pu commander l'ouverture d'une forge ou d'une caserne. Du haut de l'arche au sol, elle ne laissait aucun jour, aucune serrure, aucune poignée. Elle était semblable à une plaque unie de bois noir légèrement brillant.

Retsu passa sa main sur la surface de bois polie. Il poussa finalement sur le battant afin de l'ouvrir.

La porte ne s'ouvrit pas. Pourtant, Retsu ne sentit aucune résistance, et sa main, son bras, son corps entier, passa à travers. De saisissement, il tomba, et se retrouva allongé sur l'herbe et la mousse, sur une esplanade de pierre aux dalles parcellaires.

Une femme habillée en blanc et noir le regardait, assise dans un fauteuil de pierre blanche, avec un léger sourire. Des nuages blancs soulignés de noir flottaient dans le ciel immaculé de son kimono, qui avait une coupe démodée.

- Bienvenue, voyageur. Je suis Kumo no Eriko. J'appartiens au Clan du Nuage qui règne sur ces terres. Que sais-tu faire ?

Retsu se redressa lentement...

Eriko l'araignée ?? Cela ne lui disait rien mais soit il hallucinait, soit il se trouvait face à un yokai...

"Konichi wa, Eriko-hime." dit-il en s'inclinant.

"Je suis Hida Retsu. Je suis un bushi..." répondit-il.

- Je vois vos armes. Mais avez-vous d'autres compétences ? On ne se bat pas beaucoup par ici et on n'y a jamais vu de guerre. Et il faut bien que vous fassiez quelque chose, n'est-ce pas ?

"Je sais gérer un domaine..." répondit Retsu.

"Et puis je pratique la peinture et la musique sinon..." ajouta-t-il.

- Gérer un domaine ? Ce sont d'utiles connaissances, qui démontrent une bonne éducation. Peut-être trouverez-vous une place de régisseur ou d'intendant. De toute façon, ce sera au magicien d'en décider.

Elle sauta de son fauteuil, propulsée par ses seuls bras ; et atterrissant, elle pirouetta. Elle commença à marcher vers la tour, dans le lointain, que son déplacement avait dévoilé. Dans le ciel blanc, comme nuageux, deux boules de lumière tournaient l'une autour de l'autre.

- Suivez-moi.

Retsu regarda par dessus son épaule, soucieux de savoir si la porte l'ayant amené ici était toujours là.

Il suivi cependant le yokai sans rien dire...

Nulle porte dans son dos ; la rembarre de pierre blanche découvrait la vue sur une plaine de champs et de rizières, et au loin, des montagnes escarpées.

La femme rit lorsqu'il commença à marcher. C'était un beau rire, clair comme un ruisseau de montagne.

- Vous me prenez pour un yokai ? Vous pensez donc etre mort ? Rien n'est plus éloigné de la vérité. En réalité il est très difficile de mourrir dans notre domaine, à moins de le vouloir vraiment.

"Les yokai ne se manifestent pas exclusivement auprès des morts, Kumo-hime. Les kitsune et les tengus adorent interragir avec les vivants..."

"Puis-je donc savoir ce que vous attendez de moi ?? Vous ne m'avez pas soustrait à mes devoirs pour rien je pense..."

- Oh, ce n'est pas moi qui vous ai soustrait. Cest vous qui êtes venu jusqu'à nous. Peut-être la marque de vos secrètes intentions de vous soustraire au monde, à une vie trop pesante pour vous - oi la marque de votre destin, tout simplement. Tout ceux qui viennent ici le font pour des raisons qui leur sont propres - et la plupart s'en trouve bien.

"Je me suis contenté de suivre un gecko qui semblait soucieux que je le suive..."

"Y a t il une façon de partir d'ici ?" Finit par demander Retsu.

Elle haussa un sourcil.

- Ceux de nos membres qui deviennent marchands, et sont chargés de nous ramener des denrées extérieures, bénéficient d'un Transfert par portail. Et le magicien envoie des messagers extraordinaires... mais cela est très rare. De toute façon, pourquoi voudriez-vous nous quitter ? Nous pouvons satisfaire le moindre de vos besoins ici.