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par Pénombre » 18 mars 2010, 14:58
En fait, dans l'expérience initiale de Milgram, le sujet est encore plus manipulé : on le convie à participer à une expérience sur les réponses de la personne interrogée afin, soit-disant, de voir si la douleur peut influencer la qualité des réponses... grosso-modo, on dit au sujet "on a besoin de vous, parce qu'il faut que l'expérience soit impartiale et donc, qu'il y ait une personne extérieure à l'équipe de recherche. Tout ce qu'on veut savoir, c'est si le fait de causer une douleur d'intensité croissante au gars interrogé quand il se plante va l'aider ou pas à améliorer ses réponses".
C'est à dire que non content d'avoir près de lui un type en blouse qui le coache, notre sujet se voit également offrir un "prétexte scientifique" : on a besoin de lui et c'est pour mesurer quelque chose de manière impartiale.
On ne lui dit jamais "vous êtes vous même évalué" ou que son propre comportement a une incidence quelconque sur ce qui se passe... ce qu'on lui dit, c'est qu'il est juste là pour délivrer un choc électrique lorsque l'autre (le faux sujet donc) se plante et que l'important, c'est de voir comment ça influe sur la suite. Dans l'absolu, on ne lui demande pas de faire preuve de compassion, ou de fermeté, ou quoi que ce soit... on lui dit juste "il se plante, tu appuies sur le bouton, c'est tout".
Le protocole de Milgram reposait en partie sur la notion que le sujet n'a a priori aucune raison de ressentir quoi que ce soit vis à vis de la personne interrogée. Il ne la connait pas, n'est pas là pour la sanctionner, ou la juger, n'a rien à lui reprocher de réel ou d'imaginaire. Il est juste une sorte d'intermédiaire "mécanique et impartial" de la loi des conséquences : mauvaise réponse = choc électrique.
Donc, on évacue au maximum toute notion de relation interpersonnelle, on déresponsabilise à bloc le sujet (il ne juge pas, il réagit à un protocole. Il ne décide pas, il y a une figure d'autorité qui l'a fait. Il n'éprouve rien à l'encontre de l'interrogé, il ne le connait pas...) et on voit jusqu'où un inconnu accepte d'en punir un autre sous les injonctions d'un troisième, pour des raisons qui ne sont pas les siennes et en considérant que "c'est pas lui qui décide"...