je me doute, mais c'est une question de règles
en fait, un tas de trucs narratifs ne correspondent pas aux règles. C'est pour ça par exemple qu'ils avaient développé l'école Kensai Mirumoto : pour des gars censés rivaliser depuis 1000 ans avec les Kakita, les Mirumoto classiques n'avaient aucune technique utilisable en duel
ce que je voulais montrer dans Eveil, c'est bien la différence justement entre deux approches :
- si on lit Niten, Mirumoto explique qu'il ne faut pas cultiver une sorte d'état d'esprit du combattant mais que celui ci doit être permanent. Qu'à chaque instant, le guerrier doit être prèt à
tout. Une sorte de vigilance passive permanente, presque instinctive et inconsciente tellement elle fait partie de l'existence même du guerrier.
- a contrario, l'école Akodo repose bien plus sur la construction de la volonté et du corps. Elle forge un guerrier à travers une éthique, un entrainement physique et intellectuel à la fois (cf Commandement mais aussi l'exemple d'entrainement Akodo dans voie du Samurai ou l'on travaille le geste, le souffle, la mémoire et l'érudition en même temps).
d'un coup, le frère du narrateur passe à un autre palier de conscience, sa nature "instinctive" de bushi Mirumoto se transcende et lui ouvre le chemin vers sa nouvelle vie. Face à lui, les Akodo n'ont qu'une seule chose à opposer, c'est leur courage et même s'ils perdent, c'est ce courage qui fait que le frère de celui qui les as tué honore leur mémoire.
en ce qui concerne Bushido, je voulais dépeindre quelque chose qui m'as été inspiré par les fameux Egarés de Daigotsu, sauf que je ne voyais pas très bien pourquoi parmi les gens corrompus par la souillure d'autres n'auraient pas suivi le même chemin avant Daigotsu justement. C'est à dire tenté de trouver un sens, une éthique, une raison d'être à leur servitude. Le narrateur n'est pas un homme qui a basculé dans le mal, ou qui a suivi quelqu'un à tort jusqu'à devenir corrompu ou qui s'est laisser piéger par des paroles trompeuses. Il a simplement eu la malchance que son destin soit de naitre du mauvais côté du mur.
Avant le Second Jour des Tonnerres, l'aspect "côté obscur de l'empire" de l'outremonde est très peu développé. Il y a bien quelques entités comme Moto Tsume ou Tsukuro mais ce sont d'anciens samurai corrompus, pas des véritables "natifs". Idem pour les maho-bujin. Tu peux relier ce personnage à l'oni anonyme de mon texte intitulé "l'héritage de l'oni" : tous deux ont perçu que fondamentalement, l'existence de l'outremonde si elle participe d'un dessein cosmique n'a rien à voir par contre avec les illusions morales/spirituelles que peuvent en avoir les mortels, ou même les oni. Comme le dit l'oni dans l'autre texte, il est ce qu'il est parce qu'il fallait que quelqu'un le soit et il ne paye aucun crime ni ne purge aucun manque. De même, quelle que puisse avoir été l'éventuelle vie antérieure du personnage de Bushido, il se trouve qu'on a fait en sorte qu'il soit une abomination sans espoir de rédemption dans sa nouvelle existence. Qui peut durer des millénaires...
ces êtres là ne sont pas des méchants de tragédie qui peuvent espérer une rédemption, une libération. Ils sont là ou ils sont jusqu'à la fin des temps parce qu'il fallait qu'ils y soient, indépendamment de leurs fautes ou même de leur désir de racheter quelque chose qu'ils sont bien en peine de nommer. C'est une destinée immanente, amorale et universelle qui les emporte, pas simplement le karma. Tout au moins de leur point de vue. Tout ce qui leur reste, c'est d'entretenir quelque chose qui leur permette de donner un sens à cela. L'oni a découvert comment atteindre l'illumination qui lui est à jamais interdite et il n'a pas fini d'en souffrir. L'akutenshi lui a trouvé comment accepter sa destinée et la vivre sans remord ni regret ou souhait qu'elle soit autre. L'un comme l'autre ont trouvé ce qu'ils étaient en regardant de l'autre côté du miroir. L'un en est brisé à jamais et l'autre y a trouvé un sens à son existence.
mais au final, l'un comme l'autre subissent quelque chose qui dépasse leur vie et même leurs existences passées, si elles ont existé. Ils n'ont pas souhaité être là et ne peuvent espérer en sortir un jour. Jamais. Fu Leng lui a embrassé cette corruption qu'il ne souhaitait pas mais dans le fond, qu'était-il de plus qu'un pauvre gosse gaté-pourri et égocentrique avant que son père ne le dévore ?