C'est plus nébuleux que ça et ça repose surtout sur le principe de se comporter honorablement.
Il n'y a pas de traces écrites, ni de barème de comparaison des faveurs. En fait, comme c'est assez flou, la manière dont on présente une faveur qu'on fait, les circonstances dans lesquelles elle est rendue et l'importance qu'elle a pour le bénéficiaire influencent la manière dont il s'estimera en dette.
De fait, certaines faveurs relèvent d'ailleurs davantage de la "dette morale" que d'un service à rendre. Par exemple, un samurai qui va commettre un acte déshonorant très important sous l'emprise de l'émotion à cause d'un drame personnel peut s'en voir empêché par un samurai d'un autre clan, qui trouve les bons mots au bon moment et amène le samurai à se reprendre avant de commettre l'irréparable.
Publiquement, l'acte n'ayant pas été commis, il ne s'est rien passé. Maintenant, le samurai qui a failli être fautif peut estimer qu'il est redevable à l'autre de lui avoir donné l'occasion de se rattraper et d'agir honorablement. Il peut décider que cette dette sera soldée lorsqu'il aura rendu un service d'importance à son "créancier", ou considérer qu'en fait, c'est la substance de l'aide qui lui a été accordée qui importe plus que la forme. Ainsi, il pourrait se montrer désormais respectueux envers ce samurai d'un autre clan, voire cultiver son amitié en prenant soin d'écouter ses recommandations, ou le considérer comme une sorte de référent spirituel, voire de mentor. Il ne va donc pas lui "rendre un service" mais son comportement évoluera en conséquence et du coup, il se montrera beaucoup mieux disposé envers l'autre que la simple politesse le demande.
Après, on peut aussi y aller plus franchement dans le genre "ma famille est en difficulté pour des raisons idiotes, mais je n'en parle qu'à des gens dignes de confiance, pour garder la face. C'est vraiment ridicule, mais bon, j'avoue que ça m'irrite un peu." ce qui veut dire en clair "J'ai un problème important et vous m'en devez une. Si vous m'aidez, on sera quittes". Ou un truc du genre.
L'étiquette rokugani repose entre autres sur le principe qu'on veille à ne pas offenser autrui. On ne lui dit donc pas "vous me devez une faveur" parce que ce serait grossier et insultant. On use donc de périphrases et de manières détournées, pour que l'autre puisse s'impliquer de manière "honorable". Par exemple, si je reprends mon exemple, il pourrait dire un truc du genre "ah, je suis navré que votre sérénité soit troublée par de si insignifiants problèmes. Peut-être que je pourrais prendre un moment pour voir si je peux vous épargner ces désagréments stupides ?". Et après, seulement, on parlera de manière plus directe puisqu'un accord de principe a été donné (= l'autre samurai a clairement indiqué qu'il voulait bien solder sa dette).
Dans beaucoup de cas, il n'y a pas de "comptabilité" rigide je te dois tant, tu me dois ça. On s'intéresse aussi à la manière dont les gens demandent des faveurs, ou les rendent. Les Grues, en particulier, aiment entretenir l'image de personnes honorables et donc, ils s'efforcent de procéder avec tact, diplomatie et de tabler davantage sur la bienveillance, qui lubrifie les relations sociales, que sur des faveurs en bonne et due forme. Leur façon de faire, comme pour tout ce qui est social, influence les autres clans dans la manière dont ils agissent sur le terrain des faveurs, avec des nuances parfois de taille. Si la majorité des samurai, en particulier Grues, Lion, Phénix, agissent dans cette même optique de "puisque nous sommes entre gens honorables, on ne va pas jouer les boutiquiers", à l'inverse, les Crabes, Licornes et Mantes ont une approche bien plus pointue et sont beaucoup plus méfiants (parce qu'ils considèrent que les motivations des autres ne sont pas aussi honorables qu'ils le prétendent) même si les Licornes savent rester amicaux et conviviaux, leur manière de faire est plus "occidentale". Enfin, les Scorpions préfèrent jouer dans le sous-entendu et la menace implicite, du genre "vous allez me rendre ce petit service parce que vous ne voulez pas savoir ce qui arriverait si vous refusiez", mais ils ne peuvent pas le faire systématiquement. Ils ont alors deux manières d'approcher le problème : soit ils font du chantage (mais toujours en y mettant un peu les formes), soit ils se débrouillent pour rendre un service qu'on ne leur a pas demandé.
Ce sont des tendances générales, hein. Il y a des Grues assez mercantiles, des Scorpions qui semblent dignes de confiance (et agissent souvent de manière à ce que ça se confirme au moins aux yeux des autres), etc.
Bon, on peut en dire encore des tonnes et des tonnes, mais je pense que ça donne un petit aperçu de comment gérer les choses : privilégier l'implicite, le sens des convenance, le "entre nous, personnes honorables..." et l'étiquette aux transactions bassement mercantiles