The last but not the least, la quatrième qualité d'un système de jeu est qu'il
offre des choix de jeu (tactique, ouvert, donne une emprise sur le jeu, permet des prises de risque)
Sans doute la moins essentielle mais peut être celle à laquelle je suis le plus attaché car la plus difficile à obtenir (la plus rare ?) et la plus riche en terme d'apport au jeu. Je veux dire que les 3 autres qualité (intelligibité, simplicité et réalisme) font que le système se coule dans l'univers de jeu, il correspond à ce que l'on veut jouer, les
choix de jeu devant eux même répondre à ces 3 qualités par conséquent.
Que le système "offre des choix de jeu au joueur" (pour faire plus court "tactique" dans un sens large ne se limitant pas au combat) permet aussi cette immersion mais elle doit aussi entraîner un plus, une dynamique entre les décisions du joueur, la résolution à travers le système de jeu et la description de la situation et des actions.
Ces trois éléments doivent être interdépendants et progressifs (dans le sens où ils doivent s'impacter les uns dans les autres), la mécanique de jeu devant s'effacer devant la réalisation de la scène mais aussi venant la nourrir.
Je parle bien de choix dans le mode de résolution, pas de ludisme.
Je ne parle pas du plaisir de jeter les dés, d’obtenir une réussite (ou un echec) extraordinaire sur un lancé de dés qui a un effet jackpot (ou tarte à la crème). En fait le tactique dans le mode de résolution est une prise volontaire de risque, on arbitre, on subit la loi des dés si il en résulte un aléatoire mais on ne fait pas uniquement une bête et insipide lecture de résultat.
C'est très subjectif mais mon ressenti que beaucoup de systèmes se valent tient en définitive à ce quelle que soit la démarche "originale" du système de jeu, on ne fait que jeter des dés et de suivre leur loi (ça peut être bien aussi mais bon ...).
Le choix s’oppose à la résolution aléatoire, à la lecture simple de résultat et à la martingale.
Les choix de jeu ne sont pas forcément complexes, ni même "conformes au réel", juste qu’ils comptent. On doit pouvoir prendre une prise de risque plus ou moins grande qui donne des résultats plus ou moins bons quand le PJ a l'initiative d'une action (bien sûr, pas quand il subit l'environnement).
Concrêtement pour un combat, ce peut être le choix d’une arme (l'impact du système étant alors dans la différenciation réelle des armes ce qui suppose également qu'il n'y ai pas de stratégie dominante), d’un mode d’attaque, une prise de risque plus ou moins grande de réussir ou d’échouer, d’avoir de plus ou moins grands résultats, voire d’avoir une certitude de résultat.
Comme souligné auparavant, le système de jeu offre des choix tactiques variés selon les situations,
le choix du mode de résolution selon la situation que l'on veut jouer (je poserai bien dans un message futur l'adaptation du mode de résolution / situation ou plutôt l'inverse quel mode de résolution utiliser pour telle situation) par opposition avac les systèmes de jeu qui ramènent toutes les situations sur les mêmes choix tactiques, comme par exemple
burning wheels où il s'agit de mettre des mots différents selon sur des mêmes options tactiques. C'est simple mais c'est extrémement pauvre en terme de choix, quel que soit l'importance de ceux-ci.
A résoudre toutes les situations sur les mêmes outils, on résout les mêmes situations ...
Les choix tactiques peuvent être aussi lié à la façon de mener le jeu mais il est difficile de distinguer l’outil de son usage parfois (quand on utilise une scie, c'est forcément pour scier ...).
Ainsi, L5A-DS (mais c'est déjà un principe fort de L5A-I) ne pose pas la qualité de réussite selon un résultat ou une marge de réussite où - généralement - on se contente de faire jeter les dés pour voir la qualité de la réalisation et décrit la scène en conséquence.
A l'inverse, L5A-DS pousse à ce que le joueur se fixe une qualité de réalisation (choix) et effectue son jet en conséquence.
Par exemple, un cuisinier pourra choisir si il effectue une recette simple qu'il réussit souvent ou une recette plus compliquée qu'il maîtrise moins bien (choix du ND de réalisation) ou bien si on lui impose une recette (ND imposé), il pourra mettre sa touche personnelle à travers les augmentations.
Des renseignements préalables sur les goûts culinaires de ses invités pourrait également donner un bonus substentiel à l'appreciation subjective du repas.
Les choix de jeu concernent également le développement des personnages.
Schématiquement, L5A (à voir selon les éditions mais comme les principes restent les mêmes, les variations sont a priori cosmétiques) pose des choix de développement extrèmement pauvres.
Certes, les différentes écoles posent différentes couleurs, différents styles de personnages mais ont peu d'impact.
Concernant les bushi par exemple, tout repose sur la maximisation du couple Agilité - Réflexes+1.
Les choix de développement sont considérablement plus ouverts notamment en rendant viable le développement archétypal de bushi costaud maximisant Force en utilisant des armes lourdes + armure (enfin le bushi Hida n'a pas besoin de développer Agilité pour faire des pointes en tutu
), option qui peut être renforcé par Terre (ou Constitution) en réduisant les désavantages d'armure ou des désavantages de fatigue (toujours délicats à gérer mais bon). Comme dit précédemment, les armes sont différenciées davantage par leur allonge et par leur(s) Trait(s) d'utilisation que par leur VD.
Aussi, la composante principale des résolutions étant la Compétence, les développements de capacité ne sont font par bloc (un des désavantages majeurs des système basés sur la caractéristique) et se font donc par choix. Reste au MJ de ne pas induire des stratégies dominantes dans la gestion de son monde de jeu.
Enfin, le système d'entretien des compétences se veut un outil pour laisser les joueurs arbitrer totalement leurs choix de développement en respectant les contraintes techniques (avoir les xp suffisants) et les contraintes de cohérence du monde du jeu (disposer du temps et d'un enseignement) posées par le MJ.
Le système de jeu est l'interface entre les choix / décisions des joueurs et la réalité du jeu, sa visualisation.
Il faut par conséquent une maîtrise du vocabulaire technique, du langage du système de jeu pour opérer les choix corrects ou judicieux, c'est d'autant une difficulté qu'il existe souvent un langage spécifique au domaine de l'action qui n'est pas nécessairement maîtrisé, l'important n'étant pas la maîtrise de ce langage spécifique mais bien que tout le monde à la tablée soit à la même attente de langage. Par exemple, pour un JdR ayant comme but de jouer des médecins n'aura pas le même niveau de langage spécifique selon si la tablée est composée entièrement de médecins ou non. Mais ce n'est pas un problème en soi, la première tablée jouera certainement sur un langage proche du réel de la médecine alors que la seconde aura un langage proche des séries américaines sur ce thème ...
Une problèmatique de langage et de moteur de résolution se posera si finalement on mélange les deux profils à la même tablée.
Ce problème de vocabulaire technique est particulièrement pregnant en JdR en matière de combat. Par exemple, les "spécialistes" des arts martiaux ayant une facheuse tendance à vouloir que telle prise ai une correspondance dans le système alors que ceci n'évoque strictement rien aux béotiens. Ceci est accentué par le fait que par définition le "combat réel" n'existe pas, étant lié à des oeuvres de fiction ou à la pratique de "sports" martiaux.
L5A-DS ne pose pas les choix tactiques par rapport à la maîtrise de ce langage.
Un deuxième problème est que bien souvent le choix s'oppose au principe de simplicité.
De mon point de vue - cela tient au fait que la plupart des systèmes propose les choix sous forme d'un panel d'options différentes explicites plutôt qu'une graduation et de choix progressifs implicites.
Plus il y a de choix avec chacun leurs règles et leur logique, plus il y a un besoin de mémorisation et d'adhésion, plus on rentre dans une logique de maîtrise de système pour pleinement avoir conscience des choix et de leur efficience, le système devant également veiller à ne pas établir de stratégie dominante, de chifomi, de choix obligé etc ...
Ainsi, à L5A toutes éditions confondues le combat offre des "postures" qu'il faut déclarer, le choix n'étant pas forcément complexe mais particulièrement limité et pauvre où l'on se trouve dans une procédure de déclaration qu'il faut suivre. Je ne m'étends pas là dessus et renvoie toute observation contraire au préambule de ce sujet (si vous êtes content de L5A officiel inutile de lire ce sujet).
A l'inverse, L5A-DS propose une graduation : le même choix que l'on exerce sur une plus ou moins grande échelle ; des choix progressifs : 1) le perso a une capacité 2) qui subit ou fait subir une graduation de désavantage l'impactant 3) choisit un nombre d'effort défensif impactant l'initiative 4) choisit l'action et le nombre d'augmentation impactant le jet de touché 5) entrainant le jet de dommages.
Le tout étant implicite puisque tant l'effort défensif que les augmentations n'ont pas besoin d'être annoncées, en écartant les dés le joueur tacitement fait des efforts défensifs ou fait des augmentations. Cela donne beaucoup de fluidité, la tablée peut moins se focaliser sur la résolution à travers le système pour donner davantage de description et de décisions.
Il en résulte que - dans la mesure où les joueurs se piquent au jeu - la phase de détermination de désavantages n'est pas tant la prise en compte d'éléments extérieurs pour simuler une "réalité" (ce qui est le cas dans beaucoup de jeux) que l'occasion de faire jouer les circonstances en sa faveur pour ne pas subir ou faire subir des désavantages à l'adversaire (cf principe de compensation) dans la même logique que le Musashi de la Pierre et le Sabre va faire jouer sa science martiale pour ne pas affronter "trop" d'adversaire ou qu'en se mettant le soleil dans le dos le duelliste va aveugler son adversaire ...
Cette phase offre déjà des choix, subir des désavantages, c'est limiter les choix futurs. Un personnage ayant 5g3 en Initiative, 6g3 au Touché subissant un "petit" désavantage fera 4g3 en Initiative et 5g3 au Touché.
La phase d'initiative quant à elle ouvre le choix des efforts défensifs. Le personnage précédent ayant 2 en Combat et 3 en Réflexes pourra faire 0, 1 ou 2 efforts défensifs réduisant d'autant ses jets d'Initiative et de Touché pour un gain de 0 à 10 à son ND (de 15 à 25).
Ce jet se fait en aveugle de l'adversaire, concrètement le personnage prend ses 4 dés d'initiative et en écarte le nombre de ses efforts défensifs. Dans les faits, cela correspond aux choix "programmés", "codés" que pratiquent certains systèmes sans avoir la lourdeur de l'écrire, d'utiliser un marqueur ou autre.
Si le joueur décide de faire un effort défensif, il écarte un dé et jette 3g3 à l'initiative.
La phase de touché quant à elle ouvre le choix des augmentations de dommages. Le choix précédent ayant été fait en aveugle de l'adversaire, c'est à ce moment qu'est révélé le ND pour être touché de l'adversaire et il faut arbitrer le choix entre réduire ses chances de toucher et augmenter ses chances de faire davantage de dommages. Le personnage de l'exemple ayant 4g3 au jet de touché, l'adversaire lui annonce un ND de 15, il décide alors de faire une augmentation de dommage pour pouvoir faire 4g2 de dommages au lieu de 3g2.
Cette description peut laisser penser qu'un personnage a toujours intérêt à effectuer le maximum d'efforts défensifs mais dans la pratique cela n'a rien d'un absolu. Cela dépend des capacités du personnage et celles que l'on devine / suppose de l'adversaire.
Gagner 5 de ND, c'est bien mais c'est au prix de 1 dé jeté en moins à l'initiative et au touché. 10 de gain de ND c'est 2 dés en moins et encore une fois les tables de touché donnent de très grosses probabilités de touché à équivalence de Réflexes / agilité - compétence ...
Il y a en effet un effet progressif des désavantages et augmentations. Perdre un dé quand on en jette 4 et garde 3 n'a pas le même impact quand on en jette 7 et garde 3. L'importance de la composante secondaire dans la résolution est nettement plus forte.
Avoir l'opportunité de frapper avant l'adversaire, c'est pouvoir lui infliger des blessures et donc des désavantages qui s'appliqueront à son jet de touché.
Quand bien même, si 5 de gain de ND vous semble beaucoup, il est toujours possible de le réduire à 4 ou à 3. A chaque tablée de trouver son équilibre.
L5A-DS pose des choix progressifs tout au long de la résolution, cela pose une dynamique sans cesse évolutive à l'opposé d'une traditionnelle phase de déclaration d'intention et la résolution de la routine qui en découle. Il n'y a pas de martingale, de "bon" choix dans l'absolu ou de chifomi. Juste des prises de risques qui sont payantes ou non ...
A suivre
"dynamique entre les décisions du joueur, la résolution à travers le système de jeu et la description de la situation et des actions" --> dynamique et cinématique du combat.
En cherchant la voie, vous trouverez le vide. Dans le vide est la force sans le mal.